790 ASSM Attitude face à la fin de vie et à la mort - nouvelles directives médico-éthiques de l'ASSM

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790 ASSM Attitude face à la fin de vie et à la mort - nouvelles directives médico-éthiques de l'ASSM
BMS – SÄZ Schweizerische Ärztezeitung – Bollettino dei medici svizzeri – Gasetta dals medis svizzers

                   Bulletin des
                   médecins suisses
                    785 Editorial                                                     816 Horizons                                                   820 «Et encore…»
                    3 – 2 – 1 – Coach my Career,                                      «Es ist schwierig, ein guter                                   par Dominik Heim
24 13. 6. 2018

                    c’est parti!                                                      Doktor zu sein»                                                Du charme des petits
                                                                                                                                                     ­c ongrès

                    790 ASSM
                    Attitude face à la fin de ­
                    vie et à la mort – nouvelles
                    directives médico-éthiques
                    de l’ASSM

                                                 Offizielles Organ der FMH und der FMH Services www.saez.ch
                                                 Organe officiel de la FMH et de FMH Services www.bullmed.ch
                                                 Bollettino ufficiale della FMH e del FMH Services
                                                 Organ ufficial da la FMH e da la FMH Services
                 Published under the copyright license “Attribution – Non-Commercial – NoDerivatives 4.0”. No commercial reuse without permission.       See: http://emh.ch/en/services/permissions.html
790 ASSM Attitude face à la fin de vie et à la mort - nouvelles directives médico-éthiques de l'ASSM
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Rédaction                                                                                         Rédaction Ethique
Dr méd. et lic. phil. Bruno Kesseli, membre de la FMH (Rédacteur                                  Prof. Dr théol. Christina Aus der Au, p.-d.; Prof. Dr méd. Lazare
en chef); biol. dipl. Tanja Kühnle (Managing Editor);                                             Benaroyo, membre de la FMH; Dr phil., biol. dipl. Rouven Porz, p.-d.
Dr méd. vét. Matthias Scholer (Rédacteur Print et Online);                                        Rédaction Histoire de la médecine
Dr méd. Werner Bauer, membre de la FMH; Prof. Dr méd. Samia Hurst;                                Prof. Dr méd. et lic. phil. Iris Ritzmann; Prof. Dr ès sc. soc. Eberhard Wolff
Dr méd. Jean Martin, membre de la FMH; Dr méd. Jürg Schlup,                                       Rédaction Droit
président de la FMH; Charlotte Schweizer, cheffe de la communication                              Me Hanspeter Kuhn, avocat
de la FMH; Prof. Dr méd. Hans Stalder, membre de la FMH;
Dr méd. Erhard Taverna, membre de la FMH

FMH
        ÉDITORIAL:Jürg Unger-Köppel
 785 3 – 2 – 1 – Coach my Career, c’est parti!

        DROIT: Eva Druey Just
 786 Mesures d’économie et risques liés à la responsabilité civile Suite à la présentation du catalogue de propositions d’un
        groupe d’experts du DFI, les discussions sur les mesures visant à freiner les coûts de la santé se sont de nouveau intensifiées à
        l’automne dernier. Nombre de ces mesures présentent des risques supplémentaires liés à la responsabilité civile – un point auquel
        la discussion sur les objectifs d’économie a accordé trop peu d’importance jusqu’à présent.

Autres groupements et institutions
                                                      ASSM: C
                                                             hristian Kind
 790                                                 ​Attitude face à la fin de vie et à la mort Le traitement, la prise en charge et l’accompagnement
                                                      de patientes et de patients confrontés à leur propre mort est une mission centrale de la médecine
                                                      qui exige un profond respect de la dignité et de la volonté autodéterminée des patients et une haute
                                                      responsabilité éthique. L’ASSM a rédigé des directives médico-éthiques qui traitent de l’attitude face à
                                                      la fin de vie et à la mort, dont la version définitive a été approuvée par le Sénat de l’ASSM le 17 mai 2018.

        ASSM:Organisation responsable «smarter medicine»
 793 «smarter medicine»: la liste «Top-5» de la SSN

        SIB:Valérie Barbié, Aitana Lebrand, Maïa Berman
 795 La santé de demain, déjà à la portée des médecins

Courrier / Communications
 796 Courrier au BMS

FMH Services
 803 Emplois et cabinets médicaux (version imprimée uniquement)

Published under the copyright license “Attribution – Non-Commercial – NoDerivatives 4.0”. No commercial reuse without permission.        See: http://emh.ch/en/services/permissions.html
790 ASSM Attitude face à la fin de vie et à la mort - nouvelles directives médico-éthiques de l'ASSM
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Tribune
        POINT DE VUE: Rainer M. Kaelin, Roland Niedermann
  811 Deuxième projet de loi sur les ­produits du tabac – tromperie!

        POINT DE VUE: Rolf H. Adler
  814 Nicht jedes Leiden braucht eine Diagnose

Horizons
        RENCONTRE AVEC… GABRIELA ROHRER:Daniel Lüthi
  816 «Es ist schwierig, ein guter Doktor zu sein»

Et encore…
        Dominik Heim
 820 Du charme des petits congrès

ANNA

Impressum
Bulletin des médecins suisses                   personne de contact,                             Prix de l’abonnement: abonnement              de l’autorisation de EMH et sur la base
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Adresse de la rédaction: Elisa Jaun,            stellenmarkt@emh.ch
                                                                                                 version en ligne: 1424-4004                   dans ce journal ont été vérifiées avec
Assistante de rédaction BMS,
                                                «Office de placement»: FMH Consul-               Paraît le mercredi                            le plus grand soin. Les publications
EMH Editions médicales suisses SA,
                                                ting Services, Office de placement,                                                            signées du nom des auteurs reflètent
Farnsburgerstrasse 8, 4132 Muttenz,                                                               © FMH
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tél. +41 (0)61 467 85 72,                                                                         Le Bulletin des médecins suisses est
                                                tél. +41 (0)41 925 00 77,                                                                      pas forcément celle de la rédaction du
fax +41 (0)61 467 85 56,                                                                          actuellement une publication en libre
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790 ASSM Attitude face à la fin de vie et à la mort - nouvelles directives médico-éthiques de l'ASSM
FMH Editorial                                                                                                                                                                            785

