À NOTRE SANTÉ LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT

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À NOTRE SANTÉ LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT
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                                                      LE RÉCHAUFFEMENT
                                                      CLIMATIQUE NUIT
                                                      À NOTRE SANTÉ
                                              #41 – JUIN 2021                                          CHF 4.50

                  Prédire et endiguer les crises d’épilepsie ● Enfants : soigner la dysphonie
                  ● Se protéger du burn-out ● Sport : éviter les lésions musculaires ● La flottaison

                  pour apaiser corps et esprit ● Peut-on refuser un traitement médical ?
                  ● Rencontre avec Manon Schick ● L’examen vaginal est-il toujours utile ?
À NOTRE SANTÉ LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT
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                                                       www.etcdesign.ch - Photos©Th. Zufferey

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À NOTRE SANTÉ LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT
EDITO
IMPRESSUM

RÉDACTEUR EN CHEF
MICHAEL BALAVOINE
RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE
ELODIE LAVIGNE
RÉDACTEURS
CLÉMENT ETTER
CLÉMENTINE FITAIRE
ELISABETH GORDON
LAETITIA GRIMALDI
                                                                Michael Balavoine
CONCEPTION GRAPHIQUE                                            rédacteur en chef
GIGANTO.CH                                                      Planète Santé

PHOTOGRAPHIE

                                    ENVIRONNEMENT ET SANTÉ :
DR

EDITION
JOANNA SZYMANSKI

ÉDITEUR
EDITIONS MÉDECINE & HYGIÈNE
CHEMIN DE LA MOUSSE 46
                                    QUE PEUT LE SYSTÈME
1225 CHÊNE-BOURG
REDACTION@PLANETESANTE.CH
TÉL : +41 22 702 93 11
                                    DE SANTÉ ?
FAX : +41 22 702 93 55

                                    L
FICHE TECHNIQUE                           a pandémie du Covid-19 nous a             soient-elles, suffiront-elles à stopper
ISSN : 1662-8608
TIRAGE : 10’430 EXEMPLAIRES
                                          rappelé une réalité somme toute           cette crise qui menace notre survie ? La
4 FOIS PAR AN                             assez simple. La santé humaine ne         réponse n’a rien d’évident. Car dans son
PUBLICITÉ
                                    se résume pas à des paramètres indivi-          fonctionnement même, le système de
MÉDECINE & HYGIÈNE PUBLICITÉ        duels. Bien au contraire, elle dépend de        santé actuel n’est en réalité pas durable.
MICHAELA KIRSCHNER
CHEMIN DE LA MOUSSE 46
                                    l’écosystème dans lequel une personne           Comme bon nombre d’autres secteurs,
1225 CHÊNE-BOURG                    et, plus largement, les populations évo-        ses orientations économiques entrent en
PUB@MEDHYG.CH
TÉL : +41 22 702 93 41
                                    luent. C’est pourquoi la crise climatique       conflit avec des évolutions qui semblent
FAX : +41 22 702 93 55              est aussi une crise humaine et a de nom-        pourtant nécessaires au respect des
ABONNEMENTS
                                    breuses implications pour la santé. Les         limites planétaires. Là où il faudrait de
VERSION ÉLECTRONIQUE : GRATUITE     problèmes environnementaux créés par            la prévention et de nouveaux incitatifs
ABONNEMENT PAPIER : CHF 12/AN
TÉL : +41 22 702 93 11
                                    notre mode de vie sont légion. Canicule,        financiers pour soigner autrement, le
FAX : +41 22 702 93 55              pollution, allergies, appauvrissement des       système de santé, pris dans une logique
REDACTION@PLANETESANTE.CH
WWW.PLANETESANTE.CH
                                    sols ou maladies émergentes : les consé-        productiviste qui s’autoalimente, encou-
                                    quences des dérèglements du climat ont          rage les prouesses technologiques et les
PLANÈTE SANTÉ
EST SOUTENU PAR
                                    et vont avoir de plus en plus d’impact          promesses irréalistes.
- LA SOCIÉTÉ VAUDOISE DE MÉDECINE   sur la santé des populations, notam-            Comment sortir de l’ornière ? Face à
- LA SOCIÉTÉ MÉDICALE DU VALAIS
- L’ASSOCIATION DES MÉDECINS
                                    ment défavorisées (lire notre dossier en        l’ampleur du défi, il n’y aura assurément
  DU CANTON DE GENÈVE               page 6).                                        pas de solution simple. Une chose est
- LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE
  DE MÉDECINE
                                    De ce phénomène, la médecine com-               toutefois sûre : malgré la bonne volonté
- LA SOCIÉTÉ MÉDICALE DU CANTON     mence à prendre conscience. Les engage-         des acteurs qui le composent, du sys-
  DU JURA
                                    ments pour réduire les émissions de gaz         tème de santé lui-même, machine infer-
COMITÉ DE RÉDACTION                 à effet de serre des institutions de santé      nale sans véritable pilote, il ne faut pas
DR PIERRE-YVES BILAT
DR HENRI-KIM DE HELLER
                                    et des sociétés médicales se multiplient.       attendre grand-chose. Les médecins et les
DR MARC-HENRI GAUCHAT               Partout, des professionnels s’engagent.         soignants sont les témoins privilégiés des
DR BERTRAND KIEFER
DR MICHEL MATTER
                                    Au niveau mondial, des mouvements               conséquences pour la santé des dérègle-
DR MONIQUE LEKY HAGEN               comme « OneHealth » ou « Planetary              ments climatiques. Ils sentent l’urgence
DR REMO OSTERWALDER
M. PIERRE-ANDRÉ REPOND
                                    Health », qui mettent au centre de leurs        d’inventer un futur en adéquation avec
PR BERNARD ROSSIER                  préoccupations l’interdépendance entre          les ressources de la terre. Le système
M. PAUL-OLIVIER VALLOTTON
DR VÉRONIQUE MONNIER-CORNUZ
                                    les organismes vivants, humains et              qui les gouverne nage quant à lui, une
DR WALTER GUSMINI                   non-humains, et leurs écosystèmes, ont          fois n’est pas coutume, à contre-courant.
COUVERTURE
                                    été lancés. Décarboner n’est pas leur           Sans que personne ne soit capable de lui
© ISTOCKPHOTO/THOMASVOGEL           seul horizon. Plus globalement, c’est           insuffler une autre orientation qui fasse
                                    une autre vision de la santé qui émerge,        du sens pour la santé des populations.
                                    basée sur le respect des relations qui          Une impuissance qui, à l’image de la
                                    lient les individus à leur environnement.       lutte contre le climat, fait frémir. ●
                                    Mais toutes ces initiatives, aussi louables
À NOTRE SANTÉ LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT
PLANÈTE SANTÉ #41 – JUIN 2021        SOMMAIRE

                                                24

22

                                                     6

 22

16

                                18
À NOTRE SANTÉ LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT
6		 DOSSIER
LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
NUIT À NOTRE SANTÉ
     Dr PIERRE MÉGEVAND

12   « La finalité est de pouvoir un jour prédire et endiguer
     les crises d’épilepsie »
     ZOOM

15   En finir avec les attaques de panique ● Émulsifiants alimentaires :
     attention danger !
     DYSPHONIE

16   Cassée, la voix
     TRAVAIL

18   Prévenir le burn-out
     GYNÉCOLOGIE

20   L’examen vaginal est-il toujours utile ?
     SENS

22   « Flotter » pour se ressourcer hors du monde et du stress
     ACTIVITÉ PHYSIQUE

