À NOTRE SANTÉ LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT
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planetesante.ch LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT À NOTRE SANTÉ #41 – JUIN 2021 CHF 4.50 Prédire et endiguer les crises d’épilepsie ● Enfants : soigner la dysphonie ● Se protéger du burn-out ● Sport : éviter les lésions musculaires ● La flottaison pour apaiser corps et esprit ● Peut-on refuser un traitement médical ? ● Rencontre avec Manon Schick ● L’examen vaginal est-il toujours utile ?
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EDITO IMPRESSUM RÉDACTEUR EN CHEF MICHAEL BALAVOINE RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE ELODIE LAVIGNE RÉDACTEURS CLÉMENT ETTER CLÉMENTINE FITAIRE ELISABETH GORDON LAETITIA GRIMALDI Michael Balavoine CONCEPTION GRAPHIQUE rédacteur en chef GIGANTO.CH Planète Santé PHOTOGRAPHIE ENVIRONNEMENT ET SANTÉ : DR EDITION JOANNA SZYMANSKI ÉDITEUR EDITIONS MÉDECINE & HYGIÈNE CHEMIN DE LA MOUSSE 46 QUE PEUT LE SYSTÈME 1225 CHÊNE-BOURG REDACTION@PLANETESANTE.CH TÉL : +41 22 702 93 11 DE SANTÉ ? FAX : +41 22 702 93 55 L FICHE TECHNIQUE a pandémie du Covid-19 nous a soient-elles, suffiront-elles à stopper ISSN : 1662-8608 TIRAGE : 10’430 EXEMPLAIRES rappelé une réalité somme toute cette crise qui menace notre survie ? La 4 FOIS PAR AN assez simple. La santé humaine ne réponse n’a rien d’évident. Car dans son PUBLICITÉ se résume pas à des paramètres indivi- fonctionnement même, le système de MÉDECINE & HYGIÈNE PUBLICITÉ duels. Bien au contraire, elle dépend de santé actuel n’est en réalité pas durable. MICHAELA KIRSCHNER CHEMIN DE LA MOUSSE 46 l’écosystème dans lequel une personne Comme bon nombre d’autres secteurs, 1225 CHÊNE-BOURG et, plus largement, les populations évo- ses orientations économiques entrent en PUB@MEDHYG.CH TÉL : +41 22 702 93 41 luent. C’est pourquoi la crise climatique conflit avec des évolutions qui semblent FAX : +41 22 702 93 55 est aussi une crise humaine et a de nom- pourtant nécessaires au respect des ABONNEMENTS breuses implications pour la santé. Les limites planétaires. Là où il faudrait de VERSION ÉLECTRONIQUE : GRATUITE problèmes environnementaux créés par la prévention et de nouveaux incitatifs ABONNEMENT PAPIER : CHF 12/AN TÉL : +41 22 702 93 11 notre mode de vie sont légion. Canicule, financiers pour soigner autrement, le FAX : +41 22 702 93 55 pollution, allergies, appauvrissement des système de santé, pris dans une logique REDACTION@PLANETESANTE.CH WWW.PLANETESANTE.CH sols ou maladies émergentes : les consé- productiviste qui s’autoalimente, encou- quences des dérèglements du climat ont rage les prouesses technologiques et les PLANÈTE SANTÉ EST SOUTENU PAR et vont avoir de plus en plus d’impact promesses irréalistes. - LA SOCIÉTÉ VAUDOISE DE MÉDECINE sur la santé des populations, notam- Comment sortir de l’ornière ? Face à - LA SOCIÉTÉ MÉDICALE DU VALAIS - L’ASSOCIATION DES MÉDECINS ment défavorisées (lire notre dossier en l’ampleur du défi, il n’y aura assurément DU CANTON DE GENÈVE page 6). pas de solution simple. Une chose est - LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DE MÉDECINE De ce phénomène, la médecine com- toutefois sûre : malgré la bonne volonté - LA SOCIÉTÉ MÉDICALE DU CANTON mence à prendre conscience. Les engage- des acteurs qui le composent, du sys- DU JURA ments pour réduire les émissions de gaz tème de santé lui-même, machine infer- COMITÉ DE RÉDACTION à effet de serre des institutions de santé nale sans véritable pilote, il ne faut pas DR PIERRE-YVES BILAT DR HENRI-KIM DE HELLER et des sociétés médicales se multiplient. attendre grand-chose. Les médecins et les DR MARC-HENRI GAUCHAT Partout, des professionnels s’engagent. soignants sont les témoins privilégiés des DR BERTRAND KIEFER DR MICHEL MATTER Au niveau mondial, des mouvements conséquences pour la santé des dérègle- DR MONIQUE LEKY HAGEN comme « OneHealth » ou « Planetary ments climatiques. Ils sentent l’urgence DR REMO OSTERWALDER M. PIERRE-ANDRÉ REPOND Health », qui mettent au centre de leurs d’inventer un futur en adéquation avec PR BERNARD ROSSIER préoccupations l’interdépendance entre les ressources de la terre. Le système M. PAUL-OLIVIER VALLOTTON DR VÉRONIQUE MONNIER-CORNUZ les organismes vivants, humains et qui les gouverne nage quant à lui, une DR WALTER GUSMINI non-humains, et leurs écosystèmes, ont fois n’est pas coutume, à contre-courant. COUVERTURE été lancés. Décarboner n’est pas leur Sans que personne ne soit capable de lui © ISTOCKPHOTO/THOMASVOGEL seul horizon. Plus globalement, c’est insuffler une autre orientation qui fasse une autre vision de la santé qui émerge, du sens pour la santé des populations. basée sur le respect des relations qui Une impuissance qui, à l’image de la lient les individus à leur environnement. lutte contre le climat, fait frémir. ● Mais toutes ces initiatives, aussi louables
6 DOSSIER LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT À NOTRE SANTÉ Dr PIERRE MÉGEVAND 12 « La finalité est de pouvoir un jour prédire et endiguer les crises d’épilepsie » ZOOM 15 En finir avec les attaques de panique ● Émulsifiants alimentaires : attention danger ! DYSPHONIE 16 Cassée, la voix TRAVAIL 18 Prévenir le burn-out GYNÉCOLOGIE 20 L’examen vaginal est-il toujours utile ? SENS 22 « Flotter » pour se ressourcer hors du monde et du stress ACTIVITÉ PHYSIQUE 24 La prévention des lésions musculaires JURIDIQUE 26 Le patient peut-il refuser un traitement ? PEOPLE 28 Manon Schick : « Si on veut vivre dans une société où l’on prône le consentement, il faut changer les lois » LIVRES 30 La sélection de la rédaction
6 DOSSIER PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021 LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NUIT À NOTRE SANTÉ Avec l’élévation des températures, les canicules – cause de surmortalité – sont plus fréquentes et la saison de pollinisation, donc des allergies respiratoires, s’allonge. Quant aux moustiques porteurs d’agents pathogènes, ils migrent vers l’Europe, y apportant de nouvelles maladies infectieuses. TEXTE ELISABETH GORDON © ISTOCKPHOTO/ANASTASIIA SHAVSHYNA
