Quel avenir pour la génération COVID ? - INDUSTRIES - NVO

La page est créée Maxime Leclercq
 
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Quel avenir pour la génération COVID ? - INDUSTRIES - NVO
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     LE MAGAZINE DES MILITANTS DE LA CGT
     OCTOBRE 2020

                 Quel        avenir
                 pour la génération COVID ?
                     EMPLOI           INDUSTRIES       DOCUMENTAIRE
 NO 3592 - 3 €

                 Des pistes pour       Relocaliser      Mais que fait
                 sortir de la crise   c’est possible     la police ?
Quel avenir pour la génération COVID ? - INDUSTRIES - NVO
Quel avenir pour la génération COVID ? - INDUSTRIES - NVO
ÉDITORIAL

                                                                                                                                                                                                                                TATIANA MATTELART
                                                                                                                                                                               Pour une vraie
                                                                                                                                                                               rupture

                                                                                                                                                                               L
                                                                                                                                                   BRUNO AMSELLEM/DIVERGENCE
26
Emploi : des pistes pour sortir de la crise
                                                                                                                                                                                               a deuxième vague est
                                                                                                                                                                                               sociale et violente. Licencie-
                                                                                                                                                                                               ments, PSE, accords de
                                                                                                                                                                               performance collective, activité partielle

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                                                                                                                                                                               de longue durée, chantage à l’emploi,
                                                  34                                               44
                                                                                                   DOCUMENTAIRE
                                                                                                                                                                               régression des droits, augmentation du
                                                                                                                                                                               chômage, emplois au rabais, précarité
                                                  RELOCALISATION                                                                                                               accrue, inégalités grandissantes. Ce cli-
                                                  INDUSTRIELLE                                     Mais que fait                                                               mat anxiogène est alimenté par un gou-
ENQUÊTE                                           Freins et pistes                                 la police ?                                                                 vernement aux discours sanitaires contra-
                                                                                                                                                                               dictoires, alarmants, culpabilisants.
Quel avenir                                                                                                                                                                    Angoisse pour les 800 000 jeunes aux
pour les
jeunes ?                                          36                                               46
                                                                                                   ENTRETIEN
                                                                                                                                                                               portes du « marché » du travail, à qui le
                                                                                                                                                                               plan de relance gouvernemental n’apporte
                                                  PLAN DE RELANCE                                                                                                              pas de vraies réponses. Et qui ont le senti-
                                                                                                   Malik Salemkour,                                                            ment d’être une génération sacrifiée. La
                                                  Le bien commun
20
GROUPE MULLIEZ
                                                  passé à la trappe
                                                                                                   président de
                                                                                                   la LDH
                                                                                                                                                                               pandémie inflige de multiples chocs aux
                                                                                                                                                                               jeunes : elle détruit leurs emplois et leurs
                                                                                                                                                                               perspec­tives d’avenir et compromet aussi
Union CGT pour                                                                                                                                                                 leur éducation et leur formation. Au final,
l’emploi                                          38                                               48                                                                          elle a de graves répercussions sur leur
                                                                                                                                                                               bien-être mental, nous a alertés l’Organi-
                                                  CSE                                              FONDS MONÉTAIRE                                                             sation internationale du travail.
22                                                Établissements                                   INTERNATIONAL
                                                                                                   Une réforme
                                                                                                                                                                               Cette situation impose des mesures de
                                                                                                                                                                               transformation sociale et écologique pro-
RÉPRESSION                                        distincts sur la                                                                                                             fonde, en totale rupture avec les politiques
Naissance d’un                                    sellette                                         indispensable                                                               actuelles, pour une société fondée sur la
collectif                                                                                                                                                                      justice et la démocratie. Or, le gouverne-

                                                                                                   50
                                                                                                                                                                               ment n’y apporte que de vieilles solutions

24                                                42                                               FORMATION
                                                                                                                                                                               financées à coups de milliards d’aides
                                                                                                                                                                               publiques dispensées sans conditionnalités
                                                                                                                                                                               sociale et environnementale, au seul béné-
BRIDGESTONE                                       CINÉMA                                           SYNDICALE
                                                                                                                                                                               fice des grandes entreprises et au détri-
Combat pour                                       Quand la caméra                                  Les mots ont                                                                ment de la relance par la consommation.
l’emploi                                          explore la lutte                                 un sens                                                                     Mais face à un gouvernement ferme sur
                                                                                                                                                                               ses fondamentaux néolibéraux et un
     La Nouvelle Vie Ouvrière                                                                                                                                                  patronat décomplexé, de nombreuses
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Tél. : 01 49 88 68 50                n Rédacteurs en chef adjoints        Véronique Gérardin                8,50 € la ligne / N° 3592                                          alliant défense de l’emploi, propositions
e-mail : contact@nvo.fr
n Rédaction
                                     Isabelle Avran, Frédéric Dayan       n Premier maquettiste             Copyright : ISSN 1628-674 X                                        alternatives pour développer l’activité et
                                                                          Philippe Fœsser                   n Commission paritaire
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                                     n Assistante de la rédaction
                                     Patricia Bounnah                     n Maquette Cécile Bondeelle,      0322 I 79805                                                       relocaliser à partir de projets socialement
n Direction                          n Rédaction Marie Alaman, Claire     Ilaé Roc, Rémi Gadéa              n Dépôt légal à parution.                                          et écologiquement durables. Pour
Présidente, directrice de
publication : Virginie Gensel-
                                     Blondet (chef de service), Mélanie
                                     Carles, Nathalie Carmeni (chef de
                                                                          n Secrétariat de rédaction
                                                                                                            n Imprimé et routé par Rivet
                                                                                                            Presse Édition, 24, rue Claude
                                                                                                                                                                               défendre l’emploi, notamment dans l’in-
Imbrecht, Directeur général :                                             Cécile Bondeelle, Anne Lamblin,
Stéphane Puifourcat.                 service), Régis Frutier, Aude Le
                                                                          Erwan Serveau
                                                                                                            Henri Gorceix, 87280 Limoges                                       dustrie et le commerce, pour les salaires,
n Tarifs du journal 3 € le numéro,
76 € l’abonnement d’un an
                                     Mire, Dominique Martinez (chef
                                     de service), Laurent Milet           n Photo (chef de service)
                                                                                                            n Photo de couverture
                                                                                                            Valentino Belloni/Hans Lucas
                                                                                                                                                                               le service public, à l’image de la colère des
(60 € pour les syndiqués CGT).
Abonnement en ligne sur nvo.fr
                                     (directeur des publications          Tatiana Mattelart-Markoff
                                                                                                            Fondée en 1909 par un groupe de                                    hospitaliers qui gagne tout le secteur
                                     juridiques), Christine Morel,        n Ont contribué à ce numéro
n Régie publicitaire                 Estelle Suire                        Patrick Chesnet, Sophie
                                                                                                            syndicalistes animé par Pierre                                     sanitaire et social. Sous leurs masques, la
Audience créative                                                                                           ­Monatte, Alphonse Merrheim
Tél. : 01 55 82 84 15                n Éditeur numérique                  Eustache, Alexia Eychenne,
                                                                                                             et Alfred Rosmer. Responsable de la                               colère et la détermination…
                                     Lennie Nicollet                      Ludovic Finez
Directeur : Franck Chéron
                                     n Édition, réalisation               n Conception
                                                                                                             rédaction dans la clandestinité
                                                                                                             pendant l’occupation hitlérienne :
                                                                                                                                                                               Virginie Gensel-Imbrecht,
Directrice de publicité : Joanne
Postolle-Gaspard                     Directeur : Stéphane Puifourcat      Naja presse / Susanna Shannon      Benoît Frachon.                                                   présidente

