Dernières cabanes avant travaux - GCO - CUEJ.info
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Trimestriel - Centre universitaire d’enseignement du journalisme - N˚ ISSN 0996-9624 - 3 € Décembre 2016 > n° 119 GCO Dernières cabanes avant travaux Depuis plus de quarante ans, le projet d’autoroute divise la terre et les gens. Aujourd’hui sa réalisation paraît inéluctable.
Une solution en trompe-l’œil D errière l’étendard de Des-Landes que les familles du qualifiée en « boulevard urbain », NEWS D'ILL l’intérêt général, le centre strasbourgeois. Mais pas l’A35 restera un axe chargé. Quel- Grand contournement facile d’enraciner la lutte dans une les que soient les promesses de Centre ouest de Strasbourg se Alsace où le compromis est une « douceurs paysagères » vantées universitaire donne pour objectif de déconges- culture des plus anciennes. par le constructeur-concession- d’enseignement du journalisme tionner l’A35, une des autoroutes Même en érigeant le grand hams- naire Vinci, l’usage de la voiture, (CUEJ), les plus encombrées de France. ter en mascotte, il sera difficile de et ses corollaires, dioxyde de car- Université de Un engorgement d’autant plus revenir sur l’avancée du GCO. Les bone et particules fines, restera un Strasbourg. problématique que le trafic pé- expropriations sont programmées problème tant que de véritables 11 rue du nètre au cœur même de l’Euro- et les indemnisations ont com- solutions alternatives ne seront Maréchal-Juin métropole, frôlant la gare et iso- mencé. Les paysans sont divisés. pas imposées. La promesse d’un CS 10068 67046 lant des quartiers entiers. Certains se satisfont des négocia- « bus express » a fait long feu : il Strasbourg Mais à chaque grand projet son tions des syndicats agricoles, le ne le sera pas tant que ça, entre It- Tél : 03 68 85 83 00 lot d’opposants. Surtout quand il remembrement étant même une tenheim et Strasbourg, où la voie cuej.unistra.fr est relancé quarante ans après sa aubaine face aux vicissitudes des qui lui est réservée pourra aux www.cuej.info genèse, à la faveur, notamment, marchés agricoles. Les autres sont heures de pointe être empruntée DIRECTRICE DE d’un retournement politique. vent debout contre un projet qui par d’autres véhicules. LA PUBLICATION Ces 24 kilomètres de bitume détruit l’harmonie du paysage et Au bout du compte, le GCO, pre- Nicole Gauthier faucheront quelque 300 hectares leur outil de travail. mière autoroute payante d’Alsace, de terres agricoles du Kocher- L’intérêt réel du projet peut être semble contourner les véritables ENCADREMENT sberg, les plus fertiles d’Alsace. questionné. S’il permettra d’éloi- enjeux environnementaux et de Laurence Des manifestations ont lieu, mais gner du centre-ville les poids mobilité. Confirmant ce que Ro- Defranoux, peinent pour le moment à fédé- lourds en transit, il ne réduira pas land Ries, le maire de Strasbourg, Nicole Gauthier, rer une véritable résistance. Les radicalement la circulation dans définissait jadis comme une « so- Daniel Muller, opposants rêvent d’attirer aussi la quatrième agglomération la lution en trompe-l’œil ». Stéphanie Peurière bien les zadistes de Notre-Dame- plus polluée de France. Même re- Joris Bolomey RÉDACTEURS EN CHEF Joris Bolomey, Guillaume Reuge ICONOGRAPHE Le Kochersberg sous emprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Nina Zeindlmeier « On n’est pas des Bretons » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 CHEF D’EDITION Benoît Collet Les irréductibles de Kolbsheim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 RÉALISATION Simone Ahrweiler, Six idées reçues sur le tracé et l’environnement . . . . . . . . . . . . . 10 Alexis Boisselier, Joris Bolomey, Le grand hamster en a vu d’autres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Sarah Bos, Benoît Collet, Alexis « Tous ces fruitiers vont être arrachés » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 De Azevedo, Guilhem Dubernet, « Seulement trois hectares sur cent » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Peter Eßer, Fanny Guiné, Anna Manceron, Maxime Le consensus politique se brise le long du tracé . . . . . . . . . . . . 16 Maréchal, Léa Picard, Guillaume Reuge, Donovan Des passages piétons sur l’A35 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Thiebaud, Nina Petites mesures pour gros bouchons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Zeindlmeier Le chat du Bienwald en sursis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 PHOTO DE UNE Joris Bolomey Un « appel d’air » pour l’intérim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 INFOGRAPHIE Dix ans de revue de presse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Donovan Thiebaud 2 < NEWS D’ILL n° 119 - DÉCEMBRE 2016
Brumath Hoerdt Eckwersheim Geudertheim Berstett Pfettisheim Vendenheim Lampertheim Truchtersheim Pfulgriesheim A 355 Griesheim-sur-Souffel A 35 Stutzheim Dingsheim Hurtigheim Ittenheim N4 Osthoffen Ober- Achenheim schaeffols- Breuschwickersheim STRASBOURG heim Ernolsheim Kolbsheim -Bruche Duppigheim Duttlenheim A 35 Tracé GCO Cabanes anti-GCO Autoroutes et nationale Diffuseurs d’autoroute Viaducs Péages d’autoroute A 35 Innenheim Tranchée couverte Installation possible de l’aire de service Zones de bouchons Aéroport Terriers du grand hamster d’Alsace Réserve de biodiversité NEWS D’ILL n° 119 - DÉCEMBRE 2016 > 3
