Maltraitance infantile - protection de l'enfant - UNIL

La page est créée François Leblanc
 
CONTINUER À LIRE
Maltraitance infantile - protection de l'enfant - UNIL
Maltraitance infantile –
protection de l’enfant
Ulrich Lips
Guide concernant la détection précoce et la façon
de procéder dans un cabinet médical

       Stiftung Kinderschutz Schweiz
       Fondation Suisse pour la Protection de l’Enfant
       Fondazione Svizzera per la Protezione dell’Infanzia
Maltraitance infantile - protection de l'enfant - UNIL
Maltraitance infantile
– Protection de l’enfant
Ulrich Lips
Guide concernant la détection précoce et la façon
de procéder dans un cabinet médical

       Stiftung Kinderschutz Schweiz
       Fondation Suisse pour la Protection de l’Enfant
       Fondazione Svizzera per la Protezione dell’Infanzia
Maltraitance infantile - protection de l'enfant - UNIL
4   Maltraitance infantile – Protection de l’enfant

    Impressum

    Impressum

    Editrice
    Fondation Suisse pour la Protection de l’Enfant
    Case postale 6949 | 3001 Berne
    www.protection-enfants.ch

    Vous pouvez soutenir notre travail: compte postal 30-12478-8

    Auteur
    Dr. med. Ulrich Lips, chargé de cours, spécialiste FMH de
    médecine pour enfants et adolescents, responsable du groupe
    de protection de l’enfant et du service de consultation pour les
    victimes des hôpitaux pédiatriques universitaires de Zurich

    Responsable du projet
    Mirjam Rotzler, Fondation Suisse pour la Protection de l’Enfant

    Conception graphique et production
    raschle & kranz | Atelier für Kommunikation, Berne
    (conception graphique)
    Martine Besse (traduction)
    Dr. med. Myriam Caranzano-Maitre, Fondation ASPI (adaptation)
    brioCHe (relecture)
    Stämpfli Publikationen AG, Berne (impression)

    Parution de la première édition en français: mars 2011
    © 2011 | Fondation Suisse pour la Protection de l’Enfant
    Tous droits réservés

    La brochure peut être téléchargée sous forme de pdf en français,
    allemand et italien sur le site:
    www.protection-enfants.ch
Maltraitance infantile - protection de l'enfant - UNIL
Maltraitance infantile – Protection de l’enfant       5

                                                                            Au sujet de l’auteur

Au sujet de l’auteur
                       Après avoir effectué          de la Société suisse de pédiatrie; ce groupe
                       sa scolarité et des           coordonne les mesures de protection de
                       études de médecine            l’enfant dans les cliniques pédiatriques
                       à Zurich, Ulrich Lips         suisses, définit les lignes de conduite et tient
                       a obtenu son diplôme          une statistique pour l’ensemble de la Suisse.
                       en 1974 et a poursui-
                       vi ensuite sa forma-          Ulrich Lips est auteur principal et co-auteur
                       tion de 1975 à 1979 à         de publications scientifiques sur les thèmes
Bülach, Winterthur et Zurich pour devenir            du syndrome du bébé secoué et de la qua-
spécialiste FMH en médecine pour enfants             lité de vie après des maltraitances infan-
et adolescents. De 1980 à 1983, il a travaillé       tiles. Membre du comité de la Fondation
en qualité de chef de clinique à la clinique         suisse Enfants et Violence (1993 à 2000),
de néonatologie de l’hôpital universitaire           Ulrich Lips est l’initiateur de la vidéo desti-
de Zurich et à l’hôpital pédiatrique de Zu-          née à prévenir le syndrome du bébé secoué
rich. De 1983 à 1988, il a été à la tête de son      (1997).
propre cabinet de pédiatrie à Zurich-Hot-
tingen. Le Prof. Dr. med. Andreas Fanconi,           Ulrich Lips a été, en 1996, membre fonda-
alors directeur de clinique, a nommé Ulrich          teur de la Commission de la protection de
Lips à la fonction de médecin-chef de la cli-        l’enfant du canton de Zurich (la première
nique de médecine interne, position qu’il            commission de ce type en Suisse) et en
occupe depuis le 1.6.1988 et depuis 2007 en          a fait partie jusqu’en 2010. En tant que
qualité de directeur suppléant.                      membre de cette commission, il a parti-
                                                     cipé à la rédaction de la brochure intitulée
Ulrich Lips est responsable depuis 1988 du           «Leitfaden zur Standardisierung des Verfa-
groupe de protection de l’enfant de l’hôpital        hrens in Fällen von Kindsmisshandlung»
pédiatrique de Zurich. En 1994, ce dernier           (2000/2004). Il s’agit d’un guide pratique
est devenu également un service de consul-           visant à standardiser la procédure dans les
tation pour les victimes. Ce groupe est au-          cas de maltraitance infantile. Dans le cadre
jourd’hui la plus grande institution médi-           du Programme national pour la protection
cale dans le domaine de la maltraitance              de l’enfant «Protection de l’enfant à l’hori-
infantile/de la protection de l’enfant en            zon 2020» de la Fondation Suisse pour la
Suisse; son équipe interdisciplinaire qui            Protection de l’Enfant, Ulrich Lips a présidé
réunit 12 personnes s’occupe de plus de 400          en 2007/08 le groupe de travail «Détection
enfants et jeunes chaque année.                      précoce de la violence envers les enfants en
De 1992 à 2007, Ulrich Lips a présidé le             bas âge». L’idée du présent guide pratique
groupe de travail «Protection de l’enfant»           est issue de ce groupe de travail.
6   Maltraitance infantile – Protection de l’enfant