                                                                                                                                                                                                    octobre 2020   nvo 3
Quel avenir pour la génération COVID ? - INDUSTRIES - NVO
hommages
                                                 Georges Azenstarck

                                                 R
                                                          eporter-photographe à l’Humanité de 1956 à 1968, puis à la Vie Ouvrière, Georges était
                                                          un immense photographe du monde du travail. Parcourir le fonds photographique de
                                                          l’agence Roger-Viollet permet de réaliser l’apport et l’ampleur de son œuvre. Né en
                                                          1934, il a gravé dans le nitrate d’argent de ses pellicules tout un pan du
                                                 photojournalisme social. Avec, notamment, des reportages sur les immigrés portugais
                                                 débarquant gare d’Austerlitz avant de connaître les bidonvilles de Seine-Saint-Denis. Il a aussi
                           DANIEL MAUNOURY

                                                 immortalisé les ratonnades d’octobre 1961 à Paris, lors desquelles la police de Maurice Papon
                                                 s’était déchaînée. Georges était aussi sur la ligne du front social lorsqu’il a couvert
                                                 l’enterrement de 21 mineurs marocains après un coup de grisou dans une mine du Pas-de-
                                                 Calais en 1965, fixé l’image des ouvriers de Citroën occupant leurs ateliers en 1968, ou bien
                                                 encore la sortie des ouvrières de La Lainière à Roubaix, en 1984. Pour l’agence Rapho, il a
                                                 parcouru le globe afin de photographier le monde du travail. En 1999, l’un de ses reportages
                                                 avait été sélectionné par Associated Press parmi les cent meilleurs du XXe siècle. F.D.

                                                                                        Travailleurs immigrés d’origine algérienne
                                                                                        photographiés par Georges Azenstarck lors
                                                                                        d’une pause au sein de l’usine Renault située
                                                                                        à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine),
                                                                                        dans les années 1980.

      Comme un lien entre les deux hommes, ce cliché de 1979-1980,
    signé Georges Azenstarck, illustre les locaux de la radio Lorraine
    Cœur d’Acier, radio libre, porte-voix des sidérurgistes en lutte du
          bassin de Longwy, et dont Marcel Trillat fut l’un des piliers.

                                                 Marcel Trillat

                                                 S
                                                          ymbole du combat pour l’indépendance de l’audiovisuel public, notre camarade Marcel
                                                          Trillat vient de nous quitter, à l’âge de 80 ans. Cet immense journaliste, qui fit ses
                                                          armes dans l’émission Cinq colonnes à la une en 1965, fut aussi l’un des acteurs de la
                                                          grève de l’ORTF en 1968. Il était journaliste-pigiste à l’époque et son engagement lui
                                                 vaudra d’être mis à l’index, tandis qu’une centaine de ses confrères étaient licenciés. À l’arrivée
                                                 de la gauche au pouvoir, en 1981, les interventions syndicales du SNJ-CGT et du SNJ ouvrent la
                                                 voie à sa réintégration sur Antenne 2, dont il deviendra, huit ans plus tard, le directeur adjoint
                            JULIEN MILLET/CCAS

                                                 de l’information. Non sans avoir connu une mise au placard en 1986 avec le retour de la droite
                                                 aux affaires. Comme quoi, nous livrait-il dans Témoins, le journal de son syndicat, le SNJ-CGT,
                                                 « rien n’est jamais gagné. La liberté de l’information est un combat permanent. » Un combat
                                                 que Marcel a aussi mené pendant dix-huit mois sur les ondes de la radio Lorraine Cœur
                                                 d’Acier, première grande radio libre, mise en place par la CGT en 1979 pour contribuer à la
                                                 sauvegarde de la sidérurgie. En 2012, Marcel, avec le soutien du syndicat, avait participé à la
                                                 publication d’un coffret DVD, titré Un morceau de chiffon rouge, édité par la NVO. L’œuvre de
                                                 Marcel est pétrie d’humanisme, attaché qu’il était à montrer l’envers du décor, à donner la
                                                 parole à ceux que l’on appelle aujourd’hui les « invisibles ». F.D.

4   nvo    octobre 2020
Quel avenir pour la génération COVID ? - INDUSTRIES - NVO
SANTÉ ET ACTION SOCIALE

NOUVELLE
MOBILISATION
LE 15 OCTOBRE
L              a CGT de la santé et de l’action
               sociale appelle, le 15 octobre, avec
               d’autres syndicats et collectifs, à
une journée nationale de grève et de mobilisa-
tion dans les secteurs de la santé, du médico-social
et du social. Elle estime en effet que « le protocole
d’accord sur les carrières et rémunérations, ainsi
que le Ségur de la Santé ne sont pas satisfaisants du
tout, voire inadaptés aux demandes et revendica-
tions des personnels de ces secteurs d’activité. » Les-
quels doivent faire face à des prises en charge
de plus en plus difficiles : troubles du comporte-
ment, population vieillissante, etc. La CGT
estime ainsi que ces professionnels « invisibles »
doivent être reconnus dans leur rôle et leurs
qualifications « au même titre que tous les acteurs
du soin ». Quant au secteur hospitalier, les per-
sonnels croulent à nouveau sous les assauts de
la pandémie, sans que des moyens conséquents
n’aient été attribués de façon pérenne. Dans ce
contexte, les augmentations de salaire, obte-
nues pour certains, ne sont pas de nature à
éteindre la colère qui persiste et qui s’est expri-
mée depuis plus d’un an. Le manque d’effectifs
dans tous les services et les établissements est
« inacceptable », proteste la CGT Santé et Action
sociale, qui refuse de se satisfaire de la commu-
nication d’un gouvernement qui prétend maîtri-
ser la situation et régler tous les problèmes
grâce à son fameux « Ségur de la Santé ». À l’oc-
casion de cette journée de mobilisation, la CGT
veut peser sur l’élaboration du projet de loi de
financement de la Sécurité sociale pour obtenir,
notamment, « des embauches massives de person-
nels qualifiés ; l’ouverture massive de lits pour
désengorger les urgences, en psychiatrie, dans les
services de soins et les structures du médico-social et
du social, partout où cela est nécessaire ». Elle
revendique aussi « la reconnaissance sans condi-
tion en maladie professionnelle de tous les person-
nels de santé et de l’action sociale atteints par le
Covid-19 ». Concernant les dispositions sur le
temps de travail du protocole d’accord du Ségur
de la santé, la CGT, qui ne l’a pas signé, exige
« l’arrêt de la déréglementation possible sur le temps
                                                                            BAPOUSHOO

de travail et la baisse du temps de travail pour les
métiers pénibles ».
Frédéric Dayan

                                                          octobre 2020   nvo 5
Quel avenir pour la génération COVID ? - INDUSTRIES - NVO
actualité
    SALARIÉS AGRICOLES                                   FRET FERROVIAIRE
    Convention                                           La CGT présente son plan
    collective
    nationale en vue
    À     compter du 1er janvier 2021, près
          d’un million de salariés du secteur
    agricole disposeront d’une convention
    collective nationale. La loi El Khomri
    menaçant les conventions territoriales,
    « l’enjeu pour l’agriculture était majeur
    pour préserver et renforcer les conquis
    des salariés », explique la Fnaf-CGT, qui
    se félicite de l’aboutissement de
    trois ans de lutte. Avec quatre autres
    syndicats de salariés, la fédération CGT