Le Kochersberg sous Fin 2016, cinq commissaires enquêteurs ont identifié les terres à exproprier sur le tracé du GCO. Près de 1000 propriétaires sont touchés. L a mairie d’Innenheim res, la commissaire enquêtrice se leur parking, mais pas ici ! Nous est calme en cet après- dit démunie. « Excusez-moi. C’est sommes expropriés de force et on midi de novembre. très procédurier, on va dire. » ne nous laisse que les miettes. Il Marie-Rose Eschbach, Près d’un millier de personnes est hors de question que je renvoie sexagénaire aux yeux seront expropriées de tout ou les documents que l’enquête par- vifs, est la première personne partie de leur terrain, via un acte cellaire exige », proteste un grand convoquée à rencontrer la com- de cessibilité. Acte inattaquable costaud de 40 ans qui a du mal à missaire chargée de la perma- depuis que le Conseil d’Etat a si- retenir sa colère en découvrant le nence de l’enquête parcellaire gné la Déclaration d’utilité publi- du Grand contournement ouest que du GCO en 2008. Etonnam- DUP projet d’une aire de services. (GCO). Sa pile de documents ment, Marie-Rose Eschbach n’est Déclaration « Il me reste 73 mètres, d’utilité sous le bras, elle explique de sa pas opposée au GCO, car « on ne publique. C’est j’en fais quoi ? » voix rauque aux accents alsa- peut pas être contre tout ». Sur les le document Le registre d’enquêtes est em- ciens ne pas tout comprendre à propriétaires rencontrés dans qui officialise, pli de doléances : « Il me reste la procédure. « C’est mon mari les permanences, à peine un sur au nom de 73 mètres, j’en fais quoi ? » Ou qui s’occupait de tous ces papiers. deux est vent debout contre le l’intérêt général, encore : « Je refuse le projet actuel Il est décédé en projet, qui divise le projet. Il qui ne tient pas du tout compte permet les fév r ier, mainte- la région depuis du plan initial. Personne n’en nant je suis seule « On ne nous laisse qu arante ans. expropriations veut du GCO. » La commissaire que les miettes. » légales. à m’en occuper. » Danny Hof f- doit faire remonter ces plain- Du 24 octobre au mann, professeu- tes au concessionnaire Arcos, 14 novembre, ils étaient cinq à re de français à Strasbourg, pos- une filiale de Vinci créée pour tenir des permanences dans les sède des terres à Duttlenheim, construire le GCO. Pour autant, villages, le long des 24 kilomè- la commune la plus touchée. elle ne laisse pas d’illusion à ses tres du projet. Mandatée par la Presque 100 hectares vont y être interlocuteurs : Vous pouvez ins- préfecture, cette « enquête par- grignotés par le futur échangeur. crire que vous êtes contre le pro- cellaire » (pour « parcelle » de « Je ne suis ni contre le projet, ni jet et les expropriations, mais cela terrain) est une des dernières contre les expropriations. Les ne changera rien », lâche-t-elle à étapes du projet. Elle vise à dé- bouchons sont une réalité à Stras- trois frères et sœurs. La remar- terminer à qui appartiennent bourg », précise-t-elle, en jetant que les laisse sans voix. les 300 hectares de terres fertiles un œil aux plans cadastraux affi- Les expropriés vont tous perce- accaparées par le futur chantier chés dans le hall de la mairie. voir des compensations finan- dans le Kochersberg. Devant le Tous ne sont pas aussi légalistes. cières, calculées en fonction de la désarroi de certains propriétai- « Qu’ils le fassent à Vendenheim, nature du terrain saisi. Les terres 2003- 2008 2016 2017 Automne 2006 2017 Etude d’impact Déclaration Enquête Acte de Déboisement et et mesures d’utilité publique parcellaire, cessibilité et début des compensatoires forages et expropriations travaux fouilles 4 < NEWS D’ILL n° 119 - DÉCEMBRE 2016
emprise Joris Bolomey / CUEJ agricoles ont plus de valeur que conséquences du futur chan- Le Kochesberg défense de leur profession. Une les autres. Les indemnisations, tier. Depuis le début de l’enquête est considéré démarche de négociation enta- qui montent jusqu’à 12000 euros parcellaire, l’emploi du temps de comme l’une des mée il y a longtemps avec Vinci, plaines les plus l’hectare, ont commencé. Les Dominique Métreau est chargé, fertiles d’Europe. qui déplaît aux opposants les plus agriculteurs vont également re- entre les négociations des points On y cultive le virulents. cevoir une indemnisation fixe de franchissement, inhérents aux tabac, le maïs, Dominique Métreau s’en défend : à titre professionnel, y compris infrastructures, et les tractations le chou… « C’est injuste de dire que les agri- ceux qui ne sont que locatai- avec Vinci sur la taille de l’aire de culteurs ne pensent qu’à eux. Ils res. La Chambre d’agriculture service. Il enchaîne les réunions perdent leur outil de travail. Il refuse de communiquer son dans tout le Kochersberg. L’es- n’est pas illégitime qu’ils négocient montant, mais assure qu’il est sentiel de son travail concerne des compensations. » « le même pour tous ». Certains les remembrements. ont plus à perdre qu’un bout A cause de l’autoroute, des par- Tractations entre de parcelle : « Je suis embêtée celles vont être coupées en deux le monde rural et Vinci pour l’exploitant à qui je loue la par les voies rapides, d’autres Et cela fait longtemps que le terre… Vous savez s’il existe des vont disparaître. Il faut réor- monde agricole négocie. « De- suites foncières ou d’autres so- ganiser le reste en limitant les puis dix ans, la Société d’aména- lutions pour le fermier qui perd conflits. « Nous ne sommes plus gement foncier et d’établissement son outil de travail ? », demande dans les années 1960, où les re- rural (Safer) anticipe les remem- Danny Hoffmann. La commis- membrements provoquaient des brements en constituant un stock saire enquêtrice répond, gênée : violences. Aujourd’hui c’est entré de parcelles dans les communes « Je ne sais pas. Ce n’est pas l’ob- dans les mœurs. Un remembre- concernées. Ces achats doivent jet de mon travail. » Et de couper ment ne coûte plus la place du éviter l’envol des prix de ces terres court au débat : « Je peux juste maire ! », tempère Dominique fertiles et proches de Strasbourg », vous dire que l’entrée en fonction Métreau, avant d’ajouter : « Les analyse Christian Dirwimmer, de l’autoroute est prévue pour agriculteurs sont acquis à la cau- responsable du