Santé sans frontières - Ebola n'a pas de frontières Les maladies tropicales pour les nuls Le SIDA dans les townships Nutrition, le facteur oublié ...
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Santé sans frontières Ebola n’a pas de frontières Les maladies tropicales pour les nuls Le SIDA dans les townships Nutrition, le facteur oublié DES INSECTES DANS VOTRE ASSIETTE N° 4 / 2014 • TRIMESTRIEL OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2014 P308613 • BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X
Sommaire OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2014 4/6 > 12/13 > 32/33 > Ebola Le VIH en Les insectes, Quand la faiblesse des systèmes de santé Afrique du Sud, délicatesse durable ? un combat sans fin ? nous concerne tous > DOSSIER Santé sans frontières 7 Maladies tropicales 26-27 Défis cachés et les en Belgique 50 ans d’Action Damien 8 -11 La santé dans la 28-29 Rwanda : la santé mentale, coopération belge au secteur prioritaire développement 30-31 Switching the poles : pour 14 -15 Manger équilibré une coopération mature pour être en bonne santé entre le Nord et le Sud Abonnement gratuit sur : 16 -17 Équateur : zéro grossesse 34-35 Idrissa, une vie au champ www.glo-be.be chez les adolescentes, un défi complexe 36 Quand la culture ou par mail à : maraichère change la vie info.dgd@diplobel.fed.be 18 Les soins de santé des personnes vulnérables en cas de conflit 37 Clara découvre la traite Vous désirez suivre les news 19-22 Les maladies tropicales des enfants au togo de la coopération belge ? pour les nuls Rendez-vous sur facebook 38-39 Autour du Glo.be (Diplomatie.Belgium) et www.dg-d.be 23-25 L’assurance maladie universelle, kézako ? 40 À vos écrans : Timbuktu !
POUR UN MONDE DURABLE Une santé sans frontières es fêtes de fin d’année approchent. Et avec elles, ce vœu qui sera maintes Les chirurgiens se préparent pour la chirurgie à l’hôpital des invalides CCRBT à Dar es Salaam L fois répété : “… et surtout, une bonne santé !”. N’est-elle pas en effet un bien précieux que nous ne pouvons malheureusement jamais considérer comme acquis ? Parmi les nombreuses maladies qui nous menacent, si certaines (Tanzanie) (CCRBT = l’ONG Comprehensive sont facilement curables, d’autres, en revanche, le sont beaucoup moins. Community Based Rehabilitation en Tanzanie). L’hôpital veut donner aux patients les plus Nous vivons heureusement dans un pays dont le système de soins de santé pauvres un traitement approprié. a fait ses preuves. Grâce à la bonne organisation de nos mutuelles, toute © Dieter Telemans la population belge a en principe accès aux soins médicaux. Mais il en va autrement dans les pays en développement : leurs systèmes de soins sont trop souvent d’une qualité qui laisse à désirer et les personnes les plus vulnérables Périodique trimestriel de n’ont pas toujours les moyens de se faire soigner. En outre, les populations du la Direction Générale de la Sud doivent affronter des maladies tropicales dont nous sommes épargnés, Coopération au Développement qu’il s’agisse du paludisme, de la dengue, de la leishmaniose ou de la maladie Périodique et de l’Aide trimestriel humanitairede(DGD) du sommeil, entre autres. la Direction Générale de la Rédaction : Coopération au Développement Une amélioration se dessine néanmoins à l’horizon des pays en développement. DGD édito et de l’Aide humanitaire (DGD) La coopération belge au développement et la communauté internationale Rue des Petits Carmes 15 jouent un rôle important dans ce changement. Il s’agit principalement de mener B-1000 RédactionBruxelles : une réflexion conjointe, de lancer des tentatives et de tirer des enseignements DGD Tél. +32 (0)2 501 48 81 des échecs. Ainsi, on a appris qu’il est souvent plus efficace d’accorder E-mail Rue des: info.dgd@diplobel.fed.be Petits Carmes 15 www.diplomatie.be un financement après l’obtention de résultats – en l’occurrence, des soins B-1000 Bruxelles • www.dg-d.be convenables –, ce que l’on appelle la méthode du “paiement à la livraison” Tél. +32 (0)2 501 48 81 Secrétariat de rédaction : (“cash on delivery”). Depuis la naissance de la coopération au développement E-mail : info.dgd@diplobel.fed.be Chris Simoens, Elise Pirsoul, dans les années 1960, la Belgique est une pionnière dans le domaine des soins www.diplomatie.be • www.dg-d.be Esther Ingabire, Thaïssa Heuschen de santé dans le Sud. Et notre pays entend bien maintenir son engagement. Secrétariat Création et de rédaction production : : Elise Pirsoul, Chris Simoens et L’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest a en effet montré que la plus grande www.mwp.be Mélissa Peeters fragilité des systèmes de santé des pays en développement nous concerne Les articles publiés ne représentent aussi, car c’est précisément l’effondrement de ces systèmes dans les pays Création pas et production nécessairement : le point de vue touchés qui a fait craindre la maladie dans le monde entier. Personne ne www.mwp.be officiel de la DGD ou du gouvernement saurait en outre continuer à douter du réchauffement climatique, entraînant la belge. La reproduction des articles est propagation en Europe de certaines maladies tropicales ou de leurs vecteurs. Les articles autorisée publiés pour autantneque représentent la source pas mentionnée nécessairement le point de vue Inutile cependant de paniquer en Belgique, mais force est de constater une fois soit et qu’une copie de la officiel de lasoit publication DGD ou du gouvernement envoyée à la rédaction. encore que nous vivons toutes et tous sur une même planète où la nature n’a Glo.be La belge. reproduction paraît 4 fois par des an. articles est que faire de l’artifice de nos frontières nationales. C’est d’autant plus vrai à notre autoriséesur Imprimé pour autant papier 100 que % la source recyclé. époque de