PLUS D’ARTICLES SUR PLANETESANTE.CH 7 L orsqu’on évoque les conséquences du réchauffement climatique, on pense aussitôt à la multiplication et à l’intensification des vagues de cha- leur, cyclones, sécheresse, ou encore au recul des glaciers et à la fonte des glaces polaires qui provoquent une montée du niveau de la mer. On oublie souvent que les dérèglements climatiques ont un autre impact important : ils affectent notre santé. Le lien entre environnement et santé est en effet mal perçu dans la popula- tion et le monde médical commence à prendre conscience de son existence. Les auteurs du rapport 2019 du Lancet Countdown, qui mènent chaque année une analyse consacrée à ce sujet, ont par exemple constaté que parmi les recherches faites sur Wikipedia, très peu associent ces deux termes. L’explication tient au fait que « des décennies de sciences médicales ont largement réduit la santé à quelques paramètres bio- chimiques », affirme Nicolas Senn, chef du Département de médecine de famille à Unisanté (Centre universitaire de médecine générale et santé publique à Lausanne). Cela n’a pas toujours été le cas. « Il y a plus de 2500 ans, Hippocrate recommandait aux médecins de tenir compte de la qualité du sol, de l’air, de l’alimentation, etc., avant de soigner un patient. » On se rend compte aujourd’hui que le médecin grec avait au moins rai- son sur un point : les soignants doivent se préoccuper de l’environnement. MULTIPLICATION DES CANICULES L’effet le plus direct et le plus visible du réchauffement climatique concerne
8 DOSSIER PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021 Les fortes chaleurs semblent même être COBÉNÉFICES : UN CONCEPT GAGNANT-GAGNANT l’une des causes (avec les pesticides) d’une nouvelle forme d’insuffisance rénale, la néphropathie d’étiologie incon- Certains de nos comportements en consommant moins d’aliments nue, qui affecte de jeunes agriculteurs, en ont un impact positif sur l’environ- d’origine animale et de produits particulier en Amérique latine. nement tout en étant bénéfiques transformés, on préserve à la fois pour notre santé. On gagne donc l’environnement et notre santé. sur les deux tableaux. Cette constatation est à l’origine d’un Le même constat est valable INTENSIFICATION nouveau concept, les « cobéné- fices santé-environnement », sur dans le secteur de la mobilité. Les véhicules à moteurs ther- DES ALLERGIES lequel s’appuient désormais cer- miques « émettent non seulement ET DE L’ASTHME tains médecins. des gaz à effet de serre mais aussi divers polluants respon- L’augmentation de la température modi- L’alimentation en fournit une sables de maladies respiratoires fie le cycle de croissance des végétaux illustration. D’un côté, souligne et cardiovasculaires », rappelle et allonge la saison de pollinisation. Nicolas Senn, chef du Départe- Nicolas Senn. Selon l’Office fédé- « Actuellement, on a l’impression que ment de médecine de famille ral du développement territorial, celle-ci dure toute l’année, constate à Unisanté, « les secteurs de la pollution de l’air en Suisse Camillo Ribi, médecin-chef au Service l’agriculture et l’élevage sont provoquerait ainsi 2200 décès d’immunologie et d’allergie du Centre responsables de 20 à 30 % des prématurés par an. L’utilisation émissions globales de gaz à effet de voitures renforce par ailleurs hospitalier universitaire vaudois (CHUV). de serre (GES) », le second en la sédentarité, dont on connaît Les pollens arrivent très tôt et certaines produisant beaucoup plus que le les nombreux méfaits sur la personnes sensibles les ressentent déjà premier. De l’autre, « plus de deux santé – elle favorise notamment en décembre. » En outre, avec la séche- milliards de personnes à travers le diabète de type 2, les maladies resse qui augmente, les particules restent le monde souffrent de surpoids cardiovasculaires, les pathologies plus longtemps en suspension dans l’air. et d’obésité liés à des régimes respiratoires, certains cancers et « On peut donc craindre que les individus qui deviennent trop riches en l’obésité –, sans compter les acci- souffrant du rhume des foins et qui vivent calories, en sucres raffinés ainsi dents de la route. Choisir, quand chaque année le même calvaire seront qu’en viande et graisses d’origine on le peut, la marche ou le vélo, encore plus importunés à l’avenir. » animale ». Ce qui s’accompagne c’est faire de l’activité physique Une autre inquiétude vient du fait que d’un risque de pathologies tout en ayant un comportement le réchauffement favorise le développe- chroniques : maladies cardiovas- écoresponsable. Dans ce domaine ment de certaines plantes, notamment culaires, cancer et diabète de aussi, le cobénéfice est évident. l’ambroisie. Cette espèce invasive est type 2. Une conclusion s’impose : originaire des États-Unis où « elle est l’une des premières causes d’allergies respiratoires », précise l’allergologue. Ce n’est pas encore le cas en Suisse, bien qu’elle y soit déjà présente, « mais nous ne sommes pas à l’abri ». les vagues de chaleur qui augmentent cardiovasculaires. « Une vague de cha- Les allergiques et les asthmatiques ont en fréquence et en intensité. Avec pour leur induit une augmentation du débit aussi tout à craindre de la plus grande conséquence une surmortalité, notam- et de la fréquence cardiaques », écrivent fréquence des événements climatiques ment « chez les personnes souffrant des médecins des HUG dans la Revue violents, notamment des orages. Peu d’une maladie respiratoire qui les rend Médicale Suisse1. Elle change aussi la après qu’ils éclatent, il se crée dans particulièrement vulnérables », souligne répartition du volume sanguin et de la vis- l’air des courants qui « dispersent les Jean-Paul Janssens, médecin consultant cosité du sang, ce qui entraîne « un risque allergènes dans l’atmosphère, souligne au Service de pneumologie des Hôpitaux accru d’arythmies, d’hypotension, de syn- Jean-Paul Janssens. En outre, l’orage universitaires de Genève (HUG). Pour copes, de thromboses et d’embolies ». fragmente les pollens, ce qui accroît leur elles, la pollution ne fait en plus qu’ag- Sans compter que, dès que la tempéra- pouvoir de pénétration dans les voies graver la situation (lire encadré en p. 10). ture dépasse 28 °C, le risque d’insuffi- aériennes, augmentant donc la suscepti- Outre la déshydratation, les cani- sance rénale aiguë augmente chez les bilité des gens fragiles à faire une crise cules peuvent entraîner divers troubles personnes âgées. d’asthme ».