Bas-Rhin pour janvier 2020. » se du remembrement, c’est même la Safer. Cette dernière vend ses une de leurs exigences au titre des parcelles à la Socos, filiale de Des agriculteurs présents compensations environnementa- Vinci en charge des acquisitions depuis le Néolithique les. » foncières pour le GCO. Son rôle d’interface entre les Partagés sur le GCO, les agri- Malgré les contreparties, cer- porteurs du projet et le public est culteurs se retrouvent dans la tains continuent d’afficher leur plutôt ingrat. « La présence des mécontentement. Sylvain Metz, agriculteurs dans le Kochersberg opposant de toujours et président date du Néolithique », parade de l’Association de défense de la Dominique Métreau, responsa- Danny qualité de vie, est venu manifes- ble du service gestion et terri- Hoffmann ter devant la permanence de l’en- toire à la Chambre d’agriculture pointe sur les quête parcellaire de Kolbsheim Nina Zeindlmeier / Cuej du Bas-Rhin. Les agriculteurs documents par un froid saisissant. Il semble sont les premiers concernés par l’emplacement résigné : « Cette enquête annonce de sa parcelle, le GCO et son lot d’expropria- lors de l’enquête l’imminence des travaux. Le rou- tions. Qu’ils soient propriétaires publique à leau compresseur est en marche. » ou locataires, ils subissent les Duttlenheim. Guillaume Reuge NEWS D’ILL n° 119 - DÉCEMBRE 2016 > 5
Benoit Collet / Cuej « On n’est pas des Bretons » Cabanes, concerts, manifestations… Les opposants à l’autoroute multiplient les actions. Jusqu’ici, ils n’ont pas réussi à fédérer. D es flammes dans la nuit. la fête », explique Hugo Cordier. Hugo Cordier, isole le sol de la cabane. Dany Ce samedi 5 novembre, Étudiant en histoire, il est venu l’un des six Karcher, maire de Kolbsheim sept militants écologis- en train depuis Strasbourg avant courageux qui depuis 2001, est venu manifester ont passé la tes sont réunis à la cabane anti- d’enfourcher son vélo à travers nuit du 5 au son soutien avec de la soupe à la GCO de Kolbsheim. Construite champs. Autour du feu, les dé- 6 novembre saucisse. L’homme de tous les en septembre 2014 au bord de la bats sont vifs. Mouvement éco- dans la cabane combats contre le GCO garde le D45, cette structure de bois et logiste, féminisme, les militants anti-GCO de sourire malgré le début du son- Kolbsheim. de tôle est une des sept qui ma- s’empêchent cependant d’évo- dage des sols : « J’aime bien nous térialisent l’opposition au projet quer le revenu de base pour ne comparer à David contre Goliath. d’autoroute. Pour la sixième fois, pas s’écharper. Je dis ça parce que c’est David qui les jeunes écologistes s’y instal- a gagné. » lent le temps d’une nuit. « On David contre Goliath A travers diverses initiatives, organise toujours ces occupa- Quelques parties de tarot plus les opposants cherchent encore tions dans des périodes où il fait tard, six d’entre eux, quatre gar- un moyen d’enrayer le projet. un peu froid. On ne veut pas pas- çons, deux filles, resteront dor- « Depuis six mois, voire un an, ser pour des jeunes qui viennent mir malgré les cinq degrés. Du on a vraiment le sentiment que profiter du beau temps pour faire foin fourni par un agriculteur la mobilisation grandit », affirme 6 < NEWS D’ILL n° 119 - DÉCEMBRE 2016
Simon Baumert, candidat écolo- permanente du terrain avec la alsacien ». « On n’est pas des Bre- giste qui a obtenu 9,26% à la lé- création d’une Zone à défendre tons ! s’exclame Dany Karcher. gislative partielle de Strasbourg, (ZAD), comme à Notre-Dame- Eux ont brûlé les portiques de lui aussi présent cette nuit-là. En des-Landes. Malgré des contacts l’écotaxe, nous on voudrait qu’ils avril et en septembre, deux fes- avec les « zadistes » opposés à soient mis en marche. C’est à se tivals ont eu lieu sur le tracé du l’aéroport du Grand-Ouest, le demander si l’Alsacien n’adore pas GCO, à l’initiative de deux col- lectifs d’habitants, la Réserve des Bishnoï terrain semble moins propice qu’on lui botte les fesses. » La ré- qu’en Loire-Atlantique pour gion, longtemps allemande, pro- Bishnoïs et les Fédinois contre le L’un des deux une occupation de longue durée. testante et marquée par les guer- GCO. Ces événements ont ras- collectifs « Une ZAD ne peut pas réussir à res, est rompue aux compromis. d’habitants semblé à chaque fois entre 1000 anti-GCO tire Strasbourg, explique Philippe Su- « Pour preuve, l’Eurométropole et 2000 participants. « Le souci, son nom d’une bra, professeur à l’Institut fran- est un des seuls cas de figure où c’est qu’on ne parle pas assez de communauté çais de géopolitique et spécialiste la gauche et la droite passent une nous. Ce qu’il nous faudrait, hindoue de l’aménagement du territoire. alliance pour gérer une grande c’est une pointure de la musique, connue pour Cela suppose une opposition lo- agglomération, souligne Richard explique Guillaume Bourlier, ses tendances cale forte que la ZAD viendrait Kleinschmager, chercheur sur écologistes. numéro un des Bishnoïs. On a renforcer. L’en- la politique al- du mal à en trouver pour le mo- vironnement s’y sacienne. Même ment. » Entre morceaux d’électro prête très mal. « C’est à se demander s’il ne faut pas lui et numéros de cabaret, une soi- En périphérie si l’Alsacien n’adore donner trop d’im- rée anti-GCO a aussi été organi- de Strasbourg, pas qu’on lui botte les portance, le pro- sée le 14 octobre au Molodoï, la on a des champs fesses » testantisme a la salle de concert strasbourgeoise. ouver ts, alors culture du contrat, Un moyen d’attirer les jeunes, qu’à Notre-Da- contrairement au encore peu représentés dans la me-des-Landes c’est du bocage. christianisme, qui a une vision mobilisation. Le GCO est un peu l’anti Notre- plus hiérarchique. » Car malgré la visite en octobre Dame-des-Landes. » À la cabane de Kolbsheim, la de Yannick Jadot, juste