mondialisation où les destinations lointaines sont un rêve commun. soit mentionnée et qu’une copie de la Abonnement publication soit: envoyée à la rédaction. Donc pour cette année nouvelle, nous vous souhaitons une santé éclatante. Glo.be paraît Gratuit en Belgique. À l’étranger 4 fois par an. Nous espérons également qu’une prise de conscience se répandra, à savoir, seulement Imprimé surenpapier version100 électronique. % recyclé. que nous vivons dans un monde sans frontières où les problèmes des régions Résiliation de l’abonnement via reculées sont aussi les nôtres. Plus que jamais, la notion de coopération au info.dgd@diplobel.fed.be. Abonnement : développement prend tout son sens, car veiller sur l’autre revient à veiller sur soi. Gratuit en Belgique. À l’étranger seulement en version électronique. Bonne fin d’année ! BIENTÔT DISPONIBLE EN VERSION TABLETTE LA RÉDACTION
Plus un jour ne passe sans nouvelle alarmante sur l’évolution du virus. De quelques cas isolés, la maladie s’est transformée en épidémie incontrôlée. Les premiers cas sont arrivés en Europe, on en soupçonne en Belgique aussi : le monde a peur. Mais au-delà des faits, l’épidémie Ebola en dit long sur l’état de santé des systèmes sanitaires, sur la défaillance d’un système… et l’interdépendance du Nord et du Sud. Ebola, c’est une fièvre hémorra- l’abandon : la Sierra Leone a connu ELISE PIRSOUL gique mortelle dans la moitié des une guerre civile de plus de 10 ans cas. Ce virus encore mal connu –et autour de ses “diamants du sang” Histoire d’une épidémie mal maitrisé- aurait été introduit par et si elle a connu une améliora- Entre les premiers cas de cette des chauves-souris et se transmet tion substantielle ces dernières souche Ebola en janvier 2014 et par des contacts directs avec les années, le système reste faible. ce début octobre, l’évolution a été fluides organiques ou le sang d’une Aujourd’hui, un homme peut espé- fulgurante. On compte à présent des personne infectée. Découvert en 76 rer vivre jusqu’à 53 ans, contre 27 milliers de morts (selon l’OMS- au par des médecins belges du nom de en 2003. Son voisin, le Liberia, du 3 octobre, au moins 7.470 personnes la rivière Ebola qui coule àYambuku nom du pays de la liberté donné infectées parmi lesquelles 3.431 (RDC) il était resté assez confiné aux esclaves américains libérés a morts, soit presque le double de à des petits villages en Afrique lui aussi connu la guerre et l’ins- 15 jours auparavant et probable- centrale jusqu’à son apparition en tabilité politique. Enfin, la Guinée ment moins de la moitié des cas au Guinée Conakry début 2014. Conakry se rétablit doucement moment où vous lisez ce journal) Certes, d’autres maladies font plus d’une dictature militaire. Ces 3 principalement en Sierra Leone, de victimes. La malaria touche 3.300 pays sont classés parmis les 10 Liberia, Guinée. Dans ces 3 pays, personnes par jour, soit 1,2 millions derniers par l’indice de dévelop- les échanges commerciaux avec par an, mais avec une différence de pement humain. les pays frontaliers sont réduits à poids : elle n’est pas contagieuse Pour prendre médicalement en néant tandis que des villages sont et nous savons la soigner – ce qui charge les patients Ebola et empê- mis en quarantaine, la population ne signifie pas que tout le monde cher la propagation, plusieurs étapes sierra leonaise entière a même été a accès aux remèdes puisqu’elle sont fondamentales : 1/ le diagnostic confinée pendant 3 jours à domicile. tue des millions de personnes. de la maladie à l’aide de labora- Pour Ebola, pas de médicament ; toires, 2/le traitement des patients une chance sur deux d’en sortir confirmés dans des centres d’iso- vivant, que l’on soit noir ou blanc. lation avec des médecins équi- Et le virus pourrait se propager… pés, 3/ le traçage des personnes jusqu’à l’hémisphère Nord. Début ayant fréquenté le patient lors de la octobre, les premiers cas arrivaient période de contagion, 4/l’enterre- en Occident (2 aux États Unis, 1 en ment sécurisé des corps infectés et Espagne). Le monde a peur ! la désinfection et 5/ la sensibilisation des communautés. Autant dire qu’il Réponse difficile s’agit d’une importante machine La situation ne serait pas tellement qui demande du personnel et des catastrophique sans les conditions moyens conséquents. Des ques- favorables à la propagation de la tions pratiques prennent une place © UNICEF/NYHQ2014-1027/Jallanzo maladie. Car, ce que révèle l’Ebola, énorme : les hôpitaux n’ayant pas de c’est la faiblesse des systèmes de service de repas ou de pharmacie, santé, voire même de la gestion de comment fait la famille pour porter l’État. Et ce n’est pas un hasard si la des repas et des médicaments à maladie s’est nichée dans 3 pays quelqu’un qui est en quarantaine ? délabrés par la guerre civile et Comment un médecin de campagne dont les systèmes de santé étaient peut-il se protéger s’il n’a même pas faibles au départ et sont secoués de gants jetables pour examiner les par le découragement, la peur et patients ? Comment sensibiliser les 4 OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2014 I