3 – 2 – 1 – Coach my Career,
c’est parti!
Jürg Unger-Köppel
Dr méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Médecine et tarifs hospitaliers

                                La lecture de l’extrait suivant du communiqué de                                   parition des soins de premier recours. Pour fonction-
                                presse de la section bâloise de l’ASMAC du 23 mai 2018                             ner, le système de santé doit reposer sur l’ensemble de
                                au sujet d’une enquête menée auprès de quelque                                     la pyramide des soins, de la médecine générale à la
                                2500 de ses membres vous a-t-elle, vous aussi, alarmés?                            ­médecine hautement spécialisée. Le projet «Coach my
                                                                                                                   Career» entend y contribuer et aider les jeunes méde-
                                L’ASMAC juge une autre conclusion de l’enquête préoccu­                            cins à trouver leur place dans ce système global. Sou-
                                pante. En effet, à peine deux tiers des personnes inter­ro­                        vent, la discipline à laquelle on se destine lors des
                                gées choisiraient à nouveau la profession de médecin si                            études n’est pas celle dans laquelle on excelle plus tard
                                elles pouvaient revenir en arrière. Plus de 13% ont même                           dans notre carrière. Pour élargir leur horizon et les
                                répondu par un «non» clair signifiant que si elles le pou-                         ­guider dans leur choix professionnel, les mentors ont
                                vaient, elles choisiraient une autre voie profession-                              pour mission de présenter de nouvelles perspectives
                                nelle. Et plus de 22% se déclarent «indécis» (trad. FMH).                          à leurs mentorés ou de les conforter dans leur choix
                                                                                                                   de carrière, tout en les aidant à concrétiser leurs idées
                                Ces résultats rejoignent ceux de l’enquête menée                                   de façon ciblée et à concilier vie privée et vie profes-
                                chaque année par l’institut gfs.bern sur mandat de la                              sionnelle.
                                FMH auprès d’un échantillon représentatif de
                                mem­bres de la FMH en cabinet et à l’hôpital. Si                              Ce projet vise à aider les jeunes médecins à
                                l’échantillon de l’ASMAC comprend sans doute un                               trouver leur place dans le système de santé.
                                nombre plus élevé de jeunes médecins du fait de la
                                structure différente de ses membres, l’enquête de la                               Les «séniors» sont prêts. Peu de temps après l’annonce
                                FMH auprès de médecins de tous les groupes d’âges                                  du projet, ils étaient déjà plus de 30 à s’être inscrits
                                montre elle aussi une désillusion croissante à l’égard                             comme mentors auprès du secrétariat de l’AMDHS. Ils
                                de la profession. Désillusion qui s’explique principale-                           seront formés à leur rôle essentiel encore avant les
                                ment par la charge administrative, en particulier chez                             ­vacances d’été afin d’être opérationnels dès la rentrée
                                les jeunes médecins, à qui cette tâche est le plus sou-                            2018. Les jeunes médecins qui souhaitent réfléchir à
                                vent dévolue dans les hôpitaux. Mais ce n’est pas une                              leurs perspectives d’avenir aux côtés de confrères plus
                                                                                                                   âgés et attentifs peuvent donc s’annoncer dès à présent
                           Sommes-nous à l’aube d’une ère de muséifica-                                            au secrétariat de l’AMDHS.
                           tion des hôpitaux?                                                                      L’un des principaux objectifs du tout nouveau projet
                                                                                                                   «Coach my Career» vise à redonner une vision d’avenir
                                fatalité. Les hôpitaux seraient bien inspirés d’appliquer                          positive aux jeunes médecins afin qu’ils trouvent leur
                                les recommandations de l’ASMAC sur le thème «Plus de                               place dans le système de santé et confirment leur choix
                                médecine, moins de bureaucratie!» et de trouver ainsi                              de carrière, dans l’intérêt de nos patientes et de nos pa-
                                de nouvelles pistes pour l’avenir aux côtés de leur res-                           tients.
                                source la plus précieuse – les jeunes médecins.
                                Sommes-nous à l’aube d’une ère nouvelle où de nom-
                                breux centres hospitaliers érigés aujourd’hui à grands                             Pour toute inscription en tant que men-
                                renforts de moyens financiers finiront par se vider et
                                                                                                                   toré (ou mentor), dans un premier temps
                                par se transformer en musées faute de personnel sou-
                                                                                                                   uniquement en Suisse alémanique:
                                haitant y travailler? Où l’infrastructure coûteuse sera
                                                                                                                   Association des médecins dirigeants d’hôpitaux
                                exposée dans des locaux vides telles des pièces de
                                                                                                                   de Suisse (AMDHS)
                                ­musée comme pour rappeler leur fonction initiale?                                 Secrétariat, Postgasse 19, case postale, 3000 Berne
                                C’est ce qu’il faut à tout prix éviter, tout comme la dis-                         Tél: 031 330 90 01, courriel: info(at)vlss.ch

BULLETIN DES MÉDECINS SUISSES – SCHWEIZERISCHE ÄRZTEZEITUNG – BOLLETTINO DEI MEDICI SVIZZERI                                  2018;99(24):785
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790 ASSM Attitude face à la fin de vie et à la mort - nouvelles directives médico-éthiques de l'ASSM
FMH Droit                                                                                                                                                                               786

Mesures d’économie et risques
liés à la responsabilité civile
Eva Druey Just
Dr iur., avocate à Coire

                                Suite à la présentation du catalogue de propositions d’un groupe d’experts du DFI,
                                les discussions sur les mesures visant à freiner les coûts de la santé se sont de nou­
                                veau intensifiées à l’automne dernier. Nombre de ces mesures présentent des
                                risques supplémentaires liés à la responsabilité civile – un point auquel la discus­
                                sion sur les objectifs d’économie a accordé trop peu d’importance jusqu’à présent.