    Préface FMH

    Préface FMH
    Un enfant qui nait, c’est un événement        c’est au prix d’efforts énormes. Pour
    magnifique et le début de l’épanouisse-       eux, beaucoup de choses deviennent
    ment d’un nouvel être. L’enfance com-         plus compliquées et demandent plus
    mence et avec elle une période de la          d’énergie.
    vie qui, depuis 1989, est protégée par
    la Convention des droits de l’enfant          Malheureusement, chez nous aussi
    de l’ONU. Durant cette étape, les en-         vivent des enfants en proie à cette
    fants grandissent, ap­prennent, jouent        détresse. La Suisse a mis en vigueur la
    et se développent. Il est donc normal         convention sur les droits des enfants il y
    que le droit à disposer de temps libre,       a treize ans, mais concrètement, son ap-
    à jouer et à se reposer soit ancré dans       plication n’est toujours pas coordonnée.
    cette convention tout comme le droit
    à la sphère privée, à une famille, à la       Les premières années de la vie des
    protection des parents et à un chez-soi       enfants sont fortement ancrées dans le
    sûr. Or ces droits, qui vont de soi pour      contexte familial. C’est souvent là que
    nous, sont souvent bafoués.                   débute la maltraitance - au cœur de
                                                  leur environnement le plus cher. Les
    Abus, exploitation, abandon et discri-        examens préventifs ainsi que toutes les
    mination d’enfants sont autant d’actes        autres consultations chez le médecin
    et de faits à déplorer dans tous les pays     comptent parmi les contacts réguliers
    et à tous les niveaux socioculturels          les plus importants hors du noyau fa-
    ou économiques, et chez nous aussi.           milial. Les médecins comme aussi les
    Mal­gré leur besoin de protection, les        autres groupes de professionnels de la
    enfants sont victimes de violences            santé jouent ici un rôle important car
    physiques et psychiques, avec de graves       ils peuvent déceler en temps utile les
    conséquences pour le corps et l’esprit,       dangers qui menacent l’enfant. Mais
    risquant souvent d’hypothéquer leur           quand est-on en présence d’un danger,
    avenir à longue échéance. L’épanouis-         quels en sont les signes avant-coureurs
    sement et le développement de ces             et comment venir au secours de l’en-
    enfants sont perturbés, voire parfois         fant concerné? Il est parfois difficile de
    franchement compromis. Ils partent            distinguer ce qui menace l’intérêt de
    dans la vie avec une lourde charge, un        l’enfant des symptômes normaux et
    fardeau qui leur ferme de nombreuses          des phases de développement indivi-
    voies; et quand ils peuvent s’y lancer,       duelles.
Table de matières
                                            Impressum....................................... 4
                                            Au sujet de l’auteur......................... 5
                                            Préface FMH.................................... 6
Voulues par la Fondation suisse pour        Table de matières............................ 7
la protection de l’enfant, les présentes    Préface de la Fondation Suisse
lignes directrices créent la clarté né-     pour la Protection de l’Enfant....... 8
cessaire. Elles abordent les facteurs de    A quoi sert ce guide?.....................10
risque, la négligence et les symptômes
de maltraitance, elles expliquent com-      Première partie........................... 11
ment agir avec les parents, elles pré-      Définitions et formes.................... 11
sentent la situation juridique en Suisse    Les facteurs de risque................... 14
et indiquent où les professionnels          Constats d’ordre physique........... 15
peuvent obtenir un soutien.                 Signes de comportement
                                            particuliers....................................25
La FMH soutient les efforts de la Fonda-    Dossier médical.............................26
tion Suisse pour la Protection de l’En­     Manière de procéder....................28
fant: les enfants doivent être protégés     Situation juridique en Suisse...... 31
con­tre les menaces, l’abandon, l’exploi-
tation et contre toute violence. Nous       Deuxième partie......................... 33
recommandons ces lignes directrices         Pédiatres et autres méde­-
car elles représentent un instrument        cins qui suivent des enfants........ 33
important dans la pratique quotidienne      Psychiatres de l’enfant et de
non seulement pour venir en aide aux        l’adolescent....................................34
enfants menacés et les protéger, mais       Chirurgiens pédiatres,
aussi pour épauler les pères et les         chirurgiens....................................34
mères concernés, afin que le plus grand     Dermatologues.............................. 35
nombre d’enfants puissent grandir dans      Oto-rhino-laryngologues
l’insouciance propre à la jeunesse et       (ORL).............................................. 37
sans fardeau inacceptable.                  Obstétriciens et obstétri­-
                                            ciennes, gynécologues et
Dr Jacques de Haller                        néonatologues...............................38
Président de la FMH                         Dentistes........................................42
                                            Généralistes et autres médecins
Dr Christine Romann                         qui ne s’occupent pas d’enfants....43
Membre du Comité central de la FMH          Le rôle de l’assistante médicale.....44
Responsable du domaine Promotion            Informations complémentaires... 45
de la santé et prévention                   Recommandations......................... 46
8   Maltraitance infantile – Protection de l’enfant