SANTÉ quand la faiblesse des systèmes de santé nous concerne tous © UNICEF/NYHQ2014-1024/Jallanzo Une prise de conscience claire est essentielle dans la lutte contre le virus Ebola. communautés qui vivent dans les présenter au centre de santé, si ces coins reculés à, ne plus étreindre mêmes centres ne peuvent pas les leurs morts lorsqu’il n’y a pas de accueillir ?” déplore Seco Gérard, de route pour les atteindre ? médecins sans frontière (MSF). “Il y a même eu des cas où des cadavres Des systèmes trop infectés sont restés des semaines à faibles pour répondre même la rue faute de moyen pour à la crise les transporter…” Dans un Sierra Leone qui ne dispose Si la RD Congo qui connait la maladie que de deux médecins et moins d’une depuis plus de 30 ans et enregistre ambulance pour 100.000 habitants, 70 cas pour l’instant parvient à conte- une telle catastrophe est ingérable. nir l’épidémie, c’est par ce qu’il lui L’état ne dispose ni des moyens ni reste un système de santé assez des ressources humaines néces- fonctionnel à l’échelle africaine et saires pour mettre en place des struc- par conséquent une plus grande tures d’accueil sans aide extérieure. confiance de la population qui se L’analphabétisme accentue encore rend au centre de santé. Idem pour les risques de propagation et les le Sénégal qui a connu 1 cas et le rumeurs irrationnelles sur la propaga- Nigéria qui a géré 20 malades. tion de la maladie. “Et puis, comment sensibiliser les communautés à se I OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2014 5
La responsabilité eux ont contracté la maladie. “Msf à vendre son cacao, la Guinée ses internationale arrive à ses limites. À Monrovia, le patates. Des festivals sont annulés. La Mais ces pauvres pays ne sont pas centre d’accueil affiche complet. plupart des compagnies aériennes seuls responsables de la propa- On doit renvoyer des malades en ont interrompu leurs lignes vers gation de la maladie. La commu- sachant qu’ils vont infecter leur com- les 3 pays concernés à l’exception nauté internationale et en particu- munauté.” ajoute Seco Gérard. “Pour notoire de Brussels SN Airlines et lier l’OMS ont également tardé à la première fois, on a même acheté Royal Air Maroc. l’appel. L’organisation Mondiale de un incinérateur de cadavres.” la Santé, dont l’un des mandats est La croix rouge nationale est aussi L’aide internationale de coordonner une réponse face active dans tous les pays touchés s’organise à des épidémies transfrontalière par l’Ebola avec plus de 4.000 Les 3 pays où sévit la maladie ne a en effet attendu 6 mois après le volontaires nationaux. Ils s’occupent font pas partie des pays de concen- essentiellement de la gestion des tration de la coopération belge, qui cadavres, la désinfection, le tra- ne délivre donc pas d’aide directe. çage et le soutien psycho-social Cependant, à travers ses contri- aux familles. butions aux moyens généraux, les L’institut médical tropical d’Anvers agences de l’ONU ont pu profiter tente de contribuer à la réponse de ses fonds pour réagir (UNICEF, grâce à son expertise et sa capa- OMS, etc.). En plus, une enveloppe cité de recherche. Étant aux pre- de 7 millions supplémentaires des- mière loges lors de l’introduction tinés aux principales organisation d’un malade en Belgique, ils sont qui travaillent sur place (MSF, Unicef, capables de diagnostiquer la Fédération Internationale des Croix maladie et former les hôpitaux Rouges) a été approuvée. nationaux. Ils ont introduit pour En septembre, à la veille d’une financement un projet de recherche potentielle épidémie mondiale, la pour un vaccin et un système de communauté internationale a com- © UNICEF/NYHQ2014-1580/Bindra diagnostic plus rapide. Plusieurs mencé à réagir : les États Unis ont membres du staff apportent du décidé d’envoyer 3.000 militaires renfort à l’Oms ou MSF. qui commencent à se déployer au Libéria, et souhaitent former 500 Effets collatéraux travailleurs sanitaires par semaine. Mais alors que l’Ebola sévit, la vie Cuba a décidé d’envoyer 165 continue… les accouchements, la médecins, la Chine 150, dans les malaria, et les autres maladies aussi. régions concernées. La RD Congo et Et les systèmes de santé défail- l’Ouganda qui ont une plus grande lants ne sont plus en mesure de les expérience de la maladie ont éga- début de l’épidémie avant de tirer prendre en charge. Ses effets colla- lement envoyé leurs experts dans la sonnette d’alarme. Ces 6 mois téraux apparaissent aussi importants l’Ouest africain. de trop ont permis la propagation que l’Ebola. incontrôlée de la maladie. C’est À Monrovia, les structures hospi- À venir ainsi qu’une nouvelle structure mul- talières existantes ont fermé leur Pour les années à venir, plusieurs tinationale temporaire et consacrée porte. Dans les autres pays, les scénarios sont possibles : soit la Ce que révèle uniquement à l’Ebola, le UN MEER systèmes de santé déjà faibles transmission du virus va continuer l’Ebola, a été créé. La UN Mission for Ebola s’écroulent. Le personnel soignant, à doubler tous les 21 jours jusqu’à c’est la Emergency Response va coordon- déjà sous-payé et démotivé en atteindre des proportions mondiales faiblesse ner la réponse auprès de toutes les des temps meilleurs, à présent fuit, –on parle de 1,2 millions d’ici début agences onusiennes. s’il n’est pas décédé ou malade. 2015-, soit elle va doucement dimi- des systèmes Les États des 3 pays étant incapables Les patients infectés ou pas par la nuer. Mais quelle que soit l’issue, il de santé, de donner une réponse à la situa- maladie hésitent d’avantage à se faudra tenir compte des leçons de voire même tion, l’OMS n’ayant pas les moyens rendre à l’hôpital, où on ne pourra cette épidémie d’Ebola. Primo, la de réagir efficacement, longtemps, probablement pas les prendre en solidité d’un État et l’organisation de de la gestion les volontaires de MSF ont été pra- charge. son système de santé sont primor- de l’État.” tiquement seuls face à l’épidémie. Pour ne rien arranger, l’économie diaux dans la réponse à une telle Début octobre, MSF avait traité 4.700 tourne au ralenti. La circulation des crise sanitaire. Secundo, elle nous patients, soit plus de la moitié des cas biens et des personnes, critères concerne tous. Ne fut-ce que, parce mondiaux ; déployé 250 membres de base de l’économie sont mis qu’on le veuille ou pas, la maladie du staff international sur le terrain et à mal par la peur de la contagion. ne connait pas les frontières et peut engagé 3 000 nationaux. 18 d’entre La Cote d’Ivoire ne parvient plus toujours arriver à notre porte. 6 OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2014 I
