Quel avenir pour la génération COVID ? - INDUSTRIES - NVO
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nvo.fr LE MAGAZINE DES MILITANTS DE LA CGT OCTOBRE 2020 Quel avenir pour la génération COVID ? EMPLOI INDUSTRIES DOCUMENTAIRE NO 3592 - 3 € Des pistes pour Relocaliser Mais que fait sortir de la crise c’est possible la police ?
ÉDITORIAL TATIANA MATTELART Pour une vraie rupture L BRUNO AMSELLEM/DIVERGENCE 26 Emploi : des pistes pour sortir de la crise a deuxième vague est sociale et violente. Licencie- ments, PSE, accords de performance collective, activité partielle 10 de longue durée, chantage à l’emploi, 34 44 DOCUMENTAIRE régression des droits, augmentation du chômage, emplois au rabais, précarité RELOCALISATION accrue, inégalités grandissantes. Ce cli- INDUSTRIELLE Mais que fait mat anxiogène est alimenté par un gou- ENQUÊTE Freins et pistes la police ? vernement aux discours sanitaires contra- dictoires, alarmants, culpabilisants. Quel avenir Angoisse pour les 800 000 jeunes aux pour les jeunes ? 36 46 ENTRETIEN portes du « marché » du travail, à qui le plan de relance gouvernemental n’apporte PLAN DE RELANCE pas de vraies réponses. Et qui ont le senti- Malik Salemkour, ment d’être une génération sacrifiée. La Le bien commun 20 GROUPE MULLIEZ passé à la trappe président de la LDH pandémie inflige de multiples chocs aux jeunes : elle détruit leurs emplois et leurs perspectives d’avenir et compromet aussi Union CGT pour leur éducation et leur formation. Au final, l’emploi 38 48 elle a de graves répercussions sur leur bien-être mental, nous a alertés l’Organi- CSE FONDS MONÉTAIRE sation internationale du travail. 22 Établissements INTERNATIONAL Une réforme Cette situation impose des mesures de transformation sociale et écologique pro- RÉPRESSION distincts sur la fonde, en totale rupture avec les politiques Naissance d’un sellette indispensable actuelles, pour une société fondée sur la collectif justice et la démocratie. Or, le gouverne- 50 ment n’y apporte que de vieilles solutions 24 42 FORMATION financées à coups de milliards d’aides publiques dispensées sans conditionnalités sociale et environnementale, au seul béné- BRIDGESTONE CINÉMA SYNDICALE fice des grandes entreprises et au détri- Combat pour Quand la caméra Les mots ont ment de la relance par la consommation. l’emploi explore la lutte un sens Mais face à un gouvernement ferme sur ses fondamentaux néolibéraux et un La Nouvelle Vie Ouvrière patronat décomplexé, de nombreuses 263, rue de Paris, case 600, 93516 Montreuil Cedex. Fax : 01 49 88 68 67 n Service diffusion Le bimédia NVO mensuel/nvo.fr n Rédactrice en chef technique n Annonces légales luttes et mobilisations se construisent, Tél. : 01 49 88 68 50 n Rédacteurs en chef adjoints Véronique Gérardin 8,50 € la ligne / N° 3592 alliant défense de l’emploi, propositions e-mail : contact@nvo.fr n Rédaction Isabelle Avran, Frédéric Dayan n Premier maquettiste Copyright : ISSN 1628-674 X alternatives pour développer l’activité et Philippe Fœsser n Commission paritaire Tél. : 01 49 88 68 82 e-mail : redaction@nvo.fr n Assistante de la rédaction Patricia Bounnah n Maquette Cécile Bondeelle, 0322 I 79805 relocaliser à partir de projets socialement n Direction n Rédaction Marie Alaman, Claire Ilaé Roc, Rémi Gadéa n Dépôt légal à parution. et écologiquement durables. Pour Présidente, directrice de publication : Virginie Gensel- Blondet (chef de service), Mélanie Carles, Nathalie Carmeni (chef de n Secrétariat de rédaction n Imprimé et routé par Rivet Presse Édition, 24, rue Claude défendre l’emploi, notamment dans l’in- Imbrecht, Directeur général : Cécile Bondeelle, Anne Lamblin, Stéphane Puifourcat. service), Régis Frutier, Aude Le Erwan Serveau Henri Gorceix, 87280 Limoges dustrie et le commerce, pour les salaires, n Tarifs du journal 3 € le numéro, 76 € l’abonnement d’un an Mire, Dominique Martinez (chef de service), Laurent Milet n Photo (chef de service) n Photo de couverture Valentino Belloni/Hans Lucas le service public, à l’image de la colère des (60 € pour les syndiqués CGT). Abonnement en ligne sur nvo.fr (directeur des publications Tatiana Mattelart-Markoff Fondée en 1909 par un groupe de hospitaliers qui gagne tout le secteur juridiques), Christine Morel, n Ont contribué à ce numéro n Régie publicitaire Estelle Suire Patrick Chesnet, Sophie syndicalistes animé par Pierre sanitaire et social. Sous leurs masques, la Audience créative Monatte, Alphonse Merrheim Tél. : 01 55 82 84 15 n Éditeur numérique Eustache, Alexia Eychenne, et Alfred Rosmer. Responsable de la colère et la détermination… Lennie Nicollet Ludovic Finez Directeur : Franck Chéron n Édition, réalisation n Conception rédaction dans la clandestinité pendant l’occupation hitlérienne : Virginie Gensel-Imbrecht, Directrice de publicité : Joanne Postolle-Gaspard Directeur : Stéphane Puifourcat Naja presse / Susanna Shannon Benoît Frachon. présidente octobre 2020 nvo 3
hommages Georges Azenstarck R eporter-photographe à l’Humanité de 1956 à 1968, puis à la Vie Ouvrière, Georges était un immense photographe du monde du travail. Parcourir le fonds photographique de l’agence Roger-Viollet permet de réaliser l’apport et l’ampleur de son œuvre. Né en 1934, il a gravé dans le nitrate d’argent de ses pellicules tout un pan du photojournalisme social. Avec, notamment, des reportages sur les immigrés portugais débarquant gare d’Austerlitz avant de connaître les bidonvilles de Seine-Saint-Denis. Il a aussi DANIEL MAUNOURY immortalisé les ratonnades d’octobre 1961 à Paris, lors desquelles la police de Maurice Papon s’était déchaînée. Georges était aussi sur la ligne du front social lorsqu’il a couvert l’enterrement de 21 mineurs marocains après un coup de grisou dans une mine du Pas-de- Calais en 1965, fixé l’image des ouvriers de Citroën occupant leurs ateliers en 1968, ou bien encore la sortie des ouvrières de La Lainière à Roubaix, en 1984. Pour l’agence Rapho, il a parcouru le globe afin de photographier le monde du travail. En 1999, l’un de ses reportages avait été sélectionné par Associated