    Préface de la Fondation Suisse pour la Protection de l’Enfant

    Préface de la Fondation Suisse
    pour la Protection de l’Enfant
    Chers médecins,                               pour écarter le danger. S’il n’y a pas
    				                                          de réaction, le danger peut s’intensi-
    Etant active au niveau national, la           fier et l’enfant en gardera peut-être des
    Fondation Suisse pour la Protection           séquelles durables.
    de l’Enfant se mobilise dans toutes les
    régions de notre pays pour que les en-        Quand des enfants viennent vous
    fants puissent grandir dans la dignité        consulter, vous êtes habituellement
    au sein de notre société, pour que leurs      aussi en contact avec l’un des parents.
    droits soient respectés et que leur inté-     Ces circonstances permettent de déce-
    grité soit protégée. Pour y parvenir, la      ler des symptômes éventuels de vio-
    Fondation Suisse pour la Protection de        lence et de négligence; elles permettent
    l’Enfant cherche à connaître les causes       aussi d’expliquer à l’enfant qu’il a des
    de la violence et à les prévenir. Malgré      droits, par exemple celui de ne pas être
    tout, il y a en Suisse de nombreux en-        maltraité. En étant en contact avec les
    fants qui sont maltraités, exploités et       parents, il vous est possible, par ail-
    négligés. En publiant ce guide pratique,      leurs, d’aborder avec eux le problème
    la Fondation Suisse pour la Protection        du surmenage et du stress, les facteurs
    de l’Enfant entend fournir aux méde-          de risque concernant la maltraitance et
    cins un outil pour les aider à repérer la     la négligence; vous pouvez leur indi-
    violence à un stade précoce et à effec-       quer où s’adresser pour trouver de l’aide
    tuer les démarches nécessaires pour           et se faire décharger.
    qu’elle cesse.
                                                  Il n’y a pas, pour l’ensemble de la Suisse,
    Car vous jouez un rôle clé, en tant que       de chiffres fiables concernant l’ampleur
    médecins, dans l’évolution des enfants        de la violence exercée à l’encontre des
    en danger. C’est votre réaction rapide        nourrissons et des enfants en bas âge.
    et compétente à la mise en danger du          Le groupe de protection de l’enfant qui
    bien de l’enfant – qu’elle soit présumée      existe depuis 1969 à la clinique pédia-
    ou avérée – qui détermine, dans de            trique de Zurich – le plus ancien en
    nombreux cas, si l’enfant trouvera la         milieu hospitalier – a constaté ces der-
    protection dont il a besoin et / ou si les    nières années une augmentation des
    parents obtiendront l’aide nécessaire         cas suspects signalés et une augmen-
Maltraitance infantile – Protection de l’enfant   9

                                                                                   Préface

tation des mauvais traitements avérés           times et des groupes de protection de
envers les enfants. Même si le nombre           l’enfant, si l’on veut que l’enfant béné-
de cas n’est pas à lui seul un indicateur       ficie effectivement d’une protection.
qui permet d’établir une éventuelle             Ce guide pratique fournit des réponses
augmentation de la violence envers les          précises à toutes ces questions.
enfants, on peut admettre, en raison de
la hausse nette des cas suspects signa-         Ce guide pratique a été rédigé par le Dr.
lés, que l’on est plus disposé à signaler.      méd. Ulrich Lips, directeur du groupe
La sensibilité du public et des milieux         de protection de l’enfant des cliniques
spécialisés semble donc accrue.                 universitaires et pédiatriques de Zu-
                                                rich. C’est à son inlassable travail en
La qualité des indications fournies             faveur du bien de l’enfant, à sa longue
revêt une importance primordiale si             expérience et à ses connaissances éten-
l’on veut pouvoir établir qu’il y a eu          dues dans le domaine de la protection
maltraitance. Pour le permettre, il est         de l’enfant que l’on doit l’élaboration
indispensable que les professionnels            de ce guide pratique. Au nom de la
aient à disposition des informations ap-        Fondation Suisse pour la Protection de
propriées pour qu’ils sachent quand ils         l’Enfant, je remercie très sincèrement
sont confrontés à un cas suspect avéré,         Ulrich Lips pour son précieux travail et
à quel moment il est indiqué d’aviser           la collaboration fructueuse avec notre
l’autorité de protection de l’enfant (au-       fondation.
torité de tutelle) ou de demander l’avis
du groupe de protection de l’enfant de          A vous, chère lectrice, cher lecteur, je
l’hôpital. Il est important aussi que les       souhaite de prendre les bonnes déci-
professionnels sachent quelle attitude          sions dans l’exercice exigeant de votre
adopter face à l’auteur présumé / à l’au-       profession et je vous remercie de contri-
teure présumée; il est essentiel, d’autre       buer ainsi à protéger les enfants!
part, que le rôle précis des profession-
nels concernés soit clairement défini           Fondation Suisse
et délimité par rapport au travail des          pour la Protection de l’Enfant
autorités de protection de l’enfant, des        Jacqueline Fehr
services de consultation pour les vic-          Présidente
10   Maltraitance infantile – Protection de l’enfant

     Introduction | A quoi sert ce guide?

     A quoi sert ce guide?
     Les mauvais traitements envers les                 tection de l’enfant. Nous laissons donc
     enfants (maltraitance infantile) sont              délibérément de côté les détails précis
     fréquents. Même si des statistiques                et les indications bibliographiques. Ce
     précises font défaut pour différentes              guide vous est destiné, à vous les méde-
     raisons (nombre important de cas non               cins qui exercez votre profession dans
     révélés, définition de la maltraitance,            différentes spécialités et êtes peu fami-
     etc.) les faits sont irréfutables: selon           liarisés avec ce domaine. Ce guide de-
     des estimations prudentes, 10 à 20 %               vrait vous aider, vous-mêmes ainsi que
     des enfants1 subissent des mauvais                 vos assistantes médicales, à détecter les
     traitements sous une forme ou une                  cas de maltraitance subie et à repérer
     autre jusqu’à leur 18ème anniversaire.             par ailleurs les situations suspectes et
     Nous voyons ces enfants couramment                 à risque; il devrait aussi vous montrer
     dans notre cabinet, en consultation et             différents moyens d’y faire face.
     à l’hôpital conjointement à leurs pairs2
     non affectés par des maltraitances. Ils            Dans la première partie de cette bro-
     viennent pour des douleurs, des mala-              chure, vous trouverez des généralités
     dies et des accidents, pour des examens            sur le phénomène de la maltraitance
     de routine et des vaccins. Nous devrions           infantile et la manière de l’aborder; la
     les reconnaître en tant qu’enfants mal-            seconde partie fournit des informa-
     traités, car leur santé et leur qualité de         tions complémentaires aux médecins
     vie – dans l’immédiat et pour toute leur           de différentes spécialités confrontés
     vie future d’adultes – peuvent en être             directement ou indirectement à la
     sensiblement améliorées.                           maltraitance infantile, soit parce qu’ils
                                                        traitent des enfants, soit parce qu’ils
     Ce guide n’est pas un abrégé consacré              s’occupent de patients et de patientes
     à la maltraitance infantile et à la pro-           adultes ayant des enfants.