PLUS D’ARTICLES SUR PLANETESANTE.CH 9 DE NOUVELLES commencer par les moustiques. Habitués susceptibles de transmettre le virus de la aux zones chaudes, certains d’entre eux dengue, du chikungunya, qui a provoqué MALADIES migrent vers le nord et sont mainte- une épidémie en Italie en 2017, ainsi que INFECTIEUSES nant présents en Europe. C’est le cas du moustique tigre, Aedes albopictus, origi- le virus Zika qui, deux ans plus tard, a infecté des habitants du département du naire de Madagascar, « qui est arrivé en Var dans le sud de la France. « En Suisse, Un climat plus chaud, plus humide ou Italie, puis dans le sud de la France, et les cas d’infections dues à ces trois plus sec, modifie la répartition géogra- que l’on a retrouvé sur le pourtour du lac agents pathogènes ont tous été impor- phique des vecteurs de maladies infec- Léman puis, en 2019, en Valais », souligne tés, aucun n’était autochtone, constate le tieuses, comme on appelle ces animaux Gilbert Greub, chef du Service de micro- microbiologiste du CHUV. Mais certains véhiculant des agents pathogènes qu’ils biologie médicale du CHUV. C’est d’au- de ces virus sont déjà parmi nous et la peuvent transmettre aux êtres humains. À tant plus inquiétant que ces insectes sont menace se rapproche. » © ISTOCKPHOTO/MIXETTO
10 DOSSIER PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021 LES RETOMBÉES DE LA POLLUTION Les particules fines pénètrent dans le système respiratoire et exacerbent les pathologies qui lui sont liées. Elles augmentent aussi la fréquence et l’intensité des crises d’allergie. cérébrovasculaires », précise Jean-Paul Janssens. Ces deux dernières catégories de poussières pourraient même, selon certaines études, accroître le risque de cancer du poumon. On l’imagine aisément, ces polluants – auxquels s’ajoute l’ozone, produit par le dioxyde d’azote sous l’effet combiné du rayonnement solaire et de la chaleur – sont particulièrement néfastes pour les personnes qui souffrent d’une maladie pulmonaire comme l’asthme ou la BPCO (bronchopneumopathie chronique obs- © ISTOCKPHOTO/ILEXX tructive). Leurs crises se font alors plus fréquentes, plus longues et plus intenses. Plus de crises d’allergie Les particules issues des processus de combustion augmentent aussi la fré- quence et l’intensité des crises d’allergies P armi les atteintes que l’être humain est supérieur à 10 microns (0,01 milli- respiratoires. En effet, « elles stimulent porte à la planète, il y a aussi la mètre) – restent bloquées dans le nez, le système immunitaire et engendrent pollution atmosphérique, qui est la gorge et la trachée, « qui constituent un processus inflammatoire », explique « la principale cause environnementale des filtres efficaces », précise le pneumo- Camillo Ribi, médecin-chef au Service de décès », souligne Jean-Paul Janssens, logue des HUG. Elles irritent alors loca- d’immunologie et d’allergie du Centre médecin consultant au Service de pneu- lement ces voies aériennes supérieures. hospitalier universitaire vaudois (CHUV). mologie des Hôpitaux universitaires de En revanche, celles qui font moins de C’est spécialement vrai pour des pous- Genève (HUG). Les activités humaines 10 microns pénètrent plus avant, allant sières issues des moteurs diesel qui, de produisent des polluants « primaires » dans les bronches et « jusqu’à la périphé- plus, « se collent aux pollens. Comme une (dioxyde de soufre, dioxyde d’azote, par- rie des poumons. Elles produisent loca- étincelle qui ferait repartir un feu, elles ticules fines), qui sont directement émis lement un stress oxydatif qui modifie la conduisent les défenses immunitaires à dans l’air par les carburants automo- muqueuse de la trachée et des bronches réagir de manière trop importante aux biles ou résultent de l’usure des pneus et favorise la libération de facteurs pro-in- pollens, qui sont pourtant inoffensifs, ce par exemple, et d’autres dites « secon- flammatoires », poursuit le spécialiste. qui potentialise la survenue d’allergies ». daires », qui se forment à partir de la Quant aux particules ultrafines (d’un dia- La pollution « participe donc à l’émer- transformation chimique et de la combi- mètre inférieur à 0,1 micron), elles s’insi- gence de l’allergie et, très probablement, naison de polluants primaires. nuent dans les alvéoles pulmonaires. De elle l’entretient », conclut Camillo Ribi. là, elles peuvent passer dans le sang « où Certes, ce n’est pas elle qui provoque les Les plus fines sont les plus nocives elles sont distribuées à l’ensemble de maladies respiratoires. Du moins chez les Les particules fines sont particulièrement l’organisme ». Elles peuvent alors modi- adultes, car chez les enfants « elle semble nocives pour le système respiratoire et fier la membrane interne des artères contribuer à la survenue de l’asthme », leur impact croît quand leur taille décroît. et, par ce biais, « augmenter la morbi- selon Jean-Paul Janssens. Toutefois, à tout Les plus grosses – celles dont le diamètre dité et la mortalité cardiovasculaires et âge, elle exacerbe ces pathologies.