avant plupart rêvent de ZAD mais qu’il ne remporte la primaire « Culture du contrat » aucun ne veut prendre la res- écologiste, les enjeux du conflit Au-delà de la question géogra- ponsabilité de mener l’installa- peinent à dépasser les frontières phique, l’idée de la ZAD ne fait tion. « Personnellement, je ne sais de l’Alsace. Le mouvement pâtit pas consensus. « Si on se montre pas comment on fait une ZAD, de l’absence de figure politique trop agressif, on risque de faire avoue Hugo Cordier. Mais par- majeure à sa tête. Le 15 octo- fuir les gens, objecte Guillaume fois je me prends à rêver que No- bre, un rassemblement contre Bourlier. Notre lutte n’est pas ré- tre-Dame-des-Landes finisse, et le GCO a réuni entre 2 000 et servée aux zadistes. » Plus que la que les zadistes viennent ici nous 3 000 opposants. Un chiffre très confrontation directe, les voies soutenir. » Au petit matin, deux loin des dizaines de milliers de légales sont privilégiées par les gendarmes passent s’assurer du personnes mobilisées le 8 octo- opposants au projet (lire ci-des- bon déroulement de l’occupa- bre contre l’aéroport de Notre- Dame-des-Landes, dans l’ouest 3204 sous). « Puisque l’Etat a signé un tion, et questionnent les mili- contrat de concession avec Vinci, tants sur leur volonté de rester personnes de la France. avaient signé c’est un combat juridique », argu- une nuit de plus : « Non, demain la pétition mente Jean-Marie Wilhelm. on travaille. » L'éventualité d’une ZAD anti-GCO le Cette posture légaliste s’explique Alexis Boisselier Inaudibles, certains manifes- 21 novembre. pour beaucoup par un « esprit et Sarah Bos tants envisagent de radicaliser le mouvement. « On est trop gentil. Pour être écouté, il faut faire du bordel. » Deux engins de sondage Des recours en justice pour bloquer le GCO géothermique appartenant à Ar- Contre le GCO, l’association Alsace Nature a La fragmentation de l’habitat du grand hamster, cos, filiale de Vinci, ont été en- entrepris plusieurs actions en justice. Un recours au engendrée par la construction de l’autoroute, dommagés dans la nuit du 27 au tribunal administratif de Strasbourg a été déposé le violerait la directive « Habitats faune flore ». En 28 octobre à Vendenheim. Des 12 septembre pour contester la validité du contrat 2011, la Cour de justice de l’Union européenne actes dénoncés par le collectif de concession, signé entre l’Etat et Vinci en janvier avait condamné la France pour insuffisance des GCO non merci. « Nous nous 2016. L’association pointe des divergences entre mesures de protection du grand hamster. Alsace présentons de temps en temps sur le contrat et les termes du projet déclaré d’utilité Nature estime aussi que Vinci n’a pas rempli les sites avec des panneaux pour publique en 2008. L’affaire pourrait être renvoyée toutes les conditions imposées par la directive sur dire que nous ne sommes pas devant le Conseil d’Etat. l’évaluation des incidences environnementales des d’accord, mais d’ici à saboter du Alsace Nature conteste aussi le contrat de grands projets publics et privés. Ces recours ne sont matériel, non », assure son porte- concession devant la Commission européenne. pas suspensifs. parole Jean-Marie Wilheim. Res- Pour l’association, celui-ci viole deux directives. A. B. te la possibilité de l’occupation NEWS D’ILL n° 119 - DÉCEMBRE 2016 > 7
Caroline Ingrand-Hoffet, 41 ans Une pasteure écologiste Les irréductible A ucune société n’est propriétai- re de la terre. » C’est en citant Karl Marx que Caroline Ingrand- dire à des agriculteurs comment ils doivent vivre ? Je ne veux pas me mettre mes paroissiens à dos. » de Kolbsheim Hoffet, pasteure de Kolbsheim, Pourtant, pour la pasteure, poli- Le village de 850 habitants est un bastion de a ouvert le culte, le 2 octobre, tique et religion ont un lien fort. GCO. Rencontre avec trois meneurs. face à des catholiques, des pro- Fille d’un pasteur élu socialiste, et testants et des militants verts petite-fille d’une pasteure mem- athées. Pour la première fois, la bre du PS, la quadragénaire prend pasteure a pris position contre la question électorale à cœur. Elle le GCO, à l’appel de Guillaume voudrait inciter ses paroissiens à Bourlier, président du collectif voter, et à ne pas donner de voix anti-GCO Les Bishnoïs. aux extrêmes, qui « proposent une Pour elle, l’engagement est une vision contraire à ce qu’on peut lire évidence. Elle interprète la Bible dans la Bible ». Ce que le prési- comme un appel à respecter la dent de l’Eglise protestante avait nature et à la protéger. « La fête lui-même préconisé dans une des récoltes est un culte de recon- lettre officielle adressée à tous ses naissance envers la nature. Il était pasteurs à l’occasion des régiona- facile de la lier à cette cause. Je les, en décembre 2015. ne me suis pas sentie courageuse Sa prise de position a fait des de faire ça, parce que dans cette remous au sein de l’Eglise pro- commune, il y a un réel consensus testante en Alsace. L’institution contre le GCO. » s’est jusque-là gardée de prendre Née à Mulhouse, Caroline In- parti dans le conflit contre Vinci. grand-Hoffet a fait ses études de Interpellée par son inspecteur Dany Karcher, 60 ans théologie en Suisse et a été in- ecclésiastique, la pasteure se fluencée par l’association Oeku Eglise et Environnement qui questionne sur sa participation à la mobilisation. « Entre ma hié- Un maire prône un christianisme sensible à l’écologie. Officiant à Kolbsheim rarchie que je ne voudrais pas pro- voquer, et les militants écologistes pugnace et Hangenbieten depuis six ans, parfois virulents envers la religion, elle a éprouvé des difficultés à aborder ces problématiques dans des villages marqués par l’agri- j’ai l’impression de marcher sur des œufs. » Une prochaine action devrait en tout cas avoir lieu, à C ette