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Magazine n° 66, août 2021 Biovision Fondation pour un développement écologique Du savoir-faire ! L’agroécologie, tout le monde en parle. Nous l’appliquons. En Afrique, en Suisse et ailleurs.
Chère lectrice, cher lecteur, « Agroécologie », « transformation du système alimentaire » : qu’est-ce que cela vous évoque ? Aujourd’hui, on parle sans cesse de ces idées, dans les débats sur un avenir durable et la coopération au développement. Et aussi chez Biovision. Mais que signifient ces mots ? Est-ce que tout le monde les comprend de la même façon ? Dans ce magazine, nous explorons ces deux expressions qui impliquent beaucoup d’enjeux. Bien plus que l’agri- culture, l’écologie ou l’alimentation, on s’intéresse à l’ensemble de la chaîne de valeur agroalimentaire, du champ au recyclage des déchets. Ces mots sous- entendent des échanges de savoirs, des relations entre production et consom- mation. Et ils impliquent des éléments de justice sociale et d’équité. Frank Eyhorn, directeur de Biovision, est un expert sur ces thèmes. Il nous en explique le sens dans son article de fond en tissant les liens avec les grands défis d’aujourd’hui : malnutrition, crise de la biodiversité, changement climatique (page 6). Nos reportages en Afrique de l’Est et en Suisse témoignent d’éléments de l’agroécologie qui sont déjà mis en œuvre (pages 2 et 8). L’agroécologie en Heureusement, à côté des défis complexes et des changements rapides, il existe des valeurs solides et durables, comme la pratique relation de confiance avec vous. Chères Grâce à son programme de diffusion des connaissances, Biovision met lectrices, chers lecteurs, merci du fond du en œuvre plusieurs principes de l’agroécologie. Nous donnons aux cœur pour votre intérêt pour notre travail familles rurales les moyens d’améliorer leur alimentation et leur et votre soutien fidèle à nos actions. revenu tout en préservant leur environnement. Et nous encourageons les échanges entre paysan·nes, scientifiques et autorités. Par Peter Lüthi, Biovision (texte) et Christian Bobst (photos) En visitant nos projets africains, je suis revenus. Un journal paysan, des formations toujours surpris par l’éloquence de beau- pratiques, des services de conseil agricole, coup de gens. Même dans les villages les une plateforme internet renommée, et sur- Peter Lüthi plus reculés, je rencontre régulièrement tout nos émissions radio constituent depuis Rédacteur et reporter, Biovision des paysan·nes qui tiennent une conversa- des années l’éventail de notre Programme tion raffinée et m’offrent des entretiens à la de communication paysanne (FCP : Farmer rhétorique soignée. Sans doute parce que Communication Programme). Au Kenya, une leur culture de communication a jusqu’ici radio nationale et quatre stations régio- été marquée par l’oralité. nales diffusent régulièrement, aux heures de grande écoute, des programmes spéciaux Biovision met à profit la puissance de la sur les méthodes de culture écologique, le parole pour diffuser des connaissances en stockage sûr des récoltes, les options efficaces vue d’autonomiser les populations rurales de transport et de commercialisation des pro- en améliorant leur alimentation et leurs duits agricoles. Les paysan·nes ont également 2
Impact des projets d’information Le Farmer Communication Programme (FCP) de Biovision est un paquet multi- média. Près de 2 millions de personnes sont touchées par les émissions de radio hebdomadaires de la deuxième station la plus populaire du Kenya, Maisha FM. Ces reportages sont également régulièrement promus sur la chaîne de TV populaire KTN Farmers. Chaque numéro mensuel des journaux paysans The Organic Farmer (Kenya) et Mkulima Mbunifu (Tanzanie) est lu par plus de 200 000 personnes. En outre, on compte 400 000 visiteur·euses par an sur la plateforme www.infonet-biovision.org. Efficace : 2 millions de personnes On peut y ajouter le lectorat d’un grand entendent parler de l’agriculture journal agricole kenyan (Smart Harvest) écologique à la radio avec ses reportages réguliers sur l’agri- culture écologique. Budget du projet 2020–2022 : la possibilité d’échanger sur les problèmes registrement et modère l’émission qui va CHF 3 699 483 rencontrés et les solutions trouvées. suivre. Cette fois, la question est de savoir comment éviter les pertes après récolte. www.biovision.ch/fcp-fr Conseils utiles sur les ondes Un sujet important, car au Kenya, entre 20 et Avant le confinement lié au coronavirus, 60 % des produits agricoles se détériorent Objectifs de développement la journaliste Julia Hofer et le reporter radio sur le long chemin du champ à l’assiette. durable (ODD) kenyan Macdonald Mathew