SANTÉ © IRD/M. Dukhan Maladies tropicales EN BELGIQUE Le climat se réchauffe, les voyages se multiplient : les moustiques tigres quelques heures après le test et le patient est immédiatement isolé si en profitent. Doit-on craindre des maladies tropicales en Belgique ? Ebola est diagnostiqué. Dr Bottieau, chef du service des maladies tropicales à l’Institut de médecine tropicale (IMT), nous rassure. Que conseiller aux voyageurs qui vont loin ? Une bonne préparation est indis- CHRIS SIMOENS Quel rôle la multiplication pensable, surtout pour les voyages des voyages joue-t-elle ? CONSEIL vers les Tropiques et les migrants Trouve-t-on des maladies Un rôle crucial. Nous voyageons bien AFRIQUE qui rentrent dans leur pays d’origine. tropicales en Belgique ? plus qu’avant. Imaginons un voyageur Il est préférable de demander à Non, sauf chez les voyageurs et de retour avec un agent pathogène DE L’OUEST l’IMT des conseils de voyage avant migrants déjà malades à leur arri- dans le sang. S’il croise par hasard Conseil particulier le départ pour être parfaitement vée. Il arrive parfois qu’un mous- un vecteur adapté, le mal est fait. pour les voyageurs informé des risques encourus sur en partance pour tique tigre soit signalé, convoyé par En 2007, en Italie, un seul malade l’Afrique de l’Ouest, place afin de se faire vacciner si un moyen de transport international, revenant d’Inde a été à l’origine de où il y a une nécessaire ou prendre des pilules mais il ne peut survivre à notre hiver. 200 contaminations de chikungunya. épidémie d’Ebola : contre le paludisme… etc. Si, au Le moustique tigre (Aedes albo- Plusieurs flambées de dengue ont ne lésinez pas sur retour, les voyageurs sont malades, la préparation, pictus) transmet la dengue (grippe déjà frappé la France, la Croatie et ils ont intérêt à consulter un médecin allez-y uniquement tropicale) et le chikungunya1. le Portugal. Ces maladies virales ne si c’est vraiment sans attendre et à lui signaler leur se rencontrent normalement pas en nécessaire, et faites visite récente dans les Tropiques. Le changement climatique Europe méridionale, contrairement tout pour prévenir n’a-t-il pas encore produit au vecteur, le tigre moustique. le paludisme, avec Inutile donc de s’inquiéter en des médicaments ses effets ? et des mesures Belgique ? Si, indubitablement, ces maladies Les autorités sont-elles antimoustiques. Pour éviter la propagation à notre se propagent au Nord à cause de suffisamment conscientes du Les symptômes pays, il faut tout d’abord barrer la lui. Les tiques porteuses de la Rick- risque ? comme les accès de route aux transmetteurs. Nous, méde- fièvre sont au début settia en sont un bon exemple : Je le pense. En 2005, l’Union euro- cins, voyons en nos patients unique- facilement confondus présentes normalement dans le péenne a fondé le Centre européen avec un état grippal. ment les “failles” du système de bassin méditerranéen, on les a déjà de prévention et de contrôle des surveillance. Une attention suffisante repérées au centre de la France maladies, qui suit de près l’évo- des médecins et une communication et en Allemagne. On a découvert lution des maladies et soutient les rapide et efficace entre les spécia- récemment dans une rivière corse pays européens face aux nouvelles listes suffisent généralement pour des escargots d’eau douce vecteurs épidémies. rester maître de ces maladies. Il est de la bilharziose, que l’on ne trouve absolument inutile de dramatiser. habituellement qu’en Afrique. Dans Ebola peut-il toucher la le cas de la leishmaniose, les trans- Belgique ? metteurs, un type de mouchettes, Un patient peut arriver dans notre ONLINE arrivent au Nord. Plusieurs cas de pays avec le virus mais le risque www.medecinedesvoyages.be cette maladie typique de l’Europe de propagation est faible car les du Sud ont été constatés en Autriche Belges consultent bien plus vite 1 Pour en savoir plus à ce sujet, voir la fiche il y a peu. un médecin. Le verdict est connu thématique (p. 19). I OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2014 7
SANTÉ LA SANTÉ DANS LA COOPÉRATION BELGE AU DÉVELOPPEMENT Depuis les débuts de notre coopération dans les années 60, la santé a toujours été un des secteurs clé dans le cadre de la Coopération belge au développement. L’expérience, les connaissances et les méthodes de concertation de la Belgique ont permis de tester bon nombre de projets novateurs et ce dans plusieurs pays. médical aussi bien belge qu’étran- partenaires la responsabilité finale. ESTHER INGABIRE ger dans ces domaines, de même Cela permet surtout une meilleure que dans celui de la santé publique évaluation des projets et programmes La santé, un secteur et des sciences biomédicales. Il soutenus grâce à l’apport des acteurs important jouit d’une réputation internationale, de terrain. Lors de son indépendance en notamment pour avoir découvert le La coopération belge se caracté- 1960, la République démocratique virus Ebola et pour son apport dans rise également par ses priorités en du Congo bénéficiait déjà d’une la lutte contre le virus du SIDA ou matière de santé qui correspondent La spécificité organisation médicale qui reposait la maladie du sommeil en Afrique aux “6 building blocks of Health belge est le principalement sur deux piliers. System” de l’OMS. Elle concentre maintien Tout d’abord, le Congo était doté Belgian touch ainsi son attention sur : d’une structure hiérarchisée allant du Alors que la communauté internatio- • le renforcement systémique de d’un lien dispensaire rural au centre médico- nale ne priorise pas la santé, la Bel- services de santé intégrés (com- solide entre le chirurgical de l’entité territoriale gique a toujours pensé que le secteur