24   La prévention des lésions musculaires
     JURIDIQUE

26   Le patient peut-il refuser un traitement ?
     PEOPLE

28   Manon Schick : « Si on veut vivre dans une société
     où l’on prône le consentement, il faut changer les lois »
     LIVRES

30   La sélection de la rédaction
À NOTRE SANTÉ LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT
6                                           DOSSIER   PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021

                                         LE RÉCHAUFFEMENT
                                         CLIMATIQUE NUIT
                                         À NOTRE SANTÉ
                                         Avec l’élévation des températures, les
                                         canicules – cause de surmortalité – sont
                                         plus fréquentes et la saison de pollinisation,
                                         donc des allergies respiratoires, s’allonge.
                                         Quant aux moustiques porteurs d’agents
                                         pathogènes, ils migrent vers l’Europe,
                                         y apportant de nouvelles maladies
                                         infectieuses.
                                         TEXTE ELISABETH GORDON
© ISTOCKPHOTO/ANASTASIIA SHAVSHYNA
À NOTRE SANTÉ LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT
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                                      L
                                            orsqu’on évoque les conséquences
                                            du réchauffement climatique, on
                                            pense aussitôt à la multiplication
                                      et à l’intensification des vagues de cha-
                                      leur, cyclones, sécheresse, ou encore au
                                      recul des glaciers et à la fonte des glaces
                                      polaires qui provoquent une montée
                                      du niveau de la mer. On oublie souvent
                                      que les dérèglements climatiques ont
                                      un autre impact important : ils affectent
                                      notre santé.
                                      Le lien entre environnement et santé
                                      est en effet mal perçu dans la popula-
                                      tion et le monde médical commence à
                                      prendre conscience de son existence.
                                      Les auteurs du rapport 2019 du Lancet
                                      Countdown, qui mènent chaque année
                                      une analyse consacrée à ce sujet, ont
                                      par exemple constaté que parmi les
                                      recherches faites sur Wikipedia, très peu
                                      associent ces deux termes. L’explication
                                      tient au fait que « des décennies de
                                      sciences médicales ont largement réduit
                                      la santé à quelques paramètres bio-
                                      chimiques », affirme Nicolas Senn, chef
                                      du Département de médecine de famille
                                      à Unisanté (Centre universitaire de
                                      médecine générale et santé publique à
                                      Lausanne). Cela n’a pas toujours été le
                                      cas. « Il y a plus de 2500 ans, Hippocrate
                                      recommandait aux médecins de tenir
                                      compte de la qualité du sol, de l’air, de
                                      l’alimentation, etc., avant de soigner un
                                      patient. » On se rend compte aujourd’hui
                                      que le médecin grec avait au moins rai-
                                      son sur un point : les soignants doivent se
                                      préoccuper de l’environnement.

                                          MULTIPLICATION
                                          DES CANICULES
                                      L’effet le plus direct et le plus visible
                                      du réchauffement climatique concerne
À NOTRE SANTÉ LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT
8                                                              DOSSIER                                            PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021

                                                                                             Les fortes chaleurs semblent même être
    COBÉNÉFICES : UN CONCEPT GAGNANT-GAGNANT                                                 l’une des causes (avec les pesticides)
                                                                                             d’une nouvelle forme d’insuffisance
                                                                                             rénale, la néphropathie d’étiologie incon-
    Certains de nos comportements          en consommant moins d’aliments                    nue, qui affecte de jeunes agriculteurs, en
    ont un impact positif sur l’environ-   d’origine animale et de produits                  particulier en Amérique latine.
    nement tout en étant bénéfiques        transformés, on préserve à la fois
    pour notre santé. On gagne donc        l’environnement et notre santé.
    sur les deux tableaux. Cette
    constatation est à l’origine d’un      Le même constat est valable                          INTENSIFICATION
    nouveau concept, les « cobéné-
    fices santé-environnement », sur
                                           dans le secteur de la mobilité.
                                           Les véhicules à moteurs ther-
                                                                                                 DES ALLERGIES
    lequel s’appuient désormais cer-       miques « émettent non seulement                       ET DE L’ASTHME
    tains médecins.                        des gaz à effet de serre mais
                                           aussi divers polluants respon-                    L’augmentation de la température modi-
    L’alimentation en fournit une          sables de maladies respiratoires
                                                                                             fie le cycle de croissance des végétaux
    illustration. D’un côté, souligne      et cardiovasculaires », rappelle
                                                                                             et allonge la saison de pollinisation.
    Nicolas Senn, chef du Départe-         Nicolas Senn. Selon l’Office fédé-
                                                                                             « Actuellement, on a l’impression que
    ment de médecine de famille            ral du développement territorial,
                                                                                             celle-ci dure toute l’année, constate
    à Unisanté, « les secteurs de          la pollution de l’air en Suisse
                                                                                             Camillo Ribi, médecin-chef au Service
    l’agriculture et l’élevage sont        provoquerait ainsi 2200 décès
                                                                                             d’immunologie et d’allergie du Centre
    responsables de 20 à 30 % des          prématurés par an. L’utilisation
    émissions globales de gaz à effet      de voitures renforce par ailleurs
                                                                                             hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
    de serre (GES) », le second en         la sédentarité, dont on connaît                   Les pollens arrivent très tôt et certaines
    produisant beaucoup plus que le        les nombreux méfaits sur la                       personnes sensibles les ressentent déjà
    premier. De l’autre, « plus de deux    santé – elle favorise notamment                   en décembre. » En outre, avec la séche-
    milliards de personnes à travers       le diabète de type 2, les maladies                resse qui augmente, les particules restent
    le monde souffrent de surpoids         cardiovasculaires, les pathologies                plus longtemps en suspension dans l’air.
    et d’obésité liés à des régimes        respiratoires, certains cancers et                « On peut donc craindre que les individus
    qui deviennent trop riches en          l’obésité –, sans compter les acci-               souffrant du rhume des foins et qui vivent
    calories, en sucres raffinés ainsi     dents de la route. Choisir, quand                 chaque année le même calvaire seront
    qu’en viande et graisses d’origine     on le peut, la marche ou le vélo,                 encore plus importunés à l’avenir. »
    animale ». Ce qui s’accompagne         c’est faire de l’activité physique                Une autre inquiétude vient du fait que
    d’un risque de pathologies             tout en ayant un comportement                     le réchauffement favorise le développe-
    chroniques : maladies cardiovas-       écoresponsable. Dans ce domaine                   ment de certaines plantes, notamment
    culaires, cancer et diabète de         aussi, le cobénéfice est évident.                 l’ambroisie. Cette espèce invasive est
    type 2. Une conclusion s’impose :                                                        originaire des États-Unis où « elle est
                                                                                             l’une des premières causes d’allergies
                                                                                             respiratoires », précise l’allergologue. Ce
                                                                                             n’est pas encore le cas en Suisse, bien
                                                                                             qu’elle y soit déjà présente, « mais nous
                                                                                             ne sommes pas à l’abri ».
les vagues de chaleur qui augmentent           cardiovasculaires. « Une vague de cha-        Les allergiques et les asthmatiques ont
en fréquence et en intensité. Avec pour        leur induit une augmentation du débit         aussi tout à craindre de la plus grande
conséquence une surmortalité, notam-           et de la fréquence cardiaques », écrivent     fréquence des événements climatiques
ment « chez les personnes souffrant            des médecins des HUG dans la Revue            violents, notamment des orages. Peu
d’une maladie respiratoire qui les rend        Médicale Suisse1. Elle change aussi la        après qu’ils éclatent, il se crée dans
particulièrement vulnérables », souligne       répartition du volume sanguin et de la vis-   l’air des courants qui « dispersent les
Jean-Paul Janssens, médecin consultant         cosité du sang, ce qui entraîne « un risque   allergènes dans l’atmosphère, souligne
au Service de pneumologie des Hôpitaux         accru d’arythmies, d’hypotension, de syn-     Jean-Paul Janssens. En outre, l’orage
universitaires de Genève (HUG). Pour           copes, de thromboses et d’embolies ».         fragmente les pollens, ce qui accroît leur
elles, la pollution ne fait en plus qu’ag-     Sans compter que, dès que la tempéra-         pouvoir de pénétration dans les voies
graver la situation (lire encadré en p. 10).   ture dépasse 28 °C, le risque d’insuffi-      aériennes, augmentant donc la suscepti-
Outre la déshydratation, les cani-             sance rénale aiguë augmente chez les          bilité des gens fragiles à faire une crise
cules peuvent entraîner divers troubles        personnes âgées.                              d’asthme ».
À NOTRE SANTÉ LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT
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                 DE NOUVELLES              commencer par les moustiques. Habitués       susceptibles de transmettre le virus de la
                                           aux zones chaudes, certains d’entre eux      dengue, du chikungunya, qui a provoqué
                   MALADIES                migrent vers le nord et sont mainte-         une épidémie en Italie en 2017, ainsi que
                 INFECTIEUSES              nant présents en Europe. C’est le cas du
                                           moustique tigre, Aedes albopictus, origi-
                                                                                        le virus Zika qui, deux ans plus tard, a
                                                                                        infecté des habitants du département du
                                           naire de Madagascar, « qui est arrivé en     Var dans le sud de la France. « En Suisse,
Un climat plus chaud, plus humide ou       Italie, puis dans le sud de la France, et    les cas d’infections dues à ces trois
plus sec, modifie la répartition géogra-   que l’on a retrouvé sur le pourtour du lac   agents pathogènes ont tous été impor-
phique des vecteurs de maladies infec-     Léman puis, en 2019, en Valais », souligne   tés, aucun n’était autochtone, constate le
tieuses, comme on appelle ces animaux      Gilbert Greub, chef du Service de micro-     microbiologiste du CHUV. Mais certains
véhiculant des agents pathogènes qu’ils    biologie médicale du CHUV. C’est d’au-       de ces virus sont déjà parmi nous et la
peuvent transmettre aux êtres humains. À   tant plus inquiétant que ces insectes sont   menace se rapproche. »
     © ISTOCKPHOTO/MIXETTO
À NOTRE SANTÉ LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT
10                                                               DOSSIER                                                       PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021