                                Les efforts pour maîtriser les coûts                                               ble, une perte de la qualité. Le rationnement est, d’une
                                                                                                                   part, en contradiction avec les objectifs de l’art. 43 al. 6
                                Rationnement et rationalisation                                                    de la LAMal [3] qui exige que «les soins soient appro­
                                Depuis des années, tous les acteurs de la santé s’ef­                              priés et leur qualité de haut niveau, tout en étant le
                                forcent de réduire les coûts. Pour eux, il s’agit d’éviter                         plus avantageux possible». D’autre part, le médecin
                                l’inutile sans perte de qualité et d’organiser les proces­                         doit faire preuve de diligence et se conformer aux
                                sus de manière plus efficiente [1]. Récemment, un                                  règles de l’art et doit ainsi des soins de qualité à son pa­
                                groupe d’experts interdisciplinaire du DFI a enrichi le                            tient. Un rapport de tension s’établit donc entre la
                                débat en présentant une palette de nouvelles idées                                 baisse des coûts et le devoir de qualité. Nous dévelop­
                                avec, pour certaines, des changements particulière­                                pons ci-dessous comment ce rapport peut impacter les
                                ment importants à la clé, comme l’introduction de                                  risques liés à la responsabilité civile.
                                budgets globaux [2].
                                Si la rationalisation est tout à fait souhaitable, il ne faut                      Mesures visant à freiner la hausse des coûts: ce
                                pas la confondre avec le rationnement: ici, il ne s’agit                           qui est connu, ce qui est nouveau
                                pas simplement d’améliorer l’efficience mais aussi de
                                limiter des prestations qui, du point de vue médical,                              Les mesures connues
                                seraient nécessaires avec, pour conséquence inévita­                               Les mesures déjà mises en place au niveau politique [4]
                                                                                                                   se concentrent sur une planification renforcée de
                                                                                                                   l’offre, en particulier par la planification hospitalière et
La collecte d’idées visant à réduire les coûts de la santé bat son plein. De                                       la limitation des admissions pour les cabinets médi­
nombreuses mesures, dont une planification renforcée de l’offre, la réduc-                                         caux. En parallèle, des réductions ont été décidées sur
tion des prix des médicaments ou l’augmentation de la pression sur les                                             les prix des médicaments, ainsi que des interventions
prix, sont déjà en cours d’application. Des idées comme l’introduction de                                          dans la structure tarifaire TARMED pour éviter les in­
budgets globaux, le respect strict du principe de l’ambulatoire avant                                              citatifs négatifs et la sur-rémunération [5].
­l’hospitalier ou le renforcement du contrôle des factures sont en discus-                                         Les baisses des prix ont été atteintes moins par l’action
sion. Le fait que les mesures proposées augmentent les risques liés à la                                           politique que par la voie judiciaire. Les hôpitaux ont
responsabilité civile des fournisseurs de prestations à bien des égards n’est                                      subi des baisses sensibles de l’indemnisation de leurs
toutefois guère évoqué dans cette discussion. Ces risques accrus ne seront                                         prestations ambulatoires. Mais aussi les prix de base
pas sans conséquences: soit les mesures d’économie seront contournées,                                             des traitements hospitaliers ont tendance à être au­
soit les primes des assurances responsabilité civile connaîtront une hausse                                        jourd’hui plus bas qu’au moment de l’introduction des
significative. Dans les deux cas, cela signifie un pas en arrière sur la voie                                      forfaits par cas en 2012 [6]. L’arrêt du Tribunal fédéral
de la maîtrise des coûts. Les acteurs de la santé feraient bien de ne pas                                          sur le myozyme illustre de manière spectaculaire les
­laisser complètement de côté le problème de la responsabilité civile dans                                         efforts judiciaires mis en œuvre pour réduire les coûts
la discussion sur les mesures d’économie.                                                                          [7]. Dans les considérants de cet arrêt, le Tribunal fédé­

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790 ASSM Attitude face à la fin de vie et à la mort - nouvelles directives médico-éthiques de l'ASSM
FMH Droit                                                                                                                                                                               787