prenant les soins de santé de base niveau central jusqu’à l’hôpital du chef-lieu de de la santé était une des priorités sur et ceux de référence) pour les province. L’administration centrale lesquelles il fallait se concentrer pour maladies transmissibles (malaria, et le niveau avait également mis en place des apporter une contribution importante tuberculose, SIDA) et négligées opérationnel.” équipes médicales mobiles char- au développement. La spécificité de (trypanosomiase, schistosomiase, gées de dépister les endémies l’approche belge est le maintien d’un (trypanosomiase, lèpre, tuberculose, lien solide entre le niveau central et bilharziose…). Cette structuration a le niveau opérationnel. Lors de la ensuite évolué vers un concept plus mise en place d’un projet, la Bel- intégré de zones de santé, qui sera gique, via la CTB, essaie d’impliquer ensuite préconisé par l’Organisation tous les partenaires du secteur : du Mondiale de la santé (OMS) dans ministère de la santé publique aux la Déclaration d’Alma-Ata en 1978. organisations actives dans le secteur, Par ailleurs, l’Institut de Médecine en passant par les ONG, les commu- © BTC/Dieter Telemans Tropicale (IMT) d’Anvers, qui est nautés religieuses et la société civile. aujourd’hui l’une des références Ce dialogue et cette coopération ont mondiales pour l’enseignement et la pour but d’aboutir à des solutions recherche en matière de médecine adaptées et durables ainsi qu’à une tropicale et de VIH/SIDA, formait et meilleure concordance entre l’offre continue de former du personnel et la demande en reconnaissant aux 8 OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2014 I
© DGD Déjà après la décolonisation, la Belgique a mis l’accent sur la santé. Ici, une infirmière scolaire à Lubumbashi (RD Congo) en 1973. lèpre, etc …), les maladies non- couverture médicale universelle 2006 à 2010 une micro-assurance infectieuses comme celles liées à totale était très à la mode. Certains santé pour les enfants scolarisés. Be-cause health, la nutrition et la santé mentale et pays qui l’ont expérimenté comme Ces derniers étaient inscrits en tous réunis la santé sexuelle et reproductive ; le Ghana, la Thaïlande ou l’Inde groupe à la mutuelle locale et leur pour la santé ! • le renforcement quantitatif et sur- se sont rendus compte des deux contribution financière était intégrée tout qualitatif du personnel de difficultés à mettre un tel système dans le minerval. Cette expérience a Be-cause health, c’est une plateforme belge rassemblant santé ; en place : d’une part, cela met en eu des effets positifs sur les résultats plus de 40 organisations et • le renforcement du système d’in- péril la qualité des soins et d’autre scolaires et a entraîné une baisse 250 individus impliqués dans formation sanitaire ; part, cela décharge l’utilisateur de de l’absentéisme car les centres de le secteur de la santé dans la • le renforcement du système d’ap- sa responsabilité. santé sont souvent près des centres coopération au développement. Ainsi, depuis 2004, ONG, provisionnement sanitaire ; La Belgique, apporte à différents scolaires, ce qui permettait une institutions académiques, CTB, • un bon système de financement de pays son expérience d’une assu- prise en charge rapide. De telles DGD, assurances maladie, la santé, assurant un accès univer- rance de soins de santé reposant collaborations ont pu se dévelop- diaspora, consultants et sel financier aux soins essentiels, y sur le système des mutuelles. Elle per grâce aux associations des particuliers se réunissent compris pour les couches les plus aide les décideurs à définir le type parents d’élèves et des instituteurs. régulièrement. Ils partagent leur expérience en matière pauvres et vulnérables ; de services à délivrer et la contri- Par ailleurs, ce système à renfloué de santé, et des groupes de • le renforcement du leadership bution financière de la population. financièrement les mutuelles de travail planchent sur des cas et de la bonne gouvernance du Cependant, l’expérience mutualiste santé locales qui ont ainsi mieux techniques concrets comme secteur de la santé. en pays en voie de développement fait face à leurs dépenses. les ressources humaines, les médicaments, le VIH, la santé s’est vite confrontée à des difficultés D’autres projets pilotes de solidarité reproductive, la protection Le financement des financières, du fait que l’adhésion sont testés dans les pays partenaires sociale, les épidémies (comme services de santé se faisait sur une base individuelle tels que l’instauration d’un système récemment Ebola)… Un système de financement de la et volontaire : dès lors, c’était prin- de paiement forfaitaire qui remplace Avant la création de Be-cause santé efficace est essentiel pour cipalement les personnes âgées ou le paiement à l’acte. Ce dispositif, Health, chacun travaillait de façon isolée. La force de soutenir l’ambition de “Santé pour de santé fragile qui s’inscrivaient actuellement appliqué en RDC, pré- cette plateforme est qu’elle tous” de l’Initiative de Bamako. Une à la mutuelle, ce qui rendait les voit un forfait correspondant au coût rassemble tous les acteurs de stratégie de financement efficiente dépenses par tête supérieures au réel moyen d’un épisode maladie, la coopération belge en matière doit pouvoir disposer du soutien montant de l’adhésion. assure l’équité (tous les patients de santé. La note politique “droit à la santé et aux soins des pouvoirs publics. Leur rôle La Belgique, via la CTB, a également paient le même prix), quel que soit de santé” a été écrite avec sa est primordial car il détermine le tenté de mettre en place des sys- l’importance de la maladie ou le coût collaboration. montant du financement et la contri- tèmes de financements novateurs du médicament, et, est subsidié pour EP bution de la population. Après l’ère comme dans le bassin arachidier les groupes vulnérables (enfants, des indépendances, l’idée d’une au Sénégal. On y a expérimenté de indigents, femmes enceintes…). I OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2014 9