Press parmi les cent meilleurs du XXe siècle. F.D. Travailleurs immigrés d’origine algérienne photographiés par Georges Azenstarck lors d’une pause au sein de l’usine Renault située à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), dans les années 1980. Comme un lien entre les deux hommes, ce cliché de 1979-1980, signé Georges Azenstarck, illustre les locaux de la radio Lorraine Cœur d’Acier, radio libre, porte-voix des sidérurgistes en lutte du bassin de Longwy, et dont Marcel Trillat fut l’un des piliers. Marcel Trillat S ymbole du combat pour l’indépendance de l’audiovisuel public, notre camarade Marcel Trillat vient de nous quitter, à l’âge de 80 ans. Cet immense journaliste, qui fit ses armes dans l’émission Cinq colonnes à la une en 1965, fut aussi l’un des acteurs de la grève de l’ORTF en 1968. Il était journaliste-pigiste à l’époque et son engagement lui vaudra d’être mis à l’index, tandis qu’une centaine de ses confrères étaient licenciés. À l’arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, les interventions syndicales du SNJ-CGT et du SNJ ouvrent la voie à sa réintégration sur Antenne 2, dont il deviendra, huit ans plus tard, le directeur adjoint JULIEN MILLET/CCAS de l’information. Non sans avoir connu une mise au placard en 1986 avec le retour de la droite aux affaires. Comme quoi, nous livrait-il dans Témoins, le journal de son syndicat, le SNJ-CGT, « rien n’est jamais gagné. La liberté de l’information est un combat permanent. » Un combat que Marcel a aussi mené pendant dix-huit mois sur les ondes de la radio Lorraine Cœur d’Acier, première grande radio libre, mise en place par la CGT en 1979 pour contribuer à la sauvegarde de la sidérurgie. En 2012, Marcel, avec le soutien du syndicat, avait participé à la publication d’un coffret DVD, titré Un morceau de chiffon rouge, édité par la NVO. L’œuvre de Marcel est pétrie d’humanisme, attaché qu’il était à montrer l’envers du décor, à donner la parole à ceux que l’on appelle aujourd’hui les « invisibles ». F.D. 4 nvo octobre 2020
SANTÉ ET ACTION SOCIALE NOUVELLE MOBILISATION LE 15 OCTOBRE L a CGT de la santé et de l’action sociale appelle, le 15 octobre, avec d’autres syndicats et collectifs, à une journée nationale de grève et de mobilisa- tion dans les secteurs de la santé, du médico-social et du social. Elle estime en effet que « le protocole d’accord sur les carrières et rémunérations, ainsi que le Ségur de la Santé ne sont pas satisfaisants du tout, voire inadaptés aux demandes et revendica- tions des personnels de ces secteurs d’activité. » Les- quels doivent faire face à des prises en charge de plus en plus difficiles : troubles du comporte- ment, population vieillissante, etc. La CGT estime ainsi que ces professionnels « invisibles » doivent être reconnus dans leur rôle et leurs qualifications « au même titre que tous les acteurs du soin ». Quant au secteur hospitalier, les per- sonnels croulent à nouveau sous les assauts de la pandémie, sans que des moyens conséquents n’aient été attribués de façon pérenne. Dans ce contexte, les augmentations de salaire, obte- nues pour certains, ne sont pas de nature à éteindre la colère qui persiste et qui s’est expri- mée depuis plus d’un an. Le manque d’effectifs dans tous les services et les établissements est « inacceptable », proteste la CGT Santé et Action sociale, qui refuse de se satisfaire de la commu- nication d’un gouvernement qui prétend maîtri- ser la situation et régler tous les problèmes grâce à son fameux « Ségur de la Santé ». À l’oc- casion de cette journée de mobilisation, la CGT veut peser sur l’élaboration du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour obtenir, notamment, « des embauches massives de person- nels qualifiés ; l’ouverture massive de lits pour désengorger les urgences, en psychiatrie, dans les services de soins et les structures du médico-social et du social, partout où cela est nécessaire ». Elle revendique aussi « la reconnaissance sans condi- tion en maladie professionnelle de tous les person- nels de santé et de l’action sociale atteints par le Covid-19 ». Concernant les dispositions sur le temps de travail du protocole d’accord du Ségur de la santé, la CGT, qui ne l’a pas signé, exige « l’arrêt de la déréglementation possible sur le temps BAPOUSHOO de travail et la baisse du temps de travail pour les métiers pénibles ». Frédéric Dayan octobre 2020 nvo 5
actualité SALARIÉS AGRICOLES FRET FERROVIAIRE Convention La CGT présente son plan collective nationale en vue À compter du 1er janvier 2021, près d’un million de salariés du secteur agricole disposeront d’une convention collective nationale. La loi El Khomri menaçant les conventions territoriales, « l’enjeu pour l’agriculture était majeur pour préserver et renforcer les conquis des salariés », explique la Fnaf-CGT, qui se félicite de l’aboutissement de trois ans de lutte. Avec quatre autres syndicats de salariés, la fédération CGT RAYMOND ROIG/AFP a ratifié le 22 septembre la convention collective nationale. « Grâce, notamment, à une démarche syndicale unitaire, les «U tentatives de régression sociale ont pu être bloquées », précise encore la Fnaf- CGT. Une démarche unitaire qui se poursuit puisque CGC, FO, CFTC et CGT exigent ensemble « la poursuite n plan de rupture » La fédération appelle donc l’État à des négociations sur les revendications pour « sortir de l’im- engager de véritables mesures de pré- restées en suspens », tout en exprimant passe du tout-rou- vention des nuisances relatives aux dif- leur refus commun de voir remis en tier ». Les propositions de la CGT Che- férents modes de transport pour en cause unilatéralement des accords minots rendues publiques le 21 septembre réduire l’impact et ainsi contribuer à territoriaux ou professionnels, vont à rebours de l’« énième plan de relance réorienter les flux vers les plus ver- « entraînant, si tel était le cas, la du fret ferroviaire » dévoilé par le gouver- tueux. Elle revendique également des possibilité de dénonciation syndicale de nement quelques jours plus tôt. Présenté subventions dédiées (fraction de la la convention collective nationale. » R.F. comme un des leviers du « green deal », TICPE, contribution des autoroutes celui-ci n’obtient pourtant que 4,7 mil- privées…) et sanctuarisées dans un liards d’euros, dont à peine la moitié pour budget de programmation ferroviaire TÉLÉTRAVAIL le fret, et réemploie la stratégie libérale 2021-2050. Les syndicats habituelle. « Rien de nouveau. Ce plan est même plus modeste que ses prédécesseurs », L’État doit être une locomotive arrachent une note Cédric Robert, secrétaire fédéral de la CGT Cheminots. Surtout, malgré les La CGT du rail réclame encore un plan d’investissement et des créations d’em- négociation enjeux écologiques grandissants et son bilan écologique exemplaire, le transport plois pour anticiper le développement des volumes et des infrastructures (gares, A pprécié ou pas durant le confinement, et depuis le déconfinement, le télétravail connaît une montée en puissance de marchandises par trains n’a cessé de décroître. Entre 2002 et 2018, les volumes transportés par rails sont ainsi passés de triages…), ainsi que pour développer le transport de « petits lots » des TPE et PME. Enfin, elle exige que « toutes les nou- et des évolutions que n’avait pas anticipées 50 à 33 milliards de tonnes au kilomètre. velles liaisons ferroviaires » créées pour le l’accord national interprofessionnel (ANI) fret soient attribuées « à la SNCF pour une signé en 2005 pour encadrer cette forme Un plan sur trente ans durée de quarante ans », afin de lui laisser d’organisation du travail et donner une Premier syndicat de la SNCF et de la une « visibilité » s’agissant du retour sur les base à des accords d’entreprise. Alors que branche ferroviaire, la CGT, qui n’a cessé investissements nécessaires. Face à l’ex- le Medef envisageait cet été de ne faire de batailler ces dernières années contre plosion des services de livraison, le syndi- qu’un diagnostic partagé sur le télétravail, l’arrêt du « train des primeurs » évoluant cat exhorte également l’État à imposer les syndicats lui ont imposé l’ouverture sur la ligne Perpignan-Rungis, propose aux « grands logisticiens », comme Ama- d’une négociation nationale « un plan de développement », étalé sur zon, « un pourcentage minimal d’utilisation interprofessionnelle. La CGT estime qu’un trente ans, et adapté aux « spécificités » du du transport ferroviaire », jusqu’à atteindre nouvel ANI doit, notamment : définir des transport sur rails. Car, si le mode ferro- progressivement l’objectif de 25 % en règles juridiques applicables au télétravail ; viaire présente de « grands avantages en 2050. Ce qui « permettrait de limiter le prévoir l’articulation entre « travail régulier », matière énergétique et environnementale », nombre de poids lourds ». Bref, loin de ce qui « occasionnel » et « informel » ; inclure le de « transport de masse », de « desserte fine », est prévu par le gouvernement, la CGT « droit à la déconnexion » ; traiter de l’impact il suppose « aussi des contraintes, notam- Cheminots réclame un projet de dévelop- de l’encadrement de proximité et la ment une certaine rigidité dans la capacité à pement ferroviaire qui supposerait une nécessité de relations basées sur la organiser les chaînes logistiques », explique vraie politique industrielle, écologique et confiance ; et intégrer la question de l’égalité Laurent Brun, secrétaire général de la sociale concertée. entre les femmes et les hommes. F.D. fédération des cheminots CGT. Dominique Martinez 6 nvo octobre 2020
MANIFESTATIONS LABORATOIRES Les journalistes muselés La grève a payé L chez Biofusion es violences qui ont émaillé les manifestations de Gilets leur métier. » AFP, BFM, France Info, Le Monde, Les Échos, Mediapart, Arte… L es deux cents salariés des vingt laboratoires d’examens biologiques de Biofusion (Occitanie), jaunes ont laissé des traces. La Une quarantaine de sociétés de journa- en grève pendant une semaine, ont dénonciation par plusieurs journalistes de listes ont dénoncé « un feu vert accordé remporté une belle victoire avec leur celles commises par les forces de l’ordre par le ministre de l’Intérieur aux forces de intersyndicale CGT, FO, CFDT : une aussi. Le nouveau « schéma national du l’ordre pour empêcher les journalistes de prime de 1 500 euros et une maintien de l’ordre » (SNMO), présenté rendre compte pleinement des manifesta- augmentation des salaires de 3 %. le 17 septembre, en atteste. Encadrement tions » dans une tribune publiée le Cerise sur le gâteau, la renforcé des tirs de LBD, grenades moins 22 septembre dans Libération. Et reconnaissance de leur contribution « dangereuses » ou nouvelles tactiques appellent le ministre de l’Intérieur, essentielle dans le traitement de la contre les « casseurs »… Les dispositions de Gérald Darmanin, à corriger ce « nou- crise sanitaire par leur direction, qui a ce texte sont censées « adapter » la gestion veau cadre d’exercice du maintien de publiquement reconnu le surcroît de des manifestations en France et consti- l’ordre » pour le mettre en conformité travail induit par le dépistage à grande tuer une doctrine à la fois « plus ferme avec avec les principes français et européens échelle du Covid-19. La forte les auteurs de violences » et « plus protectrice de la liberté d’informer. L’autre atteinte demande de tests avait fait exploser pour les manifestants » afin de « diminuer le à la liberté de la presse est l’identifica- leur charge de travail, ainsi que le nombre de blessés au cours des manifesta- tion des journalistes par la carte de chiffre d’affaires des laboratoires tions ». Le texte prévoit également une presse. « On sait très bien que tous les jour- depuis septembre. Or, bien qu’ils « meilleure prise en compte de la présence des nalistes ne remplissent pas les critères aient pris toute leur part dans le journalistes au sein des opérations de main- nécessaires à l’obtention de la carte de traitement de la crise sanitaire, ces tien de l’ordre ». Le hic survient quand on presse alors qu’ils font ce métier sans elle », salariés du privé ont été oubliés par