                                ral lorgne sur la méthode intitulée «QALY», sans pour                                  respectivement de ne les reprendre qu’après un exa­
                                autant l’approuver ou la rejeter concrètement. D’après                                 men strict de l’indication.
                                cette méthode, les coûts de traitement pour un patient                             – Contrôle des factures: aujourd’hui déjà, les presta­
                                pourraient être limités à une somme déterminée –                                       tions médicales prises en charge par l’AOS doivent
                                il était question d’une somme de CHF 100 000 – par                                     être efficaces, appropriées et économiques (critères
                                ­année de vie supplémentaire avec une qualité de vie                                   EAE). Si un traitement déjà dispensé est considéré
                                élevée (quality-adjusted life year pour QALY).                                         ultérieurement comme non conforme aux critères
                                Les mesures évoquées relèvent majoritairement du do­                                   EAE, l’assurance refuse de le prendre en charge. Il
                                maine de la rationalisation. Le rationnement, à savoir                                 est question de renforcer encore ce contrôle. Il de­
                                les limitations concrètes des prestations et de la qua­                                viendra nécessaire de demander plus souvent une
                                lité, apparaît seulement de manière isolée. La limita­                                 garantie de prise en charge par l’assurance.
                                tion de 20 minutes instaurée au 1er janvier 2018 avec le                           Les quatre mesures évoquées ici vont davantage dans
                                TARMED 1.09 pour une consultation normale consti­                                  le sens du rationnement que celles déjà mises en
                                tue au sens strict un rationnement mais accepte des                                œuvre. En particulier les plafonnements globaux, mais
                                exceptions pour les patients nécessitant plus de soins.                            aussi les autres mesures, impliquent que des presta­
                                De ce fait, elle ne devrait pas avoir d’impact médical né­                         tions ne soient pas fournies malgré l’indication médi­
                                gatif. Un rationnement caché apparaît en revanche                                  cale. Les trois dernières mesures, en particulier, s’im­
                                lorsque les prix ont été tellement baissés qu’il n’est                             miscent dans la compétence thérapeutique du médecin
                                plus possible de fournir des soins en couvrant les frais                           et transfèrent des décisions thérapeutiques concrètes
                                malgré un haut niveau d’efficience. Le recours à la mé­                            aux assureurs-maladie, aux médecins-conseils ou en­
                                thode QUALY qui, jusqu’à présent, n’a pas été mise en                              core au catalogue des prestations obligatoires.
                                œuvre de manière cohérente au niveau politique ou ju­
                                diciaire, déboucherait sur des rationnements très nets.
                                                                                                                   Maîtrise des coûts et risques liés à la res-
                                                                                                                   ponsabilité civile
                                Nouvelles mesures en discussion ou
                                en ­planification                                                                  La diligence due par le médecin
                                Il n’est pas possible ici de se pencher sur l’ensemble des                         Tout médecin est tenu à la diligence dans l’exercice de
                                mesures en discussion ou en planification. Seules                                  son art. Il doit toujours «traiter son patient conformé­
                                quelques mesures qui suscitent actuellement de vives                               ment aux règles de l’art afin de le protéger dans sa vie
                                discussions sont mentionnées ci-après [8]:                                         et sa santé. Il doit notamment observer la diligence re­
                                – Définition d’un plafond limitant l’augmentation des                              quise par les circonstances et qu’on peut attendre de
                                    coûts à la charge de l’assurance obligatoire des soins                         lui. En principe, le médecin répond de tout manque­
                                    (AOS): la hausse admise pour les dépenses de santé                             ment à ses devoirs.» [11] Au cas par cas, ce sont les at­
                                    est fixée au préalable. Selon cette proposition for­                           tentes légitimes du patient qui sont déterminantes [12].
                                    mulée, les quatre grandes catégories de coûts à la                             Si la diligence exigée fait défaut, le médecin s’expose à
                                    charge de l’AOS (hôpitaux, médecins en cabinets                                des actions en dommages et intérêts ou à des consé­
                                    privés, médicaments et autres) se verraient attri­                             quences pénales. La jurisprudence à ce sujet est in­
                                    buer chacune un budget, soit un plafond assorti de                             changée depuis des années. Les réflexions sur les coûts
                                    sanctions en cas de dépassement. Lorsque le budget                             lui sont en grande partie restées étrangères.
                                    annuel est atteint, un traitement doit être repoussé
                                    jusqu’à la prochaine période budgétaire, si c’est mé­                          La compatibilité des mesures d’économie avec le
                                    dicalement indiqué. Les «prestations nécessaires»                              droit de la responsabilité civile
                                    [9] doivent pouvoir continuer d’être fournies.
                                – L’ambulatoire avant l’hospitalier: les interventions                             Les mesures visant à réduire les coûts: un argu-
                                    simples, pour lesquelles un séjour hospitalier n’est                           ment ­libératoire en cas de dommage
                                    pas nécessaire, doivent être obligatoirement exécu­                            Les efforts de ces dernières années pour réduire les
                                    tées en ambulatoire. Les cantons de Zurich et de Lu­                           coûts n’ont guère pu influencer la jurisprudence du
                                    cerne ont déjà édicté leurs listes respectives de ces                          droit de la responsabilité civile pour la simple raison
                                    interventions, la Confédération va leur emboîter le                            que cette dernière se joue entre le médecin et le pa­
                                    pas au 1er janvier 2019 [10].                                                  tient. A l’inverse, les mesures d’économie concernent
                                – Health Technology Assessment (HTA): il s’agit de vé­                             toujours le financement. Ce dernier, d’après notre sys­
                                    rifier le catalogue des prestations obligatoires et                            tème, n’impacte généralement pas le rapport entre le
                                    éventuellement d’exclure des prestations de l’AOS                              fournisseur de prestations et le patient mais celui du

BULLETIN DES MÉDECINS SUISSES – SCHWEIZERISCHE ÄRZTEZEITUNG – BOLLETTINO DEI MEDICI SVIZZERI                                  2018;99(24):786 –789
Published under the copyright license “Attribution – Non-Commercial – NoDerivatives 4.0”. No commercial reuse without permission.              See: http://emh.ch/en/services/permissions.html
790 ASSM Attitude face à la fin de vie et à la mort - nouvelles directives médico-éthiques de l'ASSM
FMH Droit                                                                                                                                                                               788