                                                                                                                                                              RAYMOND ROIG/AFP
    a ratifié le 22 septembre la convention
    collective nationale. « Grâce, notamment,
    à une démarche syndicale unitaire, les

                                                         «U
    tentatives de régression sociale ont pu
    être bloquées », précise encore la Fnaf-
    CGT. Une démarche unitaire qui se
    poursuit puisque CGC, FO, CFTC et
    CGT exigent ensemble « la poursuite                                          n plan de rupture »        La fédération appelle donc l’État à
    des négociations sur les revendications                                      pour « sortir de l’im-     engager de véritables mesures de pré-
    restées en suspens », tout en exprimant                                      passe du tout-rou-         vention des nuisances relatives aux dif-
    leur refus commun de voir remis en                   tier ». Les propositions de la CGT Che-            férents modes de transport pour en
    cause unilatéralement des accords                    minots rendues publiques le 21 septembre           réduire l’impact et ainsi contribuer à
    territoriaux ou professionnels,                      vont à rebours de l’« énième plan de relance       réorienter les flux vers les plus ver-
    « entraînant, si tel était le cas, la                du fret ferroviaire » dévoilé par le gouver-       tueux. Elle revendique également des
    possibilité de dénonciation syndicale de             nement quelques jours plus tôt. Présenté           subventions dédiées (fraction de la
    la convention collective nationale. » R.F.           comme un des leviers du « green deal »,            TICPE, contribution des autoroutes
                                                         celui-ci n’obtient pourtant que 4,7 mil-           privées…) et sanctuarisées dans un
                                                         liards d’euros, dont à peine la moitié pour        budget de programmation ferroviaire
    TÉLÉTRAVAIL                                          le fret, et réemploie la stratégie libérale        2021-2050.
    Les syndicats                                        habituelle. « Rien de nouveau. Ce plan est
                                                         même plus modeste que ses prédécesseurs »,         L’État doit être une locomotive
    arrachent une                                        note Cédric Robert, secrétaire fédéral de
                                                         la CGT Cheminots. Surtout, malgré les
                                                                                                            La CGT du rail réclame encore un plan
                                                                                                            d’investissement et des créations d’em-
    négociation                                          enjeux écologiques grandissants et son
                                                         bilan écologique exemplaire, le transport
                                                                                                            plois pour anticiper le développement des
                                                                                                            volumes et des infrastructures (gares,

    A     pprécié ou pas durant le confinement,
          et depuis le déconfinement, le
    télétravail connaît une montée en puissance
                                                         de marchandises par trains n’a cessé de
                                                         décroître. Entre 2002 et 2018, les volumes
                                                         transportés par rails sont ainsi passés de
                                                                                                            triages…), ainsi que pour développer le
                                                                                                            transport de « petits lots » des TPE et
                                                                                                            PME. Enfin, elle exige que « toutes les nou-
    et des évolutions que n’avait pas anticipées         50 à 33 milliards de tonnes au kilomètre.          velles liaisons ferroviaires » créées pour le
    l’accord national interprofessionnel (ANI)                                                              fret soient attribuées « à la SNCF pour une
    signé en 2005 pour encadrer cette forme              Un plan sur trente ans                             durée de quarante ans », afin de lui laisser
    d’organisation du travail et donner une              Premier syndicat de la SNCF et de la               une « visibilité » s’agissant du retour sur les
    base à des accords d’entreprise. Alors que           branche ferroviaire, la CGT, qui n’a cessé         investissements nécessaires. Face à l’ex-
    le Medef envisageait cet été de ne faire             de batailler ces dernières années contre           plosion des services de livraison, le syndi-
    qu’un diagnostic partagé sur le télétravail,         l’arrêt du « train des primeurs » évoluant         cat exhorte également l’État à imposer
    les syndicats lui ont imposé l’ouverture             sur la ligne Perpignan-Rungis, propose             aux « grands logisticiens », comme Ama-
    d’une négociation nationale                          « un plan de développement », étalé sur            zon, « un pourcentage minimal d’utilisation
    interprofessionnelle. La CGT estime qu’un            trente ans, et adapté aux « spécificités » du      du transport ferroviaire », jusqu’à atteindre
    nouvel ANI doit, notamment : définir des             transport sur rails. Car, si le mode ferro-        progressivement l’objectif de 25 % en
    règles juridiques applicables au télétravail ;       viaire présente de « grands avantages en           2050. Ce qui « permettrait de limiter le
    prévoir l’articulation entre « travail régulier »,   matière énergétique et environnementale »,         nombre de poids lourds ». Bref, loin de ce qui
    « occasionnel » et « informel » ; inclure le         de « transport de masse », de « desserte fine »,   est prévu par le gouvernement, la CGT
    « droit à la déconnexion » ; traiter de l’impact     il suppose « aussi des contraintes, notam-         Cheminots réclame un projet de dévelop-
    de l’encadrement de proximité et la                  ment une certaine rigidité dans la capacité à      pement ferroviaire qui supposerait une
    nécessité de relations basées sur la                 organiser les chaînes logistiques », explique      vraie politique industrielle, écologique et
    confiance ; et intégrer la question de l’égalité     Laurent Brun, secrétaire général de la             sociale concertée.
    entre les femmes et les hommes. F.D.                 fédération des cheminots CGT.                      Dominique Martinez

6   nvo         octobre 2020
Quel avenir pour la génération COVID ? - INDUSTRIES - NVO
MANIFESTATIONS                                                                                                                LABORATOIRES
Les journalistes muselés                                                                                                      La grève a payé