© BTC/Dieter Telemans Ce système de solidarité fixe les L’un des domaines dans lequel la Kenya. La lutte contre le VIH/SIDA actes à poser et les médicaments Belgique est également très active a depuis toujours été intégrée dans à prescrire pour chaque épisode sont les droits sexuels et reproduc- les programmes santé des différents maladie. Il permet ainsi de rendre tifs et surtout la lutte contre le VIH/ pays partenaires. la comptabilité plus facile grâce à SIDA. En effet, dans les pays où la En matière de droits sexuels et repro- l’estimation des coûts contrairement prévalence est élevée, elle sape ductifs, la Belgique a participé à au paiement à l’acte, qui encourage le fonctionnement des services de des programmes de lutte contre la les prescriptions excessives et la soins de santé. Pour atteindre ses violence sexuelle et de promotion surfacturation. Grâce au système objectifs, la coopération belge tra- des droits sexuels dans différents La fuite des forfaitaire, la gestion devient plus vaille avec les groupes vulnérables. pays partenaires. Ces programmes cerveaux efficace. Au Benin par exemple, une atten- visaient notamment l’intégration de tion particulière est consacrée aux la dimension de genre, la promotion entrave Lutte contre les femmes enceintes. En Tanzanie, une de l’égalité des sexes et l’autono- gravement le grandes endémies et formation intensive consacrée au misation des femmes et des jeunes développe- pandémies VIH/SIDA dans les écoles primaires filles. Au Pérou, la CTB a mis en place, La lutte contre les grandes endé- a permis une prise de conscience en collaboration avec la police et la ment des mies s’est faite notamment avec vis-à-vis des comportements à justice, un programme de réinsertion services de l’aide d‘ONG belges expérimentées risques et une baisse des gros- de victimes de violences familiale et soins de santé et présentes sur le terrain. Ainsi, sesses précoces. Au Burundi, la sexuelle. Le but était d’encourager aussi bien la lutte contre la lèpre est la prio- promotion de la planification fami- la réinsertion des victimes dans la rité de l’ONG “Action Damien”. liale par le personnel du secteur société via un travail ou des projets en termes de En République démocratique du de la santé a permis de doubler le générateurs de revenus. quantité que Congo, après la suspension de la nombre d’utilisateurs de moyens de de qualité.” coopération bilatérale en 1990, la contraception modernes. La formation, maladie du sommeil avait connu À partir de 1996, la prévention et la l’éducation et la une recrudescence. À partir de lutte contre le SIDA sont devenues recherche 2000, la CTB a soutenu le retour des des priorités pour la coopération La fuite des cerveaux dans les équipes mobiles qui ont permis de belge. Déjà en en 1985, l’IMT, en pays en développement entrave faire baisser de 80 % le nombre de collaboration avec les États-Unis, gravement le développement des cas. Depuis peu, la lutte contre la mettait en place des projets de services de soins de santé aussi maladie du sommeil a été confiée à recherche de traitement et intégrait bien en termes de quantité que l’IMT qui a mis en place de nouveaux la prévention dans ses projets de de qualité. C’est pour cette raison schémas thérapeutiques. santé au Rwanda, Burundi et au que la Belgique soutient, via ses 10 OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2014 I
SANTÉ L’OMS DE A À Z © WHO Violaine Martin ’Organisation mondiale de la santé (OMS) coordonne les actions de protection de L la santé internationale, élabore des recommandations et promeut la recherche. Les experts de cette instance onusienne aident les gouvernements à mettre en place leurs propres systèmes de santé publique. Cette plate-forme leur permet d’élaborer ensemble une réponse aux problèmes sanitaires d’ampleur mondiale et d’améliorer le bien-être des êtres humains. FLAMBÉES ÉPIDÉMIQUES L’OMS tient à jour les statistiques mondiales sur les maladies et tire la sonnette d’alarme en cas de besoin. Pour prévenir, par exemple, de la progression rapide des maladies non transmissibles. Dans le cas d’épidémies spécifiques comme le SRAS ou Ebola, l’OMS envoie des équipes sanitaires sur place et coordonne la réponse au départ d’un centre de crise, le centre stratégique d’opérations sanitaires. En s’appuyant sur les règles édictées par l’organisation, les responsables nationaux tentent de repérer et d’enrayer les flambées L’Assemblée mondiale de la Santé en 2014 à Genève. épidémiques. Enfin, des campagnes de vaccination massives visent à protéger les enfants de maladies mutilantes telles la polio. mondiale de la santé est célébrée le 7 avril. L’OMS peut s’enorgueillir de l’éradication de la FONCTIONNEMENT variole en 1979 et de l’ouverture à la signature, en 2003, de la convention-cadre pour la lutte 193 États sont membres de l’OMS, qui compte aussi deux membres associés. Leurs repré- antitabac. 