                                fournisseur de prestations avec l’assurance-maladie                                Les risques du transfert de la responsabilité du
                                obligatoire.                                                                       traitement
                                Lorsque les mesures de réduction des coûts virent au                               Les efforts d’économie cachent un risque supplémen­
                                rationnement, il est possible que les règles de l’art mé­                          taire lorsqu’une partie de la responsabilité du traite­
                                dical ne puissent plus être respectées. S’il en découle                            ment est transférée à l’assurance-maladie, c’est nom­
                                un cas de responsabilité civile, les médecins et les hôpi­                         mément le cas avec la proposition de renforcer le
                                taux doivent essayer de s’en libérer en indiquant les                              contrôle des factures. Ce transfert des compétences
                                mesures prescrites. Cela signifie qu’ils doivent reporter                          ­décisionnelles est problématique du point de vue du
                                les obligations découlant de leur rapport juridique                                droit de la responsabilité civile car le médecin doit
                                avec l’assurance-maladie sur leur relation juridique                               certes remplir les objectifs de l’assureur mais il reste
                                avec le patient. Il a été mentionné plus haut que les at­                          responsable du patient. Dans sa thèse, Brigitte Pfiffner
                                tentes légitimes du patient sont déterminantes pour la                             Rauber, juge au Tribunal des assurances sociales de
                                diligence due par le médecin. Pour libérer ce dernier, il                          ­Zurich, part à juste titre du principe que le Parlement
                                faut donc que le patient connaisse les règles et adapte                            avait au moins prévu les mêmes responsabilités théra­
                                ses attentes en conséquence. Un patient ne pourra pas                              peutiques pour les médecins-conseils que pour les
                                se plaindre qu’une opération ait été réalisée en ambu­                             méde­cins traitants: deux propositions de la minorité
                                latoire lorsque celle-ci figure sur une liste cantonale                            avaient été «rejetées en arguant que les normes de res­
                                qui interdit une hospitalisation. Il en va de même pour                            ponsabilité civile et pénale en vigueur s’appliquent
                                les traitements et les médications non prescrits s’ils                             également aux médecins-conseils» [13]. Pourtant, en
                                ont été exclus des prestations obligatoires. Dans de tels                          l’état actuel des choses, cette disposition est restée
                                cas, le devoir du médecin et/ou de l’hôpital sera d’infor­                         lettre morte. Au final, c’est le médecin, et ce sera tou­
                                mer le patient des règles applicables, dans le but de                              jours le médecin et non la caisse-maladie, qui doit
                                tempérer ses attentes légitimes.                                                   un traitement médicalement correct à son patient.
                                                                                                                   Conformément au droit en vigueur, une assurance-
                                Les risques de la définition des priorités                                         maladie a déjà la possibilité de refuser une garantie de
                                En revanche, il sera très difficile de libérer un médecin                          prise en charge sans devoir sérieusement s’attendre à
                                d’allégations concernant son manque de diligence                                   des prétentions en responsabilité civile. Si le médecin
                                dans la manière d’avoir prodigué un traitement, si la                              estime que le traitement refusé est nécessaire, il doit
                                mesure d’économie concernée n’est pas suffisamment                                 recommander au patient de le suivre mais à ses frais.
                                tangible pour être comprise comme une consigne pour                                En particulier lorsque le danger est aigu et qu’un finan­
                                un traitement concret. L’exemple de la liste des inter­                            cement par le patient n’est pas raisonnablement exi­
                                ventions ambulatoires restera l’exception qui confirme                             gible, le médecin traitant doit choisir entre la peste et
                                cette règle. En définitive, la plupart des mesures d’éco­                          le choléra: si le traitement a lieu, la facture risque de
                                nomie se traduisent simplement par des réductions                                  rester impayée. Si le traitement n’a pas lieu, le patient
                                budgétaires. Mais la décision des fournisseurs de pres­                            risque d’exiger des prétentions en responsabilité civile
                                tations doit continuer d’avoir sa place dans le budget.                            pour omission de traitement approprié.
                                En d’autres termes, ils doivent fixer les priorités: si les
                                temps d’attente augmentent aux urgences en raison
                                                                                                                    Conclusion: n’oubliez pas la
                                d’une enveloppe budgétaire réduite, le triage doit fonc­
                                                                                                                   ­respon­sabilité civile!
                                tionner encore mieux; si un budget global conduit à
                                des temps d’attente pour des interventions choisies,                               L’analyse des mesures, qu’elles soient déjà mises en
                                il convient d’estimer les conséquences de cette attente;                           œuvre, prévues ou encore en discussion, visant à frei­
                                si une consultation ne peut durer que vingt minutes, il                            ner la hausse des coûts montre que pratiquement
                                faut définir quel en est le contenu absolument néces­                              chacun­e d’elles peut potentiellement augmenter les
                                saire. Autrement dit, les réductions budgétaires                                   risques liés à la responsabilité civile des fournisseurs
                                donnent une toute nouvelle signification au devoir du                              de prestations. Plus les règles sont vagues, plus la res­
                                médecin de fixer des priorités. Trier entre ce qui est                             ponsabilité des médecins est importante lors de la
                                néces­saire, souhaitable et inutile augmente incontes­                             hiérar­chisation des prestations pouvant encore être
                                tablement l’efficience mais est aussi susceptible d’occa­                          fournies et plus le risque d’erreur de définition des
                                sionner des dommages. Et précisément dans le cas de                                priorités s’accroît. En devenant plus concrète, une règle
                                plafonds généraux ou d’autres objectifs budgétaires, ce                            a tendance à donner des arguments aux fournisseurs
                                tri relève de la seule responsabilité des fournisseurs                             de prestations pour qu’ils se libèrent de leur responsa­
                                de prestations.                                                                    bilité civile. Mais ces derniers ont l’obligation d’infor­

BULLETIN DES MÉDECINS SUISSES – SCHWEIZERISCHE ÄRZTEZEITUNG – BOLLETTINO DEI MEDICI SVIZZERI                                  2018;99(24):786 –789
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FMH Droit                                                                                                                                                                                789