L
                                                                                                                              chez Biofusion
              es violences qui ont émaillé
              les manifestations de Gilets
                                                   leur métier. » AFP, BFM, France Info,
                                                   Le Monde, Les Échos, Mediapart, Arte…
                                                                                                                              L   es deux cents salariés des vingt
                                                                                                                                  laboratoires d’examens
                                                                                                                              biologiques de Biofusion (Occitanie),
              jaunes ont laissé des traces. La     Une quarantaine de sociétés de journa-                                     en grève pendant une semaine, ont
dénonciation par plusieurs journalistes de         listes ont dénoncé « un feu vert accordé                                   remporté une belle victoire avec leur
celles commises par les forces de l’ordre          par le ministre de l’Intérieur aux forces de                               intersyndicale CGT, FO, CFDT : une
aussi. Le nouveau « schéma national du             l’ordre pour empêcher les journalistes de                                  prime de 1 500 euros et une
maintien de l’ordre » (SNMO), présenté             rendre compte pleinement des manifesta-                                    augmentation des salaires de 3 %.
le 17 septembre, en atteste. Encadrement           tions » dans une tribune publiée le                                        Cerise sur le gâteau, la
renforcé des tirs de LBD, grenades moins           22 septembre dans Libération. Et                                           reconnaissance de leur contribution
« dangereuses » ou nouvelles tactiques             appellent le ministre de l’Intérieur,                                      essentielle dans le traitement de la
contre les « casseurs »… Les dispositions de       Gérald Darmanin, à corriger ce « nou-                                      crise sanitaire par leur direction, qui a
ce texte sont censées « adapter » la gestion       veau cadre d’exercice du maintien de                                       publiquement reconnu le surcroît de
des manifestations en France et consti-            l’ordre » pour le mettre en conformité                                     travail induit par le dépistage à grande
tuer une doctrine à la fois « plus ferme avec      avec les principes français et européens                                   échelle du Covid-19. La forte
les auteurs de violences » et « plus protectrice   de la liberté d’informer. L’autre atteinte                                 demande de tests avait fait exploser
pour les manifestants » afin de « diminuer le      à la liberté de la presse est l’identifica-                                leur charge de travail, ainsi que le
nombre de blessés au cours des manifesta-          tion des journalistes par la carte de                                      chiffre d’affaires des laboratoires
tions ». Le texte prévoit également une            presse. « On sait très bien que tous les jour-                             depuis septembre. Or, bien qu’ils
« meilleure prise en compte de la présence des     nalistes ne remplissent pas les critères                                   aient pris toute leur part dans le
journalistes au sein des opérations de main-       nécessaires à l’obtention de la carte de                                   traitement de la crise sanitaire, ces
tien de l’ordre ». Le hic survient quand on        presse alors qu’ils font ce métier sans elle »,                            salariés du privé ont été oubliés par le
lit : « Il importe […] de rappeler que le délit    précise le syndicaliste. « En France, c’est                                Ségur de la Santé et de la prime
de se maintenir dans un attroupement après         la loi qui détermine le statut du journaliste,                             « Covid-19 ». Leur grève et la
sommations, ne comporte aucune exception           pas la carte de presse », renchérit le SNJ                                 manifestation du 16 septembre à
y compris au profit des journalistes ou des        (syndicat national des journalistes),                                      Montauban leur auront donc permis
membres d’associations ».                          alors que plusieurs journalistes ont été                                   de se faire entendre et d’obtenir de
                                                   arrêtés ces derniers mois et empêchés                                      légitimes compensations. N.C.
Interdits de témoigner                             de faire leur métier. Gérald Darmanin a
« C’est la mesure qui nous choque le plus,         tenté de calmer le jeu évoquant « un                                       ACTION LOGEMENT
réagit Ludovic Finez, journaliste et
membre du bureau national du SNJ-
                                                   malentendu ». Mais la CGT et le SNJ-
                                                   CGT ont déposé un recours devant le                                        Ponctionné et
CGT. Cela veut dire qu’on ne reconnaît
plus le rôle de témoins des journalistes. Ils
                                                   Conseil d’État. Tout comme le SNJ et la
                                                   LDH (Ligue des droits de l’Homme).                                         menacé
n’ont plus le droit de rapporter des faits qui
peuvent se dérouler sous leurs yeux, ni
éventuellement des violences qui peuvent
                                                   Celle-ci considère en effet que le nou-
                                                   veau SNMO « porte atteinte à la liberté de
                                                   la presse, d’observation, la liberté indivi-
                                                                                                                              L    e gouvernement prévoit de prélever
                                                                                                                                   au moins un milliard d’euros dans les
                                                                                                                              caisses d’Action Logement (ex-1 %
venir d’un côté comme de l’autre. Cela             duelle et à la liberté de manifester ».                                    Logement) pour boucler son budget 2021.
revient à empêcher les journalistes de faire       Dominique Martinez                                                         Non seulement, cette décision a été prise
                                                                                                                              de façon unilatérale, mais « depuis
                                                                                                                              plusieurs années, le gouvernement
                                                                                                                              confond allègrement les comptes
                                                                                                                              d’Action Logement et le budget de l’État »,
                                                                                                                              pointe la CGT. L’an dernier, l’organisme
                                                                                                                              paritaire, l’un des principaux acteurs du
                                                                                                                              logement social en France, s’était ainsi
                                                                                                                              déjà vu ponctionné de 500 millions d’euros
                                                                                                                              pour alimenter le budget 2020, la CGT
                                                                                                                              précisant qu’il faut y « ajouter les
                                                                                                                              300 millions d’euros pour compenser la
                                                                                                                              baisse des cotisations des organismes
                                                                                                                              HLM ». Mais l’exécutif n’a visiblement pas
                                                                                                                              l’intention d’en rester là, envisageant une
                                                                                                                              réforme du fonctionnement de l’organisme
                                                                                                     FLORENCE AT/DIVERGENCE

                                                                                                                              qui pourrait aller jusqu’à sa suppression
                                                                                                                              pure et simple. Exactement ce que
                                                                                                                              préconise un rapport de l’Inspection
                                                                                                                              générale des Finances, remis en janvier
                                                                                                                              dernier à Édouard Philippe,
                                                                                                                              alors Premier ministre. C.M.

                                                                                                                                                  octobre 2020   nvo 7
Quel avenir pour la génération COVID ? - INDUSTRIES - NVO
actualité
    RECHERCHE                                          CAFÉS ET RESTAURANTS
    Encore précaire                                    Une fermeture coup
    L   e 23 septembre, le projet de loi
        de programmation pluriannuelle
                                                       de massue
    de la recherche (LPPR), très contesté
    par la communauté scientifique,
    a été adopté à l’Assemblée nationale
    en première lecture. Présentée comme
    un « investissement inédit » par le
    gouvernement, avec 25 milliards
    d’euros pour la recherche publique d’ici
    2030, la LPPR s’avère, selon tous les
    chiffrages, en deçà de l’objectif
    budgétaire affiché, à savoir 1 % du PIB
    consacré à la recherche publique. C’est
    le seuil atteint par l’Allemagne et
    considéré comme la cible par tous les
    pays développés. En 2019, ce ratio était
    de 0,8 % en France. Outre l’aspect

                                                                                                                                                    MARC CHAUMEIL/DIVERGENCE
    budgétaire, l’ensemble des dispositions
    sont très critiquées, comme le volet
    emploi qui prévoit des recrutements
    de chercheurs sous contrat, dans la
    logique d’un financement par appel à
    projet. Rien dans la LPPR ne vient donc

                                                       P
    corriger l’un des principaux défauts du
    système français de recherche :
    l’explosion du nombre de contrats à
    durée déterminée, source de précarité
    pour les jeunes chercheurs. C.M.                                 our les uns, fermeture totale,     en activité partielle, ne touchant que 84 %
                                                                     pour les autres, à partir de       de leur rémunération nette, exlique le syn-
                                                                     22 heures : de Marseille à         dicaliste. Or, ce sont des petits salaires
    ALTRAN                                             Paris – et dans les douze villes placées en      d’environ 1 200 ou 1 300 euros nets men-
    Pas d’accord                                       alerte renforcée comme Lyon ou Nice –
                                                       l’incompréhension et la colère dominent
                                                                                                        suels la plupart du temps, notamment en
                                                                                                        province. Les charges fixes, elles, n’ont pas
    avec les accords                                   chez les restaurateurs et gérants de
                                                       bars, après l’entrée en vigueur, le
                                                                                                        diminué et on a déjà été plongés dans une
                                                                                                        semi-précarité ces derniers mois. »

