Changement climatique - Un seul monde No3 / SEPTEMBRE 2014
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No 3 / SEPTEMBRE 2014 LE MAGAZINE DE LA DDC Un seul monde SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION www.ddc.admin.ch Changement climatique Les pauvres en souffrent plus que les riches Cambodge : spoliés de leurs terres, ils descendent dans la rue Catastrophes naturelles : un intérêt mondial pour la gestion des risques
Sommaire D O S S I E R CHANGEMENT CLIMATIQUE 8 Une chaleur qui ralentit le développement Le bouleversement climatique affecte de manière disproportionnée les populations défavorisées. Il menace d’anéantir les efforts de réduction de la pauvreté. 12 L’inaction ne fait qu’augmenter les risques Entretien avec Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques 14 Partager les solutions à des défis planétaires Le Programme global Changement climatique de la DDC soutient l’échange de savoir sur ce phénomène au niveau mondial 17 Des pluies de plus en plus imprévisibles Le cycle hydrologique est perturbé. Les populations locales recourent à diverses stratégies pour s’adapter à l’excédent ou à la pénurie d’eau. 19 Faits et chiffres H O R I Z O N S 20 Des expulsions massives au nom du développement Au Cambodge, la population souffre du manque de structures propres à un État de droit 23 Sur le terrain avec... Rahel Bösch, cheffe du bureau de la DDC à Phnom Penh 24 Mon combat contre la violence domestique Sopheap Ros raconte à quel point il est difficile de défendre les droits des femmes dans une culture patriarcale D D C 25 Un palais de justice sur quatre roues Au Pakistan, un tribunal mobile sillonne des villages reculés, où les habitants n’ont pas accès à la juridiction officielle F O R U M 28 Les catastrophes rapprochent les peuples Une délégation internationale s’est rendue en Valais pour s’inspirer des expériences de ce canton en matière de gestion des catastrophes 31 Tempête de gypsophiles Carte blanche : la Mongole Gangaamaa Purevdorj Delgeriinkhen évoque les fleurs qui tourbillonnent au printemps sur la steppe C U L T U R E 32 La force symbolique de Tombouctou Avec l’aide internationale, la Perle du désert reconstruit son précieux héritage culturel, vandalisé par les extrémistes islamistes 3 Éditorial 6 Périscope Un seul monde est édité par la Direction du développement 27 DDC interne et de la coopération (DDC), agence de coopération internationale intégrée au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). 34 Service Cette revue n’est cependant pas une publication officielle au 35 Coup de cœur avec Didier Ruef sens strict. D’autres opinions y sont également exprimées. C’est pourquoi les articles ne reflètent pas obligatoirement 35 Impressum le point de vue de la DDC et des autorités fédérales. 2 Un seul monde No 3 / Septembre 2014
Éditorial DDC Développer des idées en veillant à leur faisabilité « Le simple fait de ne pas avoir d’idées ne fait pas de Lorsque la guerre a éclaté en Syrie, la DDC a réagi très vous un réaliste », écrivait Max Frisch, l’écrivain origi- vite. Depuis début 2011, elle a affecté aux victimes de naire de ma ville natale Zurich. J’ajouterais que le fait de cette crise une aide dont le montant dépasse 85 millions perdre le sens des réalités ne fait pas non plus de vous de francs. Ce soutien et la défense du droit international un visionnaire. En tant que directeur de la DDC, j’ai tenté humanitaire jouent un rôle crucial, même si le conflit doit de m’en tenir à la maxime suivante : développer des être résolu au niveau politique. Sous une énorme pres- idées en veillant à leur faisabilité. Arrivé au terme de mon sion, nous avons lancé dès 2011 des programmes en mandat, je souhaite jeter un regard sur les six ans pas- Égypte, en Tunisie et en Libye. Les révolutions arabes sés à la tête de l’institution. Non pas pour présenter un ont aussi eu d’importantes répercussions en Afrique rapport d’activités, mais plutôt pour partager des idées, subsaharienne, où nous avons dû réorienter et renforcer évoquer quelques souvenirs et envisager l’avenir. nos interventions. Je