année, pour mes 60 ans, mes amis m’ont déguisé en Abraracourcix. » A la tête du vil- culture intensive. « Ici, je ne peux laquelle se joindra Caroline In- lage gaulois de Kolbsheim depuis pas dire le quart des prêches pré- grand-Hoffet, si elle parvient à mars 2001, Dany Karcher in- conisés par l’association, parce que trouver le juste milieu entre agir carne le combat contre le Grand c’est mal perçu. Et moi qui viens de et ne pas diviser. contournement ouest. « Je suis la ville, de quel droit je vais venir Sarah Bos mobilisé depuis que je suis maire. Ma première réaction n’a pas tout 6 de suite été d’être contre, mais j’ai rapidement été un adversaire de hectares de ce projet. Le temps de m’informer prairies humides et de comprendre les enjeux. » disparaitront dans la Dès que le dialogue s’engage sur commune de le GCO, son flegme apparent Kolbsheim à disparaît. C’est alors un homme cause du GCO. mordant qui se tient devant nous. Un discours fouillé, rodé, débute. A grands coups de Powerpoint, il cherche à informer et surtout à convaincre, passionné par l’envie de sensibiliser son interlocuteur sur son combat. Un rôle d’éduca- Sarah Bos / Cuej teur qui colle parfaitement à cet agrégé de génie mécanique, actuel- lement professeur à Haguenau. 8 < NEWS D’ILL n° 119 - DÉCEMBRE 2016
les la résistance au Jeu de mots en alsacien sur le panneau d’entrée de Kolbsheim : « Vinci, rentre chez toi » . Maxime Maréchal / Cuej Eric Grunelius, 59 ans Un châtelain amer Maxime Maréchal / Cuej C ’est un projet vieux de qua- rante ans, un projet à l’in- verse du courant. » Il en faut peu de famille : « Notre château, les personnes se l’approprient. Il est ouvert à tous. Ça ne nous à Eric Grunelius pour se lan- concerne pas seulement nous, « Si à Kolbsheim des personnes sont pour le GCO, elles sont très discrè- Pétition cer dans une diatribe contre le GCO. Cigarette après cigarette, tous les Kolbsheimois sont tou- chés, même au-delà. C’est un tes. Notre village fait partie des plus Plusieurs ce quinquagénaire charismati- endroit unique dans la région. » combatifs. » Le maire est fier de re- personnalités que exprime son incompréhen- Ce touche-à-tout, réalisateur, présenter l’épicentre de la lutte, de telles que sion. « Aberrant, épouvantable, photographe, se sent impuis- Charlotte de voir affichés les nombreux slogans Turckheim démodé » : autant de qualificatifs sant face au colosse Vinci. « Je « Tous unis contre le GCO » sur et José Bové qui expriment sa ranœur envers ne me fais pas trop d’illusions. les façades. Mais la faiblesse de la ont signé une le GCO. J’espère surtout des aménage- contestation sur le terrain afflige ce lettre ouverte Le château de Kolbsheim, ins- ments sur le plan de base. Pour Kolbsheimois pure souche. Lui est à la ministre crit à l’inventaire des monu- l’instant, ils nous ont pris pour prêt à multiplier les actions mais de la Culture ments historiques depuis 1972, des idiots. Depuis les plaintes en demandant il assure qu’il refusera toujours que la propriété a été érigé en 1704. Ses jardins déposées, ils ont décidé quelques la violence dans sa bataille. « Ça du château de en terrasse à la française et son aménagements paysagers pour ne veut pas dire que je ne suis pas Kolbsheim reste parc à l’anglaise s’étendent sur cacher l’autoroute mais c’est in- déterminé. Je suis prêt à faire de la intacte. trente hectares. signifiant. » désobéissance civile. » Fier de son patrimoine, le châte- En parcourant son domaine, N’est-il pas usé par ses quinze lain ne comprend pas qu’un tel l’homme au manteau long et ans de lutte ? Le sexagénaire projet se fasse. « Il faut quand au chapeau vissé sur la tête, concède : « Cette mobilisation, même se rendre compte qu’une s’arrête sur un endroit sensible. ça me fatigue. Parfois, j’ai envie autoroute va passer à 500 mètres C’est dans la partie basse de la d’arrêter le combat et me repo- de ce site protégé, pire encore, un propriété qu’un viaduc se tien- ser. » Et de reconnaître, résigné : pan va passer par la partie natu- dra sur 480 mètres de long et « Je ne suis qu’une poussière relle de notre parc. Ça dénature 17 mètres de haut. Ce masto- face à Vinci. » Mais chez Dany le concept spécifique du site. » donte frôlera le toit du moulin Karcher, l’abattement ne dure Tous les étés, Eric Grunelius industriel du XIXe siècle. « C’est jamais très longtemps, et il pro- faisait les quatre cents coups hallucinant, c’est fou qu’on ne met : « Attention ! Le GCO n’est dans cet immense terrain de préserve pas une telle bâtisse. pas comme un chapiteau qu’on jeu avec son frère, Jean-Marie. La famille qui vit actuellement peut démonter quand bon nous Entre parties de chasse, chahu- dedans n’a pas d’autres solutions semble, on ne pourra pas faire teries, les anecdotes s’empilent, que de partir. Mais les histoires marche arrière et ce sera grave. la nostalgie aussi. La mutila- de vie, c’est le cadet des soucis de Quand il sera là, j’aboierai. » tion de ce patrimoine l’effraye. l’Etat. » Alexis De Azevedo Mais c’est plus qu’une histoire A.D.A. NEWS D’ILL n° 119 - DÉCEMBRE 2016 > 9