PLUS D’ARTICLES SUR PLANETESANTE.CH 11 L’EMPREINTE CARBONE DU SECTEUR DE LA SANTÉ LES TIQUES GAGNENT Le secteur de la santé n’échappe qui ont calculé le nombre de kilo- DU TERRAIN pas à la règle générale : il émet du grammes d’équivalent-CO2 émis CO2 et autres gaz à effet de serre par consultation. « Les deux-tiers L’élévation de la température permet (GES) et contribue donc, lui aussi, de ces émissions ne sont pas liés aussi aux tiques de vivre à plus haute alti- au réchauffement climatique. aux activités médicales. Ils sont tude et de conquérir ainsi de nouveaux On estime que les activités liées dus aux infrastructures (lumière, – directement ou indirectement – chauffage, eau chaude, appareils espaces. Les acariens Ixodes ricinus en aux soins seraient, selon les pays, de radiologie etc.) et au transport ont largement profité. « En neuf ans, à l’origine de 6 à 10 % des émis- des soignants et des patients. » entre 2009 et 2018, la proportion du ter- sions de ces gaz dangereux pour ritoire suisse sur lequel on les trouve est l’avenir de la planète. Parmi elles, Globalement, en Suisse, le secteur passée de 16 % à 25 % », souligne Gilbert selon une étude menée aux États- de la santé émet en moyenne une Greub. Ces tiques sont maintenant pré- Unis, « 95 % proviennent des tonne d’équivalent-CO2 par habi- sentes en nombre dans des régions où hôpitaux et des services spéciali- tant et par an, si l’on en croit le elles étaient auparavant relativement sés », précise Nicolas Senn, chef rapport 2019 du Lancet Countdown rares, en particulier dans la zone fronta- du Département de médecine de sur la santé et le changement lière du Jura et dans la vallée du Rhône. famille à Unisanté. Ces grands climatique qui a comparé la situa- L’inquiétude vient du fait que 20 à 30 % établissements consomment en tion dans différents pays. « C’est d’entre elles sont porteuses de différents effet beaucoup d’énergie pour le chiffre auquel nous devrions agents pathogènes pour l’être humain. l’éclairage, le chauffage, la venti- arriver en 2050, tous secteurs Il s’agit principalement des bactéries du lation, etc. En outre, le personnel, d’activité confondus, si nous vou- genre Borrelia, responsables de borré- les patients, les visiteurs et les lons respecter l’Accord de Paris », lioses, appelées aussi maladie de Lyme, fournisseurs doivent parfois faire constate le médecin vaudois. Il y de bactéries apparentées aux Chlamydia de longs trajets pour s’y rendre. a donc des efforts à faire. Certains et du virus de l’encéphalite à tiques. Sans compter que les gaz utili- pays, comme le Royaume-Uni ou Dans un autre domaine, les changements sés, notamment dans les blocs la Nouvelle-Zélande, ont pris une climatiques ont aussi contribué à favo- opératoires, sont eux-mêmes de longueur d’avance et ont déjà riser la prolifération des cyanobactéries puissants gaz à effet de serre. Le réussi à réduire les émissions des dans des lacs de Suisse Romande. Deux secteur des médicaments arrive GES dans le domaine des soins. d’entre elles, Tychonema et Microcoleus, quant à lui en deuxième position, En Suisse, le secteur médical qui produisent des toxines agissant sur le avec 14 % des émissions. commence à prendre conscience système nerveux, ont entraîné la mort de du problème et l’Académie des six chiens qui avaient lapé l’eau du lac de La médecine générale, elle, serait sciences médicales réfléchit aux Neuchâtel durant l’été 2020. « Pour l’être responsable de moins de 1 % de mesures qu’elle pourrait préconi- humain, qui va tout au plus “boire la rejets, d’après une étude réalisée ser pour diminuer ces émissions. tasse” en se baignant, le risque est toute- par Nicolas Senn et son équipe, fois modéré », rassure le microbiologiste du CHUV. LA RÉSURGENCE température pourrait réveiller certains d’entre eux logés dans les cadavres de pas, pourraient eux aussi ressurgir, pro- voquant de nouvelles épidémies. D’ANCIENNES nos ancêtres ayant été victimes d’une Autant de menaces qui devraient nous maladie infectieuse. Gilbert Greub craint pousser et inciter la médecine « à relever ÉPIDÉMIES par exemple le retour de la variole. « Cette le défi de l’urgence climatique », conclut maladie a eu un effet dévastateur dans le Nicolas Senn. ● Il reste une dernière crainte, suscitée par passé. La vaccination nous a alors sau- 1 Carballo D, Carballo S, Martin PY. Changement le dégel du permafrost. Ce sol glacé ren- vés, mais depuis qu’elle est éradiquée, climatique et enjeux cliniques. Rev Med Suisse ferme en effet des agents pathogènes qui plus personne n’est immunisé contre 2021;17:258-262. peuvent y vivre de très longues années elle. » D’autres pathogènes qui ont sévi à l’état latent. Une augmentation de la dans le passé, mais que l’on ne connaît
12 INTERVIEW PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021 DR PIERRE MÉGEVAND « LA FINALITÉ EST DE POUVOIR UN JOUR PRÉDIRE ET ENDIGUER LES CRISES D’ÉPILEPSIE » Infiniment reconnaissant des bourses qu’il a pu recevoir pour commencer des projets toujours plus ambitieux, le Dr Pierre Mégevand, médecin-chef de clinique scientifique au sein de l’Unité d’exploration de l’épilepsie et EEG* des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), poursuit son exploration du cerveau en resserrant le zoom à l’échelle du neurone. Parmi ses objectifs : mieux comprendre les mécanismes en jeu lors des crises d’épilepsie, dans l’espoir qu’il soit un jour possible de les endiguer avant même qu’elles ne se déclenchent. * Électroencéphalogramme. PROPOS RECUEILLIS PAR LAETITIA GRIMALDI Planète Santé : Vous venez de recevoir contrôlée », autrement dit résistante aux observer la Terre depuis l’espace ; avec la bourse « Eccellenza fellowship » du traitements. Le caractère imprévisible et des électrodes intracrâniennes, depuis un Fonds national suisse pour un vaste pro- violent des crises rend le quotidien de avion ; avec ces micro-électrodes, nous jet portant sur l’activité des neurones, ces patients particulièrement éprouvant. nous posons dans la rue. en particulier lors de crises d’épilepsie. Cette situation concerne 30 % des per- Pouvez-vous nous en dire plus ? sonnes souffrant d’épilepsie. L’option qui Qu’espérez-vous découvrir ? Dr Pierre Mégevand : Notre objectif est peut leur être proposée est une interven- Lorsqu’on évoque les crises d’épilepsie de pouvoir nous glisser, par le biais de tion chirurgicale visant à supprimer ou sévères, on parle souvent d’un chaos micro-électrodes, dans le cerveau de désactiver les neurones à l’origine des fracassant survenant dans le cerveau. patients atteints d’épilepsie sévère pour y crises