 LES RETOMBÉES DE LA POLLUTION
 Les particules fines pénètrent dans le système respiratoire et exacerbent
 les pathologies qui lui sont liées. Elles augmentent aussi la fréquence
 et l’intensité des crises d’allergie.

                                                                                                         cérébrovasculaires », précise Jean-Paul
                                                                                                         Janssens. Ces deux dernières catégories
                                                                                                         de poussières pourraient même, selon
                                                                                                         certaines études, accroître le risque de
                                                                                                         cancer du poumon.
                                                                                                         On l’imagine aisément, ces polluants –
                                                                                                         auxquels s’ajoute l’ozone, produit par le
                                                                                                         dioxyde d’azote sous l’effet combiné du
                                                                                                         rayonnement solaire et de la chaleur –
                                                                                                         sont particulièrement néfastes pour les
                                                                                                         personnes qui souffrent d’une maladie
                                                                                                         pulmonaire comme l’asthme ou la BPCO
                                                                                                         (bronchopneumopathie chronique obs-
                                                                                   © ISTOCKPHOTO/ILEXX

                                                                                                         tructive). Leurs crises se font alors plus
                                                                                                         fréquentes, plus longues et plus intenses.

                                                                                                         Plus de crises d’allergie
                                                                                                         Les particules issues des processus de
                                                                                                         combustion augmentent aussi la fré-
                                                                                                         quence et l’intensité des crises d’allergies