ont rendu visite L’animateur tend le micro à une fermière. Biovision s’engage pour la réalisation à un groupe d’agricultrices à Machakos, Elle veut savoir pourquoi les fruits qu’elle de l’Agenda 2030 des Nations Unies. à l’est de Nairobi. Celles-ci se rencontrent amène au marché avec son âne se gâtent si Avec le FCP, Biovision contribue aux régulièrement pour partager leurs connais- vite. Une autre demande : « Comment empê- objectifs suivants : sances, se mettre en réseau et s’entraider. cher mes avocats de pourrir ? » Une vieille Un point de départ idéal pour un nouvel femme montre des haricots et des grains épisode sur la radio paysanne. de maïs : « Pourquoi sont-ils si petits ? » Les réponses sont données par un autre parti- Les femmes sont assises autour d’une pe- cipant, John Mutisya, qui conseille les agri- tite table sur laquelle sont installés un or- culteurs·trices sur mandat de Biovision. dinateur portable et deux enregistreurs. Il explique au micro que les fruits doivent Quelqu’un se branche sur Mbaitu FM (la être mieux emballés pour ne pas s’abîmer radio locale) et recherche l’émission The pendant le transport. « Vos avocatiers, Organic Farmer, diffusée vendredi dernier. ajoute-t-il, ne les laissez pas grandir ; vous La voix de Macdonald résonne dans les haut- pourrez ainsi récolter les fruits avant qu’ils parleurs. Bien entendu, les femmes pour- ne tombent et pourrissent. » « Et les fèves, raient aussi écouter l’émission à la maison, conseille-t-il, doivent d’abord être bien sé- mais ce ne serait pas pareil. Lorsqu’elles se chées puis stockées dans des sacs avec une réunissent, d’auditrices individuelles elles doublure intérieure épaisse ; on évite ainsi deviennent un groupe d’étude. la moisissure et la vermine. » Quant au maïs, il suppose que les grains ont été endomma- Dès que la radio s’est tue, Macdonald branche gés parce qu’on les a détachés de l’épi à son microphone, appuie sur le bouton d’en- coups de bâton. 3
Partage des connaissances : Les reportages de la radio et des journaux sont discutés ensemble Enregistrement en direct : Le reporter radio Macdonald Mathew stimule des discussions animées Astuce contre la moisissure : Gardez les haricots au sec ! Commerce équitable : Les médias paysans fournissent des informa- tions sur les prix actuels 4
L’agroécologie, concrètement diffusées sont testées scientifiquement. Les programmes radio de Biovision au Kenya Elles ne font pas qu’augmenter les récoltes: et en Tanzanie sont d’excellents exemples du elles servent aussi à maintenir et à amé- fonctionnement pratique de l’agroécologie. liorer la qualité de notre environnement D’une part, ce terme désigne une science de et de la biodiversité. Dans le cadre du FCP, l’écologie et de l’espace rural. D’autre part, un échange mutuel entre science et milieux il s’applique aux méthodes et pratiques agri- agricoles doit être mis en place – de même coles. Il désigne enfin également un mouve- qu’entre agricultrices, agriculteurs et grou- David M. Amudavi ment social et politique (voir pages 6-7). Le pements paysans. Ce programme contri- vit au Kenya. Directeur de BvAT et membre du programme FCP initié par Biovision et mis bue activement à un « mouvement bio » qui conseil d’administration d’IFOAM (association en œuvre depuis des années par notre or- prend de l’ampleur en Afrique de l’Est. internationale d’agriculture bio), il a étudié la ganisation sœur au Kenya, Biovision Africa biologie et l’éducation à l’environnement. Trust (BvAT) permet de réaliser ces trois aspects de l’agroécologie. Les méthodes Trois questions à David Amudavi de culture écologique et les instructions En quoi BvAT joue-t-elle un rôle clé pour l’agroécologie en Afrique ? BvAT peut atteindre directement beaucoup Du monde rural à la de paysan·nes et nous nous adressons également au grand public qui s’inquiète d’une alimentation malsaine. Nous sommes scène mondiale aussi écoutés au plus haut niveau poli- tique – grâce au mandat reçu de l’Union africaine pour mettre en œuvre l’initiative « agriculture biologique », ainsi qu’à Par Andreas Schriber, Biovision Africa Trust* nos réseaux locaux et mondiaux d’orga- nisations comme la FAO, IFOAM, FiBL, Biovision Africa Trust (BvAT), organisa- neuf pays. BvAT a ainsi atteint une recon- icipe, etc. tion à but non lucratif de droit kenyan, a naissance internationale et a rallié à ses été créée en 2009 avec les mêmes objec- côtés des donateurs supplémentaires. L’agroécologie, est-ce un tifs que la Fondation Biovision. On a ainsi enjeu pour les pays africains ? semé les graines permettant à terme une En 2018, BvAT a remporté l’appel d’offres reprise de l’action de Biovision en Afrique de projet de la Coopération