     1
         Le terme ‚enfants’ désigne des enfants et des jeunes de sexe masculin et féminin jusqu’à leur
         18ème anniversaire (définition juridique)
     2
         Dans le texte, on parlera de patientes parce que les filles sont plus fréquemment maltraitées
         que les garçons. Bien entendu, les garçons sont toujours aussi considérés.
Première partie

Définition et formes
Dans les milieux médicaux spécialisés, on distingue généralement
5 formes de mauvais traitements envers les enfants
»» Maltraitance physique
»» Exploitation sexuelle (synonymes: violence sexuelle,
   agressions sexuelles, abus sexuels)
»» Maltraitance psychologique
»» Négligence
»» Syndrome de Münchhausen par procuration

Dans d’autres domaines (sciences sociales, droit civil), les formes de
maltraitance suivantes viennent s’ajouter et se chevauchent en partie
»» Maltraitance en raison d’un conflit concernant l’autonomie
»» Maltraitance en raison d’un conflit d’adultes concernant l’enfant
»» Maltraitance institutionnelle
»» Maltraitance / violence structurelle

La façon dont on classe les différentes formes de maltraitance a une portée sta-
tistique et didactique mais elle est peu pertinente sous l’angle pratique: on est
presque toujours en présence de plus d’une forme de maltraitance et les diffé-
rentes formes de mauvais traitements se chevauchent.

Définition de la maltraitance infantile

La maltraitance infantile est une atteinte non fortuite, consciente ou inconsciente,
physique et / ou psychologique (par une intervention active ou par omission), y
compris la négligence des besoins de l’enfant, de la part de personnes (parents,
autres responsables de l’éducation, tiers), d’institutions et de services sociaux, qui
conduit à des troubles du développement, des lésions ou même la mort.
12   Maltraitance infantile – Protection de l’enfant

     Définition et formes

     Les différentes formes de maltraitance

     Maltraitance physique
     Il s’agit d’un large spectre de coups, de brûlures causées par une source de chaleur
     ou une substance bouillante, de contusions, de coups de couteau ou de secousses
     infligés à un enfant. Parmi les lésions graves, il faut citer des lésions du paren-
     chyme cérébral, des hématomes sous-duraux ou des hémorragies de la rétine
     ainsi que des lésions des organes thoraciques et abdominaux.

     L’association de diverses blessures anciennes (alors que selon l’anamnèse, il n’y
     aurait qu’un seul traumatisme) indique qu’il y a eu des traumatismes à divers
     moments.

     Négligence
     Le fait de ne pas satisfaire les besoins d’un enfant, par exemple en termes de
     nourriture, d’hygiène, de vêtements, d’éducation et d’encadrement. La négligence
     peut se manifester entre autres comme un trouble de la croissance d’origine non
     organique. La négligence peut avoir lieu de manière consciente ou inconsciente.

     Maltraitance psychologique
     Attitude négative et destructrice des adultes chargés de l’éducation d’un enfant,
     consistant à le rabaisser continuellement (insultes, brimades, avilissements, hu-
     miliations, oppression verbale, terrorisme verbal). Il s’agit d’appréciations déva-
     lorisantes qui affectent durablement l’estime de soi de l’enfant. En même temps,
     on communique sans cesse à l’enfant des sentiments négatifs face à son avenir.

     La forme de maltraitance psychologique la plus fréquente est aujourd’hui la vio-
     lence domestique: les enfants sont contraints à être témoins des altercations
     verbales, psychologiques ou physiques de leurs parents.

     Exploitation sexuelle
     Exhibitionnisme en présence d’enfants, pornographie impliquant des enfants,
     masturbation avec l’enfant, pénétration (vaginale / anale / orale). Les victimes sont
     des garçons et des filles souvent durant la petite enfance. Les auteurs (hommes et
     femmes) de ces actes sont issus majoritairement de l’entourage social proche des
     victimes. Il est rare de trouver des lésions corporelles évidentes.
Maltraitance infantile – Protection de l’enfant   13

                                                               Définition et formes

Syndrome de Münchhausen par procuration
Des parents (généralement des mères) suscitant souvent une image d’eux-mêmes
très positive auprès du personnel médical, inventent des symptômes que leur
enfant soit-disant présente (fièvre, crampes, saignements, etc.) ou les déclenchent
par les manipulations les plus diverses. Ces deux comportements entraînent un
grand nombre d’examens médicaux et d’interventions inutiles. La mère est ainsi au
centre de l’attention en tant que personne très inquiète qui prend soin d’un enfant
dont personne ne comprend la maladie et qui par conséquent ne peut pas être
aidé. Elle en retire un gain d’attention secondaire à la «maladie» de son enfant.

De ce chapitre font aussi partie des demandes d’opérations inutiles
»» cf. le chapitre «Oto-rhino-laryngologues (ORL)», p. 37

Maltraitance en raison d’un conflit concernant l’autonomie
Non maîtrise des conflits au moment où les enfants grandissent et se détachent
de leurs parents.

Maltraitance en raison d’un conflit entre adultes concernant l’enfant
Dans les statistiques médicales, cette forme de maltraitance apparaît dans la
catégorie des maltraitances psychologiques.

Conflit concernant l’enfant, généralement entre les parents, dans des situations
de discorde, de séparation ou de divorce. En raison de l’incapacité des adultes à
dialoguer, l’enfant est entraîné dans le conflit et il n’est pas rare que les parties
en conflit l’utilisent de surcroît à leur profit; ceci entraîne chez les enfants des
dégâts psychologiques, notamment parmi les enfants en bas âge, qui sont tiraillés
dans leur perception du conflit entre leurs parents.