par le biais d’électrodes intracrâ- Aussi spectaculaires que puissent être les observer le fonctionnement des neurones. niennes. Cette option, radicale mais crises, il semblerait que ce phénomène La perspective est double puisqu’il s’agit généralement très efficace, nécessite soit tout autre. En lieu et place d’un à la fois de découvrir ce qui se passe à une hospitalisation sur deux à quatre chaos, il s’agirait plutôt d’un processus l’échelle cellulaire au moment des crises, semaines, les électrodes étant ensuite ultra-rigide, comme si subitement les mais également le reste du temps, lors- retirées. Dans le cadre de notre étude, neurones jouaient et rejouaient une par- qu’une activité normale reprend. Prévue l’idée est de profiter de l’intervention tition à l’identique. Or, en temps normal, sur cinq ans, cette recherche va mobili- pour implanter, le temps de l’hospitalisa- cette symphonie change en permanence ser soignants, chercheurs et ingénieurs tion, quelques micro-électrodes permet- pour s’adapter à un environnement des HUG, de l’Université de Genève et du tant d’observer les phénomènes en jeu lui-même fluctuant. Par le biais de ces Wyss Center. de beaucoup plus près. micro-électrodes, nous espérons pou- voir comprendre comment se « raye le Comment l’étude va-t-elle se dérouler ? De quelle échelle de grandeur parle-t-on ? disque », mais également ce qui précède Actuellement, nous comptons proposer Nous allons pouvoir cibler des groupes le dysfonctionnement. La finalité est de à une trentaine de patients volontaires d’une centaine de neurones. Pour donner pouvoir un jour prédire et endiguer les de participer. Il s’agit d’hommes et de une image, on pourrait dire qu’étudier crises d’épilepsie. Cette révolution pren- femmes souffrant d’épilepsie dite « non les neurones avec une IRM serait comme dra sans doute la forme d’un dispositif
© MAXIME GENOUD
14 INTERVIEW PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021 avons notamment constaté que 300 mil- lisecondes avant la perception d’un mes- sage parlé, le cerveau choisit le canal qu’il va privilégier : auditif (les paroles entendues donc) ou visuel (la lecture sur les lèvres que nous pratiquons tous sans le savoir). Si, le plus souvent, l’in- dice auditif semble primer, la perception visuelle est privilégiée dans un tiers des cas. Ces travaux prennent une résonance particulière aujourd’hui, à l’heure où les masques se sont posés sur nos visages, nous privant d’indices de communication précieux. © MAXIME GENOUD BIO EXPRESS 1 979 implanté dans le cerveau capable à la l’innocuité de ces micro-électrodes. Naissance à Neuchâtel. fois de reconnaître les signes avant-cou- Nous sommes confiants sur cet aspect 20 0 4 reurs et de déclencher un traitement puisqu’en 2018 déjà, sous l’impulsion Diplôme fédéral de médecin, immédiat. de la Pre Margitta Seeck, responsable Université de Genève (UNIGE). de l’Unité d’exploration de l’épilepsie 20 0 8 Cela ne relève donc pas de la science- des HUG, un projet pilote avait été initié Doctorat en neurosciences, UNIGE. fiction ? avec succès auprès de trois patients. Les Il y a encore beaucoup à faire, mais non, premiers résultats axés sur la recherche 20 1 2 ce n’est pas de la science-fiction. Une elle-même devraient apparaître d’ici Post-doctorat, Albert Einstein College of Medicine, New York, entreprise américaine a d’ailleurs conçu deux ans. Ils seront rendus publics, tout États-Unis. un dispositif (à ce jour disponible unique- comme ceux qui suivront. Cela fait par- ment aux États-Unis) capable de détec- tie du mandat inhérent aux projets finan- 20 1 2-20 1 5 ter les crises d’épilepsie. La méthode a cés par le Fonds national suisse. Il s’agit Post-doctorat, North Shore encore des limites – elle ne permet par d’une démarche de « citizen science » University Hospital, Manhasset, exemple pas de faire disparaître les crises qui, elle aussi, constitue une perspec- États-Unis. – mais elle est prometteuse. On peut la tive d’avenir : la mise en commun des 20 1 7 considérer comme un prototype de ce connaissances dans l’intérêt des patients. Titre de médecin spécialiste en qu’il sera possible de faire dans quelques neurologie, Fédération des méde- années. Par ailleurs, on sait que le corps Et puis il y a l’observation des neurones cins suisses. tolère bien les dispositifs implantés, on eux-mêmes, en dehors de toute patholo- 20 1 7-20 20 le voit par exemple avec les pacemakers. gie. Cet autre volet est-il en lien avec vos Projet Ambizione fellowship, Fonds Tout n’est pas parfait, des questions très précédents travaux, notamment votre national suisse pour la recherche concrètes se posent, par exemple pour projet portant sur les oscillations céré- scientifique. une alimentation durable de ces appa- brales, lui aussi soutenu par le Fonds reils, mais nous pouvons être optimistes National Suisse ? D e p u i s 20 1 7 Chef de clinique scientifique, car les progrès technologiques sont Oui, en partie car il s’agit, dans les Service de neurologie, Hôpitaux rapides et spectaculaires. Tout porte à deux cas, de chercher à comprendre ce universitaires de Genève. croire que les interfaces cerveau-machine qui sous-tend un phénomène complexe feront partie de notre avenir. depuis le cerveau lui-même. Concernant 20 21 -20 26 les oscillations cérébrales, mécanisme Projet Eccellenza fellowship, Fonds Quand espérez-vous obtenir les pre- que l’on sait actif en permanence, nous national suisse pour la recherche miers résultats ? avons par exemple pu montrer leur impli- scientifique. Ils devraient être publiés dès la fin de cation dans le traitement de la parole. l’année, mais ils porteront surtout sur Par le biais d’électrodes cérébrales, nous