allemande Oui ! Même si de nombreuses forces freinent par des acteurs nationaux. Dès sa fonda- au développement (GIZ/BMZ) pour la la diffusion des approches écologiques, tion, BvAT a repris les rênes des premiers mise en place de la plateforme régionale les nouvelles méthodes de production projets de communication paysanne (an- de connaissances Knowledge Center for durable sont très demandées. Des millions cêtres de l’actuel Farmer Communication Organic Agriculture. BvAT coordonne les de paysan·nes n’ont guère les moyens Programme – FCP). BvAT a brillamment activités du projet en Afrique de l’Est. d’acheter des pesticides et des engrais géré l’expansion et la mise en œuvre du Cette mission s’inscrit parfaitement dans chimiques. Pour eux, l’agroécologie est FCP en collaboration avec notre parte- le programme de développement de BvAT une alternative rentable. Aux yeux de naire de longue date icipe (institut inter- et accroît la diffusion de la communica- nombreux États, la sécurité alimentaire, national de recherche sur les insectes) à tion paysanne menée par Biovision en la santé et la protection de l’environne- Nairobi. En 2016, BvAT est reconnue par Afrique. ment prennent toujours plus d’importance. l’État kenyan en tant qu’organisation non gouvernementale exonérée d’impôt. Grâce à ces programmes complémen- Quel est le plus gros défi ? taires et à un accès aux décideurs de BvAT, une plaque tournante de l’agri- l’Union Africaine (UA), des opportunités Les méthodes durables demandent de culture biologique en Afrique prometteuses s’offrent à BvAT pour s’im- nombreuses connaissances. Elles néces- BvAT a reçu de la Direction suisse du dé- poser dans les années à venir comme un sitent une recherche et une formation veloppement et de la coopération (DDC) acteur important dans la diffusion des spécifiques. Beaucoup plus de moyens le mandat de coordonner l’Initiative pan- méthodes agroécologiques en Afrique. doivent y être consacrés très vite, africaine pour la promotion de l’agri- pour rattraper des décennies de négli- culture biologique en Afrique (EOA-I). gence impardonnable. De son côté, l’Union africaine l’a chargée * Andreas Schriber est fondateur et président du conseil de mettre en œuvre cette initiative dans d’administration de Biovision Africa Trust à Nairobi 5
Tout le monde doit se mobiliser pour transformer le système alimentaire Malnutrition, crise de la biodiversité, changement climatique : il est urgent de modifier la manière dont nous produisons et consommons notre alimentation. Comment réussir cette transition ? Et comment y contribue Biovision ? Par Frank Eyhorn, directeur de Biovision Nous mangeons tous les jours. Les aliments mation de nos systèmes alimentaires est une en Afrique et dans le monde – il faut utiliser que nous mangeons et leur mode de produc- tâche énorme pour l’ensemble de la société, plusieurs leviers : développer et propager tion impactent notre planète et nos socié- et c’est seulement ensemble que nous pour- des méthodes de production écologiques, tés comme aucune autre activité humaine. rons la mener à bien. investir dans des processus économiques L’agriculture d’aujourd’hui est en grande durables, forger des cadres politiques fa- partie responsable de la perte inquiétante Tout d’abord, nous devons comprendre ce vorables. Biovision est impliquée dans tous de biodiversité et de fertilité des sols ainsi que nous attendons du système alimentaire : ces domaines et met en action ces leviers que de la pression sur les ressources en eau. un rendement le plus élevé possible et des grâce à des approches innovantes et de Près d’un tiers des émissions mondiales de calories bon marché, sans se soucier des larges alliances de partenaires. Ainsi, nous gaz à effet de serre provient du système effets secondaires ? Ou une alimentation aidons les gouvernements à aligner systé- alimentaire – du champ à l’assiette. saine pour toutes et tous, qui soit produite matiquement leurs stratégies et leurs lois en dans le respect de l’environnement, du bien- faveur de systèmes alimentaires durables. Au niveau mondial, les systèmes alimentaires être animal et des droits humains, tout en Pour cela, il est souvent nécessaire de dé- d’aujourd’hui n’atteignent pas leur objectif : permettant à chacun·e de recevoir un salaire passer les intérêts d’acteurs puissants dont 2 milliards de personnes souffrent de la faim équitable ? les modèles économiques reposent sur des ou de la malnutrition, et 3 milliards mangent approches et des concepts dépassés. de manière nocive pour leur santé. La plu- Connecter la production et la part des gens qui vivent du système alimen- consommation Il est particulièrement important de