Peter Eßer / Cuej Six idées reçues sur le tracé et l’environnement Pollution, bruit, « La circulation sur l’A35 est l’une des sources importantes de dégradation la pollution de l’air à Strasbourg » des milieux Chambre de commerce et d’industrie naturels et A ux abords de l’A35, les vé- hicules rejettent plusieurs sées par l’Organisation mondiale de la santé. Cette année, Stras- physiques… types de polluants: les particu- les fines (PM10 et PM2.5), le bourg a été classé comme la 4e ville la plus polluée de France. Cinq villages dioxyde d’azote (NO2) et l’ozo- ne. Depuis dix ans, la pollution Actuellement, les particules fines (PM10) sont mesurées à environ sont concernés de l’air a nettement diminué selon Emmanuel Rivière, di- 22 μg/m 3 sur Strasbourg. Les normes européennes établissent en priorité. recteur adjoint de l’Association pour la surveillance de la pol- la limite annuelle à 40 μg/m3. En revanche, l’OMS préconise Pro et anti lution atmosphérique en Al- sace (Aspa) : « C’est grâce aux de ne pas dépasser 20 μg/m 3. Pour les PM2.5, des nanoparti- avancent leurs normes européennes sur les voi- tures, à l’amélioration générale cules très dangereuses, la valeur de l’OMS est dépassée dans toute arguments. Le GCO est censé apporter une des moteurs et aux politiques des collectivités territoriales. » l’Eurométropole avec 13 μg/m3, au lieu de 10 μg/m3. Contre- solution aux embouteillages et diminuer la Mais ce n’est pas suffisant. L’ob- jectif, pour les spécialistes de Le 23 novembre, le Parlement européen a adopté une directive expertise. pollution de Strasbourg. la pollution atmosphérique, est d’atteindre les valeurs préconi- qui demande des plafonds plus ambitieux pour les polluants. 10 < N E W S D’ILL n° 119 - DÉCEMBRE 2016
« Le GCO provoque la disparition de 30 à 40 hectares de surfaces boisées » Alsace Nature « Le GCO et la requalification de l’A35 vont permettre de réduire la pollution de l’air à Strasbourg » Chambre de commerce et d’industrie D ix ou quarante hectares ? En 2008, la destruction d’une dizaine d’hectares était annoncée dans la déclaration d’utilité publi- D ans l’agglomération de Strasbourg, la pollution de l’air est responsable de 148 dé- té du trafic routier. Pour l’Aspa comme pour ce collectif, le GCO et la requalification actuelle de que. Le GCO devait se connecter à l’A35 vers Lauterbourg par un jeu de bretelles. Mais en 2014, les cès anticipés chaque année et de l’A35 en boulevard urbain ne ré- services de l’Etat ont fortement huit mois de vie perdus, d’après soudront rien. « Strasbourg souf- modifié le tracé initial. Au final, le rapport du Haut conseil de la fre de sa situation géographique, le tronçon principal, en deux fois santé publique publié en 2012. dans une cuvette, peu de pluie, des deux voies, sera directement relié Le Dr. Thomas Bourdrel a fondé vents modérés. Une autre source à l’A4, dirigée sur Paris. le collectif Strasbourg Respire de pollution supplémentaire se La forêt du Grittwald, 213 hecta- en 2014. Il réunit médecins et développera dans le Kochersberg, res, à Vendenheim, sera écornée citoyens préoccupés par la pollu- même si elle sera moindre », se- par les travaux de l’échangeur tion de l’air : « Les particules fines lon Thomas Bourdrel. D’autres nord. La Sanef, la société conces- PM2.5 sont extrêmement cancé- alternatives doivent être envisa- sionnaire de l’A4 en charge de rigènes, elles provoquent des ac- gées pour diminuer la pollution cette partie de l’échangeur, se cidents vasculaires cérébraux, de de fond de Strasbourg. Avec le veut transparente : « 12 hectares l’asthme et présentent un risque projet «Ville respirable en cinq vont être déboisés, estime Yann pour le cerveau et le fœtus. » ans », l’Eurométropole s’est en- Baron, responsable des opéra- Selon ce radiologue, ces nano- gagée en ce sens en 2015. tions. Avec les autres travaux particules sont mal prises en Une analyse que confirme le dirigés par Vinci, on ne doit pas compte par les méthodes de plan de protection de l’atmos- dépasser les 20 hectares. » mesures actuelles, des méthodes phère, présenté par le préfet à Pointant du doigt ces modifica- désuètes: « Les nanoparticules Strasbourg en 2014 : « Il faudrait tions, les collectifs de contesta- sont très dangereuses et on ne les diviser par deux les émissions du tion estiment que 30 à 40 hec- dose pas correctement car les ins- trafic routier pour envisager un tares de forêt pourraient être truments de mesure prennent en retour sous les valeurs limites affectés. « On englobe aussi les compte leur masse, qui est infime, à une brève échéance. » Or, les parties isolées qui ne commu- et non leur nombre. » chiffres les plus optimistes com- niqueront plus avec le massif », Pour l’instant, les PM2.5 sont muniqués par la CCI font état détaille Maurice Wintz, vice- comptabilisées uniquement dans d’un report de trafic de seule- président d’Alsace Nature. Mais l’air ambiant (pollution de fond) ment 10% sur le GCO. Pas assez pour Frédéric Guérin, de l’Office de Strasbourg et non à proximi- pour réduire la pollution. national des forêts, l’impact reste tout de même mesuré : « Si on prend le massif de Brumath qui est annexe, on est entre 5 et 10% de déforestation. » Des passages « Il y aura des nuisances sonores pour la faune et de nouvelles pour des lotissements situés à moins plantations doivent être réalisés de 80 mètres de l’infrastructure » par le concessionnaire pour limi- Alsace Nature ter la dénaturation du site. S ur ce point, Alsace Nature et Socos, filiale de Vinci, sont sur la même ligne. L’autoroute passées 60 dB(A) le jour et 55 dB(A) la nuit. Dès 2006, un ex- pert en acoustique avait estimé couverte de 300 m de long est finalement envisagée, accompa- gnée d’une semi-couverture de passera à 80 mètres du lotisse- que « la voirie projetée aussi part et d’autre (200 m à l’ouest ment du Matterberg, à Venden- proche de certaines habitations et 160 m à l’est). Ce qui devrait heim, commune la plus peuplée. était une erreur » et préconisait diminuer les nuisances sonores Le maire, Philippe Pfrimmer, dé- d’éloigner le GCO de certains mais pas les supprimer. nonçait le « sacrifice » de sa ville, immeubles. Sa proposition n’a dans une lettre en avril dernier. pas été retenue par la com- (1) Articles L.571-9 et L.571-10 du code Selon la loi (1), les nuisances mission car elle impliquait de de l’environnement et décrets d’application sonores ne doivent pas dé- lourds travaux. Une tranchée n°95-21 et 95-22 du 9 janvier 1995. N E W S D ’ I L L n ° 1 1 9 - D É C E M B R E 2 0 1 6 > 11