Maltraitance / violence structurelle
La violence structurelle a pour effet que les enfants sont victimes des structures
de la société; ces dernières apparaissent comme hostiles aux enfants ou pour le
moins comme incompatibles avec les enfants (par ex. la pauvreté, la circulation
routière, la pollution de l’environnement). Ce type d’atteinte aux enfants est
naturellement bien compréhensible, mais il est en revanche difficile à quantifier
et élargit la notion de maltraitance infantile à une dimension illimitée qui rend
la collecte de données statistiques a priori irréalisable.
14   Maltraitance infantile – Protection de l’enfant

     Les facteurs de risque

     Les facteurs de risque
     La maltraitance infantile a toujours des causes multiples et ne résulte jamais
     d’un seul facteur de stress ou de risque. L’addition de plusieurs facteurs de risque
     conduit à l’incapacité de faire face; celle-ci se traduit par une tolérance réduite
     au stress, une perte de contrôle et l’incapacité d’identifier les besoins de l’enfant
     et / ou de les satisfaire. Ceci est valable pour toutes les formes de maltraitance à
     l’exception de l’exploitation sexuelle; dans ce cas, on est en présence d’un profil
     de l’auteur tout à fait différent.

     Les facteurs de risque les plus courants sont les suivants
     »» Isolement social, marginalisation, exclusion
     »» Difficultés financières (travail / logement)

     »»   Grossesse non désirée
     »»   Grossesse très précoce
     »»   Succession de naissances rapprochées
     »»   Insécurité sociale et / ou émotionnelle / affective
     »»   Expérience personnelle d’abus
     »»   Toxicodépendance
     »»   Maladie psychique / signe de comportement particulier (dépression post-natale)
     »»   Maladie chronique de l’un des parents
     »»   Comportement délinquant de l’un des parents

     »» Conflits dans le couple, séparation, divorce
     »» Violence domestique

     »» Acceptation des châtiments corporels comme méthode d’éducation
     »» Attentes des parents démesurées, ce qui génère une pression inappropriée

     »»   Naissances multiples
     »»   Naissance fortement prématurée
     »»   Bébés pleurant beaucoup
     »»   Enfants ayant des problèmes alimentaires
     »»   Enfants ayant des troubles du sommeil
     »»   Enfants handicapés
     »»   Enfants affectés par une maladie chronique
Maltraitance infantile – Protection de l’enfant   15

                                                           Constats d’ordre physique

Constats d’ordre physique
Observations d’ordre général

Les éléments, comportements et constats suivants sont des signes généraux qui
indiquent l’existence d’une maltraitance physique:

Recours tardif à l’aide d’un médecin
Ceci concerne surtout les lésions cutanées superficielles: dans un premier temps, les
enfants qui ont des éraflures et des brûlures de degré léger par ébouillantage ne sont
pas conduits tout de suite chez le médecin mais seulement plus tard, par ex. quand
la blessure s’est infectée et qu’il n’est plus possible d’éviter la consultation médicale.

Incohérences au niveau de l’anamnèse
»» Les indications fournies lors de l’anamnèse sont peu vraisemblables et ne
   concordent pas avec le type de blessure (exemple: présence isolée d’hématomes
   striés sur la joue gauche, sinon aucune autre lésion sur le corps; explication
   fournie: chute d’un tricycle). La même personne fournit, selon le moment, des
   explications différentes concernant les blessures (exemple: brûlure occasion-
   née par du thé bouillant puis, plus tard, par de la soupe très chaude).
»» Différentes personnes soi-disant présentes au moment de l’accident fournissent
   des descriptions divergentes.

Des blessures d’âge différent
La présence de blessures d’âge différent (hématomes présentant un stade de colo-
ration différent, des fractures dont l’ancienneté varie, etc.) doit surtout retenir
l’attention quand un seul accident est signalé, ce qui est généralement le cas. Atten-
tion: les enfants qui bougent beaucoup ont presque toujours plusieurs hématomes
de coloration différente aux endroits caractéristiques où l’on se heurte (tibias!)

Changement de médecin sans raison
»» Consultations annulées fréquemment
Les consultations destinées à des examens de routine et / ou des vaccinations sont
régulièrement annulées au dernier moment. La raison peut en être la présence
d’hématomes ou d’autres blessures que le médecin ne doit pas voir.
16   Maltraitance infantile – Protection de l’enfant

     Constats d’ordre physique

     »» Comportement inapproprié des parents / des personnes qui accompagnent l’enfant
     Il s’agit d’être attentif surtout quand les parents ou les personnes qui accom-
     pagnent l’enfant sont peu impressionnés par des blessures relativement graves
     ou semblent peu concernés. Attention: des parents innocents peuvent se trouver
     dans un état de choc qui les rend insensibles à toute émotion (état second).

     »» Symptômes de maladies «qui n’existent pas»
     Si, en suivant un enfant, vous êtes confrontés au fait que de nouveaux symptômes
     de maladie sont décrits en permanence, – et que les anciens disparaissent sans
     qu’on se l’explique et sans traitement – pensez au syndrome de Münchhausen par
     procuration qui n’est sans doute pas si rare. En particulier quand les symptômes
     décrits sont inhabituels (par ex.: un bébé qui a des saignements répétés en l’espace
     de quelques semaines, une fois par la bouche, une autre fois par le vagin, puis une
     hémoptysie, et une autre fois encore à l’anus) et tout particulièrement si vous-
     même ne constatez rien (dans l’exemple ci-dessus: pas de traces de saignement, taux
     d’hémoglobine normal, coagulation du sang normale, etc.). Il en va de même des
     maladies que vous-même et vos collègues expérimentés n’avez encore jamais vues:
     soit vous venez de découvrir une nouvelle maladie, (et dans ce cas, vous devez vous
     empresser de l’étudier et de publier vos observations!) soit vous êtes en présence du
     syndrome de Münchhausen par procuration. Si vous soupçonnez un tel syndrome,
     vous vous trouvez face à l’une des situations les plus difficiles du point de vue
     médical: demandez tout de suite conseil au groupe de protection de l’enfant 3 d’un
     hôpital pédiatrique d’une certaine importance; il vous indiquera ce qu’il faut faire.