PLUS D’ARTICLES SUR PLANETESANTE.CH ZOOM 15 EN FINIR AVEC LES ATTAQUES DE PANIQUE ADAPTATION* CLÉMENTINE FITAIRE Cœur qui s’emballe, difficultés à respirer, fourmille- pour ne pas se retrouver dans un contexte qui pourrait ments dans les membres, jambes qui se dérobent, par- déclencher ces attaques. S’ensuit un cercle vicieux qui fois perte de connaissance… voici ce que décrivent les provoque à terme isolement et mal-être. personnes souffrant d’attaques de panique. Celles-ci Pour pas qu’elles ne s’aggravent ou dégénèrent en surviennent quand on a atteint le seuil de nos capa- trouble anxieux généralisé, ces attaques de panique cités d'adaptation psychique. Face à ce que l’on se doivent être prises en charge. La thérapie cogni- représente comme un danger, notre corps se prépare à tivo-comportementale consiste à cibler les situations la fuite : le rythme cardiaque et respiratoire augmente lors desquelles surviennent les crises et à confronter le pour apporter sang et oxygène aux organes. Mais dans patient, de façon graduelle, aux éléments anxiogènes. le cas d’une attaque de panique, le corps reste téta- Si cela ne suffit pas, des médicaments peuvent y être nisé. Une réaction si violente que l’individu qui en associés. souffre met alors en place une stratégie d’évitement ÉMULSIFIANTS ALIMENTAIRES : ATTENTION DANGER ! ADAPTATION** MÉLISSA QUINODOZ Dans une étude publiée dans le journal Cell Reports1, pour rester stables et conserver un aspect crémeux et des chercheurs français ont mis en avant le rôle onctueux. Problème : certains de ces additifs ont ten- néfaste des émulsifiants alimentaires sur l’intestin. dance à agresser le microbiote, soit les bactéries qui Ceux-ci seraient en partie responsables de certaines colonisent notre intestin. Si ces premières recherches inflammations intestinales qui, lorsqu’elles sont se confirment, on peut donc s’attendre à ce que l’in- chroniques, peuvent mener à des pathologies graves dustrie agroalimentaire doive repenser la fabrication comme la maladie de Crohn. de certains produits afin de bannir ces émulsifiants. Très présents dans les produits transformés et 1. Viennois E, Bretin A, Dubé P, et al. Dietary emulsifiers directly ultra-transformés, les émulsifiants alimentaires per- impact adherent-invasive E. coli gene expression to drive chronic mettent de stabiliser les produits ou de leur appor- intestinal inflammation. Cell Reports 2020;33. DOI : doi.org/10.1016/j. celrep.2020.108229. ter de la texture. Les glaces, les barres chocolatées ou encore les sauces ont besoin de ces émulsifiants * Adapté de l’émission « Vaincre les attaques de panique », 36.9° (RTS), diffusée le 17 février 2021. ** Adapté de l’émission « Les émulsifiants alimentaires seraient néfastes pour les intestins », CQFD (RTS), diffusée le 28/10/20. « 36.9° » ET « CQFD » SUR PLANETESANTE.CH Retrouvez toutes ces émissions sur Pour vous offrir toujours plus d’informations, les sujets santé planetesante.ch/36.9 des émissions 36.9° (RTS) et CQFD (RTS LA 1ÈRE) sont également planetesante.ch/cqfd disponibles sur Planetesante.ch !
16 DYSPHONIE PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021 Cassée, la voix Peu connue et encore insuffisamment prise en charge, la dysphonie chez l’enfant est pourtant un trouble qui se soigne. Une rééducation vocale durant l’enfance permet d’éviter des conséquences négatives, y compris à l’âge adulte. ADAPTATION* ÉLODIE LAVIGNE B ruyants, voilà un adjectif que les L’origine de la dysphonie est multifac- généralement une voix aiguë et instable. plus mauvaises langues attribuent torielle : les allergies respiratoires et En cas d’obstruction nasale, la voix est en aux enfants, qui crient leur joie de l’asthme peuvent faire partie des troubles revanche plus rauque, soufflée, avec une vivre dans les parcs et les cours d’école. associés. Dans 38,1 % des cas, on note importante tension au niveau du larynx Certains se font pourtant moins entendre une infection des voies aériennes supé- et une mauvaise résonance nasale. que d’autres. Les troubles de la voix rieures. Les infections respiratoires y affectent 23 % des enfants, avec pour participent car elles affectent les mêmes Une source de handicap 19,3 % d’entre eux, un impact sur la qua- organes et structures que celles impli- Les enfants concernés se plaignent sou- lité de vie. Avoir la voix cassée ou rauque, quées dans la phonation. L’obstruction vent d’une incapacité à chanter, à faire lorsqu’on est un enfant, n’est pas normal. nasale, par exemple, est très fréquem- du solfège, à lire à voix haute en classe et Pourtant cette anomalie est encore trop ment retrouvée. La toux et les raclements à répondre à la maîtresse par peur que la souvent ignorée ou négligée, malgré son de gorge le sont aussi. voix ne se coupe ou qu’on ne les entende impact sur le quotidien et la vie future. pas. Ces enfants ne peuvent pas appeler Une plus grande sensibilisation est néces- leurs copains à la récréation ou pendant saire auprès des médecins, des pédiatres, les matchs de foot et ne peuvent pas des parents, mais aussi des profession- se défendre si on les embête. L’impact Savoir être à l’écoute nels (enseignants, par exemple) qui gra- négatif sur les compétences de commu- vitent autour de l’enfant. À Genève, tandis que 40 % des nication et les aptitudes psychosociales enfants dysphoniques sont peut entraîner une baisse de l’estime et Des maux sous-jacents adressés en rééducation par de la conscience de soi, avec un risque leur professeur de solfège, La dysphonie s’accompagne souvent plus élevé de troubles de l’humeur, d’ir- 20 % le sont par leur professeur de lésions bénignes telles que nodules ritation, de repli sur soi et de frustration. d’instrument de musique, (74,7 % des cas), laryngites chroniques 20 % par un membre du corps (19,5 % des cas) ou polypes (5,9 % des enseignant, 15 % y accèdent Ne pas laisser traîner cas). Les enfants concernés ont entre 5 parce que leurs parents ou une C’est souvent tardivement que le pro- et 12 ans, avec une majorité de garçons personne de leur entourage blème est pris en charge. Or, plus on agit issus de milieux socio-économiques favo- s’inquiètent et 5 % seulement tôt (avant l’adolescence), meilleures sont risés. Ils sont généralement vifs et impul- sont adressés par des médecins. les chances de récupération. Les parents sifs, parlant beaucoup et fort, aussi bien ont tendance à minimiser, pensant que à la maison qu’à l’école. Certains peuvent leur enfant a simplement une voix moins être hyperactifs et tous pratiquent des puissante ou différente de la norme ou activités sportives à l’extérieur entraînant Lors d’une dysphonie, la voix est souvent que cela finira par s’arranger tout seul. un effort vocal. On remarque que l’exis- éraillée, rauque, cassée ou enrouée, avec Il faut dire que le fonctionnement de tence d’une fratrie est un facteur favo- des phases d’aphonie dans 73,5 % des l’appareil vocal et l’hygiène vocale sont risant la formation des nodules car il y cas, c’est-à-dire avec une perte de voix méconnus dans la population. Mais en a alors souvent utilisation d’un volume totale ou presque totale qui peut durer cas d’enrouement persistant chez l’en- excessif de la voix dès la présence d’un de quelques heures à plusieurs jours fant, il est important de consulter. deuxième enfant, qu’il soit plus jeune ou ou semaines. Les enfants disent devoir La rééducation vocale peut permettre plus âgé. faire un effort pour parler et présentent de retrouver une voix claire et efficace.