                                mer leurs patients des rationnements. Des plafonds                                  2 Les idées réunies dans le rapport du 24.8.2017 du groupe d’experts
                                                                                                                      du DFI «Mesures visant à freiner la hausse des coûts dans l’assu­
                                concrets ayant un impact sur les traitements pré­
                                                                                                                      rance obligatoire des soins» peuvent être consultées sur
                                sentent par ailleurs l’inconvénient de restreindre le                                 https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/themen/versiche­
                                médecin dans ses compétences de traitement.                                           rungen/krankenversicherung/kostendaempfung-kv.html.
                                                                                                                    3 Le Conseil fédéral a écrit dans son message sur la LAMal en 1992:
                                Le débat sur les efforts d’économie doit toujours être                                «Une telle option permet d’éviter tout rationnement des presta­
                                mené en gardant à l’esprit le droit de la responsabilité                              tions, quantitatif ou qualitatif», FF 1992 I 77, 80 et 116.
                                                                                                                    4 Cf. le groupe d’experts du DFI, 2e note de bas de page.
                                civile. Sinon, les risques liés à la responsabilité civile                          5 Cf. Office fédéral de la santé publique, fiche d’information «Adap­
                                augmenteront. Les fournisseurs de prestations y se­                                   tation du tarif médical TARMED» du 18.10.2017 et le communiqué
                                                                                                                      de presse à ce sujet de l’OFSP du 16.8.2017.
                                ront confrontés soit en combattant les mesures d’éco­
                                                                                                                    6 Les baisses de rémunérations dans le TARMED sont également
                                nomie et peut-être en les contournant; ou alors, ils ac­                              liées à l’intervention dans la structure tarifaire, cf. 5e note de bas
                                ceptent les risques accrus, ce qui devrait contribuer à                               de page. Exemples de baisse des coûts ambulatoires par le Tribunal
                                                                                                                      administratif fédéral: arrêts du TAF C-4505/2013, C-2380/2012,
                                une hausse significative des primes d’assurance res­                                  C-1220/2012, C-3175/2013; la tendance à la baisse des prix de base du
                                ponsabilité civile. Une telle augmentation constitue un                               secteur hospitalier peut être consultée via la Conférence suisse des
                                                                                                                      directrices et directeurs cantonaux de la santé, aperçu des listes
                                nouveau facteur de coût. Par conséquent, négliger les                                 hospitalières cantonales et des tarifs hospitaliers, état 10.8.2017,
                                risques de responsabilité civile au moment de fixer                                   en ligne sur www.gdk-cds.ch.
                                                                                                                    7 ATF 136 V 392; à ce sujet par ex. Wasserfallen J-B/Junod V. Rationne­
                                les mesures d’économie signifie toujours poser une
                                                                                                                      ment des soins: qu’implique l’arrêt «Myozyme»? BMS. 2011;45:
                                ­entrave totale ou partielle aux objectifs d’économie.                                1751ss.
                                                                                                                    8 Rapport du groupe d’experts du DFI du 24.8.2017, 2e note de bas
                                                                                                                      de page.
                                Conflits d’intérêt                                                                  9 Cit. du rapport du groupe d’experts du DFI du 24.8.2017, 2e note de
                                Dans le cadre de son activité d’avocate, Eva Druey Just conseille                     bas de page, p. 34.
                                et r­ eprésente plusieurs fournisseurs de prestations de santé.                    10 Communiqué de presse commun de la Direction de la santé du
                                                                                                                      canton de Zurich et du Département sanitaire et social du canton
                                                                                                                      de Lucerne du 26.10.2017, en allemand, https://gd.zh.ch/internet/
                                Références                                                                            gesundheitsdirektion/de/aktuell/medienmitteilungen.html;
                                  1 Groupe de travail interdisciplinaire et indépendant «Répartition                  modi­fication de l’ordonnance sur les prestations de l’assurance des
Correspondance:                     équitable des ressources en santé publique»: Manifeste pour une                   soins (OPAS): RO 2018 967 s.; d’autres cantons prévoient la même
Eva Druey Just, Dr iur.,            répartition équitable des remèdes dans le domaine de la santé pu­                 chose.
­avocate                            blique, Zurich, 2e édition 2006, 6; Pfiffner Rauber B: Das Recht auf           11 ATF 120 Ib 411 E. 4a.
VINCENZ & PARTNER                   Krankheitsbehandlung und Pflege; Zum Behandlungsanspruch                       12 Arrêt du Tribunal fédéral 4C.53/2000 consid. 1b.
Tél. +41 81 258 55 94               von Krankenversicherten im Rahmen der Wirtschaftlichkeit unter                 13 Pfiffner Rauber B, note finale en haut, p. 148, note 50, avec mention
e.druey[at]vincenzpartner.ch        besonderer Berücksichtigung der Langzeitpflege, Forum Ge­                         du Bulletin officiel RS du 17.12.1992, p. 1324 (cahier des délibérations
www.vincenzpartner.ch               sundheitsrecht Band 8, Zurich 2003, p. 221s.                                      p. 218).

BULLETIN DES MÉDECINS SUISSES – SCHWEIZERISCHE ÄRZTEZEITUNG – BOLLETTINO DEI MEDICI SVIZZERI                                  2018;99(24):786 –789
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Nouvelles directives médico-éthiques de l’ASSM

Attitude face à la fin de vie
et à la mort
Christian Kind
Prof. Dr méd., président de la sous-commission «Attitude face à la fin de vie et à la mort»

                                Le traitement, la prise en charge et l’accompagnement de patientes et de patients
                                confrontés à leur propre mort est une mission centrale de la médecine qui exige un
                                profond respect de la dignité et de la volonté autodéterminée des patients et une
                                haute responsabilité éthique. L’ASSM a rédigé des directives médico-éthiques qui
                                traitent de l’attitude face à la fin de vie et à la mort, dont la version définitive a été
                                approuvée par le Sénat de l’ASSM le 17 mai 2018.

                                L’écho rencontré par les directives «Attitude face à la                            tions ont été apportées par rapport au texte mis en
                                fin de vie et à la mort» témoigne de l’intérêt pour ce su­                         consultation. Il s’agit principalement de la clarification
                                jet: 118 prises de position, dont la plupart très détaillées                       de la praticabilité des directives, également concernant
                                et nuancées, sont parvenues au Secrétariat général de                              les enfants de tous âges et les personnes souffrant
                                l’ASSM. 92 d’entre elles provenaient de sociétés de                                de handicap mental ou polyhandicapées ainsi que la
                                ­discipline, de commissions d’éthique, d’associations,                             procédure en situation d’urgence. Par ailleurs, une
                                d’institutions et des pouvoirs publics et 26 de per­                               ­demande concernant l’aspect linguistique a été prise
                                sonnes individuelles.                                                              en compte: les dénominations successivement mascu­
                                Dans la majorité des prises de position, les change­                               lines et féminines dans le texte seront alternées d’un
                                ments par rapport aux directives antérieures «Prise                                chapitre à l’autre.
                                en charge de patientes et de patients en fin de vie»
                                ont été accueillis favorablement, notamment l’élar­
                                                                                                                   Structure et contenu des directives
                                gissement du champ d’application, l’importance ac­
                                crue accordée au dialogue et une meilleure prise en                                Le préambule résume le contexte et les objectifs des di­
                                compte des proches. De même, l’approche nuancée                                    rectives. Celles-ci s’entendent comme un soutien des­
                                de la sédation palliative a été saluée à de nombreuses                             tiné aux professionnels de la santé pour une approche
                                reprises.                                                                          de la fin de vie et de la mort de leurs patientes et pa­
                                Sans surprise, les dispositions relatives à l’assistance                           tients, orientée selon les principes des soins palliatifs.
                                au suicide ont suscité de vives critiques. Mais 19 avis                            Le champ d’application englobe dorénavant non seule­
                                (22%) seulement, émanant en majorité de personnes                                  ment les personnes pour qui le processus de la mort est
                                individuelles, ont rejeté la proposition de l’ASSM, les                            amorcé, mais également les patients souffrant d’une
                                uns jugeant les directives trop libérales (13), et les                             maladie à l’issue probablement mortelle ainsi que des
                                autres (4) pas assez.                                                              personnes qui souhaitent une aide médicale pour
                                Sur la base des résultats de la consultation, les organes                          mettre fin à leur vie. Un chapitre concernant les prin­
                                de l’ASSM ont décidé de conserver dans une large me­                               cipes éthiques explique le droit à l’autodétermination,
                                sure le projet de texte initial rédigé par la sous-com­                            le contexte social de l’autodétermination, les notions
                                mission et de limiter les modifications à quelques                                 de «qualité de vie», de «souffrance» et de «soulagement
                                points de détail. Pour répondre à diverses demandes,                               de la souffrance». La clarification de l’objectif thérapeu­
                                les directives comportent à présent une justification                              tique et la prise en charge des proches figurent égale­
                                éthique explicite pour la réglementation de l’assis­                               ment parmi les thèmes traités. Les chapitres suivants
                                tance au suicide.                                                                  contiennent des indications concernant l’entretien
                                En plus des modifications dans le chapitre sur l’assis­                            sur la fin de vie et la mort et l’attitude à adopter face
                                tance au suicide, diverses clarifications et améliora­                             aux désirs de mourir. Le chapitre sur les processus