     Constats particuliers

     Lésions de la peau

     Hématomes
     Chez les enfants qui ont une grande activité motrice, les hématomes sont fré-
     quents. Pour pouvoir déterminer s’il y a maltraitance ou non, il faut prendre en
     compte les points suivants:

     3
         En Suisse, chaque hôpital pédiatrique d’une certaine importance a un groupe de protection
         de l’enfant.
Illu. 1: Hématome situé à un endroit où l’on se heurte souvent (enfant   Illu. 2: Hématome situé à un endroit qui suscite un très fort
en bas âge apprenant à marcher: se heurte et tombe fréquemment)          soupçon de maltraitance (enfant en bas âge prétendument
                                                                         tombé sans qu’on le voie)

               »» Âge et développement psychomoteur de l’enfant
               Pour provoquer un hématome, il faut qu’il y ait eu l’intervention d’une certaine
               force: un enfant doit tomber ou se heurter violemment pour qu’un hématome
               apparaisse sans intervention extérieure. Ceci n’est possible que si l’enfant a atteint
               un certain stade de développement psychomoteur: les nourrissons ne peuvent
               pas se faire d’hématomes sans intervention extérieure, les enfants alités dont la
               motricité est réduite non plus.

               »» Localisation
               Les hématomes non suspects quant à d’éventuels mauvais traitements se situent
               aux endroits caractéristiques où l’on se heurte: front, os malaire / os zygomatique,
               nez, menton, coude, crête iliaque, genou, tibia. (Illu. 1 et 3) Sont suspects en revanche
               les hématomes situés au cou, à la nuque, à la poitrine, au dos, au ventre, au derrière
               et aux parties intérieures des extrémités. (Illu. 2 et 4)

               Illu. 3: Localisations typiques d’hématomes                    Illu. 4: Localisations typiques d’hématomes
               causés accidentellement                                        causés par des maltraitances
Illu. 5: Traces de coups laissées par un câble   Illu. 6: Trace de gifle d’une grande violence
électrique

               »» Àge de l’hématome
               Tous les hématomes causés par le même épisode accidentel ont en règle générale
               la même couleur. Les hématomes dont la coloration diffère doivent être par consé-
               quent provoqués par des traumatismes multiples non simultanés (comme on les
               voit fréquemment chez des enfants en bonne santé à partir d’un certain âge; les
               hématomes se situent alors aux endroits caractéristiques!). Attention: la détermi-
               nation de l’ancienneté des hématomes sur la base de leur coloration a été fortement
               remise en cause dernièrement quant à sa fiabilité. Une seule chose reste vraie:
               la coloration en jaune signifie que l’hématome date de plus de 3 jours. Un autre
               point subsiste: un accident unique = tous les hématomes ont la même couleur.

               »» Traces
               Les traces que l’on peut attribuer à un objet ou à une partie du corps constituent
               pratiquement la preuve d’une maltraitance; exemples: boucle de ceinture, bâ-
               ton (= double trace linéaire), fil métallique ou corde (= sorte de boucle), cintre,
               main / doigts, morsures, etc. (Illu. 5 – 7)

               »» Troubles de la coagulation
               Il est bien évident que l’appréciation des hématomes est très différente si l’on est
               en présence de troubles de la coagulation. Néanmoins, les enfants qui présentent
               des troubles de la coagulation peuvent eux aussi subir des mauvais traitements!
Illu. 7: Trace de morsure humaine       Illu. 8: Brûlure accidentelle provoquée par une     Illu. 9: Brûlure occasionnée par une
                                        boisson chaude que l’enfant a fait tomber de la     maltraitance; les pieds ont été plongés
                                        table en tirant (tasse posée sur un set de table)   dans de l’eau bouillante

               »» Autres diagnostics différentiels
                  »» Taches mongoliques (parfois sur tout le dos,
                     les bras jusque sur le dos de la main)
                  »» Purpura de Schönlein-Henoch et autres vasculites
                  »» Syndrome d’Ehlers-Danlos
                  »» Lichen scléreux et atrophique / lichen sclerosus et atrophicus

               »» cf. le chapitre «Dermatologues», p. 35

               Blessures provoquées par des causes thermiques

               Brûlures occasionnées par un ébouillantage
               La plupart des brûlures accidentelles occasionnées par un ébouillantage se pro-
               duisent quand un enfant fait tomber de la table ou d’une étagère de la cuisine des
               boissons et des aliments très chauds. Pour que cela se produise, il faut que l’enfant ait
               atteint un certain stade de développement psychomoteur. Il en résulte des schémas
               de brûlures caractéristiques; les parties touchées sont la poitrine, le ventre, éventuel-
               lement les épaules et le menton. Le degré de gravité diminue en direction cranio-
               caudal. Des brûlures par ébouillantage se produisent aussi quand les parents / les
               personnes qui s’occupent de l’enfant portent le bébé dans les bras / sur les genoux
               tout en ayant une boisson chaude dans l’autre main. Les brûlures dues à la mal-
               traitance sont en règle générale clairement délimitées et sont surtout localisées aux
               mains, aux pieds et dans les zones anogénitales. Ce sont des endroits où les enfants
               ne se brûlent pas sans l’intervention d’un tiers, sauf éventuellement aux mains et
               aux pieds, mais dans ce cas, selon une configuration tout à fait différente. (Illu. 8 – 9)
20   Maltraitance infantile – Protection de l’enfant

     Constats d’ordre physique

     Brûlures
     Lorsque les enfants entrent en contact avec des objets brûlants ou du feu, c’est
     uniquement parce qu’ils ne repèrent pas le danger (plaque chaude de cuisinière,
     porte de four brûlante, etc.) ou parce qu’ils tombent ou trébuchent. Lorsque le
     contact avec des objets brûlants est accidentel, les lésions concernent généra-
     lement la paume de la main ou la plante du pied; en cas de chute, les brûlures
     sont souvent associées à d’autres blessures. Dans le cas de traces laissées par des
     objets brûlants (gril, fer à repasser, cigarettes, etc.), il faut toujours soupçonner
     qu’il y a eu maltraitance.