« Le projet viendra couper six corridors écologiques et deux réservoirs de biodiversité » Alsace Nature E n 2014, l’État et la Région ont adopté le schéma régional de cohérence écologique (SRCE). tions ou des agriculteurs sont censés contribuer à leur mise en place. Mais rien ne se fera au mè- Son but : concilier la préserva- tre près, suppose Maurice Wintz, tion de la nature et le développe- vice-président d’Alsace Nature. ment des activités humaines. Il Au final, Vinci choisira peut être identifie des réseaux, les trames lui-même où seront ces haies… » vertes, comprenant des réser- Les projets publics doivent juri- voirs de biodiversité (prairies, diquement « prendre en comp- boisements) et des corridors te » le SRCE. Vinci s’est engagé à écologiques (haies) qui permet- le respecter, à sa manière : « 61 tent d’assurer des connexions. passages de petite et grande faune Selon le schéma alsacien, il y a sont prévus », avance Jean-Luc bien six corridors écologiques et Fournier, directeur de la com- deux réservoirs de biodiversité munication chez Vinci. coupés par la future autoroute. En l’absence de zones préci- Problème, ces corridors n’exis- ses à renaturer, la marge de tent pas encore sur le terrain. manœuvre est plus large pour le « Les collectivités, des associa- constructeur. Katanski « Le projet est susceptible, en traversant des cours d’eau, de perturber leurs conditions Le grand d’alimentation ou d’écoulement » Alsace Nature hamster L es 24 kilomètres du GCO tra- risque est limité : « La couche en a vu d’autres verseront neuf cours d’eau et de lœss est très importante au deux canaux. Philippe Ackerer, niveau du tracé, il y a une imper- directeur de recherche en hy- méabilisation naturelle, analyse drogéologie au CNRS de Stras- Sophie Schmitt. Nous ne sommes bourg, s’inquiète d’un potentiel plus dans les années 1970, aucune drame : « La nappe est proche du route n’est réalisée sans récupéra- Chassé il y a 50 ans, protégé sol à cet endroit. Si un accident se produit, il y aura contamination tion des eaux de ruissellement ou bassins d’assainissement. » depuis les années 1990, si le système de protection est mal Pour les eaux de surface, seule le grand hamster est fait. » la Bruche doit faire l’objet d’une En 1970, un camion de 13 000 attention particulière. « Honnê- aujourd’hui en voie de litres de solvants s’était renversé sur la commune de Benfeld, au tement, je pense que Vinci fera son travail concernant les eaux, disparition en Alsace. Si de sud de Strasbourg. Plus de qua- concède Maurice Wintz. Ce n’est nombreuses associations rante ans après, « la contamina- pas l’enjeu essentiel du projet. » tion à la source est encore très Une enquête publique doit avoir craignent le GCO, l’impact supérieure à la normale ». Mais d’après l’Aprona (obser- lieu bientôt pour vérifier que la loi sur l’eau est respectée. du projet autoroutier sur le vatoire des nappes d’Alsace), le Fanny Guiné rongeur est incertain. 12 < N E W S D’ILL n° 119 - DÉCEMBRE 2016
E st-ce vraiment le GCO temps et la distance des recher- contre le GCO à l’heure actuelle. qui portera le coup fa- ches s’allongent et le risque de J’attends de voir. » tal au grand hamster ? se faire croquer par un renard Pour Alsace Nature, en revan- Petit mammifère venu augmente. « Depuis des années, che, vent debout contre le GCO, des steppes de l’Europe de l’Est, j’élève des grands hamsters pour tout dialogue avec Vinci est le rongeur, aussi appelé hams- effectuer des relâchers dans le exclu. L’association alsacienne ter d’Europe ou hamster com- mun, est arrivé en Alsace il y a 19 communes Bas-Rhin, explique Jean-Paul privilégie les discussions avec Burget, ancien soigneur au zoo les agriculteurs. Ces derniers plus de 10 000 ans. Attiré par alsaciennes de Mulhouse. Mais si rien n’est peuvent être subventionnés par le sol lœssique favorable à la abritaient le fait en parallèle, ça revient à les l’Etat s’ils décident de laisser du construction de son terrier, il grand hamster envoyer à l’abattoir. En trente blé sur pied, non cultivable mais y a élu domicile et n’en a plus en 2012. Elles ans, le nombre de hamsters a été favorable au grand hamster. étaient 329 il y a bougé, d’où son nom de grand quarante ans. divisé par 10, de 4000 à 400. » « La crainte avec le GCO, c’est hamster d’Alsace. Il a même le Pour ce passionné qui se bat surtout la fragmentation et la droit à son pseudonyme local, aussi en Afrique contre le mas- destruction du territoire du Kornferkel, le « petit cochon des sacre des éléphants, le GCO grand hamster », déclare Rudy céréales ». En voie d’extinction ne portera pas le coup fatal au Dreyer, de l’association Apele dans l’Hexagone et en Europe grand hamster. Le tracé auto- de Lingolsheim. L’infrastructure occidentale, le grand hamster routier ne passe routière pourrait gambade encore par milliers en pas à Obernai et « Dire que c’est le GCO en effet disperser Europe de l’Est et en Asie. Geispolsheim, qui va tuer le grand les populations de les communes hamster, c’est faux. hamsters. « Cela Son problème, où il est encore Ce qui le tue, c’est entraîne un isole- c'est la nourriture présent en nom- ment génétique et Empoisonné jusque dans les bre. « Il détruira le maïs » donc des risques années 1970 par les agriculteurs surtout des de consanguinité, alsaciens pour préserver leurs champs de maïs », ajoute Jean- estime Caroline Habold. Les cultures, le mammifère est pro- Paul Burget. Le président de terriers ne seront pas touchés, tégé depuis 1993 par la direc- Sauvegarde faune sauvage négo- mais il pourrait y avoir des effets tive européenne Habitat faune cie des mesures compensatoires en cascade. » flore. « La chute de population Directive avec Vinci. L’entreprise a évoqué Si les conséquences du GCO sur pour la faune et du grand