le lit : « Il importe […] de rappeler que le délit précise le syndicaliste. « En France, c’est Ségur de la Santé et de la prime de se maintenir dans un attroupement après la loi qui détermine le statut du journaliste, « Covid-19 ». Leur grève et la sommations, ne comporte aucune exception pas la carte de presse », renchérit le SNJ manifestation du 16 septembre à y compris au profit des journalistes ou des (syndicat national des journalistes), Montauban leur auront donc permis membres d’associations ». alors que plusieurs journalistes ont été de se faire entendre et d’obtenir de arrêtés ces derniers mois et empêchés légitimes compensations. N.C. Interdits de témoigner de faire leur métier. Gérald Darmanin a « C’est la mesure qui nous choque le plus, tenté de calmer le jeu évoquant « un ACTION LOGEMENT réagit Ludovic Finez, journaliste et membre du bureau national du SNJ- malentendu ». Mais la CGT et le SNJ- CGT ont déposé un recours devant le Ponctionné et CGT. Cela veut dire qu’on ne reconnaît plus le rôle de témoins des journalistes. Ils Conseil d’État. Tout comme le SNJ et la LDH (Ligue des droits de l’Homme). menacé n’ont plus le droit de rapporter des faits qui peuvent se dérouler sous leurs yeux, ni éventuellement des violences qui peuvent Celle-ci considère en effet que le nou- veau SNMO « porte atteinte à la liberté de la presse, d’observation, la liberté indivi- L e gouvernement prévoit de prélever au moins un milliard d’euros dans les caisses d’Action Logement (ex-1 % venir d’un côté comme de l’autre. Cela duelle et à la liberté de manifester ». Logement) pour boucler son budget 2021. revient à empêcher les journalistes de faire Dominique Martinez Non seulement, cette décision a été prise de façon unilatérale, mais « depuis plusieurs années, le gouvernement confond allègrement les comptes d’Action Logement et le budget de l’État », pointe la CGT. L’an dernier, l’organisme paritaire, l’un des principaux acteurs du logement social en France, s’était ainsi déjà vu ponctionné de 500 millions d’euros pour alimenter le budget 2020, la CGT précisant qu’il faut y « ajouter les 300 millions d’euros pour compenser la baisse des cotisations des organismes HLM ». Mais l’exécutif n’a visiblement pas l’intention d’en rester là, envisageant une réforme du fonctionnement de l’organisme FLORENCE AT/DIVERGENCE qui pourrait aller jusqu’à sa suppression pure et simple. Exactement ce que préconise un rapport de l’Inspection générale des Finances, remis en janvier dernier à Édouard Philippe, alors Premier ministre. C.M. octobre 2020 nvo 7
actualité RECHERCHE CAFÉS ET RESTAURANTS Encore précaire Une fermeture coup L e 23 septembre, le projet de loi de programmation pluriannuelle de massue de la recherche (LPPR), très contesté par la communauté scientifique, a été adopté à l’Assemblée nationale en première lecture. Présentée comme un « investissement inédit » par le gouvernement, avec 25 milliards d’euros pour la recherche publique d’ici 2030, la LPPR s’avère, selon tous les chiffrages, en deçà de l’objectif budgétaire affiché, à savoir 1 % du PIB consacré à la recherche publique. C’est le seuil atteint par l’Allemagne et considéré comme la cible par tous les pays développés. En 2019, ce ratio était de 0,8 % en France. Outre l’aspect MARC CHAUMEIL/DIVERGENCE budgétaire, l’ensemble des dispositions sont très critiquées, comme le volet emploi qui prévoit des recrutements de chercheurs sous contrat, dans la logique d’un financement par appel à projet. Rien dans la LPPR ne vient donc P corriger l’un des principaux défauts du système français de recherche : l’explosion du nombre de contrats à durée déterminée, source de précarité pour les jeunes chercheurs. C.M. our les uns, fermeture totale, en activité partielle, ne touchant que 84 % pour les autres, à partir de de leur rémunération nette, exlique le syn- 22 heures : de Marseille à dicaliste. Or, ce sont des petits salaires ALTRAN Paris – et dans les douze villes placées en d’environ 1 200 ou 1 300 euros nets men- Pas d’accord alerte renforcée comme Lyon ou Nice – l’incompréhension et la colère dominent suels la plupart du temps, notamment en province. Les charges fixes, elles, n’ont pas avec les accords chez les restaurateurs et gérants de bars, après l’entrée en vigueur, le diminué et on a déjà été plongés dans une semi-précarité ces derniers mois. » A irbus tousse et le secteur aéronautique s’enrhume du côté de Toulouse, où la direction d’Altran, en plus du dispositif 28 septembre, des nouvelles restrictions anti-Covid-19. « On a l’impression d’être tenus respon- Maigres compensations Prolongé jusqu’à la fin de l’année dans d’activité partielle de longue durée (APLD), sables de tout », « stop à la dictature sani- ce secteur, le dispositif de chômage par- propose un accord de performance taire »… Nombreux sont les profession- tiel apparaît comme une maigre com- collective (APC) à ses salariés de Blagnac, nels du secteur abattus par l’obligation pensation. « On est très inquiets quant à qui fait l’unanimité…contre lui. « Il prévoit de tirer le rideau comme de mars à mai la pérennité des emplois alors que 15 à environ 12 % de baisse des salaires. Entre dernier. « Ce n’est pas aux 800 000 sala- 20 % des petits cafés et restaurants pour- APLD et APC, financièrement cela va être riés et aux 380 000 saisonniers du secteur aient mettre la clef sous la porte, selon la dur », justifie Jean-Pierre Matanovic, élu hôtels-cafés-restaurants de payer encore chambre patronale », s’alarme le syndica- du CSE. Et la clause de mobilité à une fois la mauvaise gestion de la crise sani- liste. Inquiet des conséquences écono- l’international, qui semble être un moyen taire par le gouvernement et surtout son miques et sociales, il reconnaît que si de licencier plus facilement, ne fait rien manque de concertation avec les acteurs certains employeurs ont été exem- pour rassurer. Reste la création annoncée locaux, politiques, professionnels ou les plaires dans le respect des règles sani- d’un Toulouse Engineering Centre (TEC), organisations syndicales, peste