stimu- taire – dans l’agriculture, la transformation, L’agroécologie (pour une définition, voir ler une prise de conscience du public sur les la cuisine, la vente – appartiennent aux www.biovision.ch/AE) se révèle être un liens entre nourriture, environnement, santé groupes de population à faibles revenus. concept prometteur et fédérateur dans ce et bien-être. En fin de compte, chacun·e processus de transformation. Elle propose d’entre nous décide comment nos systèmes Deux à trois calories d’énergie fossile des pratiques scientifiquement fondées qui alimentaires doivent évoluer, en exerçant pour une calorie de nourriture permettent une production en harmonie nos droits politiques et par nos choix quo- De même, nos systèmes alimentaires actuels avec la nature. Ce concept est pratiqué avec tidiens de consommation. ne sont pas vraiment efficaces : 40 % des succès, par exemple, dans nos projets de terres arables dans le monde servent à pro- protection intégrée des cultures en Afrique Ensemble, nous pouvons influencer l’allure duire des aliments pour animaux ou du car- de l’Est. Les principes agroécologiques tels du monde de demain. Parce que nous man- burant. Nous dépensons deux à trois calories que la promotion de la biodiversité, la vi- geons toutes et tous. Tous les jours. fossiles pour produire une calorie alimen- sion circulaire et fermée des grands cycles taire, alors que le principe même de l’agri- (carbone, azote, phosphore, etc.) et la réduc- culture est de convertir de l’énergie solaire tion des engrais et des pesticides de synthèse en nourriture. Qui plus est, le tiers de cette n’aident pas seulement à développer des production est finalement jeté par la suite. systèmes alternatifs intelligents. Ils amé- liorent aussi progressivement les méthodes Le débat sur notre avenir alimentaire est agricoles conventionnelles. De plus, l’agro- fortement polarisé. Nous en avons fait écologie vise à connecter la production avec l’expérience en Suisse lors des votations la consommation tout au long de chaînes de sur les initiatives anti-pesticides. Les pré- valeur équitables. Biovision accompagne Frank Eyhorn Directeur de Biovision, expert en paratifs du Sommet des Nations Unies sur ainsi au niveau local les paysan·nes dans la systèmes alimentaires durables les systèmes alimentaires, qui doit se tenir commercialisation de leurs produits. à New York à l’automne, sont marqués eux aussi par d’énormes tensions entre des Surmonter des modèles économiques camps fermement opposés. Cette guerre obsolètes de tranchées ne nous fait pas avancer vers Pour provoquer cette transformation ur- des solutions, bien au contraire. La transfor- gente du système alimentaire – en Suisse, 6
Systèmes alimentaires durables : notre alimentation façonne le monde La façon dont nous mangeons – de la recherche et de la production à la consommation et à la gestion des déchets alimentaires – a une incidence sur notre santé, la société et l’environnement. Nos systèmes alimentaires doivent être transformés afin que chacun·e ait accès à une alimentation saine, que les conditions de travail soient équitables, que les droits humains, la nature et la santé animale soient respectés. L’agroécologie Les 13 principes de l’agroécologie L’agroécologie est une approche holis- 1. Recyclage et cycles de ressources fermés 10. Conditions équitables et justes tique visant à relier les domaines éco- 2. Réduction des intrants 11. Proximité et confiance entre produc- logique, social, économique et culturel. 3. Santé du sol teur·trices et consommateur·trices Elle repose sur 13 principes qui per- 4. Santé animale 12. Gouvernance des terres et des mettent la transformation des systèmes 5. Biodiversité ressources naturelles alimentaires vers une plus grande dura- 6. Favoriser les synergies 13. Participation bilité. 7. Diversification économique 8. Co-création des connaissances https://agroecologyprinciple.cidse.org/ 9. Valeurs sociales et régimes alimentaires les-principes-de-lagroecologie-preface 7