suis persuadé que nos activités La pauvreté, les États fragiles et les nouveaux risques aux côtés des personnes vivant dans des conditions ex- mondiaux ont été d’actualité pendant ces six années. trêmes occuperont encore plus de place à l’avenir, que Lorsque je suis entré en fonction, en 2008, les Objectifs ce soit dans la Corne de l’Afrique, en Afghanistan, au du Millénaire pour le développement se trouvaient à mi- Soudan du Sud ou ailleurs. Nous interviendrons égale- parcours : le nombre de pauvres avait sensiblement di- ment davantage dans des cas de catastrophes natu- minué, mais les progrès étaient très inégaux. Dans les relles, comme nous l’avons fait en Haïti, au Pakistan et, pays toujours livrés à des conflits et à des tensions, la plus récemment, aux Philippines. pauvreté et la misère demeuraient invaincues. Défis mondiaux États fragiles Dans les années qui ont suivi la crise financière et éco- Ces dernières années, le travail dans et sur les contex- nomique de 2008, les défis liés à la durabilité et à la ra- tes fragiles a revêtu une importance croissante : des ac- réfaction des ressources sur notre planète ont gagné en tions concrètes ont été menées, on a élaboré de nou- importance : accès à l’eau, aux matières premières et à velles politiques et le thème a été débattu au niveau l’énergie, changement climatique, sécurité alimentaire, international. La Suisse a joué un rôle actif dans ce do- migrations et problèmes sanitaires globaux. Ils exercent maine. Peu d’agences de développement sont aussi une grande influence sur la pauvreté dans le monde. proches des populations locales que nous et peu Les modèles classiques, qui misent sur le développe- d’entre elles restent sur place aussi longtemps, même ment des capacités locales, ne suffisent pas à surmon- quand cela devient difficile. Grâce à sa neutralité et à sa ter durablement ces problèmes. La logique Nord-Sud crédibilité humanitaire, la Suisse dispose d’une marge n’a plus cours. Voilà pourquoi la DDC s’est dotée dès de manœuvre, y compris dans les situations presque in- 2009 de programmes globaux. Alliant expérience pra- extricables, si elle agit correctement. tique et définition de la politique, ceux-ci déploient leur Un seul monde No 3 / Septembre 2014 3
et permis cette réorientation. À l’époque, d’aucuns ont pensé qu’elle précéderait la révision des contenus. C’était une erreur. Ils confondaient succession dans le temps et enchaînement logique. La réorganisation a été d’emblée axée sur la redéfinition des activités. Elle a créé les conditions institutionnelles pour la mise sur pied des programmes globaux, pour une meilleure harmoni- sation des activités multilatérales et bilatérales, et pour une nouvelle organisation du savoir. On a vérifié tous les programmes et projets. La collaboration au sein du DFAE et de l’administration fédérale s’est intensifiée. La réor- ganisation n’a pas seulement modifié des structures. Elle a aussi permis d’élaborer de nouveaux outils de tra- vail, dont on ne percevra que dans l’avenir toute la por- tée et l’utilité. Ce changement répondait aux souhaits du Parlement et d’une partie de l’opinion. Au fil du temps, nous sommes Andreas Herzau/laif ainsi parvenus à renforcer la confiance dans la coopé- ration au développement et à montrer que la Suisse peut être fière de sa contribution à la lutte contre la pauvreté. Haïti 2010 Ce résultat, nous le devons en particulier au débat sur la suissitude, qui a animé les années 2009 et 2010. efficacité avec des moyens financiers relativement limi- tés. Ils interviennent là où l’effet de levier est optimal, donc pas nécessairement dans les pays les plus défa- « La géographie de la vorisés, même si leur objectif reste d’améliorer le sort des pays et des populations pauvres. Les programmes pauvreté évolue. La globaux sont la plus grande innovation de la DDC de ces majeure partie des dernières années. Je suis persuadé que leurs approches recèlent un grand potentiel pour l’avenir. personnes défavorisées L’Europe et la coopération avec l’Est vivent dans des villes Depuis deux décennies, la Suisse soutient