Arnaud taires, d’autres en ont parfois fait fi centre d’ingénierie qui regroupera les Chemain, portier-bagagiste et secrétaire dans le but de rattraper les pertes. Et activités aéronautiques d’Altran dans la de la Fédération CGT Commerce et Ser- de conclure : « des terrasses bondées, des région. « Les gens d’Altran Sud-Ouest de vices, en charge du dossier. C’est très bru- tables pas assez espacées… Nous ne nions Toulouse seraient transférés sur ce TEC, tal et, comme d’habitude, nous n’avons été pas le besoin de mesures, ni les risques soit 2 000 personnes sur 2 500 », explique consultés sur rien. » Problèmes organisa- sanitaires encourus notamment chez cer- l’élu. Une nouvelle filiale dont l’intérêt reste tionnels et financiers entraînés par la tains professionnels qui ont parfois privilé- à démontrer. « Si ça ne marche pas, ils se perte des stocks suite aux fermeture gié, ces derniers temps, leur tiroir-caisse mettent dans les conditions de faire un subites… les employeurs vont devoir au détriment de la santé de leurs clients et PSE de bas niveau », prévient Jean-Pierre faire face à un manque à gagner aux de leurs salariés, mais nous aurions pré- Matanovic. « Son seul intérêt, c’est d’obtenir multiples répercussions. « Les salariés féré plus de concertation. » des crédits impôt recherche. » P.C. ont déjà été placés pendant plusieurs mois Dominique Martinez 8 nvo octobre 2020
EUROPE ESPAGNE Vers un nouveau Pacte Enfin reconnus migratoire salariés ! L Q a plateforme barcelonaise Glovo « n’est pas un simple intermédiaire dans la réservation de services entre commerces et livreurs. C’est une uelque 111 personnes qu’elle souhaite adopter. Plusieurs pays, entreprise qui prête des services déclarées mortes ou dis- en particulier ceux du groupe de Vise- de livraison et messagerie, en fixant les parues en mer pour le grad (Pologne, Hongrie, République conditions essentielles pour la prestation seul mois d’août dernier : la Méditerra- tchèque, Slovaquie) refusant d’accueillir de ce service ». C’est ce qu’a conclu la née centrale ne cesse de demeurer un des migrants, le « Pacte » prévoit que les Cour suprême espagnole dans un vaste cimetière pour celles et ceux qui pays qui n’accueillent pas de deman- communiqué diffusé le 23 septembre. tentent de fuir les guerres, les désastres deurs d’asile devront… participer au ren- En clair, la relation entre la plateforme et écologiques et la misère et de trouver voi des déboutés vers leur État d’origine. les livreurs qui travaillent pour elle sur les côtes européennes un havre de Il révise le règlement de Berlin, qui relève bien du contrat de travail. survie. Les navires de secours affrétés confie au pays d’entrée d’un migrant Le statut du travailleur à l’origine de la par des ONG se heurtent toujours au dans l’UE la responsabilité de traiter sa plainte contre Glovo, jusqu’alors barrage de certains États européens, demande d’asile : le pays responsable de « autoentrepreneur », doit donc être tandis que l’Union européenne (UE) la demande pourra être celui où la per- requalifié en salarié. « Après des années continue de déléguer l’accueil de sonne concernée a des liens familiaux, de pression de la part des collectifs de migrants à la Turquie, avec laquelle est où elle a travaillé ou étudié, ou le pays lui livreurs et des organisations syndicales, passé un accord pour limiter le nombre ayant délivré un visa. Mais ce nouveau la décision met en évidence que les d’arrivées en Europe, en particulier pacte prévoit aussi des contrôles plus plateformes ne peuvent s’arranger avec sur les côtes grecques. L’UE soutient « rigoureux » aux frontières extérieures la réalité du travail », se félicite la CGT toujours les garde-côtes libyens pour avec une accélération des procédures, dans un communiqué, qui pointe qu’ils freinent les départs vers les côtes l’UE voulant augmenter le nombre des d’autres décisions de cette nature en italiennes, en dépit des exactions crimi- retours en « intensifiant les négociations » Italie ou en Suisse : « Le gouvernement nelles qu’y subissent ces réfugiés. Dans avec les États d’origine ou de transit. français ne peut pas camper sur sa un récent rapport, Amnesty Internatio- À l’inverse, la Commission européenne position régressive et faire le choix de nal a de nouveau dénoncé le « terrifiant veut achever la réforme de la « blue créer un sous-statut pour ces travailleurs, cycle de violences » que subissent des mil- card » pour attirer des travailleurs hau- visant à écarter les requalifications ». I.A. liers de réfugiés et migrants en Libye, tement qualifiés. Renforçant les murs de et appelle l’UE à « revoir sa coopération l’Europe, la Commission recommande avec ce pays ». cependant que soient mises à l’abri des C’est dans ce contexte que l’UE a pré- poursuites les ONG qui viennent au AFRIQUE senté le 23 septembre le nouveau « Pacte européen sur la migration et l’asile » secours des migrants en Méditerranée. Isabelle Avran L’indispensable industrialisation LE TRAIT DU MOIS A lors que Les Nations unies célèbrent, le 20 novembre, la « Journée de l’industrialisation de l’Afrique », les organisations syndicales d’Afrique sub-saharienne, membres d’IndustriAll, insistent : le succès de ce programme nécessite la participation de l’ensemble de la société, en particulier des travailleurs et des syndicats. À l’occasion d’une rencontre le 9 septembre, elles ont rappelé que les industries nationales ont des capacités de fabrication réelles (production de désinfectants, gants, masques, savon liquide ou ventilateurs depuis le début de la crise sanitaire) et que celles-ci doivent servir au développement et à la population. De même l’exploitation minière, durable, qui doit servir au développement économique et social en évitant « les pires impacts sur l’environnement grâce à des réglementations strictes »… I.A. octobre 2020 nvo 9