PLUS D’ARTICLES SUR PLANETESANTE.CH 17 © ISTOCKPHOTO/SENSORSPOT Parfois elle doit s’accompagner d’autres l’occasion, pour le patient et sa famille, du comportement vocal et de la dyna- traitements pour soigner les troubles d’acquérir des connaissances de base sur mique familiale avec davantage d’écoute associés (médicaments, chirurgie). Un l’hygiène vocale pour que l’enfant adopte de l’autre, de respect, moins de répéti- examen ORL et si possible une vidéos- de bonnes habitudes et utilise au mieux tions, plus de responsabilisations et une troboscopie peuvent être indiqués afin sa voix en fonction des circonstances. Sa amélioration du dialogue au sein de la d’objectiver les lésions éventuelles. La participation et sa motivation au traite- famille. Quelques séances seulement (six rééducation vocale comprend un trai- ment sont gages de réussite. La rela- à huit) suffisent à redonner à l’enfant des tement direct et indirect. Elle consiste tion entre le thérapeute, l’enfant et ses perspectives d’avenir, à savoir la possibi- en des exercices vocaux sur la réso- parents est elle aussi importante. lité d’accéder à tous les métiers qui sont nance, la modulation et le changement Généralement, la thérapie vocale donne basés sur la communication verbale, d’inflexions afin de retrouver une élas- de très bons résultats, avec une régres- sans limitation à cause de sa voix. ● ticité musculaire. Elle se déroule en pré- sion des lésions et une meilleure utilisa- * Amberger P. Troubles de la voix chez l’enfant : sence de l’un des parents ou des deux, tion des organes phonatoires. Cette prise que faire ? Rev Med Suisse 2020;16: 2348-2350. et éventuellement de la fratrie. Elle est en charge amène souvent un changement
18 TRAVAIL PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021 PRÉVENIR LE BURN-OUT Toujours pas reconnu comme une maladie, le burn-out est considéré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un phénomène lié au travail, résultant d’un stress chronique et se caractérisant par un sentiment d’épuisement professionnel et une efficacité réduite, s’accompagnant de cynisme ou de sentiments négatifs liés à au travail. Maladie ou pas, son impact sur la santé est immense, tout comme les coûts qu’il occasionne (7,6 milliards par an) en termes d’absentéisme, d’augmentation des erreurs et de baisse des performances au travail. Selon le Job Stress Index (2020), trois personnes actives sur dix sont concernées par un manque de ressources et un excès de contraintes au travail. Catherine Vasey, psychologue spécialiste du burn-out et auteure de plusieurs ouvrages sur le sujet*, nous livre ses conseils pour éviter le burn-out. TEXTE ÉLODIE LAVIGNE
« SOUS L’EAU » DES SOLUTIONS AU TRAVAIL Lorsqu’un déséquilibre entre vie privée et vie Les employeurs ont un rôle à jouer pour pro- professionnelle s’installe, la fatigue risque, peu téger leurs employés du burn-out. « Les chefs à peu, de prendre le dessus. Au-delà de six directs doivent créer des bulles de prévention mois, le mal est considéré comme chronique. pour leur équipe, en veillant à instaurer une Dans ce cas, mieux vaut consulter son médecin bonne ambiance de travail », suggère Catherine pour faire un bilan de santé et savoir ce qui se Vasey. L’absence de stress et de contraintes cache derrière la fatigue : une carence en fer ? étant illusoire, il s’agit plutôt d’augmenter les Des apnées du sommeil ? Une dysfonction de ressources à disposition. Plusieurs leviers d’ac- la thyroïde ? Un burn-out ? Si tel est le cas, il tion existent. La reconnaissance pour le travail est fortement recommandé de s’adresser à un accompli, qu’elle vienne du supérieur ou des spécialiste de cette problématique (psycho- clients, en fait partie. Elle renforce le sentiment logue, psychiatre), pour de meilleures chances d’utilité et est source de motivation pour le tra- de récupération. vailleur. L’effort fourni est bien mieux vécu s’il est en accord avec nos valeurs et porteur de sens. Des challenges motivants, adaptés aux connaissances et aux compétences de l’em- ployé, dans une dynamique de progression indi- LES SIGNAUX D’ALARME viduelle, sont aussi importants. Le processus d’épuisement évolue lentement et de façon insidieuse. Le danger est grand de s’adapter aux signaux que le corps nous envoie et de voir notre état s’aggraver. Face à un stress DES CHANGEMENTS À OPÉRER chronique, le corps souffre : troubles du som- meil, maux de tête, tensions musculaires à la POUR SOI nuque et aux épaules notamment, amplitude Pour se prémunir d’un burn-out, il faut jouer respiratoire réduite, plexus solaire et gorge sur tous les tableaux : le corps, le mental et les noués, troubles digestifs, etc. Au niveau psy- émotions. Se défouler pour éliminer les ten- chique, les inquiétudes et ruminations enva- sions, rester actif physiquement, se régénérer hissent l’espace mental, avec une incapacité dans la nature, veiller à une bonne hygiène de à débrancher : « La surexcitation mentale ne sommeil et à une alimentation équilibrée (évi- permet pas de se relâcher », décrit Catherine ter les excès de sucre et de gras). Rester serein Vasey. L’esprit est dans un état d’hypervigilance demande de la discipline : « C’est un entraîne- et a tendance à se focaliser sur le négatif. Sur ment et une décision à prendre », souligne la le plan émotionnel, il y a une forme de satu- spécialiste. Focaliser sur le positif plutôt que le ration, de ras-le-bol qui peut se traduire par négatif, déposer quelque part ses préoccupa- de l’irritabilité ou du désintérêt. Le sentiment tions, par exemple en les écrivant dans un car- d’impuissance entraîne une perte de disponi- net ou en les racontant à un proche – attention bilité à l’autre et une absence d’empathie. Les toutefois à fixer des règles pour que l’autre ne pertes de mémoire et les difficultés de concen- se sente pas envahi. Il est également important tration renforcent le sentiment d’incompétence. de se changer les idées, écouter ses besoins, se À force, on n’arrive plus à se détendre, ni à se libérer émotionnellement en riant, en chantant, reposer. Pour compenser le manque d’efficacité en dansant, en criant, en pleurant, si nécessaire. au travail, on accumule les heures supplémen- Rester en lien avec les autres et sortir de soi, taires, ce qui aggrave l’état d’épuisement et le en s’autorisant d’autres rôles et en allant dans niveau de stress. C’est un cercle vicieux, jusqu’à l’inattendu peuvent aussi aider. la rupture : « On n’arrive plus à lire, à allumer l’ordinateur, à sortir de chez soi », illustre la psychologue. * La boîte à outils de votre santé au travail, Ed. Dunod, 2020. © ISTOCKPHOTO/FCSCAFEINE