P
      armi les atteintes que l’être humain     est supérieur à 10 microns (0,01 milli-                   respiratoires. En effet, « elles stimulent
      porte à la planète, il y a aussi la      mètre) – restent bloquées dans le nez,                    le système immunitaire et engendrent
      pollution atmosphérique, qui est         la gorge et la trachée, « qui constituent                 un processus inflammatoire », explique
« la principale cause environnementale         des filtres efficaces », précise le pneumo-               Camillo Ribi, médecin-chef au Service
de décès », souligne Jean-Paul Janssens,       logue des HUG. Elles irritent alors loca-                 d’immunologie et d’allergie du Centre
médecin consultant au Service de pneu-         lement ces voies aériennes supérieures.                   hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
mologie des Hôpitaux universitaires de         En revanche, celles qui font moins de                     C’est spécialement vrai pour des pous-
Genève (HUG). Les activités humaines           10 microns pénètrent plus avant, allant                   sières issues des moteurs diesel qui, de
produisent des polluants « primaires »         dans les bronches et « jusqu’à la périphé-                plus, « se collent aux pollens. Comme une
(dioxyde de soufre, dioxyde d’azote, par-      rie des poumons. Elles produisent loca-                   étincelle qui ferait repartir un feu, elles
ticules fines), qui sont directement émis      lement un stress oxydatif qui modifie la                  conduisent les défenses immunitaires à
dans l’air par les carburants automo-          muqueuse de la trachée et des bronches                    réagir de manière trop importante aux
biles ou résultent de l’usure des pneus        et favorise la libération de facteurs pro-in-             pollens, qui sont pourtant inoffensifs, ce
par exemple, et d’autres dites « secon-        flammatoires », poursuit le spécialiste.                  qui potentialise la survenue d’allergies ».
daires », qui se forment à partir de la        Quant aux particules ultrafines (d’un dia-                La pollution « participe donc à l’émer-
transformation chimique et de la combi-        mètre inférieur à 0,1 micron), elles s’insi-              gence de l’allergie et, très probablement,
naison de polluants primaires.                 nuent dans les alvéoles pulmonaires. De                   elle l’entretient », conclut Camillo Ribi.
                                               là, elles peuvent passer dans le sang « où                Certes, ce n’est pas elle qui provoque les
Les plus fines sont les plus nocives           elles sont distribuées à l’ensemble de                    maladies respiratoires. Du moins chez les
Les particules fines sont particulièrement     l’organisme ». Elles peuvent alors modi-                  adultes, car chez les enfants « elle semble
nocives pour le système respiratoire et        fier la membrane interne des artères                      contribuer à la survenue de l’asthme »,
leur impact croît quand leur taille décroît.   et, par ce biais, « augmenter la morbi-                   selon Jean-Paul Janssens. Toutefois, à tout
Les plus grosses – celles dont le diamètre     dité et la mortalité cardiovasculaires et                 âge, elle exacerbe ces pathologies.
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                                                         L’EMPREINTE CARBONE DU SECTEUR DE LA SANTÉ
         LES TIQUES
          GAGNENT
                                                         Le secteur de la santé n’échappe          qui ont calculé le nombre de kilo-
         DU TERRAIN                                      pas à la règle générale : il émet du      grammes d’équivalent-CO2 émis
                                                         CO2 et autres gaz à effet de serre        par consultation. « Les deux-tiers
L’élévation de la température permet                     (GES) et contribue donc, lui aussi,       de ces émissions ne sont pas liés
aussi aux tiques de vivre à plus haute alti-             au réchauffement climatique.              aux activités médicales. Ils sont
tude et de conquérir ainsi de nouveaux                   On estime que les activités liées         dus aux infrastructures (lumière,
                                                         – directement ou indirectement –          chauffage, eau chaude, appareils
espaces. Les acariens Ixodes ricinus en
                                                         aux soins seraient, selon les pays,       de radiologie etc.) et au transport
ont largement profité. « En neuf ans,
                                                         à l’origine de 6 à 10 % des émis-         des soignants et des patients. »
entre 2009 et 2018, la proportion du ter-
                                                         sions de ces gaz dangereux pour
ritoire suisse sur lequel on les trouve est
                                                         l’avenir de la planète. Parmi elles,      Globalement, en Suisse, le secteur
passée de 16 % à 25 % », souligne Gilbert
                                                         selon une étude menée aux États-          de la santé émet en moyenne une
Greub. Ces tiques sont maintenant pré-
                                                         Unis, « 95 % proviennent des              tonne d’équivalent-CO2 par habi-
sentes en nombre dans des régions où                     hôpitaux et des services spéciali-        tant et par an, si l’on en croit le
elles étaient auparavant relativement                    sés », précise Nicolas Senn, chef         rapport 2019 du Lancet Countdown
rares, en particulier dans la zone fronta-               du Département de médecine de             sur la santé et le changement
lière du Jura et dans la vallée du Rhône.                famille à Unisanté. Ces grands            climatique qui a comparé la situa-
L’inquiétude vient du fait que 20 à 30 %                 établissements consomment en              tion dans différents pays. « C’est
d’entre elles sont porteuses de différents               effet beaucoup d’énergie pour             le chiffre auquel nous devrions
agents pathogènes pour l’être humain.                    l’éclairage, le chauffage, la venti-      arriver en 2050, tous secteurs
Il s’agit principalement des bactéries du                lation, etc. En outre, le personnel,      d’activité confondus, si nous vou-
genre Borrelia, responsables de borré-                   les patients, les visiteurs et les        lons respecter l’Accord de Paris »,
lioses, appelées aussi maladie de Lyme,                  fournisseurs doivent parfois faire        constate le médecin vaudois. Il y
de bactéries apparentées aux Chlamydia                   de longs trajets pour s’y rendre.         a donc des efforts à faire. Certains
et du virus de l’encéphalite à tiques.                   Sans compter que les gaz utili-           pays, comme le Royaume-Uni ou
Dans un autre domaine, les changements                   sés, notamment dans les blocs             la Nouvelle-Zélande, ont pris une
climatiques ont aussi contribué à favo-                  opératoires, sont eux-mêmes de            longueur d’avance et ont déjà
riser la prolifération des cyanobactéries                puissants gaz à effet de serre. Le        réussi à réduire les émissions des
dans des lacs de Suisse Romande. Deux                    secteur des médicaments arrive            GES dans le domaine des soins.
d’entre elles, Tychonema et Microcoleus,                 quant à lui en deuxième position,         En Suisse, le secteur médical
qui produisent des toxines agissant sur le               avec 14 % des émissions.                  commence à prendre conscience
système nerveux, ont entraîné la mort de                                                           du problème et l’Académie des
six chiens qui avaient lapé l’eau du lac de              La médecine générale, elle, serait        sciences médicales réfléchit aux
Neuchâtel durant l’été 2020. « Pour l’être               responsable de moins de 1 % de            mesures qu’elle pourrait préconi-
humain, qui va tout au plus “boire la                    rejets, d’après une étude réalisée        ser pour diminuer ces émissions.
tasse” en se baignant, le risque est toute-              par Nicolas Senn et son équipe,
fois modéré », rassure le microbiologiste
du CHUV.

    LA RÉSURGENCE                              température pourrait réveiller certains
                                               d’entre eux logés dans les cadavres de
                                                                                                pas, pourraient eux aussi ressurgir, pro-
                                                                                                voquant de nouvelles épidémies.
     D’ANCIENNES                               nos ancêtres ayant été victimes d’une            Autant de menaces qui devraient nous
                                               maladie infectieuse. Gilbert Greub craint        pousser et inciter la médecine « à relever
       ÉPIDÉMIES                               par exemple le retour de la variole. « Cette     le défi de l’urgence climatique », conclut
                                               maladie a eu un effet dévastateur dans le        Nicolas Senn. ●
Il reste une dernière crainte, suscitée par    passé. La vaccination nous a alors sau-
                                                                                                1 Carballo D, Carballo S, Martin PY. Changement
le dégel du permafrost. Ce sol glacé ren-      vés, mais depuis qu’elle est éradiquée,            climatique et enjeux cliniques. Rev Med Suisse
ferme en effet des agents pathogènes qui       plus personne n’est immunisé contre                2021;17:258-262.
peuvent y vivre de très longues années         elle. » D’autres pathogènes qui ont sévi
à l’état latent. Une augmentation de la        dans le passé, mais que l’on ne connaît
12                                                            INTERVIEW                                         PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021

                                              DR PIERRE MÉGEVAND

         « LA FINALITÉ EST DE POUVOIR
         UN JOUR PRÉDIRE ET ENDIGUER
            LES CRISES D’ÉPILEPSIE »
            Infiniment reconnaissant des bourses qu’il a pu recevoir pour commencer des
          projets toujours plus ambitieux, le Dr Pierre Mégevand, médecin-chef de clinique
           scientifique au sein de l’Unité d’exploration de l’épilepsie et EEG* des Hôpitaux
         universitaires de Genève (HUG), poursuit son exploration du cerveau en resserrant
              le zoom à l’échelle du neurone. Parmi ses objectifs : mieux comprendre les
             mécanismes en jeu lors des crises d’épilepsie, dans l’espoir qu’il soit un jour
                   possible de les endiguer avant même qu’elles ne se déclenchent.
                                                           * Électroencéphalogramme.