1978 est également considérée comme une année historique, qui a vu la consé- sentants se réunissent chaque année à Genève pour définir la politique et approuver le cration, à Alma Ata (Kazakhstan), du principe de soins de santé universellement accessibles. budget au sein de l’Assemblée mondiale de la santé, qui nomme tous les cinq ans un nou- veau directeur général et désigne les 36 membres du conseil exécutif chargé de l’assister. SOUS L’ANGLE BELGE Le budget – une manne annuelle de deux milliards de dollars pour 2014 et 2015 – est La Belgique considère cette organisation spécialisée comme un partenaire privilégié dont couvert à plus de 75 % par les contributions volontaires des États membres. L’OMS emploie l’action va tout à fait dans le sens de notre vision des soins de santé : la santé est un droit quelque 8.000 personnes : médecins, épidémiologistes, scientifiques, gestionnaires, per- de l’homme universel, dont les plus vulnérables ne peuvent être privés. Notre pays, lui aussi sonnel administratif, qui travaillent au siège à Genève, et dans les six bureaux régionaux et partisan de l’approche multisectorielle, participe activement à l’Assemblée mondiale de la 147 bureaux nationaux. santé ainsi qu’à diverses commissions. En 2013, la Belgique a déboursé un total de 11,5 millions d’euros, dont 3,8 millions en contributions obligatoires. 10,6 millions d’euros ont GENÈSE pu être comptabilisés comme aide publique officielle. Une quarantaine de Belges travaillent Lors de la création des Nations unies en 1945, la nécessité d’une organisation chargée de la à l’OMS, par exemple la professeure Marleen Temmerman, directrice du département de la santé est apparue d’emblée ; depuis 1948, l’année où le projet s’est concrétisé, la Journée santé reproductive et de recherche. CS différents partenaires (CIUF Conseil Les nouveaux défis © Tineke D’haese/Oxfam Interuniversitaire de la Communauté De nombreux défis attendent la française – VLIR- Vlaamse Interuni- coopération belge en matière de versitaire Raad – IMT), la formation, santé. Selon l’OMS, les deux prin- le financement et l’amélioration des cipales préoccupations du futur conditions de travail du personnel seront le contrôle de la qualité médical et paramédical. Au Niger, la des médicaments (surtout géné- Belgique contribue au renforcement riques) et la nutrition. La nutrition d’un Centre de Perfectionnement à la représente un défi majeur car Formation Continue des Agents Sani- elle comprend non seulement taires (CPADS). Celui-ci permet aux la malnutrition mais également agents sanitaires de bénéficier d’un la surnutrition qui entraîne une partage/échange d’expériences augmentation de l’obésité et des avec des agents d’autres secteurs cancers. Les maladies négligées mais également de mettre à jour sont également en augmentation leurs connaissances. et vont certainement demander En matière de recherche, la coopé- une attention particulière de la ration belge est toujours en quête de communauté internationale si on niches pour favoriser la recherche veut éviter une recrudescence en matière de “maladies négligées”. comme ce fut le cas avec la maladie La plupart des maladies tropicales du sommeil au Congo. Le dernier sont négligées par l’industrie phar- défi et non des moindres est le maceutique car elles ne sont pas renforcement de la société civile rentables. Cependant, grâce à l’IMT, surtout dans son rôle de contrôle la coopération belge a souvent été critique de l’efficacité des systèmes à la pointe, comme avec la maladie d’assurance maladie. du sommeil et le développement de médicaments moins nocifs qu’aupa- ravant qui ont rendu la lutte plus facile et plus efficace ou encore ONLINE Ebola où les labos belges ont pris www.dg-d.be > Publications en main les outils de dépistage et et documentations > la recherche sur le vaccin. Documents politiques I OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2014 11
Le VIH un combat sans en afrique du sud, Le bilan de santé de la nation arc-en-ciel n’est pas rose. Si selon de récentes annonces le paludisme est en passe d’être éradiqué, il reste un problème de taille : le VIH, qui depuis des décennies constitue le principal défi pour cette jeune démocratie, bien avant des maladies telles que le diabète. JAGO KOSOLOSKY à un juge de Johannesburg avoir eu “J’ignorais tout du un rapport sexuel non protégé avec sexe sans risque” une femme séropositive et pris une Thando, 30 ans, habite à quelques L ’Afrique du Sud détient douche par la suite “pour limiter le encablures du centre et participe un triste record avec le risque de transmission du virus”. à l’une des études. “Les chercheurs Botswana, le Lesotho et veulent déterminer si un anneau le Swaziland. D’après Prévention vaginal protège d’une infection au l’Onusida, en 2012, plus de six Nous nous rendons au Emavundleni VIH.” Le Dr Roux nous explique que millions de Sud-Africains étaient Research Centre, qui fait partie de ce projet est entré dans sa dernière porteurs du virus, un nombre hallu- la Desmond Tutu HIV Foundation phase. “Nous attendons les premiers cinant pour une population estimée et est situé à Crossroads, près de résultats à l’été 2015.” à 54 millions. Nyanga – deux des nombreux town- C’est un test gratuit de dépistage du ships du Cap. Situés en bordure de Les infections VIH qui a amené Thando au centre. Douche ville, ceux-ci étaient réservés aux liées à la “Tout le monde y est le bienvenu. Pieter-Dirk Uys, humoriste et acti- habitants non blancs d’Afrique du consomma- Je venais de quitter le père de mon viste sud-africain, tient les autorités Sud jusqu’à la fin de l’apartheid. enfant et désirais repartir sur de pour responsables de cette situation Les conditions de vie y varient de tion de drogues nouvelles bases et avoir la certitude tragique. “La période sous Thabo déplorables à acceptables et le VIH deviennent que mon fils n’était pas malade. Quel Mbeki (président sud-africain de y est omniprésent, souvent associé légion.” soulagement quand j’ai appris que 1999 à 2008, ndlr) a été terrible à la tuberculose. je n’étais pas infectée.” pour mon pays car le chef d’État Le Dr Roux se réjouit du recul en niait tout bonnement l’existence du Afrique du Sud de la transmission virus. La peur et la confusion qui en verticale, à savoir de la mère à ont résulté ont coûté la vie à plus de l’enfant. “Mais il reste du pain sur 380 000 personnes.” la planche pour réduire les infections Pour Uys, la comédie peut jouer dues aux