    A     irbus tousse et le secteur aéronautique
          s’enrhume du côté de Toulouse, où la
    direction d’Altran, en plus du dispositif
                                                       28 septembre, des nouvelles restrictions
                                                       anti-Covid-19.
                                                       « On a l’impression d’être tenus respon-
                                                                                                        Maigres compensations
                                                                                                        Prolongé jusqu’à la fin de l’année dans
    d’activité partielle de longue durée (APLD),       sables de tout », « stop à la dictature sani-    ce secteur, le dispositif de chômage par-
    propose un accord de performance                   taire »… Nombreux sont les profession-           tiel apparaît comme une maigre com-
    collective (APC) à ses salariés de Blagnac,        nels du secteur abattus par l’obligation         pensation. « On est très inquiets quant à
    qui fait l’unanimité…contre lui. « Il prévoit      de tirer le rideau comme de mars à mai           la pérennité des emplois alors que 15 à
    environ 12 % de baisse des salaires. Entre         dernier. « Ce n’est pas aux 800 000 sala-        20 % des petits cafés et restaurants pour-
    APLD et APC, financièrement cela va être           riés et aux 380 000 saisonniers du secteur       aient mettre la clef sous la porte, selon la
    dur », justifie Jean-Pierre Matanovic, élu         hôtels-cafés-restaurants de payer encore         chambre patronale », s’alarme le syndica-
    du CSE. Et la clause de mobilité à                 une fois la mauvaise gestion de la crise sani-   liste. Inquiet des conséquences écono-
    l’international, qui semble être un moyen          taire par le gouvernement et surtout son         miques et sociales, il reconnaît que si
    de licencier plus facilement, ne fait rien         manque de concertation avec les acteurs          certains employeurs ont été exem-
    pour rassurer. Reste la création annoncée          locaux, politiques, professionnels ou les        plaires dans le respect des règles sani-
    d’un Toulouse Engineering Centre (TEC),            organisations syndicales, peste Arnaud           taires, d’autres en ont parfois fait fi
    centre d’ingénierie qui regroupera les             Chemain, portier-bagagiste et secrétaire         dans le but de rattraper les pertes. Et
    activités aéronautiques d’Altran dans la           de la Fédération CGT Commerce et Ser-            de conclure : « des terrasses bondées, des
    région. « Les gens d’Altran Sud-Ouest de           vices, en charge du dossier. C’est très bru-     tables pas assez espacées… Nous ne nions
    Toulouse seraient transférés sur ce TEC,           tal et, comme d’habitude, nous n’avons été       pas le besoin de mesures, ni les risques
    soit 2 000 personnes sur 2 500 », explique         consultés sur rien. » Problèmes organisa-        sanitaires encourus notamment chez cer-
    l’élu. Une nouvelle filiale dont l’intérêt reste   tionnels et financiers entraînés par la          tains professionnels qui ont parfois privilé-
    à démontrer. « Si ça ne marche pas, ils se         perte des stocks suite aux fermeture             gié, ces derniers temps, leur tiroir-caisse
    mettent dans les conditions de faire un            subites… les employeurs vont devoir              au détriment de la santé de leurs clients et
    PSE de bas niveau », prévient Jean-Pierre          faire face à un manque à gagner aux              de leurs salariés, mais nous aurions pré-
    Matanovic. « Son seul intérêt, c’est d’obtenir     multiples répercussions. « Les salariés          féré plus de concertation. »
    des crédits impôt recherche. » P.C.                ont déjà été placés pendant plusieurs mois       Dominique Martinez

8   nvo        octobre 2020
Quel avenir pour la génération COVID ? - INDUSTRIES - NVO
EUROPE                                                                                        ESPAGNE
Vers un nouveau Pacte                                                                         Enfin reconnus
migratoire                                                                                    salariés !
                                                                                              L

Q
                                                                                                   a plateforme barcelonaise Glovo
                                                                                                   « n’est pas un simple intermédiaire
                                                                                              dans la réservation de services entre
                                                                                              commerces et livreurs. C’est une
                uelque 111 personnes          qu’elle souhaite adopter. Plusieurs pays,       entreprise qui prête des services
                déclarées mortes ou dis-      en particulier ceux du groupe de Vise-          de livraison et messagerie, en fixant les
                parues en mer pour le         grad (Pologne, Hongrie, République              conditions essentielles pour la prestation
seul mois d’août dernier : la Méditerra-      tchèque, Slovaquie) refusant d’accueillir       de ce service ». C’est ce qu’a conclu la
née centrale ne cesse de demeurer un          des migrants, le « Pacte » prévoit que les      Cour suprême espagnole dans un
vaste cimetière pour celles et ceux qui       pays qui n’accueillent pas de deman-            communiqué diffusé le 23 septembre.
tentent de fuir les guerres, les désastres    deurs d’asile devront… participer au ren-       En clair, la relation entre la plateforme et
écologiques et la misère et de trouver        voi des déboutés vers leur État d’origine.      les livreurs qui travaillent pour elle
sur les côtes européennes un havre de         Il révise le règlement de Berlin, qui           relève bien du contrat de travail.
survie. Les navires de secours affrétés       confie au pays d’entrée d’un migrant            Le statut du travailleur à l’origine de la
par des ONG se heurtent toujours au           dans l’UE la responsabilité de traiter sa       plainte contre Glovo, jusqu’alors
barrage de certains États européens,          demande d’asile : le pays responsable de        « autoentrepreneur », doit donc être
tandis que l’Union européenne (UE)            la demande pourra être celui où la per-         requalifié en salarié. « Après des années
continue de déléguer l’accueil de             sonne concernée a des liens familiaux,          de pression de la part des collectifs de
migrants à la Turquie, avec laquelle est      où elle a travaillé ou étudié, ou le pays lui   livreurs et des organisations syndicales,
passé un accord pour limiter le nombre        ayant délivré un visa. Mais ce nouveau          la décision met en évidence que les
d’arrivées en Europe, en particulier          pacte prévoit aussi des contrôles plus          plateformes ne peuvent s’arranger avec
sur les côtes grecques. L’UE soutient         « rigoureux » aux frontières extérieures        la réalité du travail », se félicite la CGT
toujours les garde-côtes libyens pour         avec une accélération des procédures,           dans un communiqué, qui pointe
qu’ils freinent les départs vers les côtes    l’UE voulant augmenter le nombre des            d’autres décisions de cette nature en
italiennes, en dépit des exactions crimi-     retours en « intensifiant les négociations »    Italie ou en Suisse : « Le gouvernement
nelles qu’y subissent ces réfugiés. Dans      avec les États d’origine ou de transit.         français ne peut pas camper sur sa
un récent rapport, Amnesty Internatio-        À l’inverse, la Commission européenne           position régressive et faire le choix de
nal a de nouveau dénoncé le « terrifiant      veut achever la réforme de la « blue            créer un sous-statut pour ces travailleurs,
cycle de violences » que subissent des mil-   card » pour attirer des travailleurs hau-       visant à écarter les requalifications ». I.A.
liers de réfugiés et migrants en Libye,       tement qualifiés. Renforçant les murs de
et appelle l’UE à « revoir sa coopération     l’Europe, la Commission recommande
avec ce pays ».                               cependant que soient mises à l’abri des
C’est dans ce contexte que l’UE a pré-        poursuites les ONG qui viennent au              AFRIQUE
senté le 23 septembre le nouveau « Pacte
européen sur la migration et l’asile »
                                              secours des migrants en Méditerranée.
                                              Isabelle Avran                                  L’indispensable
                                                                                              industrialisation
   LE TRAIT DU MOIS                                                                           A     lors que Les Nations unies
                                                                                                    célèbrent, le 20 novembre,
                                                                                              la « Journée de l’industrialisation de
                                                                                              l’Afrique », les organisations syndicales
                                                                                              d’Afrique sub-saharienne, membres
                                                                                              d’IndustriAll, insistent : le succès de ce
                                                                                              programme nécessite la participation de
                                                                                              l’ensemble de la société, en particulier
                                                                                              des travailleurs et des syndicats.
                                                                                              À l’occasion d’une rencontre
                                                                                              le 9 septembre, elles ont rappelé que les
                                                                                              industries nationales ont des capacités
                                                                                              de fabrication réelles (production de
                                                                                              désinfectants, gants, masques, savon
                                                                                              liquide ou ventilateurs depuis le début
                                                                                              de la crise sanitaire) et que celles-ci
                                                                                              doivent servir au développement et à
                                                                                              la population. De même l’exploitation
                                                                                              minière, durable, qui doit servir au
                                                                                              développement économique et social
                                                                                              en évitant « les pires impacts sur
                                                                                              l’environnement grâce à des
                                                                                              réglementations strictes »… I.A.