hamster a d’abord la flore : une ferme d’élevage qui pourrait le grand hamster sont difficiles à été causée par cette extermina- http://cbnbp. voir le jour à la fin des travaux. estimer à l’heure actuelle, la dis- tion massive », souligne Caro- mnhn.fr/cbnbp/ Mais ce qu’espère Jean-Paul parition progressive du rongeur line Habold, écophysiologiste à biodiversite/ Burget, c’est que « Vinci achète dans le paysage alsacien rensei- textes/detail/ l’Institut pluridisciplinaire Hu- directive.htm des terrains pour maintenir des gne sur l’état de l’environnement. bert Curien (CNRS/Université cultures de blé ou de luzerne. On « Le grand hamster est un maillon de Strasbourg). aurait enfin du long terme. » Le de la chaîne alimentaire, conclut Mais le mammifère n’était pas GCO, sauveur du grand hams- Caroline Habold. C’est une espèce sauvé pour autant. En un siè- ter ? « C’est terrible à dire mais bio-indicatrice. S’il disparaissait, cle, le rongeur a perdu 21% de c’est peut-être la dernière solu- l’écosystème irait mal. » sa masse corporelle à cause des tion. Moi, je ne suis ni pour, ni Maxime Maréchal pluies hivernales de plus en plus fréquentes. Surtout, la mono- culture de maïs, qui remplace peu à peu le blé et la luzerne, est Carte d’identité du grand hamster très défavorable au Kornferkel. « Dire que c’est le GCO qui va IDENTIFICATION tuer le grand hamster, c’est faux, NOM SCIENTIFIQUE : Cricetus Cricetus affirme Jean-Paul Burget, prési- dent de l’association Sauvegarde faune sauvage. Ce qui le tue, c’est 400 terriers de grand NOM COMMUN : Grand hamster NOM ALSACIEN : K ornferkel, « petit cochon des céréales » le maïs. » hamster sont Espèce solitaire, le rongeur Maxime Maréchal, Fanny Guiné / Cuej recensés en hiberne au mois d’octobre. Alsace, en 2016. DESCRIPTION Lorsqu’il se réveille en avril, il reprend ses virées nocturnes TAILLE : 30 centimètres pour se nourrir. Seul problème : POIDS : entre 200 et 500 grammes le maïs n’est pas semé à cette ESPÉRANCE DE VIE : 2 ans PRÉDATEURS : renard, chien, chat, buse, fouine période de l’année, contraire- SIGNE DISTINCTIF : protégé depuis 1993 ment au blé et à la luzerne. La nourriture se fait plus rare, le N E W S D ’ I L L n ° 1 1 9 - D É C E M B R E 2 0 1 6 > 13
Nina Zeindlmeier / Cuej « Tous ces fruitiers seront arrachés » Thibaut Diemer, 27 ans, est maraîcher à Kolbsheim. Pour sauver ses parcelles expropriées il s’oppose fermement à la construction du GCO. I l tient une bouteille de jus de Thibaut Diemer « Ils iront chercher ailleurs, soupi- du bruit et de la pollution. Plus pomme des deux mains, com- a investi dans re-t-il, dépité. Pour un céréalier, il jamais, je ne trouverai un endroit me un sommelier qui présente cette serre, où est plus facile de vendre sa récolte. préservé comme ça. » il cultive des son meilleur vin. Sur l’étiquette, légumes. Mais moi, je dépends des particu- la silhouette de Kolbsheim : liers qui viennent au magasin de la « Mettre le feu » le château d’eau, l’église Saint- ferme. » Ce sont surtout les pro- Partout dans le village, des affi- Léger, le château du XVIIIe siècle. duits transformés que ses clients ches anti-GCO sont placardées, « Quelle coïncidence. Ici, on voit apprécient: les fruits séchés, les sur des clôtures et les murs des où passera le GCO », explique jus et les confitures. « On crée de maisons. « Tout le monde dit être Thibaut Diemer en dessinant une la valeur ajoutée ici .» contre mais les gens n’agissent ligne imaginaire pour esquis- Au début de sa jeune carrière, pas », s’agace Thibaut Diemer, ser le projet d’autoroute. Ce jus l’agriculteur a investi dans une qui se sent seul et impuissant est l’un des nombreux produits grande serre qui trône sur une face à « l’armée », comme il ap- qu’il fabrique. Il y a deux ans, le colline à quelques pelle Vinci. Admi- maraîcher a repris l’exploitation mètres de la ferme. « Je voulais vivre nistrateur des Jeunes familiale à Kolbsheim. Pendant Il y cultive entre de mon métier. » agriculteurs du Bas- les travaux du GCO, il ne pourra autres de la salade, Rhin, un syndicat pas exploiter 30% de ses terres et perdra définitivement trois 2 des aubergines, des agricole, il milite. tomates et des oignons. Il a re- Les médias locaux le présentent heures par quarts de ses vergers. semaine, cruté des employés et acheté du comme porte-parole contre le c’est le temps terrain. Il a déposé un dossier GCO. Le calme apparent du Une carrière contrariée que consacre d’installation avec un plan quin- jeune homme se change en co- Jus de pomme, de quetsche, Thibaut Diemer quennal à la Chambre d’agricul- lère. « On aurait dû mettre le feu. de mirabelle, de cerise, de rai- pour lutter ture. « À l’époque, personne ne Faire des blocages et encore plus contre le GCO. sin : Thibaut Diemer aligne ses m’a parlé du GCO, se souvient-il. de manifestations ! » produits dans son hangar. « Ce Je me suis construit quelque chose Les indemnisations que les sous- sont tous les fruits qu’ils vont ar- sur le long terme et maintenant ils traitants de Vinci lui proposent racher. » Une vigne prend deux vont me compliquer la vie. » Thi- ne l’intéressent pas. Il refuse ans pour porter des grappes, un baut Diemer a toujours eu une même de les évoquer. L’avenir, il pommier quatre à cinq ans pour vision claire de son projet pro- ne le voyait pas comme ça. « Je avoir des pommes. Sans arbres, fessionnel. « Kolbsheim, avec ses voulais vivre de mon métier, à Thibaut Diemer n’aura pas de terrasses de la Bruche, ses vergers fond, et déjà ça commence à être fruits pendant plusieurs années et et ses vignes, est magnifique. Je ne difficile. C’est dommage. » sans fruits il n’aura pas de clients. veux pas d’une autoroute qui crée Nina Zeindlmeier 14 < N E W S D’ILL n° 119 - DÉCEMBRE 2016
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