     Diagnostics différentiels
     »» Staphylococcal Scalded Skin Syndrome
     »» Epidermolysis bullosa / épidermolyse bulleuse
     »» Pratique thérapeutique populaire d’Extrême-Orient (la peau est traitée à
        l’aide d’objets ou de cuillères très chauds pour combattre la fièvre: Cao Gio
        ou cupping)

     Fractures

     La présence de fractures sur le squelette de l’enfant est un élément important
     pour le diagnostic de la maltraitance infantile, en particulier lorsque les fractures
     apparaissent à un très jeune âge ou que le mécanisme de l’accident tel qu’il est
     décrit ne concorde pas avec la fracture. Il convient de prendre en compte les
     facteurs suivants:

     Âge / psychomotricité de l’enfant
     Pour des raisons biomécaniques, un enfant ne peut se faire une fracture par
     l’exercice de son activité que s’il marche de manière autonome, ce qui n’est guère
     le cas durant sa première année de vie. Les fractures qui apparaissent avant le 1er
     anniversaire sont donc de prime abord très suspectes et une analyse attentive
     des circonstances montre qu’une fracture sur deux survenue avant le 1er anni-
     versaire est causée par une maltraitance. Selon certaines études, les fractures qui
     surviennent avant le 4ème anniversaire doivent être considérées comme très sus-
     pectes et chacune d’elles doit être examinée très attentivement quant à ses causes.
Illu. 10: Fracture métaphysaire «bucket handle fracture»   Illu. 11: Fracture métaphysaire «corner fracture»

               Fractures multiples / âge variable des fractures
               Après un accident, on constate dans 80% des cas une seule fracture; les en-
               fants maltraités présentent en moyenne 3 fractures. Les fractures dont le degré
               d’ancienneté varie sont un solide argument pour conclure à la présence d’une
               maltraitance (échelonnée dans le temps).

               Endroits privilégiés / type de fracture
               Les fractures des côtes et des os longs tubulaires ainsi que les fractures méta-
               physaires et épiphysaires chez les enfants en bas âge sont suspectes au plus haut
               degré (corner fracture resp. bucket handle fracture). (Illu. 10 – 11)

               Les opinions sont très contradictoires pour établir à partir de quelle hauteur
               une chute provoque des fractures du crâne chez les nourrissons (par ex. chute
               de la table à langer): en règle générale, on estime qu’à partir d’un mètre de hau-
               teur, des fractures du crâne simples peuvent se produire; il s’agit de fractures
               dites linéaires qui ne chevauchent pas les sutures crâniennes. Il faut prendre en
               compte la consistance de la surface percutée et le fait que le crâne ait pu heurter
               un petit objet dur, ce qui peut entraîner des fractures par enfoncement, même
               si la chute s’est produite d’une faible hauteur. En tous les cas, une «chute de la
               table à langer» (hauteur de la table située entre 80 et 90 cm) n’occasionne guère
               de fracture du crâne.

               Diagnostic différentiel
               Les fractures qui surviennent en raison d’une ostéopénie à l’occasion d’un choc
               très faible ou même spontanément sont régulièrement citées comme possibilité
               de diagnostic autre que la maltraitance.
22   Maltraitance infantile – Protection de l’enfant

     Constats d’ordre physique

     Il faut également envisager les situations suivantes:
     »» Osteogenesis imperfecta / ostéogenèse imparfaite
     »» Ostéopénie en cas de naissance extrêmement prématurée
         (< 32 semaines de gestation); premiers mois de la vie
     »» Ostéopénie en cas d’inactivité
         (enfants handicapés qui ne peuvent pas marcher)
     »» Rachitisme

     Il faut toutefois garder à l’esprit que ou bien toutes ces situations sont claires du
     point de vue de l’anamnèse et du diagnostic clinique (naissance prématurée,
     rachitisme, inactivité) ou bien qu’elles se présentent beaucoup plus rarement
     comme maltraitance infantile (ostéogenèse imparfaite).

     Blessures internes

     Les blessures internes occasionnent en règle générale des signes cliniques graves
     qui nécessitent une hospitalisation immédiate. C’est pourquoi nous nous conten-
     tons d’aborder ici quelques blessures plus légères ainsi que le «syndrome des
     bébés secoués»; dans ce cas précis, au cabinet médical l’accent doit être mis prio-
     ritairement sur la prévention (comment faire face à la situation quand un bébé
     pleure beaucoup).

     Syndrome des bébés secoués
     Le fait de secouer, dans le sens sagittal, un petit enfant qui ne peut pas stabiliser
     sa tête occasionne des lésions intracrâniennes et intracérébrales graves sans que
     le crâne percute un objet dur quelconque (il n’y a donc ni signes d’impact ni
     fractures). Les blessures caractéristiques sont des hématomes sous-duraux, des
     «shearing injuries» dans le parenchyme cérébral (tous deux provoquent une pres-
     sion intracrânienne accrue, ce qui est un facteur de préjudice supplémentaire)
     ainsi que des saignements de la rétine et / ou du corps vitré. (Illu. 12)

     Sont concernés les nourrissons, les garçons davantage que les filles, la fréquence
     la plus grande se situant à 5 mois. Le facteur déclenchant est en règle générale
     les pleurs (fréquents) du nourrisson (raison pour laquelle les garçons sont plus
     souvent affectés). L’image clinique se compose de trois symptômes principaux:
Illu. 12: Mécanisme du syndrome des bébés secoués

              état de conscience perturbé (de la somnolence au coma), troubles respiratoires
              (de la bradypnée à l’apnée) et convulsions. Le pronostic est extrêmement néga-
              tif: 20 – 25% des bébés meurent immédiatement après le traumatisme; quant à
              ceux qui survivent, ils se retrouvent presque sans exceptions handicapés à des
              degrés divers.