                                                 PROPOS RECUEILLIS PAR LAETITIA GRIMALDI

Planète Santé : Vous venez de recevoir        contrôlée », autrement dit résistante aux    observer la Terre depuis l’espace ; avec
la bourse « Eccellenza fellowship » du        traitements. Le caractère imprévisible et    des électrodes intracrâniennes, depuis un
Fonds national suisse pour un vaste pro-      violent des crises rend le quotidien de      avion ; avec ces micro-électrodes, nous
jet portant sur l’activité des neurones,      ces patients particulièrement éprouvant.     nous posons dans la rue.
en particulier lors de crises d’épilepsie.    Cette situation concerne 30 % des per-
Pouvez-vous nous en dire plus ?               sonnes souffrant d’épilepsie. L’option qui   Qu’espérez-vous découvrir ?
Dr Pierre Mégevand : Notre objectif est       peut leur être proposée est une interven-    Lorsqu’on évoque les crises d’épilepsie
de pouvoir nous glisser, par le biais de      tion chirurgicale visant à supprimer ou      sévères, on parle souvent d’un chaos
micro-électrodes, dans le cerveau de          désactiver les neurones à l’origine des      fracassant survenant dans le cerveau.
patients atteints d’épilepsie sévère pour y   crises par le biais d’électrodes intracrâ-   Aussi spectaculaires que puissent être les
observer le fonctionnement des neurones.      niennes. Cette option, radicale mais         crises, il semblerait que ce phénomène
La perspective est double puisqu’il s’agit    généralement très efficace, nécessite        soit tout autre. En lieu et place d’un
à la fois de découvrir ce qui se passe à      une hospitalisation sur deux à quatre        chaos, il s’agirait plutôt d’un processus
l’échelle cellulaire au moment des crises,    semaines, les électrodes étant ensuite       ultra-rigide, comme si subitement les
mais également le reste du temps, lors-       retirées. Dans le cadre de notre étude,      neurones jouaient et rejouaient une par-
qu’une activité normale reprend. Prévue       l’idée est de profiter de l’intervention     tition à l’identique. Or, en temps normal,
sur cinq ans, cette recherche va mobili-      pour implanter, le temps de l’hospitalisa-   cette symphonie change en permanence
ser soignants, chercheurs et ingénieurs       tion, quelques micro-électrodes permet-      pour s’adapter à un environnement
des HUG, de l’Université de Genève et du      tant d’observer les phénomènes en jeu        lui-même fluctuant. Par le biais de ces
Wyss Center.                                  de beaucoup plus près.                       micro-électrodes, nous espérons pou-
                                                                                           voir comprendre comment se « raye le
Comment l’étude va-t-elle se dérouler ?       De quelle échelle de grandeur parle-t-on ?   disque », mais également ce qui précède
Actuellement, nous comptons proposer          Nous allons pouvoir cibler des groupes       le dysfonctionnement. La finalité est de
à une trentaine de patients volontaires       d’une centaine de neurones. Pour donner      pouvoir un jour prédire et endiguer les
de participer. Il s’agit d’hommes et de       une image, on pourrait dire qu’étudier       crises d’épilepsie. Cette révolution pren-
femmes souffrant d’épilepsie dite « non       les neurones avec une IRM serait comme       dra sans doute la forme d’un dispositif
© MAXIME GENOUD
14                                                           INTERVIEW                                            PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021

                                                                                             avons notamment constaté que 300 mil-
                                                                                             lisecondes avant la perception d’un mes-
                                                                                             sage parlé, le cerveau choisit le canal
                                                                                             qu’il va privilégier : auditif (les paroles
                                                                                             entendues donc) ou visuel (la lecture
                                                                                             sur les lèvres que nous pratiquons tous
                                                                                             sans le savoir). Si, le plus souvent, l’in-
                                                                                             dice auditif semble primer, la perception
                                                                                             visuelle est privilégiée dans un tiers des
                                                                                             cas. Ces travaux prennent une résonance
                                                                                             particulière aujourd’hui, à l’heure où les
                                                                                             masques se sont posés sur nos visages,
                                                                                             nous privant d’indices de communication
                                                                                             précieux.
© MAXIME GENOUD

                                                                                                       BIO EXPRESS
                                                                                                              1 979
implanté dans le cerveau capable à la         l’innocuité de ces micro-électrodes.                    Naissance à Neuchâtel.
fois de reconnaître les signes avant-cou-     Nous sommes confiants sur cet aspect                             20 0 4
reurs et de déclencher un traitement          puisqu’en 2018 déjà, sous l’impulsion                Diplôme fédéral de médecin,
immédiat.                                     de la Pre Margitta Seeck, responsable                Université de Genève (UNIGE).
                                              de l’Unité d’exploration de l’épilepsie                         20 0 8
Cela ne relève donc pas de la science-        des HUG, un projet pilote avait été initié        Doctorat en neurosciences, UNIGE.
fiction ?                                     avec succès auprès de trois patients. Les
Il y a encore beaucoup à faire, mais non,     premiers résultats axés sur la recherche                         20 1 2
ce n’est pas de la science-fiction. Une       elle-même devraient apparaître d’ici                Post-doctorat, Albert Einstein
                                                                                                  College of Medicine, New York,
entreprise américaine a d’ailleurs conçu      deux ans. Ils seront rendus publics, tout
                                                                                                            États-Unis.
un dispositif (à ce jour disponible unique-   comme ceux qui suivront. Cela fait par-
ment aux États-Unis) capable de détec-        tie du mandat inhérent aux projets finan-                     20 1 2-20 1 5
ter les crises d’épilepsie. La méthode a      cés par le Fonds national suisse. Il s’agit           Post-doctorat, North Shore
encore des limites – elle ne permet par       d’une démarche de « citizen science »               University Hospital, Manhasset,
exemple pas de faire disparaître les crises   qui, elle aussi, constitue une perspec-                        États-Unis.
– mais elle est prometteuse. On peut la       tive d’avenir : la mise en commun des                             20 1 7
considérer comme un prototype de ce           connaissances dans l’intérêt des patients.          Titre de médecin spécialiste en
qu’il sera possible de faire dans quelques                                                       neurologie, Fédération des méde-
années. Par ailleurs, on sait que le corps    Et puis il y a l’observation des neurones                     cins suisses.
tolère bien les dispositifs implantés, on     eux-mêmes, en dehors de toute patholo-
                                                                                                           20 1 7-20 20
le voit par exemple avec les pacemakers.      gie. Cet autre volet est-il en lien avec vos
                                                                                                Projet Ambizione fellowship, Fonds
Tout n’est pas parfait, des questions très    précédents travaux, notamment votre                national suisse pour la recherche
concrètes se posent, par exemple pour         projet portant sur les oscillations céré-                    scientifique.
une alimentation durable de ces appa-         brales, lui aussi soutenu par le Fonds
reils, mais nous pouvons être optimistes      National Suisse ?                                            D e p u i s 20 1 7
                                                                                                   Chef de clinique scientifique,
car les progrès technologiques sont           Oui, en partie car il s’agit, dans les
                                                                                                  Service de neurologie, Hôpitaux
rapides et spectaculaires. Tout porte à       deux cas, de chercher à comprendre ce
                                                                                                     universitaires de Genève.
croire que les interfaces cerveau-machine     qui sous-tend un phénomène complexe
feront partie de notre avenir.                depuis le cerveau lui-même. Concernant                       20 21 -20 26
                                              les oscillations cérébrales, mécanisme            Projet Eccellenza fellowship, Fonds
Quand espérez-vous obtenir les pre-           que l’on sait actif en permanence, nous            national suisse pour la recherche
miers résultats ?                             avons par exemple pu montrer leur impli-                     scientifique.
Ils devraient être publiés dès la fin de      cation dans le traitement de la parole.
l’année, mais ils porteront surtout sur       Par le biais d’électrodes cérébrales, nous
PLUS D’ARTICLES SUR PLANETESANTE.CH                                                       ZOOM                                                                              15