BULLETIN DES MÉDECINS SUISSES – SCHWEIZERISCHE ÄRZTEZEITUNG – BOLLETTINO DEI MEDICI SVIZZERI                                  2018;99(24):790–792
Published under the copyright license “Attribution – Non-Commercial – NoDerivatives 4.0”. No commercial reuse without permission.             See: http://emh.ch/en/services/permissions.html
AUTRES GROUPEMENTS ET INSTITUTIONS ASSM                                                                                                                                                791

                                de décision accorde une grande importance à la prise                               déterminé de suicide d’un patient n’est pas motivé par
                                de décision partagée et à la planification anticipée du                            son état médical objectif, mais par la souffrance qu’il
                                traitement et de la prise en charge.                                               ressent subjectivement comme insupportable. Cette
                                Les «actes médicaux qui accélèrent – potentiellement                               souffrance n’est toutefois pas objectivable. Pour justi­
                                ou certainement – la survenue de la mort» sont répar­                              fier que l’assistance au suicide relève du domaine de
                                tis en trois catégories: 1. les actes généralement accep-                          compétence de la médecine, le patient doit présenter
                                tés, tels que le renoncement et l’interruption des me­                             des symptômes de maladies identifiables ou des
                                sures de maintien en vie, le soulagement des douleurs                              ­limitations fonctionnelles tangibles. Pour le médecin,
                                et des autres symptômes ainsi que la sédation; 2. les                              la souffrance doit pouvoir être perçue de manière
                                actes controversés comme l’assistance au suicide et le                             ­intersubjective.
                                soutien au renoncement volontaire à l’alimentation et
                                à l’hydratation; 3. les actes non autorisés, qui sont inter­
                                                                                                                   Réglementation de l’assistance au suicide
                                dits par la loi. L’annexe des directives définit les ob­
                                jectifs thérapeutiques et les actes médicaux dans le                               Extrait des directives, chapitre 6.2.1:
                                contexte de la fin de vie et de la mort et contient des                            «Aux termes de l’article 115 du code pénal, l’assistance
                                réflexions éthiques concernant les objectifs de la                                 au suicide n’est pas punissable lorsqu’elle intervient
                                médecine.                                                                          sans mobile égoïste. Cette règle s’applique à tout indi­
                                                                                                                   vidu. Si un patient demande une assistance au suicide,
                                                                                                                   il s’agit d’un désir de mourir qui doit être soigneuse­
                                Actes controversés
                                                                                                                   ment évalué. Le patient doit être encouragé à parler de
                                Les directives formulent des garde-fous éthiques pour                              son désir de suicide avec ses proches.
                                les actes médicaux controversés. Contrairement aux                                 Le rôle du médecin face à la fin de vie et à la mort
                                mesures médicales généralement acceptées, il n’existe                              consiste à soulager les symptômes et accompagner le
                                aucune indication médicale pour ces actes. Le médecin                              patient. Il n’est de son devoir ni de proposer une assis­
                                doit décider si l’assistance au suicide est conforme à                             tance au suicide, ni de la pratiquer. L’assistance au sui­
                                son éthique professionnelle et si, dans le cas concret, il                         cide n’est pas un acte médical auquel les patients
                                est convaincu d’agir pour le bien du patient. Une étude                            peuvent prétendre; il s’agit toutefois d’un acte admis­
                                concernant l’attitude du corps médical face à l’assis­                             sible du point de vue juridique, pouvant être réalisé
                                tance au suicide1, réalisée en 2014 à la demande de                                par le médecin s’il a la conviction que les conditions
                                l’ASSM, a révélé que si de nombreux médecins consi­                                préalables énumérées ci-dessous sont remplies.
                                dèrent l’assistance au suicide comme acceptable, seule                             Font partie de l’assistance au suicide les actes accom­
                                une minorité est prête à la pratiquer elle-même. Les                               plis dans l’intention de permettre à une personne
                                ­directives soulignent également qu’en aucun cas, le                               ­capable de discernement de mettre fin à ses jours,
                                ­patient n’a le droit d’exiger une assistance au suicide et                        ­notamment la prescription ou la délivrance de médica­
                                que chaque médecin est libre de décider s’il veut ou                               ments à des fins de suicide. La prescription d’un médi­
                                non envisager un tel acte.                                                         cament destiné au suicide doit être signalée aux auto­
                                Compte tenu des dispositions juridiques et des atti­                               rités cantonales compétentes dans un délai de 30 jours.
                                tudes divergentes des médecins, des autres profession­                             Comme tout autre patient, celui qui souhaite mettre
                                nels de la santé ainsi que de l’opinion publique face aux                          fin à ses jours avec l’aide d’une organisation d’assis­
                                demandes de suicide, le dilemme entre les exigences                                tance au suicide a un droit de regard dans son dossier
                                éthiques d’encouragement de l’autodétermination et                                 et peut en demander une copie.
                                de protection de la vie ne peut être résolu. Il importe                            Si le patient le souhaite, le médecin traitant peut éva­
                                néanmoins de proposer aux professionnels de la santé                               luer ses fonctions cognitives et, le cas échéant, établir
                                des garde-fous aussi clairs que possible.                                          une confirmation de sa capacité de discernement
                                La formulation de critères médicaux objectifs pour                                 concernant les décisions de la vie quotidienne. Une
                                l’admissibilité de l’assistance au suicide pose problème:                          telle évaluation ne correspond pas à une participation
                                d’une part, des questions délicates de délimitation                                au suicide assisté. Le médecin peut également procéder
                                (qu’est-ce qu’une maladie mortelle?) se poseraient et,                             à une évaluation et, le cas échéant, établir une confir­
1 Brauer S, Bolliger C,         d’autre part, les patients confrontés à une maladie                                mation de la capacité de discernement spécifiquement
  Strub JD. Swiss physicians’
  attitudes to assisted         mortelle ainsi que les soignants en charge de ces                                  requise pour un suicide assisté (qui ne ressort pas de la
  suicide. A qualitative and    ­patients pourraient se sentir pressés de se justifier                             capacité de discernement concernant les décisions de
  quantitative empirical
  study. Swiss Med Weekly.
                                ­lorsqu’ils refusent d’envisager la possibilité d’une as­                          la vie quotidienne). Une telle évaluation ne peut toute­
  2015;145:w14142.              sistance au suicide. La plupart du temps, le désir auto­                           fois pas être exigée par le patient.