rapports sexuels.” un rôle dans la lutte contre la mala- Thando était en matriek – en der- die. “Je demande aux enfants si les nière année de l’école secondaire parents et instituteurs leur racontent – lorsque son fils Luthando est né. encore l’histoire des abeilles et des “J’ignorais tout du sexe sans risque. © Jago Kosolosky fleurs. Et s’ils veulent bien m’expli- Luthando est la prunelle de mes yeux quer comment une abeille baise mais lorsque j’y repense, j’aurais une fleur. Employer ce langage à aimé être mieux informée à l’époque. l’école est audacieux, mais ainsi, les J’aborde tous les sujets avec mon enfants sont suspendus à mes lèvres fils, ce qui n’était pas le cas de nos et je peux leur transmettre des infor- Le Dr Surita Roux, chercheuse prin- parents. C’était une erreur.” mations vitales. Notamment qu’une cipale du centre et chef de projet décision suffit à faire entrer un virus rattachée à l’Université du Cap, Rapport de forces dans votre corps et mettre votre vie déclare : “En tout, nous sommes dangereux sens dessus dessous.” environ cinquante. Certains font de Thando n’est pas une exception : Si les choses ont bien changé depuis la sensibilisation sur le terrain depuis beaucoup de jeunes filles fré- Mbeki et la prise de fonction du dix ans déjà : ils expliquent aux gens quentent des hommes plus âgés, ce ministre actuel de la Santé, Aaron la mission du centre et mettent à qui les expose tout particulièrement Motsoaledi – dont l’action est louée leur disposition informations, tests à une infection au VIH. de toute part –, les politiques conti- de dépistage et médicaments. Notre La situation s’est améliorée depuis, nuent de créer des controverses. cœur de métier reste néanmoins la estime Thando, qui se remémore L’actuel président Jacob Zuma, réalisation d’essais de vaccins contre l’époque où entamer une relation accusé de viol en 2006, avait déclaré le VIH, dans un but de prévention.” avec un homme mûr était positif pour 12 OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2014 I
SANTÉ fin? © Jago Kosolosky elle et ses amies. “Il fallait trouver avec le VIH, mais elle prend des Le bout du tunnel quelqu’un qui prenne soin de nous, médicaments et parvient même à En dépit de chiffres désastreux, surtout financièrement.” en plaisanter.” l’Afrique du Sud semble remonter la Le Dr Roux confirme : “Les jeunes Ce n’est certainement pas évident, pente en matière de VIH ; à présent, femmes sont bien trop souvent les estime-t-elle : “Certaines personnes les politiques font eux aussi les choix victimes.” Un constat corroboré par vous jugent ou ont peur d’utiliser la qui s’imposent. les données de l’Onusida. En 2008, même assiette ou toilette que vous.” Certes, la situation reste particuliè- plus de 20 % des femmes de 20 rement délicate, mais l’espoir qu’un à 24 ans étaient séropositives, la Tik vaccin soit développé et que le taux proportion oscillant “seulement” Si le combat contre le VIH est mené d’incidence baisse existe bel et autour de 5 % pour les hommes avec succès sur plusieurs fronts, bien. Avant de pouvoir se reposer de la même tranche d’âge. de nouveaux défis sont apparus, sur ses lauriers, la nation arc-en- Pour le Dr Roux, le problème réside notamment le tik (appellation locale ciel doit réduire les infections liées dans le rapport de forces entre les du crystal meth). Cette drogue dure à la consommation de drogues et hommes et leur compagne plus hautement addictive est une variante trouver un moyen d’assumer son Jago Kosolosky travaille jeune. “La femme dépend alors de populaire du speed, qui se fume passé dramatique. pour MO* et est parti l’homme qui la soutient financière- massivement – parfois avec du Peut-être faudrait-il mettre en œuvre deux semaines en Afrique du Sud grâce au projet ment, tout comme leur éventuelle cannabis – dans les townships et cette idée pas si farfelue qu’un chauf- européen Beyond Your progéniture. Les jeunes femmes les zones rurales où la pauvreté feur de taxi m’avait glissée à l’oreille World dans le cadre d’une doivent pouvoir disposer de leur règne en maître. lors d’un échange de vues sur le formation postuniversitaire corps et décider de leurs pratiques Des données concrètes font défaut, VIH : l’Afrique du Sud a besoin d’une en journalisme d’investigation international sexuelles.” mais le tik multiplierait sensible- commission de réconciliation et de organisé par le Fonds Il y a aussi un aspect culturel à ment le nombre d’infections au vérité afin de tourner la page sur la Pascal Decroos et la haute prendre en compte, pense Bukwe, VIH. Les causes sont nombreuses : politique de santé du passé. “Nos école Thomas More. qui travaille au centre en qualité levée des inhibitions sexuelles, politiques ont du sang sur les mains.” de conseiller et accompagne des augmentation des plaies ouvertes, patients. Non seulement la polyga- manque d’hygiène, etc. Le Dr mie masculine n’est pas un phéno- Roux confirme le rôle joué par mène isolé en Afrique du Sud, mais le tik dans la propagation du l’utilisation de moyens contraceptifs VIH. “Les infections liées à la n’est pas suffisamment entrée dans consommation de drogues les mœurs. “Convaincre un homme deviennent légion.” de mettre un préservatif n’est pas aisé, même si les femmes ayant parti- cipé à nos études y parviennent plus © Jago Kosolosky souvent. Elles sont informées des risques et ont davantage confiance en elles.” Personne à l’abri Thando n’est pas contaminée, mais raconte comment le VIH a frappé son entourage. “Ma nièce de cinq ans a récemment été diagnostiquée séro- positive. Sa mère ne nous a jamais rien dit.” La maladie a déjà emporté une de ses cousines. “Elle est décé- dée à 32 ans. Une autre cousine vit I OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2014 13
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