         EN FINIR AVEC LES ATTAQUES DE PANIQUE
         ADAPTATION* CLÉMENTINE FITAIRE

         Cœur qui s’emballe, difficultés à respirer, fourmille-                                pour ne pas se retrouver dans un contexte qui pourrait
         ments dans les membres, jambes qui se dérobent, par-                                  déclencher ces attaques. S’ensuit un cercle vicieux qui
         fois perte de connaissance… voici ce que décrivent les                                provoque à terme isolement et mal-être.
         personnes souffrant d’attaques de panique. Celles-ci                                  Pour pas qu’elles ne s’aggravent ou dégénèrent en
         surviennent quand on a atteint le seuil de nos capa-                                  trouble anxieux généralisé, ces attaques de panique
         cités d'adaptation psychique. Face à ce que l’on se                                   doivent être prises en charge. La thérapie cogni-
         représente comme un danger, notre corps se prépare à                                  tivo-comportementale consiste à cibler les situations
         la fuite : le rythme cardiaque et respiratoire augmente                               lors desquelles surviennent les crises et à confronter le
         pour apporter sang et oxygène aux organes. Mais dans                                  patient, de façon graduelle, aux éléments anxiogènes.
         le cas d’une attaque de panique, le corps reste téta-                                 Si cela ne suffit pas, des médicaments peuvent y être
         nisé. Une réaction si violente que l’individu qui en                                  associés.
         souffre met alors en place une stratégie d’évitement

         ÉMULSIFIANTS ALIMENTAIRES : ATTENTION DANGER !
         ADAPTATION** MÉLISSA QUINODOZ

         Dans une étude publiée dans le journal Cell Reports1,                                 pour rester stables et conserver un aspect crémeux et
         des chercheurs français ont mis en avant le rôle                                      onctueux. Problème : certains de ces additifs ont ten-
         néfaste des émulsifiants alimentaires sur l’intestin.                                 dance à agresser le microbiote, soit les bactéries qui
         Ceux-ci seraient en partie responsables de certaines                                  colonisent notre intestin. Si ces premières recherches
         inflammations intestinales qui, lorsqu’elles sont                                     se confirment, on peut donc s’attendre à ce que l’in-
         chroniques, peuvent mener à des pathologies graves                                    dustrie agroalimentaire doive repenser la fabrication
         comme la maladie de Crohn.                                                            de certains produits afin de bannir ces émulsifiants.
         Très présents dans les produits transformés et
                                                                                                  1. Viennois E, Bretin A, Dubé P, et al. Dietary emulsifiers directly
         ultra-transformés, les émulsifiants alimentaires per-                                    impact adherent-invasive E. coli gene expression to drive chronic
         mettent de stabiliser les produits ou de leur appor-                                     intestinal inflammation. Cell Reports 2020;33. DOI : doi.org/10.1016/j.
                                                                                                  celrep.2020.108229.
         ter de la texture. Les glaces, les barres chocolatées
         ou encore les sauces ont besoin de ces émulsifiants

          * Adapté de l’émission « Vaincre les attaques de panique », 36.9° (RTS), diffusée le 17 février 2021.
          ** Adapté de l’émission « Les émulsifiants alimentaires seraient néfastes pour les intestins », CQFD (RTS), diffusée le 28/10/20.

   « 36.9° » ET « CQFD » SUR PLANETESANTE.CH                                                                                      Retrouvez toutes
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des émissions 36.9° (RTS) et CQFD (RTS LA 1ÈRE) sont également                                                                    planetesante.ch/cqfd
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16                                                           DYSPHONIE                                            PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021

Cassée, la voix
Peu connue et encore insuffisamment prise en charge, la dysphonie
chez l’enfant est pourtant un trouble qui se soigne. Une rééducation
vocale durant l’enfance permet d’éviter des conséquences négatives,
y compris à l’âge adulte.
ADAPTATION* ÉLODIE LAVIGNE

B
       ruyants, voilà un adjectif que les      L’origine de la dysphonie est multifac-      généralement une voix aiguë et instable.
       plus mauvaises langues attribuent       torielle : les allergies respiratoires et    En cas d’obstruction nasale, la voix est en
       aux enfants, qui crient leur joie de    l’asthme peuvent faire partie des troubles   revanche plus rauque, soufflée, avec une
vivre dans les parcs et les cours d’école.     associés. Dans 38,1 % des cas, on note       importante tension au niveau du larynx
Certains se font pourtant moins entendre       une infection des voies aériennes supé-      et une mauvaise résonance nasale.
que d’autres. Les troubles de la voix          rieures. Les infections respiratoires y
affectent 23 % des enfants, avec pour          participent car elles affectent les mêmes    Une source de handicap
19,3 % d’entre eux, un impact sur la qua-      organes et structures que celles impli-      Les enfants concernés se plaignent sou-
lité de vie. Avoir la voix cassée ou rauque,   quées dans la phonation. L’obstruction       vent d’une incapacité à chanter, à faire
lorsqu’on est un enfant, n’est pas normal.     nasale, par exemple, est très fréquem-       du solfège, à lire à voix haute en classe et
Pourtant cette anomalie est encore trop        ment retrouvée. La toux et les raclements    à répondre à la maîtresse par peur que la
souvent ignorée ou négligée, malgré son        de gorge le sont aussi.                      voix ne se coupe ou qu’on ne les entende
impact sur le quotidien et la vie future.                                                   pas. Ces enfants ne peuvent pas appeler
Une plus grande sensibilisation est néces-                                                  leurs copains à la récréation ou pendant
saire auprès des médecins, des pédiatres,                                                   les matchs de foot et ne peuvent pas
des parents, mais aussi des profession-                                                     se défendre si on les embête. L’impact
                                                     Savoir être à l’écoute
nels (enseignants, par exemple) qui gra-                                                    négatif sur les compétences de commu-
vitent autour de l’enfant.                           À Genève, tandis que 40 % des          nication et les aptitudes psychosociales
                                                     enfants dysphoniques sont              peut entraîner une baisse de l’estime et
Des maux sous-jacents                                adressés en rééducation par            de la conscience de soi, avec un risque
                                                     leur professeur de solfège,
La dysphonie s’accompagne souvent                                                           plus élevé de troubles de l’humeur, d’ir-
                                                     20 % le sont par leur professeur
de lésions bénignes telles que nodules                                                      ritation, de repli sur soi et de frustration.
                                                     d’instrument de musique,
(74,7 % des cas), laryngites chroniques              20 % par un membre du corps
(19,5 % des cas) ou polypes (5,9 % des               enseignant, 15 % y accèdent            Ne pas laisser traîner
cas). Les enfants concernés ont entre 5              parce que leurs parents ou une         C’est souvent tardivement que le pro-
et 12 ans, avec une majorité de garçons              personne de leur entourage             blème est pris en charge. Or, plus on agit
issus de milieux socio-économiques favo-             s’inquiètent et 5 % seulement          tôt (avant l’adolescence), meilleures sont
risés. Ils sont généralement vifs et impul-          sont adressés par des médecins.        les chances de récupération. Les parents
sifs, parlant beaucoup et fort, aussi bien                                                  ont tendance à minimiser, pensant que
à la maison qu’à l’école. Certains peuvent                                                  leur enfant a simplement une voix moins
être hyperactifs et tous pratiquent des                                                     puissante ou différente de la norme ou
activités sportives à l’extérieur entraînant   Lors d’une dysphonie, la voix est souvent    que cela finira par s’arranger tout seul.
un effort vocal. On remarque que l’exis-       éraillée, rauque, cassée ou enrouée, avec    Il faut dire que le fonctionnement de
tence d’une fratrie est un facteur favo-       des phases d’aphonie dans 73,5 % des         l’appareil vocal et l’hygiène vocale sont
risant la formation des nodules car il y       cas, c’est-à-dire avec une perte de voix     méconnus dans la population. Mais en
a alors souvent utilisation d’un volume        totale ou presque totale qui peut durer      cas d’enrouement persistant chez l’en-
excessif de la voix dès la présence d’un       de quelques heures à plusieurs jours         fant, il est important de consulter.
deuxième enfant, qu’il soit plus jeune ou      ou semaines. Les enfants disent devoir       La rééducation vocale peut permettre
plus âgé.                                      faire un effort pour parler et présentent    de retrouver une voix claire et efficace.
PLUS D’ARTICLES SUR PLANETESANTE.CH                                                                                                            17