                                                                                                                   octobre 2020   nvo 9
Quel avenir pour la génération COVID ? - INDUSTRIES - NVO
enquête

QUEL AVENIR POUR
LA GÉNÉRATION CO
La pandémie
                    a brutalement et
                    durablement affecté
                    l’éducation, la
                    formation, la montée
                    en qualification des
                    jeunes générations.
                    Déjà fragilisés sur
                    le « marché » du travail,
                    les jeunes, et plus
                    particulièrement
                    les moins qualifiés,
                    sont les premières
                    victimes de la crise
                    sociale et risquent
                    de subir, à terme,
                    un nouveau
                    déclassement.
                    Face à ces risques,
                    les réponses
                    gouvernementales
                    sont insuffisantes.

VID ?
          E                              n bon vendeur des éléments
                                         de langage de l’exécutif, l’ex-
                                         secrétaire d’État à la Jeu-
                    nesse, Gabriel Attal, assurait, le 5 juin dernier,
                    dans les colonnes du Parisien : « Il n’y aura pas de
                    génération sacrifiée. » Si le gouvernement se veut
                    rassurant, les jeunes ont, en revanche, bien inté-
                    gré les dégâts du Covid dans leur vie si l’on en
                    juge par le baromètre OpinionWay, publié le
        BAPOUSHOO

                    10 juin dernier, où, pour qualifier leur généra-
                    tion, 36 % optent pour le terme “galère” et 35 %
                    pour le mot “sacrifiée”.

                                                 octobre 2020   nvo 11
enquête
     Les inégalités scolaires
     ont progressé
     Début août, une enquête de l’Organisation inter-
     nationale du travail (OIT) alertait sur les mul-
     tiples impacts économiques et sociaux de la
     crise du Covid-19 sur les enfants et les jeunes,
     privés d’une scolarisation en présentiel que l’en-
     seignement à distance via Internet n’a que très
     partiellement, voire pas du tout, compensée. La
     pandémie a eu sur ces jeunes de 18 à 29 ans un
     impact « systématique, profond et dispropor-
     tionné » qui a « exacerbé les inégalités et risque
     d’affaiblir le potentiel productif de toute une géné-
     ration », prévenait l’OIT. Dans notre pays, selon
     une enquête menée par l’association Synlab,
     20 % d’élèves en moyenne sont descolarisés
     depuis le confinement, mais d’autres sources
     citées dans la presse font état d’un taux drama-
     tique de 50 % dans certains quartiers sensibles.
     À la rentrée, pour la seule Seine-Saint-Denis, on
     estime à 3 900 le nombre d’élèves qui n’ont pas
     retrouvé les salles de classe : « Ce n’est pas pire
     que les autres années, où certaines familles ren-
                                                               Un grand nombre
     traient plus tard de vacances », s’est empressée de       d’étudiants sont
                                                                                          dû être financé via un collectif budgétaire pour
     minimiser la secrétaire d’État chargée de l’Édu-          brutalement privés, en     recruter des personnels afin de diminuer les effec-
     cation prioritaire, Nathalie Elimas, le 11 sep-           raison de la pandémie,     tifs par classe, comme en Italie, […] ou trouver des
     tembre. Difficile à croire quand ce chiffre est           de l’emploi qui finance    solutions afin de compenser l’insuffisance de salles
     cinq fois supérieur aux années précédentes.               leurs études.              pour multiplier les groupes dans les écoles et éta-
                                                                                          blissements ».
     La déscolarisation fragilise
     Ces indicateurs de déscolarisation ont de quoi                                       Rentrée difficile aussi
     inquiéter car la France ne brillait déjà pas en                                      à l’université
     termes d’égalités d’éducation. L’Observatoire                                        La pandémie a aussi brutalement privé un
     des inégalités pointait, avant la pandémie, que                                      grand nombre d’étudiants de leur emploi des-
     « les jeunes qui quittent l’école de façon précoce sont                              tiné à financer leurs études. L’arrêt, durant le
     beaucoup plus souvent des enfants de milieux popu-                                   confinement, des activités du commerce, de la
     laires. Leur faible niveau de diplôme rend leur                                      restauration, des services qui emploient beau-
     entrée sur le marché du travail difficile. Elle est       SCOLARITÉ ET               coup d’étudiants salariés, puis la contraction du
     ­souvent marquée par les stages, la précarité, le chô-    CONFINEMENT                « marché » du travail dès le déconfinement et
      mage. » La pandémie n’a pu qu’aggraver les iné-                                     durant l’été, rendent cette rentrée universitaire
      galités scolaires déjà pointées, fin 2019, par l’Or-                                encore plus difficile pour la moitié des étudiants
      ganisation de coopération et de développement                                       contraints de jongler entre étude et travail. « En
      économiques (OCDE) dans un classement éla-                                          plus du stress habituel de la rentrée, il faut ajouter
      boré à partir des données du Programme inter-                                       le stress et le coût financier de l’épidémie », notam-
      national pour le suivi des acquis des élèves                                        ment celui des masques. L’Union nationale des
      (PISA). Cette évaluation triennale, qui vise à                                      étudiants de France (Unef) pointe, par ailleurs,
      tester les compétences des élèves de 15 ans en
      lecture, sciences et mathématiques, a indiqué
      que les inégalités scolaires s’étaient creusées en
                                                                   20 %
                                                                des élèves déscolarisés
                                                                                          « une baisse des ressources du fait de l’arrêt d’acti-
                                                                                          vités rémunérées parfois non déclarées », comme
                                                                                          les baby-sitting. L’Unef, qui a réclamé un plan
      France et qu’elles étaient très fortement corré-                                    d’urgence, craint que ces nouvelles difficultés
      lées aux conditions de vie… lesquelles ne se sont
      pas améliorées non plus avec la crise.                             ET               aggravent « une précarité déjà très forte ». Le
                                                                                          ­s yndicat étudiant estime insuffisants l’aide

                                                                   30 %
                                                                                           exceptionnelle de 200 euros pour certains ou le
     Une rentrée sans plan d’urgence                                                       prolongement des bourses pendant un mois. Il
     Face à ces constats d’avant la pandémie, on                                           réclame une ­revalorisation de 20 % des bourses
                                                                   en collège REP et
     attendrait du gouvernement qu’il prenne la                  en lycée professionnel    et l’ouverture du système d’aides à 100 000 étu-
     mesure des risques que fait peser la crise éco-                                       diants supplémentaires​.
     nomique, sociale et sanitaire pour une généra-            Source : enquête de
     tion de jeunes. Or, Jean-Michel Blanquer, le              l’association Synlab       Apprentis en mal de contrats
     ministre de l’Éducation, a préparé cette rentrée                                     Alors que l’apprentissage peinait à décoller
     par le seul prisme du protocole sanitaire sans                                       depuis des années parce que volontiers assimilé
     remettre en question sa réforme, très contestée                                      à l’échec scolaire et aux métiers manuels, le
     par l’ensemble de la communauté éducative,                                           nombre d’alternants et de contrats signés
     sans répondre non plus à la revendication una-                                       étaient cependant en progression depuis 2019.
     nime des syndicats de créations de postes. Pour                                      Avec un record de +16 % fin 2019, quelques
     la CGT Éduc’action, « un plan d’urgence aurait                                       semaines avant le confinement. Mais les consé-

12   nvo       octobre 2020
contenter d’un emploi moins bien rémunéré. » Le
                                                                                                     déclassement des jeunes diplômés observé ces
                                                                                                     dernières années devrait donc se poursuivre.