La pandémie a brutalement et durablement affecté l’éducation, la formation, la montée en qualification des jeunes générations. Déjà fragilisés sur le « marché » du travail, les jeunes, et plus particulièrement les moins qualifiés, sont les premières victimes de la crise sociale et risquent de subir, à terme, un nouveau déclassement. Face à ces risques, les réponses gouvernementales sont insuffisantes. VID ? E n bon vendeur des éléments de langage de l’exécutif, l’ex- secrétaire d’État à la Jeu- nesse, Gabriel Attal, assurait, le 5 juin dernier, dans les colonnes du Parisien : « Il n’y aura pas de génération sacrifiée. » Si le gouvernement se veut rassurant, les jeunes ont, en revanche, bien inté- gré les dégâts du Covid dans leur vie si l’on en juge par le baromètre OpinionWay, publié le BAPOUSHOO 10 juin dernier, où, pour qualifier leur généra- tion, 36 % optent pour le terme “galère” et 35 % pour le mot “sacrifiée”. octobre 2020 nvo 11
enquête Les inégalités scolaires ont progressé Début août, une enquête de l’Organisation inter- nationale du travail (OIT) alertait sur les mul- tiples impacts économiques et sociaux de la crise du Covid-19 sur les enfants et les jeunes, privés d’une scolarisation en présentiel que l’en- seignement à distance via Internet n’a que très partiellement, voire pas du tout, compensée. La pandémie a eu sur ces jeunes de 18 à 29 ans un impact « systématique, profond et dispropor- tionné » qui a « exacerbé les inégalités et risque d’affaiblir le potentiel productif de toute une géné- ration », prévenait l’OIT. Dans notre pays, selon une enquête menée par l’association Synlab, 20 % d’élèves en moyenne sont descolarisés depuis le confinement, mais d’autres sources citées dans la presse font état d’un taux drama- tique de 50 % dans certains quartiers sensibles. À la rentrée, pour la seule Seine-Saint-Denis, on estime à 3 900 le nombre d’élèves qui n’ont pas retrouvé les salles de classe : « Ce n’est pas pire que les autres années, où certaines familles ren- Un grand nombre traient plus tard de vacances », s’est empressée de d’étudiants sont dû être financé via un collectif budgétaire pour minimiser la secrétaire d’État chargée de l’Édu- brutalement privés, en recruter des personnels afin de diminuer les effec- cation prioritaire, Nathalie Elimas, le 11 sep- raison de la pandémie, tifs par classe, comme en Italie, […] ou trouver des tembre. Difficile à croire quand ce chiffre est de l’emploi qui finance solutions afin de compenser l’insuffisance de salles cinq fois supérieur aux années précédentes. leurs études. pour multiplier les groupes dans les écoles et éta- blissements ». La déscolarisation fragilise Ces indicateurs de déscolarisation ont de quoi Rentrée difficile aussi inquiéter car la France ne brillait déjà pas en à l’université termes d’égalités d’éducation. L’Observatoire La pandémie a aussi brutalement privé un des inégalités pointait, avant la pandémie, que grand nombre d’étudiants de leur emploi des- « les jeunes qui quittent l’école de façon précoce sont tiné à financer leurs études. L’arrêt, durant le beaucoup plus souvent des enfants de milieux popu- confinement, des activités du commerce, de la laires. Leur faible niveau de diplôme rend leur restauration, des services qui emploient beau- entrée sur le marché du travail difficile. Elle est SCOLARITÉ ET coup d’étudiants salariés, puis la contraction du souvent marquée par les stages, la précarité, le chô- CONFINEMENT « marché » du travail dès le déconfinement et mage. » La pandémie n’a pu qu’aggraver les iné- durant l’été, rendent cette rentrée universitaire galités scolaires déjà pointées, fin 2019, par l’Or- encore plus difficile pour la moitié des étudiants ganisation de coopération et de développement contraints de jongler entre étude et travail. « En économiques (OCDE) dans un classement éla- plus du stress habituel de la rentrée, il faut ajouter boré à partir des données du Programme inter- le stress et le coût financier de l’épidémie », notam- national pour le suivi des acquis des élèves ment celui des masques. L’Union nationale des (PISA). Cette évaluation triennale, qui vise à étudiants de France (Unef) pointe, par ailleurs, tester les compétences des élèves de 15 ans en lecture, sciences et mathématiques, a indiqué que les inégalités scolaires s’étaient creusées en 20 % des élèves déscolarisés « une baisse des ressources du fait de l’arrêt d’acti- vités rémunérées parfois non déclarées », comme les baby-sitting. L’Unef, qui a réclamé un plan France et qu’elles étaient très fortement corré- d’urgence, craint que ces nouvelles difficultés lées aux conditions de vie… lesquelles ne se sont pas améliorées non plus avec la crise. ET aggravent « une précarité déjà très forte ». Le s yndicat étudiant estime insuffisants l’aide 30 % exceptionnelle de 200 euros pour certains ou le Une rentrée sans plan d’urgence prolongement des bourses pendant un mois. Il Face à ces constats d’avant la pandémie, on réclame une revalorisation de 20 % des bourses en collège REP et attendrait du gouvernement qu’il prenne la en lycée professionnel et l’ouverture du système d’aides à 100 000 étu- mesure des risques que fait peser la crise éco- diants supplémentaires. nomique, sociale et sanitaire pour une généra- Source : enquête de tion de jeunes. Or, Jean-Michel Blanquer, le l’association Synlab Apprentis en mal de contrats ministre de l’Éducation, a préparé cette rentrée Alors que l’apprentissage peinait à décoller par le seul prisme du protocole sanitaire sans depuis des années parce que volontiers assimilé remettre en question sa réforme, très contestée à l’échec scolaire et aux métiers manuels, le par l’ensemble de la communauté éducative, nombre d’alternants et de contrats signés sans répondre non plus à la revendication una- étaient cependant en progression depuis 2019. nime des syndicats de créations de postes. Pour Avec un record de +16 % fin 2019, quelques la CGT Éduc’action, « un plan d’urgence aurait semaines avant le confinement. Mais les consé- 12 nvo octobre 2020