                 © ISTOCKPHOTO/SENSORSPOT

Parfois elle doit s’accompagner d’autres     l’occasion, pour le patient et sa famille,   du comportement vocal et de la dyna-
traitements pour soigner les troubles        d’acquérir des connaissances de base sur     mique familiale avec davantage d’écoute
associés (médicaments, chirurgie). Un        l’hygiène vocale pour que l’enfant adopte    de l’autre, de respect, moins de répéti-
examen ORL et si possible une vidéos-        de bonnes habitudes et utilise au mieux      tions, plus de responsabilisations et une
troboscopie peuvent être indiqués afin       sa voix en fonction des circonstances. Sa    amélioration du dialogue au sein de la
d’objectiver les lésions éventuelles. La     participation et sa motivation au traite-    famille. Quelques séances seulement (six
rééducation vocale comprend un trai-         ment sont gages de réussite. La rela-        à huit) suffisent à redonner à l’enfant des
tement direct et indirect. Elle consiste     tion entre le thérapeute, l’enfant et ses    perspectives d’avenir, à savoir la possibi-
en des exercices vocaux sur la réso-         parents est elle aussi importante.           lité d’accéder à tous les métiers qui sont
nance, la modulation et le changement        Généralement, la thérapie vocale donne       basés sur la communication verbale,
d’inflexions afin de retrouver une élas-     de très bons résultats, avec une régres-     sans limitation à cause de sa voix. ●
ticité musculaire. Elle se déroule en pré-   sion des lésions et une meilleure utilisa-
                                                                                           * Amberger P. Troubles de la voix chez l’enfant :
sence de l’un des parents ou des deux,       tion des organes phonatoires. Cette prise       que faire ? Rev Med Suisse 2020;16: 2348-2350.
et éventuellement de la fratrie. Elle est    en charge amène souvent un changement
18                                                TRAVAIL   PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021

     PRÉVENIR
     LE BURN-OUT
     Toujours pas reconnu comme une maladie,
     le burn-out est considéré par l’Organisation
     mondiale de la santé (OMS) comme un
     phénomène lié au travail, résultant d’un
     stress chronique et se caractérisant par un
     sentiment d’épuisement professionnel et
     une efficacité réduite, s’accompagnant de
     cynisme ou de sentiments négatifs liés à au
     travail. Maladie ou pas, son impact sur la
     santé est immense, tout comme les coûts
     qu’il occasionne (7,6 milliards par an) en
     termes d’absentéisme, d’augmentation des
     erreurs et de baisse des performances au
     travail. Selon le Job Stress Index (2020), trois
     personnes actives sur dix sont concernées
     par un manque de ressources et un excès
     de contraintes au travail. Catherine Vasey,
     psychologue spécialiste du burn-out et
     auteure de plusieurs ouvrages sur le sujet*,
     nous livre ses conseils pour éviter le
     burn-out.
     TEXTE ÉLODIE LAVIGNE
« SOUS L’EAU »                                         DES SOLUTIONS AU TRAVAIL
Lorsqu’un déséquilibre entre vie privée et vie         Les employeurs ont un rôle à jouer pour pro-
professionnelle s’installe, la fatigue risque, peu     téger leurs employés du burn-out. « Les chefs
à peu, de prendre le dessus. Au-delà de six            directs doivent créer des bulles de prévention
mois, le mal est considéré comme chronique.            pour leur équipe, en veillant à instaurer une
Dans ce cas, mieux vaut consulter son médecin          bonne ambiance de travail », suggère Catherine
pour faire un bilan de santé et savoir ce qui se       Vasey. L’absence de stress et de contraintes
cache derrière la fatigue : une carence en fer ?       étant illusoire, il s’agit plutôt d’augmenter les
Des apnées du sommeil ? Une dysfonction de             ressources à disposition. Plusieurs leviers d’ac-
la thyroïde ? Un burn-out ? Si tel est le cas, il      tion existent. La reconnaissance pour le travail
est fortement recommandé de s’adresser à un            accompli, qu’elle vienne du supérieur ou des
spécialiste de cette problématique (psycho-            clients, en fait partie. Elle renforce le sentiment
logue, psychiatre), pour de meilleures chances         d’utilité et est source de motivation pour le tra-
de récupération.                                       vailleur. L’effort fourni est bien mieux vécu s’il
                                                       est en accord avec nos valeurs et porteur de
                                                       sens. Des challenges motivants, adaptés aux
                                                       connaissances et aux compétences de l’em-
                                                       ployé, dans une dynamique de progression indi-
LES SIGNAUX D’ALARME                                   viduelle, sont aussi importants.
Le processus d’épuisement évolue lentement
et de façon insidieuse. Le danger est grand de
s’adapter aux signaux que le corps nous envoie
et de voir notre état s’aggraver. Face à un stress
                                                       DES CHANGEMENTS À OPÉRER
chronique, le corps souffre : troubles du som-
meil, maux de tête, tensions musculaires à la          POUR SOI
nuque et aux épaules notamment, amplitude              Pour se prémunir d’un burn-out, il faut jouer
respiratoire réduite, plexus solaire et gorge          sur tous les tableaux : le corps, le mental et les
noués, troubles digestifs, etc. Au niveau psy-         émotions. Se défouler pour éliminer les ten-
chique, les inquiétudes et ruminations enva-           sions, rester actif physiquement, se régénérer
hissent l’espace mental, avec une incapacité           dans la nature, veiller à une bonne hygiène de
à débrancher : « La surexcitation mentale ne           sommeil et à une alimentation équilibrée (évi-
permet pas de se relâcher », décrit Catherine          ter les excès de sucre et de gras). Rester serein
Vasey. L’esprit est dans un état d’hypervigilance      demande de la discipline : « C’est un entraîne-
et a tendance à se focaliser sur le négatif. Sur       ment et une décision à prendre », souligne la
le plan émotionnel, il y a une forme de satu-          spécialiste. Focaliser sur le positif plutôt que le
ration, de ras-le-bol qui peut se traduire par         négatif, déposer quelque part ses préoccupa-
de l’irritabilité ou du désintérêt. Le sentiment       tions, par exemple en les écrivant dans un car-
d’impuissance entraîne une perte de disponi-           net ou en les racontant à un proche – attention
bilité à l’autre et une absence d’empathie. Les        toutefois à fixer des règles pour que l’autre ne
pertes de mémoire et les difficultés de concen-        se sente pas envahi. Il est également important
tration renforcent le sentiment d’incompétence.        de se changer les idées, écouter ses besoins, se
À force, on n’arrive plus à se détendre, ni à se       libérer émotionnellement en riant, en chantant,
reposer. Pour compenser le manque d’efficacité         en dansant, en criant, en pleurant, si nécessaire.
au travail, on accumule les heures supplémen-          Rester en lien avec les autres et sortir de soi,
taires, ce qui aggrave l’état d’épuisement et le       en s’autorisant d’autres rôles et en allant dans
niveau de stress. C’est un cercle vicieux, jusqu’à     l’inattendu peuvent aussi aider.
la rupture : « On n’arrive plus à lire, à allumer
l’ordinateur, à sortir de chez soi », illustre la
psychologue.
                                                     * La boîte à outils de votre santé au travail,
                                                       Ed. Dunod, 2020.
                                                                                                             © ISTOCKPHOTO/FCSCAFEINE
20                                        GYNÉCOLOGIE               PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021