                                                                                                     Des réponses insuffisantes
                                                                                                     de la part du gouvernement
                                                                                                     Les mesures du « plan jeunes » sont-elles de
                                                                                                     nature à préparer l’avenir des jeunes généra-
                                                                                                     tions, à porter remède à l’aggravation de la pré-
                                                                                                     carité, au creusement des inégalités ? Rien n’est
                                                                                                     moins sûr. Le gouvernement s’en est encore
                                                                                                     remis à des aides à l’embauche traditionnelles
                                                                                                     qui risquent de créer des effets d’aubaine, et a
                                                                                                     exhorté les entreprises à jouer le jeu sans
                                                                                                     contraintes. La CGT, pour sa part, a formulé cet
                                                                                                     été une série de douze revendications pour la

                                                                             FRANCESCO BOZZO/ANDIA
                                                                                                     jeunesse comprenant, notamment, des mesures
                                                                                                     favorisant leur accès aux logements sociaux,
                                                                                                     l’augmentation des places dans les foyers jeunes
                                                                                                     travailleurs et des logements étudiant Crous.
                                                                                                     Elle réitère aussi sa revendication d’une ouver-
                                                                                                     ture du droit au chômage pour les jeunes en
                                                                                                     recherche d’un premier emploi. De la même
quences de la pandémie sur l’emploi se sont tra-                                                     manière, elle propose un financement des trans-
duites par un quasi-arrêt des recrutements                                                           ports collectifs permettant leur accès avec un
d’apprentis, notamment dans les PME-PMI fer-                                                         prix modéré pour les jeunes. La CGT reven-
mées ou fragilisées, créant une situation anxio-                                                     dique également l’instauration d’un « revenu
gène pour les jeunes qui souhaitent se former                                                        d’insertion » à hauteur de 80 % du Smic afin de
en alternance. Angoisse à laquelle le gouverne-                                                      permettre aux jeunes qui ne sont pas sur le
ment a répondu par un « plan jeunes » le 23 juil-                                                    « marché » du travail de sortir de la précarité,
let qui prévoit une enveloppe de 6,5 milliards                                                       d’éviter les « petits boulots » et permettre à cha-
d’euros sur deux ans, avec entre autres une aide                                                     cun de se consacrer à ses études ou à la
aux entreprises de 4 000 euros pour favoriser                                                        recherche d’un emploi stable. Frédéric Dayan
450 000 embauches de jeunes de moins de
25 ans d’ici janvier 2021. Reste que, face à la fri-
losité des employeurs pour embaucher des
apprentis, ce plan ne sécurise pas la situation
des jeunes admis en CFA qui n’auraient pas               L’EMPLOI CHEZ LES JEUNES EN 2019
trouvé de contrats malgré le report de la date
limite de leur signature (voir notre sujet sur
                                                                     17%                                                   28%
                                                                APPRENTIS

                                                                                                                                                     Source : Insee, enquête de l’emploi 2019
l’apprentissage pages 14 et 15).                                                                                           EMPLOYÉS
                                                                                                                           EN CDD
Jeunes diplômés à la peine                             7%
Selon une enquête menée par Walters People,
2020 risque d’être une année plus difficile à
                                                       INTÉRIMAIRES                                  L’EMPLOI                   45%
l’entrée sur le « marché » du travail où quelque                                                            des                 EMPLOYÉS
750 000 jeunes se bousculent en cette rentrée.
Ainsi, 70 % des sondés en recherche d’un emploi
                                                       3%
                                                       INDÉPENDANTS                                  15-24 ans                  EN CDI
depuis mars, et qui l’étaient toujours fin août,
déclarent que la crise a retardé ou empêché
leur entrée dans la vie active. L’Association
pour l’emploi des cadres (Apec) évalue à près de
41 % la chute des offres destinées aux jeunes
diplômés durant le premier semestre 2020 par
rapport à l’an dernier. L’Apec prédit ainsi un
tassement des salaires des plus jeunes et,
conséquence de la signature d’accords de per-
formance collective, une baisse de la rémunéra-
tion fixe des cadres et une évolution salariale
                                                                                                          SOIT
moins favorable pour les cadres en début de
                                                         963 000                                                              13%
                                                                                                                                                     Source : DARES 2020

carrière. Selon Isabelle Recotillet, chercheuse
associée au laboratoire d’économie et de socio-         C’est le nombre de jeunes âgés                                       Ce qui représente
logie du travail (LEST) rattaché au CNRS, il              de 16 à 25 ans qui ne sont                                          plus d’un jeune
« sera compliqué pour ces jeunes de trouver un           ni en emploi, ni en formation,                                       sur 10 de cette
emploi de cadre auquel leur diplôme leur donne                    ni en études.                                                classe d’âge.
normalement accès. Ils risquent de devoir se

                                                                                                                                  octobre 2020   nvo 13
enquête
 MARCHÉ INTERNATIONAL DE RUNGIS/SEMMARIS

                                           APPRENTISSAGE

                                           Rentrée tendue pour les alterna
                                           Après des recrutements à l’arrêt pendant le confinement, les centres
                                           de formation d’apprentis (CFA) vivent une rentrée incertaine.
                                           Le nombre des entrées pourrait rattraper, dans certains secteurs,
                                           celui des années précédentes tandis que, dans d’autres, des élèves
                                           voient leur projet de formation avorter.

                            P                         our pousser les employeurs à
                                                      continuer à former les jeunes
                                                      malgré la crise, le gouverne-
                                           ment a inclus dans son plan de relance
                                           une aide financière pour toute embauche
                                                                                             avait quasiment arrêté les recrutements qui
                                                                                             commencent vers mars-avril, relate
                                                                                             Roselyne Hubert, présidente de la Fna-
                                                                                             dir* et directrice du pôle apprentissage
                                                                                             du groupe IGS Lyon. En août, l’annonce
                                                                                                                                             associatifs étaient alarmistes, se souvient-
                                                                                                                                             elle. Ils tablaient sur 20 % à 30 % d’ap­
                                                                                                                                             prentis en moins en septembre et avaient
                                                                                                                                             peur de devoir licencier. » Les efforts des
                                                                                                                                             pôles chargés des relations avec les
                                           en apprentissage. Montant du bonus :              des aides a eu un impact positif. Des CFA       employeurs ont, selon elle, permis d’évi-
                                           5 000 euros pour les moins de 18 ans et           [centres de formation d’apprentis] qui          ter une débâcle. S’il faut attendre fin
                                           8 000 euros pour les majeurs. Autant dire         craignaient d’être dans le négatif vont faire   2020 pour un bilan consolidé, « on ne sent
                                           que le reste à charge pour les entreprises        autant d’entrées que les années précédentes,    pas d’effet sur les recrutements », estime-t-
                                           devient presque nul la première année.            voire plus, avec un peu de décalage. »          elle. Tous les secteurs ne se relèvent tou-
                                           « L’aide couvre 100 % du salaire de l’apprenti                                                    tefois pas à la même vitesse. Les grandes
                                           de moins de 21 ans et 80 % du salaire d’un        Des secteurs optimistes                         tendances, plutôt optimistes, masquent
                                           apprenti de 21 à 25 ans révolus », a calculé le   mais des cas complexes                          des cas plus complexes. « Si les entre-
                                           ministère du Travail. Suffisant pour              Un constat partagé par Nelly Gregor,            prises ont joué le jeu et repris des apprentis
                                           convaincre ? Après un début d’été préoc-          secrétaire générale du syndicat CGT des         dans l’automobile, il y a une baisse signifi-
                                           cupant, le coup de pouce aurait limité la         salariés des CFA du bâtiment en Occita-         cative dans l’alimentaire, dans la restaura-
                                           catastrophe annoncée. « Le confinement            nie. « En fin d’année, les directions des CFA   tion surtout, et dans des métiers tertiaires,