contenter d’un emploi moins bien rémunéré. » Le déclassement des jeunes diplômés observé ces dernières années devrait donc se poursuivre. Des réponses insuffisantes de la part du gouvernement Les mesures du « plan jeunes » sont-elles de nature à préparer l’avenir des jeunes généra- tions, à porter remède à l’aggravation de la pré- carité, au creusement des inégalités ? Rien n’est moins sûr. Le gouvernement s’en est encore remis à des aides à l’embauche traditionnelles qui risquent de créer des effets d’aubaine, et a exhorté les entreprises à jouer le jeu sans contraintes. La CGT, pour sa part, a formulé cet été une série de douze revendications pour la FRANCESCO BOZZO/ANDIA jeunesse comprenant, notamment, des mesures favorisant leur accès aux logements sociaux, l’augmentation des places dans les foyers jeunes travailleurs et des logements étudiant Crous. Elle réitère aussi sa revendication d’une ouver- ture du droit au chômage pour les jeunes en recherche d’un premier emploi. De la même quences de la pandémie sur l’emploi se sont tra- manière, elle propose un financement des trans- duites par un quasi-arrêt des recrutements ports collectifs permettant leur accès avec un d’apprentis, notamment dans les PME-PMI fer- prix modéré pour les jeunes. La CGT reven- mées ou fragilisées, créant une situation anxio- dique également l’instauration d’un « revenu gène pour les jeunes qui souhaitent se former d’insertion » à hauteur de 80 % du Smic afin de en alternance. Angoisse à laquelle le gouverne- permettre aux jeunes qui ne sont pas sur le ment a répondu par un « plan jeunes » le 23 juil- « marché » du travail de sortir de la précarité, let qui prévoit une enveloppe de 6,5 milliards d’éviter les « petits boulots » et permettre à cha- d’euros sur deux ans, avec entre autres une aide cun de se consacrer à ses études ou à la aux entreprises de 4 000 euros pour favoriser recherche d’un emploi stable. Frédéric Dayan 450 000 embauches de jeunes de moins de 25 ans d’ici janvier 2021. Reste que, face à la fri- losité des employeurs pour embaucher des apprentis, ce plan ne sécurise pas la situation des jeunes admis en CFA qui n’auraient pas L’EMPLOI CHEZ LES JEUNES EN 2019 trouvé de contrats malgré le report de la date limite de leur signature (voir notre sujet sur 17% 28% APPRENTIS Source : Insee, enquête de l’emploi 2019 l’apprentissage pages 14 et 15). EMPLOYÉS EN CDD Jeunes diplômés à la peine 7% Selon une enquête menée par Walters People, 2020 risque d’être une année plus difficile à INTÉRIMAIRES L’EMPLOI 45% l’entrée sur le « marché » du travail où quelque des EMPLOYÉS 750 000 jeunes se bousculent en cette rentrée. Ainsi, 70 % des sondés en recherche d’un emploi 3% INDÉPENDANTS 15-24 ans EN CDI depuis mars, et qui l’étaient toujours fin août, déclarent que la crise a retardé ou empêché leur entrée dans la vie active. L’Association pour l’emploi des cadres (Apec) évalue à près de 41 % la chute des offres destinées aux jeunes diplômés durant le premier semestre 2020 par rapport à l’an dernier. L’Apec prédit ainsi un tassement des salaires des plus jeunes et, conséquence de la signature d’accords de per- formance collective, une baisse de la rémunéra- tion fixe des cadres et une évolution salariale SOIT moins favorable pour les cadres en début de 963 000 13% Source : DARES 2020 carrière. Selon Isabelle Recotillet, chercheuse associée au laboratoire d’économie et de socio- C’est le nombre de jeunes âgés Ce qui représente logie du travail (LEST) rattaché au CNRS, il de 16 à 25 ans qui ne sont plus d’un jeune « sera compliqué pour ces jeunes de trouver un ni en emploi, ni en formation, sur 10 de cette emploi de cadre auquel leur diplôme leur donne ni en études. classe d’âge. normalement accès. Ils risquent de devoir se octobre 2020 nvo 13
enquête MARCHÉ INTERNATIONAL DE RUNGIS/SEMMARIS APPRENTISSAGE Rentrée tendue pour les alterna Après des recrutements à l’arrêt pendant le confinement, les centres de formation d’apprentis (CFA) vivent une rentrée incertaine. Le nombre des entrées pourrait rattraper, dans certains secteurs, celui des années précédentes tandis que, dans d’autres, des élèves voient leur projet de formation avorter. P our pousser les employeurs à continuer à former les jeunes malgré la crise, le gouverne- ment a inclus dans son plan de relance une aide financière pour toute embauche avait quasiment arrêté les recrutements qui commencent vers mars-avril, relate Roselyne Hubert, présidente de la Fna- dir* et directrice du pôle apprentissage du groupe IGS Lyon. En août, l’annonce associatifs étaient alarmistes, se souvient- elle. Ils tablaient sur 20 % à 30 % d’ap prentis en moins en septembre et avaient peur de devoir licencier. » Les efforts des pôles chargés des relations avec les en apprentissage. Montant du bonus : des aides a eu un impact positif. Des CFA employeurs ont, selon elle, permis d’évi- 5 000 euros pour les moins de 18 ans et [centres de formation d’apprentis] qui ter une débâcle. S’il faut attendre fin 8 000 euros pour les majeurs. Autant dire craignaient d’être dans le négatif vont faire 2020 pour un bilan consolidé, « on ne sent que le reste à charge pour les entreprises autant d’entrées que les années précédentes, pas d’effet sur les recrutements », estime-t- devient presque nul la première année. voire plus, avec un peu de décalage. » elle. Tous les secteurs ne se relèvent tou- « L’aide couvre 100 % du salaire de l’apprenti tefois pas à la même vitesse. Les grandes de moins de 21 ans et 80 % du salaire d’un Des secteurs optimistes tendances, plutôt optimistes, masquent apprenti de 21 à 25 ans révolus », a calculé le mais des cas complexes des cas plus complexes. « Si les entre- ministère du Travail. Suffisant pour Un constat partagé par Nelly Gregor, prises ont joué le jeu et repris des apprentis convaincre ? Après un début d’été préoc- secrétaire générale du syndicat CGT des dans l’automobile, il y a une baisse signifi- cupant, le coup de pouce aurait limité la salariés des CFA du bâtiment en Occita- cative dans l’alimentaire, dans la restaura- catastrophe annoncée. « Le confinement nie. « En fin d’année, les directions des CFA tion surtout, et dans des métiers tertiaires, 14 nvo octobre 2020