L’examen vaginal est-il
toujours utile ?
Il semble indissociable de la consultation chez le gynécologue et
pourtant l’examen vaginal ne s’imposerait, quand tout va bien,
qu’une fois tous les trois ans.
ADAPTATION* LAETITIA GRIMALDI

                                                                                          © ISTOCKPHOTO/DOUCEFLEUR
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E
      t si un rendez-vous chez le gynéco-        justifient elles aussi un dépistage tous     ni les autorités sanitaires fédérales, ni la
      logue pouvait parfois se faire sans        les trois ans et pas nécessairement          Société suisse de gynécologie et d’obsté-
      examen de la sphère génitale tout          plus », indique la Dre Martine Jacot-        trique (SSGO) ne fournissent de directives
en remplissant parfaitement sa mission ?         Guillarmod, spécialiste en gynécologie et    définissant sa place lors d’une consulta-
Un fait qui semble presque incongru tant         médecin adjointe responsable de l’Unité      tion gynécologique préventive, à l’excep-
cette étape paraît intimement liée à ces         de colposcopie et de la gynécologie de       tion du dépistage du cancer du col utérin.
consultations tour à tour rassurantes ou         l’adolescente au Centre hospitalier uni-     « Aujourd’hui, cet examen reste pro-
anxiogènes. Et pourtant cet acte, incluant       versitaire vaudois à Lausanne (CHUV).        fondément ancré dans la pratique »,
examen au speculum et toucher vagi-              Qu’en est-il des autres pathologies gyné-    constate la Dre Jacot-Guillarmod. Pour
nal, ne se justifierait en réalité qu’une        cologiques ? « Aujourd’hui, les données      preuve, par exemple, les résultats d’une
                                                 sont claires : nous ne sommes pas bons       étude américaine publiée en 2013**,
                                                 pour leur dépistage précoce, énonce l’ex-    interrogeant plus de 500 gynécologues et
                                                 perte. L’examen vaginal ne permet par        montrant que 87 à 99 % d’entre eux l’ef-
                                                 exemple que très rarement de déceler un      fectuent de façon systématique. Le pro-
                                                 cancer de l’ovaire débutant et peut dès      blème : au-delà d’être parfois faussement
       Aller chez                                lors s’avérer faussement rassurant. »        rassurant, ce geste est tout sauf anodin.
       le gynécologue,                           Faut-il pour autant espacer ses visites      « Un tiers des femmes expriment de la
       c’est aussi…                              chez le gynécologue ? « Pas du tout,         peur, une gêne ou de l’angoisse face à
       Pour de nombreuses femmes,                estime la Dre Jacot-Guillarmod. Ces          cet examen, rapporte l’experte du CHUV.
       surtout si elles sont en                  constats ne remettent pas en question        Et cette appréhension peut se traduire
       bonne santé, la visite chez le            l’importance de consultations régulières,    par un évitement des soins, avec toutes
       gynécologue peut constituer               tant pour s’assurer de l’absence d’in-       les conséquences que cela peut avoir en
       le seul rendez-vous médical               dication à de telles investigations que      termes de dépistage, mais également de
       régulier. Au-delà de l’examen             pour un suivi plus global des femmes »       grossesses non désirées en l’absence de
       gynécologique lui-même,                   (lire encadré). Et l’experte d’ajouter :     contraception. »
       plusieurs sujets peuvent être             « L’examen vaginal s’impose par ailleurs     Autant de constats rendant urgente une
       abordés. Parmi eux :
                                                 en cas de symptômes gynécologiques tels      remise en question des pratiques. « Il est
       • les infections sexuellement             que douleurs (spontanées ou lors des         crucial qu’elles évoluent au regard de
         transmissibles (IST)                    rapports sexuels), sensations de brûlure,    l’état actuel des connaissances scienti-
       • la contraception                        démangeaisons ou encore saignements          fiques, conclut la Dre Jacot-Guillarmod.
       • la tension artérielle                   inhabituels. »                               Non, l’examen vaginal ne doit pas être
                                                                                              systématique et encore moins s’il met
       • les violences domestiques
                                                 Profondément ancré dans la pratique          en péril la santé de femmes en finissant
       • l’hygiène de vie (tabac, alcool,
                                                 Dès lors, s’il ne se justifie réellement     par les éloigner d’une consultation qui
         activité physique, etc.)
                                                 qu’une fois tous les trois ans, pour-        constitue un espace privilégié pour le
       • les troubles sexuels
                                                 quoi l’examen vaginal se glisse-t-il dans    suivi de leur santé. » ●
       • le vaccin contre le                     presque toutes les consultations gyné-
         papillomavirus                          cologiques ? « L’explication vient en          * Adapté de : Jacot-Guillarmod M, Mathevet P, Diserens
                                                                                                C. Y a-t-il encore une place pour l’examen vaginal
       • le désir ou le suivi de grossesse       grande partie du succès spectaculaire          en consultation gynécologique ? Rev Med Suisse
                                                 du dépistage du cancer du col de l’uté-        2020;16:2037-41.
                                                 rus depuis les années 1950 », éclaire la       ** Henderson JT, Harper CC, Gutin S et al. Routine
                                                 gynécologue. Les protocoles alors mis en       bimanual pelvic examinations: practices and beliefs
                                                                                                of US obstetrician-gynecologists. Am J Obst Gynecol
                                                 place ont drastiquement fait reculer l’in-
                                                                                                2013;208:109.e1-7.
                                                 cidence de la maladie et ont mué cet exa-
fois tous les trois ans à partir de 21 ans       men en routine incontournable. Depuis,
chez les patientes ne souffrant d’aucun          les connaissances quant au dépistage ont
symptôme particulier. Son utilité pre-           évolué. En 2014 déjà, des recommanda-
mière : assurer le dépistage du cancer du        tions américaines, émanant de l’Ameri-
col de l’utérus, par le biais d’un frottis. Il   can College of Physicians, remettaient en
permet également de déceler des infec-           cause la pratique annuelle de l’examen
tions latentes, par exemple à Chlamydia          vaginal. Puis, la Canadian Task Force se
trachomatis, et la présence d’anomalies          prononçait contre son recours systéma-
au niveau de la vulve. « Autant d’indica-        tique chez les patientes ne présentant
tions qui, en l’absence de symptômes,            pas de symptôme. À noter qu’en Suisse,
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