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futurs primeurs, poissonniers et froma-         d’ici là, j’irai travailler chez Casino, où j’ai
                                                 gers en CQP (certificat de qualification        fait mon bac pro. J’aurais préféré un
                                                 professionnelle), en CAP (certificat            diplôme en plus, mais tant pis… » À 29 ans,
                                                 d’aptitude professionnelle), et en bac          Tifany, en reconversion, vient de renon-
                                                 pro. « En poissonnerie, par exemple, il y a     cer à un BTS en économie sociale et
                                                 un tel manque de personnel que la               familiale en alternance au profit d’une
                                                 demande d’apprentis reste importante »,         formation courte qu’elle espère financer
                                                 assure Éric Larguier, chargé de déve-           par Pôle emploi. « Ça n’était pas évident
                                                 loppement. La grande distribution, elle,        de trouver des apprentissages dans le
                                                 « tourne bien », même si les opérations         social avant la crise, mais là, c’est pire,
                                                 de recrutement organisées par le CFA            juge la jeune femme, qui assure avoir
                                                 et des grandes enseignes ont pris du            envoyé une centaine de CV. Certaines
                                                 retard. Pendant le confinement, les             structures m’ont dit qu’elles préféraient
                                                 apprentis des grandes surfaces y ont            recruter des services civiques qui coûtent
                                                 même remplacé des salariés… En                  moins cher. » Un service civique plutôt
                                                 revanche, le BTS négociation et digita-         qu’un BTS, c’est ce qu’Inès, 21 ans, est
                                                 lisation de la relation client spécialisé       contrainte d’envisager faute de dénicher
                                                 en agroalimentaire, créé cette année,           un apprentissage pour intégrer le CFA
                                                 peine à caser ses jeunes. « Les grossistes      IGS Paris en communication : « Je
                                                 de Rungis, où l’on veut intégrer les élèves,    cherche un moyen de ne pas perdre une
                                                 ont été impactés par la fermeture des res-      année, même si un service civique est évi-
                                                 taurants », explique Éric Larguier. Le          demment beaucoup moins rémunéré… »
                                                 directeur du CFA, Éric Derennes, est
                                                 plus sceptique. « Les employeurs arguent        Des retards accumulés
                                                 de la désorganisation des équipes, mais         pendant le confinement
                                                 c’est un peu un prétexte. Épidémie ou non,      Les prochains mois s’annoncent incer-
                                                 certains ne veulent pas investir dans la        tains, y compris pour les apprentis qui
                                                 formation, cerner avec nous leurs besoins,      auront réussi à signer un contrat.
                                                 participer à l’élaboration des pro-             Nombre de CFA s’inquiètent des retards
                                                 grammes, etc. »                                 accumulés par ceux qui étudiaient en
                                                                                                 alternance l’an dernier, voire des cas de
                                                 Prudence et manque de                           décrochages. « Les cours à distance ont
                                                 visibilité des employeurs                       été compliqués à mettre en place. Beaucoup
                                                 Emma, 22 ans, était mi-septembre l’une          de jeunes n’avaient pas l’équipement néces-
                                                 des seules de sa promo à avoir décroché         saire et ont disparu pendant deux mois,
                                                 un contrat. « J’ai commencé à prospecter        précise Patrick Dosseul, du SNCA-CGT.
                                                 quand ils ont annoncé la prime. Je me suis      Certains ont été renvoyés chez eux par
                                                 dit : “C’est maintenant ou jamais”,             leurs employeurs jusqu’à mi-mai, d’autres

nts
                                                 explique-t-elle. Lionel, lui, 25 ans,           ont passé le confinement en entreprise, ils
                                                 cherche toujours un employeur. Les              n’ont donc pas pris de retard sur la pra-
                                                 grossistes en poissonnerie m’ont dit non,       tique, mais pour l’enseignement général,
                                                 au motif qu’ils n’auraient personne pour        c’est plus compliqué. »
                                                 me former. En boucherie, ils m’ont répondu
 détaille Patrick Dosseul, secrétaire géné-      qu’ils prendraient des stagiaires, même         Le plan de relance ne
 ral du Syndicat national des agents             chose en fromagerie et en fruits et             sécurise pas les contrats
 consulaires et de l’apprentissage (SNCA-        légumes.» Pour les élèves en quête d’un         Aurélien Cadiou, de l’Anaf, craint par ail-
 CGT), enseignant en CFA dans les Pays           contrat, l’attente s’éternise. Emmanuel,        leurs « beaucoup plus de ruptures de contrat
 de la Loire. Dans ces filières, certains        22 ans, s’est inscrit auprès d’un IUT           en cours d’année que d’habitude, de la part
 employeurs ont du mal à retrouver de l’oxy-     pour suivre une licence de management           d’entreprises qui épuisent leur trésorerie en
 gène et préfèrent sauvegarder les emplois. »    des processus logistiques en alternance.        ce moment ». Or, « le plan de relance ne pré-
 « Embaucher un jeune en apprentissage,          Mais ses trente CV envoyés depuis le            voit rien en matière de sécurisation des par-
 c’est aussi prendre l’engagement moral de       déconfinement n’ont essuyé que des              cours des apprentis », regrette-t-il. Si l’aide
 l’accompagner vers un métier, rappelle          refus. « Les PME m’ont dit qu’elles             financière était selon lui « nécessaire », le
 Aurélien Cadiou, président de l’Associa-        n’avaient pas les fonds, les grands groupes     plan aurait pu aller bien plus loin. « Le
 tion nationale des apprentis de France          qu’ils hésitaient encore, soupire-t-il. L’IUT   gouvernement aurait pu se montrer exem-
 (Anaf). Une entreprise qui n’a pas de visibi-   nous a donné une liste d’entreprises qui        plaire en ­augmentant le nombre d’apprentis
 lité au-delà de trois ou six mois ne s’enga-    avaient accepté des anciens de la licence,      dans le secteur public, en baisse ces dernières
 gera pas sur un bac pro de trois ans, qu’im-    mais la plupart ne prennent personne cette      années », avance-t-il. L’Anaf aurait aussi
 porte l’aide financière. »                      année. » Depuis le plan de relance, les         souhaité que les entreprises s’engagent à
                                                 apprentis ont six mois, après leur entrée       « accueillir et à accompagner correctement
 Un tableau contrasté                            en formation, pour signer un contrat,           les jeunes, avec une formation obligatoire du
 selon les métiers                               contre trois auparavant. Rien n’est tou-        maître d’apprentissage, par exemple. » Une
 Au sein d’un CFA, le tableau peut s’avé-        tefois prévu pour les élèves sans solu-         contrepartie plutôt modique pour un
 rer contrasté. Ainsi de L’École des             tion passé ce délai. Nombre d’entre eux         apprenti « quasi gratuit ».
 métiers de bouche (photo ci-dessus),            n’auront pas le luxe d’attendre si long-        Alexia Eychenne
 installée au marché international de            temps. Retourné vivre chez ses parents,
                                                                                                 * Fnadir : Fédération nationale des
 Rungis (Val-de-Marne). Le CFA n’a pas           Lionel, au CFA de Rungis, se laisse             associations régionales des directeurs
 de mal à trouver des contrats à ses             jusqu’à novembre : « Si je n’ai pas trouvé      de centres de formation d’apprentis.

                                                                                                                       octobre 2020   nvo 15
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