Des produits frais dans son quartier : « La Fève » rapproche agriculteur·trices et consommateur·trices Un supermarché participatif paysan pour consommer autrement Dans le canton de Genève, à Meyrin, La Fève réunit mangeurs et producteurs pour reprendre la main sur le système alimentaire. Par Réane Ahmad (texte) et François de Limoges (photos) De plus en plus d’épiceries solidaires voient de transformation (boucherie, boulangerie, pour le magasin au profit de Migros VOI en le jour en Suisse, inspirées d’initiatives fromagerie), une ferme urbaine et une au- 2018 a été un coup dur. Le supermarché a étrangères telles que La Louve à Paris, la berge. Mariage entre distributeur général et dû s’installer provisoirement dans un local BEES coop à Bruxelles ou encore le Park Slope magasin paysan, le supermarché travaille de 60 m2, puis de 100 m2. « Cet espace est Food Coop à New York. Implantée à Meyrin sur la base de contrats avec cinq maraîchers, trop petit pour faire le lien avec les pay- (GE), La Fève invente un nouveau modèle qui prévoient un plan de cultures commun. sans et les ateliers de transformation. Il fait pour renouer avec les circuits courts. Raeto Prix, quantité et qualité sont réglés d’avance office de magasin bio « bobo » du quartier, ce Cadotsch, pionnier charismatique de l’agri- et le distributeur s’engage à acheter leur qui n’est pas notre objectif de base », décrit culture contractuelle de proximité, en est production, un peu à l’image de paniers Raeto Cadotsch. Soutenue par le canton et la l’un des fondateurs dans l’écoquartier Les contractuels à l’échelle d’un quartier. Par commune pour la construction d’un nouveau Vergers : « La Fève est née de la rencontre ailleurs, La Fève dialogue régulièrement bâtiment, La Fève fait face à un recours et des coopératives d’habitation et des coo- avec ses 250 membres, qui s’activent au espère quand même donner le premier coup pératives agricoles. À côté de thématiques moins deux heures par mois pour la coopé- de pioche cet hiver. « C’est difficile pour comme l’isolation, les transports ou l’éner- rative. Un minimum de 500 consommateurs notre petite structure, basée essentielle- gie, auxquelles les futurs habitants étaient permettrait d’atteindre la rentabilité pour ment sur le bénévolat, de perdre de l’argent sensibles, nous avons amené le sujet de l’agri- le magasin. « Globalement, nous essayons en attendant. Des nouveaux projets dans culture dès 2014. Rapidement, l’alimenta- de devenir un vrai partenaire de la com- d’autres quartiers devront intégrer le thème tion est devenue le leitmotiv du quartier mune de Meyrin, qui se fixe comme objectif de l’alimentation dès leur planification. » avec plusieurs projets, dont la création d’un d’approvisionner 100 % des crèches et éta- centre d’achat permettant aux gens de se blissements scolaires en bio. » Autre défi: La Fève peine à trouver des rencontrer ». gammes de produits suisses très bon mar- Un défi de taille ché, sans compter le manque de place pour Aujourd’hui, quatre coopératives existent Parmi les difficultés rencontrées, la perte proposer un large assortiment. Ainsi, diffi- autour de La Fève : un magasin, des ateliers de l’espace de 500 m2 initialement prévu cile d’élargir le public au-delà du cercle de 8
convaincus. « Pour les légumes et produits et le commerce décident de ce que vous Commentaire frais, nous sommes jusqu’à 20 ou 30 % mangez demain. En tant que paysan, je moins cher que le bio de la Migros », re- n’ai jamais voulu produire sans savoir qui Local, saisonnier, durable lève néanmoins Raeto. Reste encore à faire mangeait ». Quant à l’image élitiste qui colle Le credo de la FRC ? L’information. Plus on passer le message à la population. Le co- à la peau de ce type d’épiceries, il répond : en sait, plus on est enclin à privilégier un fondateur de La Fève assume volontiers le « Notre but est de causer avec les gens, de mode durable de consommation. La durabi- caractère utopiste et futuriste du projet : leur expliquer ce qu’est une ferme. Ce n’est lité de l’agriculture suisse dépend autant « La réalité d’aujourd’hui fait un peu peur ! pas de l’exclusivité, c’est de l’ordinaire. » de la pérennité d’un tissu paysan local On va dans un mur où plus personne ne dé- fort que d’une production qui diminue son cide de son alimentation, seuls l’industrie www.la-feve.ch impact écologique. Notre association partage trois de ses combats actuels avec le monde agricole : la valorisation de la saisonnalité indigène, la déclaration obligatoire des modes de production Sortir de la niche ! pour les importations et la promotion des circuits courts. Par Daniel Langmeier, Biovision Covid ou non, la FRC est convaincue que la part de marché due aux circuits courts Le supermarché solidaire « La Fève » montre 13 juin 2021 ont été rejetées mais le mou- et à la vente directe doit augmenter. Car qu’il faut penser et agir bien au-delà de vement continue. En effet, si les fermes ainsi l’acheteur comprend mieux le métier la production alimentaire pour respecter biologiques se passent déjà de pesticides de paysan et le producteur assume sa les principes agroécologiques qui couvrent de synthèse, l’organisation IP-Suisse vient responsabilité envers le client. Ce faisant, aussi l’interaction entre le monde pay- de prendre une décision importante : les les marges partant aux intermédiaires san et nos habitudes de consommation. fermes