20 GYNÉCOLOGIE PLANÈTE SANTÉ – JUIN 2021 L’examen vaginal est-il toujours utile ? Il semble indissociable de la consultation chez le gynécologue et pourtant l’examen vaginal ne s’imposerait, quand tout va bien, qu’une fois tous les trois ans. ADAPTATION* LAETITIA GRIMALDI © ISTOCKPHOTO/DOUCEFLEUR
PLUS D’ARTICLES SUR PLANETESANTE.CH 21 E t si un rendez-vous chez le gynéco- justifient elles aussi un dépistage tous ni les autorités sanitaires fédérales, ni la logue pouvait parfois se faire sans les trois ans et pas nécessairement Société suisse de gynécologie et d’obsté- examen de la sphère génitale tout plus », indique la Dre Martine Jacot- trique (SSGO) ne fournissent de directives en remplissant parfaitement sa mission ? Guillarmod, spécialiste en gynécologie et définissant sa place lors d’une consulta- Un fait qui semble presque incongru tant médecin adjointe responsable de l’Unité tion gynécologique préventive, à l’excep- cette étape paraît intimement liée à ces de colposcopie et de la gynécologie de tion du dépistage du cancer du col utérin. consultations tour à tour rassurantes ou l’adolescente au Centre hospitalier uni- « Aujourd’hui, cet examen reste pro- anxiogènes. Et pourtant cet acte, incluant versitaire vaudois à Lausanne (CHUV). fondément ancré dans la pratique », examen au speculum et toucher vagi- Qu’en est-il des autres pathologies gyné- constate la Dre Jacot-Guillarmod. Pour nal, ne se justifierait en réalité qu’une cologiques ? « Aujourd’hui, les données preuve, par exemple, les résultats d’une sont claires : nous ne sommes pas bons étude américaine publiée en 2013**, pour leur dépistage précoce, énonce l’ex- interrogeant plus de 500 gynécologues et perte. L’examen vaginal ne permet par montrant que 87 à 99 % d’entre eux l’ef- exemple que très rarement de déceler un fectuent de façon systématique. Le pro- cancer de l’ovaire débutant et peut dès blème : au-delà d’être parfois faussement Aller chez lors s’avérer faussement rassurant. » rassurant, ce geste est tout sauf anodin. le gynécologue, Faut-il pour autant espacer ses visites « Un tiers des femmes expriment de la c’est aussi… chez le gynécologue ? « Pas du tout, peur, une gêne ou de l’angoisse face à Pour de nombreuses femmes, estime la Dre Jacot-Guillarmod. Ces cet examen, rapporte l’experte du CHUV. surtout si elles sont en constats ne remettent pas en question Et cette appréhension peut se traduire bonne santé, la visite chez le l’importance de consultations régulières, par un évitement des soins, avec toutes gynécologue peut constituer tant pour s’assurer de l’absence d’in- les conséquences que cela peut avoir en le seul rendez-vous médical dication à de telles investigations que termes de dépistage, mais également de régulier. Au-delà de l’examen pour un suivi plus global des femmes » grossesses non désirées en l’absence de gynécologique lui-même, (lire encadré). Et l’experte d’ajouter : contraception. » plusieurs sujets peuvent être « L’examen vaginal s’impose par ailleurs Autant de constats rendant urgente une abordés. Parmi eux : en cas de symptômes gynécologiques tels remise en question des pratiques. « Il est • les infections sexuellement que douleurs (spontanées ou lors des crucial qu’elles évoluent au regard de transmissibles (IST) rapports sexuels), sensations de brûlure, l’état actuel des connaissances scienti- • la contraception démangeaisons ou encore saignements fiques, conclut la Dre Jacot-Guillarmod. • la tension artérielle inhabituels. » Non, l’examen vaginal ne doit pas être systématique et encore moins s’il met • les violences domestiques Profondément ancré dans la pratique en péril la santé de femmes en finissant • l’hygiène de vie (tabac, alcool, Dès lors, s’il ne se justifie réellement par les éloigner d’une consultation qui activité physique, etc.) qu’une fois tous les trois ans, pour- constitue un espace privilégié pour le • les troubles sexuels quoi l’examen vaginal se glisse-t-il dans suivi de leur santé. » ● • le vaccin contre le presque toutes les consultations gyné- papillomavirus cologiques ? « L’explication vient en * Adapté de : Jacot-Guillarmod M, Mathevet P, Diserens C. Y a-t-il encore une place pour l’examen vaginal • le désir ou le suivi de grossesse grande partie du succès spectaculaire en consultation gynécologique ? Rev Med Suisse du dépistage du cancer du col de l’uté- 2020;16:2037-41. rus depuis les années 1950 », éclaire la ** Henderson JT, Harper CC, Gutin S et al. Routine gynécologue. Les protocoles alors mis en bimanual pelvic examinations: practices and beliefs of US obstetrician-gynecologists. Am J Obst Gynecol place ont drastiquement fait reculer l’in- 2013;208:109.e1-7. cidence de la maladie et ont mué cet exa- fois tous les trois ans à partir de 21 ans men en routine incontournable. Depuis, chez les patientes ne souffrant d’aucun les connaissances quant au dépistage ont symptôme particulier. Son utilité pre- évolué. En 2014 déjà, des recommanda- mière : assurer le dépistage du cancer du tions américaines, émanant de l’Ameri- col de l’utérus, par le biais d’un frottis. Il can College of Physicians, remettaient en permet également de déceler des infec- cause la pratique annuelle de l’examen tions latentes, par exemple à Chlamydia vaginal. Puis, la Canadian Task Force se trachomatis, et la présence d’anomalies prononçait contre son recours systéma- au niveau de la vulve. « Autant d’indica- tique chez les patientes ne présentant tions qui, en l’absence de symptômes, pas de symptôme. À noter qu’en Suisse,
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