BULLETIN DES MÉDECINS SUISSES – SCHWEIZERISCHE ÄRZTEZEITUNG – BOLLETTINO DEI MEDICI SVIZZERI                                  2018;99(24):790–792
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AUTRES GROUPEMENTS ET INSTITUTIONS ASSM                                                                                                                                                792

                                Si après une information et une évaluation minu­                                   Le dernier geste du processus conduisant à la mort doit
                                tieuses le patient persiste dans son désir, le médecin                             dans tous les cas être accompli par le patient lui-même.
                                peut, sur la base d’une décision, dont il endosse person­                          Un décès survenant suite à un suicide assisté doit être
                                nellement la responsabilité, apporter une aide au sui­                             déclaré à l’autorité compétente comme décès pour
                                cide, sous réserve que cinq conditions préalables soient                           cause non naturelle. Au préalable, pendant et avant le
                                réunies et satisfaites. De plus, une tierce personne in­                           suicide assisté, il importe de prendre en compte les be­
                                dépendante, qui ne doit pas nécessairement être mé­                                soins des proches, mais également ceux de l’équipe de
                                decin, doit examiner si les deux premières conditions                              soins interprofessionnelle et de l’entourage, et de leur
                                listées ci-dessous sont remplies.                                                  offrir le soutien nécessaire.»
                                – La patiente est capable de discernement par rapport
                                    au suicide assisté. Le médecin doit documenter avec
                                                                                                                   La préoccupation principale reste le bien
                                    précision qu’il a exclu l’incapacité de discernement
                                                                                                                   du patient
                                    de la patiente. En cas de maladie psychique, de dé­
                                    mence ou d’un autre état fréquemment associé à                                 En cette époque d’évolution rapide et de vives contro­
                                    une incapacité de discernement, la capacité de dis­                            verses, les directives précisent les attentes envers les
                                    cernement doit être évaluée par un spécialiste cor­                            médecins et les autres professionnels de la santé dans
                                    respondant.                                                                    le contexte de la fin de vie et de la mort. Elles visent
                                – Le désir de mourir est mûrement réfléchi, il ne ré­                              à mettre en relation les différents points de vue et
                                    sulte pas d’une pression extérieure et il est persis­                          ­valeurs et veillent au respect et à la protection de
                                    tant. En cas de suspicion d’une relation de dépen­                             ­l’autodétermination de toutes les parties prenantes –
                                    dance problématique, son influence possible sur le                             patientes, proches et professionnels de la santé. Une
                                    désir de suicide doit être examinée soigneusement.                             ­attitude face à la fin de vie et à la mort qui se veut
                                – Les symptômes de la maladie et/ou les limitations                                ­orientée selon le bien du patient doit veiller à ne pas
                                    fonctionnelles du patient lui causent une souf­                                solliciter excessivement les proches, ni à menacer
                                    france qu’il juge insupportable.                                               l’éthique des professionnels de la santé.
                                – Des options thérapeutiques indiquées ainsi que
                                    d’autres offres d’aide et de soutien ont été recher­
                                    chées et ont échoué ou ont été jugées inacceptables
                                    par le patient capable de discernement à cet égard.
                                – Compte tenu de l’histoire du patient et après des
Correspondance:                     entretiens répétés, le médecin considère que le
                                    ­
lic. iur. Michelle Salathé
Académie Suisse des                 ­souhait du patient de ne plus vouloir vivre cette si­
                                                                                                                   Les directives sont disponibles en ligne en allemand, fran-
­Sciences Médicales (ASSM)          tuation de souffrances insupportables est compré­
Laupenstrasse 7
                                                                                                                   çais, italien et anglais et peuvent être comma0ndées gratui-
CH-3001 Berne
                                    hensible pour lui et peut, dans ce cas concret, esti­                          tement sous forme de brochure (en allemand et en français):
m.salathe[at]samw.ch                mer acceptable d’apporter une aide au suicide.                                 assm.ch/directives

BULLETIN DES MÉDECINS SUISSES – SCHWEIZERISCHE ÄRZTEZEITUNG – BOLLETTINO DEI MEDICI SVIZZERI                                  2018;99(24):790–792
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