en production intégrée se conver- diminuent, les capitaux se concentrent sur Ce magasin de quartier genevois permet tiront à la culture de céréales sans pesti- la production et les denrées fraîches sont d’établir une relation de confiance entre cides de synthèse ces prochaines années. accessibles à toutes les bourses. producteur·trices et consommateur·trices, Très bien ! en ancrant le système alimentaire dans Mais gagner en volume vendu ne sera pas l’économie locale. Grâce à une garantie Cet exemple positif doit être suivi par possible sans créativité logistique et coup d’achat, le risque est partagé entre les d’autres, par exemple dans la culture des de main des organisations agricoles paysan·nes et les consommateur·trices. fruits. Et la balle change de camp. En effet, (mise en réseau des paysans, modes de Cette sécurité permet aux exploitations les pesticides de synthèse sont utilisés paiement) comme des villes (mutuali- d’expérimenter des approches nouvelles pour produire de « beaux fruits », entre sation d’espaces de vente et de stockage, et durables. autres pour des raisons cosmétiques, par marchés ouverts et couverts). Le produc- exemple contre la tavelure. Pour changer teur doit pouvoir consacrer son temps à Des projets similaires à « La Fève » voient cela, nous avons besoin de la coopération cultiver ses terres et le consommateur le jour un peu partout en Suisse : épice- des producteur·trices et des acheteur·ses. faire ses courses sans parcourir toute la ries participatives, projets d’agriculture Pour passer à une culture sans pesticides, campagne. Les initiatives qui se déve- contractuelle de proximité. Ces initiatives les producteur·trices dépendent d’une loppent dans notre pays pour rapprocher doivent petit à petit sortir de leur niche et clientèle avertie qui achète les fruits peut- davantage encore leurs impératifs au faire école. Pour parvenir à une transfor- être « moins beaux ». Cette solidarité et quotidien sont bienvenues. mation nationale du système alimentaire, cette compréhension mutuelle doivent il faut une alimentation saine et durable maintenant se développer dans les com- qui soit facilement accessible à toutes et merces conventionnels et les centres com- tous à des prix équitables. merciaux, pas seulement dans les maga- sins alternatifs. Les grands distributeurs La balle est dans le camp des grands ont un rôle à jouer, mais des organisations distributeurs – et le nôtre comme Biovision aussi. En effet, depuis Le concept d’agroécologie réunit tous ces une décennie, nous nous engageons avec principes de base pour la mise en œuvre notre projet « CLEVER » à diffuser des in- Sophie Michaud Gigon d’un système alimentaire durable (voir formations sur les achats écologiquement Secrétaire générale de la Fédération p. 7) : il faut agir au niveau de la produc- et socialement responsables, notamment romande des consommateurs tion, de la distribution et de la consomma- dans les écoles et auprès du grand public. et Conseillère nationale du canton tion. Exemple : comment réduire l’usage de Vaud des pesticides de synthèse en Suisse ? Les deux initiatives anti-pesticides du www.clever-consommerdurable.ch 9
Actualités Biovision Nouveaux partenariats de recherche en Afrique Dernières nouvelles de nos projets de sensibilisation, de l’Est de développement et de plaidoyer, en Suisse et à l’international. Cette année, nous avons lancé de nou- veaux projets avec trois institutions in- ternationales de recherche au Kenya et en Tanzanie. Le Centre mondial d’agro- foresterie ICRAF, le Centre mondial de recherche sur les légumes WorldVeg et l’Institut de recherche agricole ICRISAT examinent dans le cadre de notre parte- nariat l’application des approches agro- écologiques dans leur travail et au sein de leurs organisations. Nous sommes enthousiasmés par ces processus com- muns d’apprentissage pour la transfor- mation de nos systèmes alimentaires. Conseil de fondation de Biovision en 2021 : Barbara Frei Haller, Et nous nous réjouissons de pouvoir Paula Daeppen-Dion, Mathis bientôt rendre compte des fruits de cette Zimmermann, Shruti Patel, Hans R. coopération. (fko) Herren (à l’écran), Maya Graf, Ruedi Baumgartner (de g. à d.) Bienvenue au Conseil Là, elle se concentre sur la sécurité alimen- de fondation ! taire et nutritionnelle et sur la création de partenariats pour le développement. Shruti Patel, ancienne responsable pour Impressum Biovision du Programme de communica- Née au Kenya, elle a étudié l’agriculture à Magazine Biovision nº 66, août 2021, 22 e année tion paysanne (voir p. 2), a été élue au l’Université de Nottingham en Angleterre Le magazine est publié 5 fois par an. Dès 5 CHF Conseil de fondation