              Blessures dans la cavité buccale
              Il arrive que l’on conduise chez le médecin des bébés qui présentent des sai-
              gnements dans la cavité buccale. Ces derniers peuvent être provoqués par des
              méthodes violentes pour nourrir l’enfant ou par des coups sur la bouche.

              » cf. le chapitre «Dentistes», p. 42

              Intoxications
              Des états de conscience ou des constats neurologiques inhabituels doivent inci-
              ter à penser que l’on a administré à l’enfant des substances psychotropes ou des
              médicaments. La preuve se trouve dans l’urine et / ou le sang; il est préférable de
              prélever immédiatement l’un et l’autre si vous avez un soupçon. Congelé dans
              un premier temps, ce matériau peut être analysé par la suite ou jeté.
24   Maltraitance infantile – Protection de l’enfant

     Constats d’ordre physique

     Constats indiquant qu’une excision a été pratiquée
     Le résultat de différentes formes de mutilation génitale féminine4 (infibulation,
     excision, diverses formes d’incision) peut être décelé facilement lors de l’examen
     génital de la petite fille, par ex. l’absence de clitoris et / ou des petites lèvres ainsi
     que la suture des bords de la vulve. Les incisions moins marquées ou les «mini-
     formes» de l’excision (grattage du clitoris jusqu’à l’apparition d’une goutte de
     sang) ne sont généralement pas décelées lors d’un examen.

     Circoncision
     Dans les milieux spécialisés eux-mêmes, la circoncision (des garçons) que l’on
     pratique généralement chez les nouveau-nés ou les nourrissons divise les esprits.
     Elle constitue en effet une intervention non indiquée du point de vue médical,
     d’autant plus que le sujet concerné ne peut pas donner son avis; de ce fait, elle se
     trouve en contradiction avec les conceptions actuelles de l’éthique biomédicale.

     Constats d’ordre physique après une exploitation sexuelle
     La définition large de l’exploitation sexuelle qui, souvent, ne correspond pas à
     une pénétration vaginale ou anale (voir plus haut) a pour effet que les constats
     d’ordre physique sont extrêmement rares après des agressions sexuelles. Si cer-
     tains signes peuvent être décelés, ils sont souvent si peu apparents que seul un
     spécialiste expérimenté peut faire la différence entre des signes non spécifiques
     ou certaines variantes de la norme; il s’agit de lui adresser les enfants concernés
     et de lui demander son avis – sans attendre, si l’on soupçonne que l’agression a été
     commise au cours des 72 dernières heures. Seuls peuvent être considérés comme
     des spécialistes expérimentés des pédiatres ayant suivi une formation complé-
     mentaire en gynécologie ainsi que des gynécologues chargés d’examiner régu-
     lièrement des enfants dont on pense qu’ils pourraient avoir subi un abus sexuel.

     4
         On distingue aujourd’hui les formes d’excision suivantes (mutilation génitale féminine MGF/
         female genital mutilation FGM):
         A (Type 1 «Sunna»): Ablation du capuchon clitoridien avec ou sans clitoris
         B (Type 2 «Excision»): Ablation du clitoris et des petites lèvres
         C	(Type 3 «Infibulation»): Ablation du clitoris, des lèvres et des zones voisines puis suture du
           vagin pour ne laisser qu’un minuscule orifice
Maltraitance infantile – Protection de l’enfant   25

               Constats d’ordre physique | Signes de comportement particuliers

Lorsqu’il y a soupçon d’exploitation sexuelle, la transcription du témoignage de
la patiente revêt une importance majeure. Il s’agit de relever les observations
en respectant strictement «l’original» (c’est-à-dire mot à mot, sans rien chan-
ger, éventuellement en «argot») en indiquant la situation dans laquelle l’enfant
s’exprime (pendant la consultation, au moment de sortir, dans la salle d’attente;
quelles sont les personnes présentes et quel est leur comportement, etc.). Le mé-
decin doit se limiter à transcrire ce que dit spontanément l’enfant; il ne faut en
aucun cas «interroger» l’enfant sur d’éventuelles agressions sexuelles; cette tâche
est réservée exclusivement aux autorités chargées de l’enquête (en vertu de la Loi
sur l’aide aux victimes d’infractions). Il est connu que des «interrogatoires préa-
lables» influencent négativement la façon dont les enfants s’expriment lorsqu’ils
sont interrogés par les enquêteurs. En effectuant un tel interrogatoire, le médecin
rend donc un mauvais service à la patiente.

»» cf. le chapitre «Obstétriciens | Gynécologues | Néonatologues», p. 38

Signes de comportement particuliers
Après des mauvais traitements, les signes de comportement particuliers sont beau-
coup plus fréquents chez les enfants que la présence de constats d’ordre physique.
Ces signes comportementaux sont la conséquence des traumatismes subis et tra-
duisent la manière dont l’enfant fait face à cette situation. De même que les enfants
disposent de facteurs protecteurs extrêmement différents (capacité de résilience),
les modifications de comportement peuvent elles aussi être très variables – même
dans le cas de traumatismes comparables; elles dépendent aussi de l’âge de l’enfant
ainsi que de la position et de la relation qui lie l’auteur à l’enfant.

Les signes comportementaux particuliers comme indice de maltraitance ne sont
pour ainsi dire jamais spécifiques d’un type de traumatisme: il se peut donc que
dans le contexte d’un divorce conflictuel qui représente un traumatisme psy-
chique pour l’enfant, les symptômes qui apparaissent soient les mêmes qu’après
une exploitation sexuelle chronique, après un harcèlement continu subi à l’école
ou après la perte de l’un des parents pour cause de décès. Il faut donc se garder
d’interpréter certains symptômes sans connaître précisément la biographie et le
contexte général dans lequel vit l’enfant; les listes de symptômes doivent donc
être utilisées et interprétées avec une extrême prudence!
Vous pouvez aussi lire