la transition – et dans des pays à des pays d’Europe de l’Est vers la démocratie, l’État de droit, le respect des droits de l’homme et l’économie de revenu intermédiaire. » marché. Malgré quelques revers, les progrès sont pa- tents. Lorsque je suis arrivé à la tête de la DDC, nous avons commencé de mettre en œuvre, en collaboration Reconnaissant ces efforts, le Parlement a décidé d’aug- avec le Secrétariat d’État à l’économie (Seco), la contri- menter l’aide au développement, en lui consacrant bution à l’élargissement de l’UE. Cet instrument de la 0,5% du revenu national brut à partir de 2015. Une telle politique européenne de la Suisse a été au cœur de hausse est unique dans l’histoire de la coopération nombreuses controverses sur le plan national. suisse. Nouvelle stratégie Vers un nouvel agenda du développement Pour concrétiser les nouvelles priorités, il a fallu revoir La coopération internationale s’apprête aujourd’hui à nos méthodes de travail et nos concepts. Les change- franchir un cap comparable à celui qu’elle a doublé au ments ont été repris dans la stratégie 2013-2016 en début du millénaire. La géographie de la pauvreté évo- matière de coopération internationale. Ce texte marque lue. La majeure partie des personnes défavorisées un tournant dans l’histoire de la coopération au déve- vivent dans des villes – et dans des pays à revenu inter- loppement, de la coopération avec l’Est et de l’aide hu- médiaire. La mondialisation accroît les défis plané- manitaire de la Suisse. Pas seulement par son contenu, taires. Le délai fixé pour les Objectifs du Millénaire ex- mais aussi parce qu’il regroupe pour la première fois pire l’année prochaine. Voilà pourquoi nous avons pré- toutes les activités de la DDC et du Seco. La stratégie conisé très tôt et activement l’élaboration, au sein de se fonde sur une vaste consultation, menée bien au-delà l’ONU, d’un nouvel agenda international du développe- de l’administration fédérale. ment qui tienne compte des trois piliers – économique, La réorganisation de la DDC, de 2008 à 2012, a préparé social et écologique – de la durabilité. Des objectifs 4 Un seul monde No 3 / Septembre 2014
clairs et mesurables doivent être définis. Il faut aussi que les pays du Nord, et pas seulement ceux du Sud, chan- gent de comportement. Le futur agenda international déterminera en outre les activités de la DDC. Grâce aux mesures prises ces dernières années, la DDC est parée pour l’avenir. Preuve en est la bonne appréciation qu’elle a obtenue début 2014 au terme de son examen par l’OCDE. Quelques souvenirs personnels Sur le plan personnel, ces six années ont été passion- nantes, haletantes parfois, et marquées par des ren- contres exceptionnelles. Ce qui restera le plus profon- dément gravé dans ma mémoire, ce sont les moments passés avec des collègues, aux côtés des personnes dont nous nous efforçons d’améliorer l’avenir : chaussé de bottes sales dans un réservoir d’eau en Moldavie ; secoué à l’arrière d’un pick-up dans l’Hindou Kouch ; couvert de sueur et assoiffé dans l’aridité de la Corne de l’Afrique ; autour du feu dans les yourtes de bergers mongols ; écoutant d’incroyables récits dans les bidon- villes latino-américains ; marchant dans les décombres Philippe Roy/hemis.fr/laif et les gravats après le séisme en Haïti ; en discussion animée avec de jeunes chercheurs est-européens ; tra- versant, sac au dos, les rizières escarpées du Népal ; Burkina Faso 2013 tastique engagement et leur amitié. Je remercie les deux chefs de département qui m’ont permis d’accomplir mon travail en m’accordant leur confiance. Merci aussi aux institutions partenaires, aux œuvres d’entraide, aux organisations non gouvernementales et aux nombreu- ses personnes que j’ai eu l’occasion de rencontrer. La liste est longue. Lorsque je représenterai la Suisse à Washington, je n’oublierai pas la DDC. L’aide humanitaire, la coopéra- tion au développement et la coopération avec l’Europe de l’Est occupent une grande place dans la politique étrangère suisse. Par bonheur, cette dernière poursuit des objectifs qui coïncident avec ceux de