fin juin. Elle va donc et a obtenu sa maîtrise en études du déve- de don, il est inclus sous forme d’abonnement. nous accompagner dans l’application sur loppement à l’Université de Cambridge. Tirage 31 500 exemplaires (français et allemand) le terrain d’une recherche scientifique de Elle a ensuite travaillé dans la coopération premier ordre. Elle s’en réjouit : « Je conti- au Lesotho et au Bangladesh, entre autres, © Fondation Biovision, Ch. de Balexert 7, 1219 Châtelaine (GE) nuerai de faire partie de Biovision. C’est et a soutenu les gouvernements de Rou- merveilleux de travailler avec des gens manie et de Tanzanie dans la conception Rédaction/Édition photo/Production que j’apprécie et admire, qui me lancent de programmes éducatifs pour les per- Peter Lüthi, Martin Grossenbacher parfois des défis et avec qui je peux sonnes à faibles revenus. Relecture Antenne romande de Biovision ; partager mes propres visions. » Shruti Text Control SA Patel a quitté Biovision en mars 2021 Nous sommes ravi·es de continuer à béné- Crédit photos Couverture : Version 1 / Productrice pour rejoindre l’EPFZ à Zurich en tant que ficier de l’expertise et de l’engagement de de mangues au centre du Kenya prête pour le trans- professeure associée au Centre de déve- Shruti Patel. (pl) port vers le marché, photo Peter Lüthi / Biovision ; loppement et de coopération (NADEL). Version 2 / Producteur de légumes bio au marché paysan d’Ilanz, photo Peter Lüthi / Biovision. Peter Lüthi / Biovision : pages 1 et 4 à droite ; Christian Bobst : pages 2/3 et 4 en haut et à gauche ; François de Limoges : page 8 ; mise à disposition : page 9 Rencontres à Fribourg, à droite ; Béatrice Devènes / Biovision : page 10 Genève et Lausanne en haut ; Viktor Talashuk / Pexels : page 11 à gauche ; Laura Angelstorf / Biovision : page 11 à droite ; L’équipe de sensibilisation à la consom- Florian Blumer / Biovision : page 12 mation responsable de Suisse romande Mise en page Binkert Partnerinnen, Zurich participe avec des stands d’information à Impression Koprint AG, Alpnach Fribourg au Port (jardins participatifs et Papier Nautilus Classic (100 % recyclé) bistrot écoresponsable) le samedi 28 août de 11h à 17h, puis au Festival Alternatiba Biovision est un partenaire officiel de la Direction Léman le samedi 4 septembre au Parc des Sauvabelin à Lausanne pour le Marché du développement et de la coopération (DDC), Bastions à Genève, et enfin le dimanche d’automne de ProSpecieRara. Au plaisir de Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). 12 septembre de 9h à 17h au Parc de vous rencontrer et d’échanger avec vous ! Les projets internationaux de Biovision sont soutenus financièrement par la DDC. 10
Anna Schöpfer Responsable du programme Consommation responsable, Biovision « Plantez vos propres framboisiers ! » Framboises : petits fruits Les baies sont populaires et très saines. Mon conseil : si possible, cultivez vos propres framboisiers dans votre jardin ou mais grand impact ? sur votre balcon ! Hors saison, je recom- mande les framboises bio surgelées. Leurs ventes ont progressé de plus d’un cinquième l’an dernier. Lesquelles peut-on déguster sans trop d’impact environnemental et social ? Et quand ? Par Maggie Haab et Anna Schöpfer, Biovision Faits et chiffres Plus de 2000 t de framboises Les petits fruits sont parmi les cultures produites en Suisse par an. demandant le plus de main-d’œuvre. La Climat framboise est exigeante en matière de Les framboises suisses ne couvrent Conditions soins et nécessite des investissements de vie satis- même pas 1/3 de la élevés. Il s’agit d’une activité risquée faisantes Pollution demande nationale. en Suisse, où les salaires sont élevés – et Les baies surgelées sont c’est pourquoi les baies suisses conven- meilleures que les fruits tionnelles ont un prix similaire à celui frais sur le plan des vitamines et des des framboises biologiques espagnoles. spores fongiques néfastes. Les framboises bio helvétiques coûtent environ 50 % plus cher. Les framboises contiennent de Impact social Consommation et bien-être des ressources précieux minéraux, acides Sur le plan botanique, le framboisier est animal de fruits et substances une rosacée qui produit en Suisse de mi- Biodiversité végétales bénéfiques. juin à fin septembre. Cependant, beau- Elles sont riches en vitamines, coup veulent profiter de ce petit fruit toute Framboises suisses calcium et acide folique. l’année, ou au moins l’intégrer à leur menu Framboises bio espagnoles dès que les journées chaudes arrivent. Plus la surface couverte par la forme est L’Espagne, avec 17 808 t par an, Dans le cadre de notre programme de grande, plus le produit est durable. est le plus gros producteur