futurs primeurs, poissonniers et froma- d’ici là, j’irai travailler chez Casino, où j’ai gers en CQP (certificat de qualification fait mon bac pro. J’aurais préféré un professionnelle), en CAP (certificat diplôme en plus, mais tant pis… » À 29 ans, d’aptitude professionnelle), et en bac Tifany, en reconversion, vient de renon- pro. « En poissonnerie, par exemple, il y a cer à un BTS en économie sociale et un tel manque de personnel que la familiale en alternance au profit d’une demande d’apprentis reste importante », formation courte qu’elle espère financer assure Éric Larguier, chargé de déve- par Pôle emploi. « Ça n’était pas évident loppement. La grande distribution, elle, de trouver des apprentissages dans le « tourne bien », même si les opérations social avant la crise, mais là, c’est pire, de recrutement organisées par le CFA juge la jeune femme, qui assure avoir et des grandes enseignes ont pris du envoyé une centaine de CV. Certaines retard. Pendant le confinement, les structures m’ont dit qu’elles préféraient apprentis des grandes surfaces y ont recruter des services civiques qui coûtent même remplacé des salariés… En moins cher. » Un service civique plutôt revanche, le BTS négociation et digita- qu’un BTS, c’est ce qu’Inès, 21 ans, est lisation de la relation client spécialisé contrainte d’envisager faute de dénicher en agroalimentaire, créé cette année, un apprentissage pour intégrer le CFA peine à caser ses jeunes. « Les grossistes IGS Paris en communication : « Je de Rungis, où l’on veut intégrer les élèves, cherche un moyen de ne pas perdre une ont été impactés par la fermeture des res- année, même si un service civique est évi- taurants », explique Éric Larguier. Le demment beaucoup moins rémunéré… » directeur du CFA, Éric Derennes, est plus sceptique. « Les employeurs arguent Des retards accumulés de la désorganisation des équipes, mais pendant le confinement c’est un peu un prétexte. Épidémie ou non, Les prochains mois s’annoncent incer- certains ne veulent pas investir dans la tains, y compris pour les apprentis qui formation, cerner avec nous leurs besoins, auront réussi à signer un contrat. participer à l’élaboration des pro- Nombre de CFA s’inquiètent des retards grammes, etc. » accumulés par ceux qui étudiaient en alternance l’an dernier, voire des cas de Prudence et manque de décrochages. « Les cours à distance ont visibilité des employeurs été compliqués à mettre en place. Beaucoup Emma, 22 ans, était mi-septembre l’une de jeunes n’avaient pas l’équipement néces- des seules de sa promo à avoir décroché saire et ont disparu pendant deux mois, un contrat. « J’ai commencé à prospecter précise Patrick Dosseul, du SNCA-CGT. quand ils ont annoncé la prime. Je me suis Certains ont été renvoyés chez eux par dit : “C’est maintenant ou jamais”, leurs employeurs jusqu’à mi-mai, d’autres nts explique-t-elle. Lionel, lui, 25 ans, ont passé le confinement en entreprise, ils cherche toujours un employeur. Les n’ont donc pas pris de retard sur la pra- grossistes en poissonnerie m’ont dit non, tique, mais pour l’enseignement général, au motif qu’ils n’auraient personne pour c’est plus compliqué. » me former. En boucherie, ils m’ont répondu détaille Patrick Dosseul, secrétaire géné- qu’ils prendraient des stagiaires, même Le plan de relance ne ral du Syndicat national des agents chose en fromagerie et en fruits et sécurise pas les contrats consulaires et de l’apprentissage (SNCA- légumes.» Pour les élèves en quête d’un Aurélien Cadiou, de l’Anaf, craint par ail- CGT), enseignant en CFA dans les Pays contrat, l’attente s’éternise. Emmanuel, leurs « beaucoup plus de ruptures de contrat de la Loire. Dans ces filières, certains 22 ans, s’est inscrit auprès d’un IUT en cours d’année que d’habitude, de la part employeurs ont du mal à retrouver de l’oxy- pour suivre une licence de management d’entreprises qui épuisent leur trésorerie en gène et préfèrent sauvegarder les emplois. » des processus logistiques en alternance. ce moment ». Or, « le plan de relance ne pré- « Embaucher un jeune en apprentissage, Mais ses trente CV envoyés depuis le voit rien en matière de sécurisation des par- c’est aussi prendre l’engagement moral de déconfinement n’ont essuyé que des cours des apprentis », regrette-t-il. Si l’aide l’accompagner vers un métier, rappelle refus. « Les PME m’ont dit qu’elles financière était selon lui « nécessaire », le Aurélien Cadiou, président de l’Associa- n’avaient pas les fonds, les grands groupes plan aurait pu aller bien plus loin. « Le tion nationale des apprentis de France qu’ils hésitaient encore, soupire-t-il. L’IUT gouvernement aurait pu se montrer exem- (Anaf). Une entreprise qui n’a pas de visibi- nous a donné une liste d’entreprises qui plaire en augmentant le nombre d’apprentis lité au-delà de trois ou six mois ne s’enga- avaient accepté des anciens de la licence, dans le secteur public, en baisse ces dernières gera pas sur un bac pro de trois ans, qu’im- mais la plupart ne prennent personne cette années », avance-t-il. L’Anaf aurait aussi porte l’aide financière. » année. » Depuis le plan de relance, les souhaité que les entreprises s’engagent à apprentis ont six mois, après leur entrée « accueillir et à accompagner correctement Un tableau contrasté en formation, pour signer un contrat, les jeunes, avec une formation obligatoire du selon les métiers contre trois auparavant. Rien n’est tou- maître d’apprentissage, par exemple. » Une Au sein d’un CFA, le tableau peut s’avé- tefois prévu pour les élèves sans solu- contrepartie plutôt modique pour un rer contrasté. Ainsi de L’École des tion passé ce délai. Nombre d’entre eux apprenti « quasi gratuit ». métiers de bouche (photo ci-dessus), n’auront pas le luxe d’attendre si long- Alexia Eychenne installée au marché international de temps. Retourné vivre chez ses parents, * Fnadir : Fédération nationale des Rungis (Val-de-Marne). Le CFA n’a pas Lionel, au CFA de Rungis, se laisse associations régionales des directeurs de mal à trouver des contrats à ses jusqu’à novembre : « Si je n’ai pas trouvé de centres de formation d’apprentis. octobre 2020 nvo 15
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