de sensibilisation « CLEVER », nous avons framboises d’Europe. analysé à quel point les framboises suisses conventionnelles sont durables pendant la saison de mi-juin à fin septembre par Les framboises bio espagnoles sont plus durables rapport à l’alternative bio d’Espagne, au Le label Bourgeon bio garantit le respect mineur sur l’environnement et le climat. Ce prix similaire et disponible quatre mois de directives en matière de consommation n’est qu’en matière de consommation de res- plus tôt dès mars (voir diagramme en d’énergie, de conditions de travail et d’envi- sources que la framboise espagnole a obte- araignée). ronnement. Les baies espagnoles sont donc nu des notes plus mauvaises en raison d’un mieux notées en matière de biodiversité et climat plus sec (qui demande plus d’eau). Info et calendrier saisonnier à télécharger : de pollution que les baies conventionnelles Globalement, les framboises bio espagnoles www.clever-consommerdurable.ch suisses. Les transports n’ont qu’un impact ont moins d’impact environnemental. 11
Notamment parce que les plantes offrent un énorme potentiel inexploité pour nourrir le monde sans pesticide de synthèse ni OGM. Il y a une vingtaine d’années, Florianne Koechlin a découvert la méthode Push-Pull (répulsion-attraction des insectes) dans la revue « Nature ». Cette méthode de culture écologique, développée par le partenaire Biovision au Kenya, icipe, combat effica- cement les ravageurs du maïs en utilisant des parfums végétaux. Cette information l’a « électrisée », dit-elle. Avec Hans Herren à Nairobi Quelques années plus tard, elle a visité l’institut de recherche sur les insectes icipe, dirigé à l’époque par l’actuel président de Biovision Hans Rudolf Herren. Un lien qui s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui. Florianne Koechlin lui consacre un chapitre entier dans « La vie est un mystère » son tout dernier livre « Des sols qui sonnent et des plantes qui dansent » (en allemand, disponible sur le shop en ligne Biovision). Dans ces pages, Hans Herren rappelle à Florianne Koechlin est biologiste, auteure et militante écologiste. quel point l’agroécologie s’est développée Elle consacre deux chapitres de son dernier livre aux expos et aux ces 20 dernières années et pourrait nourrir projets de Biovision. le monde aujourd’hui comme l’ont confirmé nombre d’expert·es. Par Florian Blumer, rédacteur (texte et photo) La biologiste engagée est convaincue qu’une approche holistique est nécessaire pour « Merveilleux, n’est-ce pas ? » Rayonnante, activement entre eux, échangent des nutri- transformer le système alimentaire – une Florianne Koechlin nous montre un grand ments et se défendent de façon ciblée contre autre convergence avec Biovision. Pour son figuier dans l’arrière-cour de sa petite mai- les attaques de parasites. dernier livre, par exemple, elle s’est entre- son ouvrière à Münchenstein (BL), où elle vit tenue avec l’artiste sonore et expert de depuis 1986. « J’aime son allure archaïque, Capturer l’essence des plantes l’environnement Marcus Maeder au sujet la façon dont il porte ses fruits. C’est mon en les peignant du projet « Sounding Soil » de Biovision. Ce arbre préféré. » Florianne Koechlin en est convaincue : « La projet sensibilise à la protection des sols en science ne pourra jamais les expliquer com- les rendant présents grâce aux sons qu’ils Depuis de nombreuses années, cette biolo- plètement. » Elle reste souvent assise pour émettent. giste de 73 ans rencontre des chercheur·eu- peindre dans la forêt pendant des heures : ses, des philosophes, des paysan·nes et ra- « Avec ma palette de couleurs et mon pin- Même si nous ne comprendrons jamais conte leurs expériences. Sept livres en sont ceau à la main, je me sens plus proche des vraiment qui sont au juste les plantes, les sortis. « Que savons-nous sur la vie ? », se plantes qu’avec les sciences naturelles. » livres et les images de Florianne Koechlin demande-t-elle. En tout cas, que les plantes nous rapprochent beaucoup de leur essence. ne sont pas juste des « bio-machines » qui Depuis les années 80, elle s’est engagée en prélèvent l’eau du sol et le CO2 de l’air. première ligne contre le génie génétique En savoir plus sur Florianne Koechlin : En lisant ses livres il semble évident que les dans l’agriculture. Elle est persuadée qu’un www.blauen-institut.ch plantes sont des êtres qui communiquent virage vers l’agroécologie est nécessaire. Fondation pour un développement écologique www.biovision.ch, www.facebook.com/biovision.francais Stiftung für ökologische Entwicklung Pour vos dons : compte postal 87-193093-4 Foundation for ecological development
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