la DDC, à Justin Vela /Aurora/laif savoir l’éradication de la pauvreté et de la misère, le res- pect des droits de l’homme, la construction de la paix et la promotion de la démocratie. Notre tâche n’est ni tech- nique ni administrative. Elle est centrée sur des êtres Népal 2009 humains, que nous devons aider à prendre leur destin en mains. Pour mener cette mission à bien, il faut de écoutant les rires joyeux des enfants africains à l’ombre l’ouverture d’esprit, de l’expérience politique, du cou- d’un baobab. Tout cela me laisse des souvenirs plus rage et la faculté d’accepter les critiques. vivaces que des entretiens avec des ministres, des En développant des idées et en veillant à leur faisabilité, discours prononcés devant l’Assemblée générale de nous façonnons également notre propre avenir. l’ONU ou le travail à la centrale à Berne. Martin Dahinden Merci à tous ! Directeur de la DDC Je ressens une profonde gratitude envers beaucoup de gens. Je tiens à remercier mes collègues pour leur fan- (De l’allemand) Un seul monde No 3 / Septembre 2014 5
Périscope constaté qu’en raison du ré- Stériliser les moustiques chauffement climatique, le palu- pour combattre la dengue disme se propage à des altitudes (gn) En avril dernier, le Brésil plus élevées. Jusqu’ici, les régions est devenu le premier pays à de montagne étaient à l’abri autoriser la dissémination de de cette maladie tropicale, car moustiques transgéniques. l’agent pathogène et les mous- Il entend ainsi combattre la tiques qui le transmettent ne dengue. Cette infection virale, supportent pas le froid. Mais à transmise principalement par le présent, la maladie monte en moustique Aedes aegypti, gagne Maurice Ascani/UNFPA altitude. Ce constat se base sur du terrain partout dans le des études menées notamment monde. Il n’existe ni médica- en Éthiopie, où près de la moitié ment pour la traiter ni vaccin de la population vit dans des pour la prévenir. La firme bri- À l’école des maris modèles zones situées entre 1600 et tannique Oxitec propose une ( jls) Le Niger connaît l’un des taux de mortalité maternelle 2400 mètres. Les chercheurs solution qui consiste à modifier les plus élevés du monde. Toutes les deux heures, une estiment qu’une élévation de la structure génétique des mâles femme meurt en accouchant. Cette hécatombe est due 1 degré de la température peut pour stopper la reproduction : pour une large part au pouvoir des hommes, qui interdisent se traduire par 3 millions de cas ces insectes peuvent alors fécon- à leurs épouses de fréquenter les centres de santé. En supplémentaires de paludisme der des femelles, mais leur pro- partenariat avec le gouvernement nigérien, le Fonds des par an chez les moins de quinze géniture meurt avant d’atteindre Nations Unies pour la population a lancé un programme de ans dans ce pays. « Avec le ré- l’âge adulte. Lors d’un essai sensibilisation afin de remédier à la situation. Depuis 2007, chauffement climatique, il faut réalisé au Brésil, la population il a créé 610 « écoles des maris » qui accueillent plus de s’attendre à voir augmenter le d’Aedes aegypti aurait reculé de 6000 hommes désireux de contribuer à l’évolution des nombre de personnes exposées 79%. L’entomologiste Mohamed mentalités. Deux fois par mois, les participants suivent des au risque de malaria dans les Habib, de l’Université Campinas cours sur divers aspects de la santé reproductive. Après zones montagneuses tropicales », à São Paulo, doute toutefois leur formation, ces bénévoles vont éduquer à leur tour les confirme Mercedes Pascual, qui qu’il soit possible de la contrôler autres maris du quartier ou du village. Ils leur expliquent a dirigé ces travaux. Selon les durablement de cette manière : l’importance du suivi médical pendant la grossesse et données de l’Organisation « On relâche dans la nature l’accouchement, les sensibilisent à la contraception et à la mondiale de la santé, environ des millions de moustiques gé- prévention du sida. Cette initiative donne de bons résultats : 307 millions de personnes ont nétiquement modifiés, mais des un nombre croissant de femmes se rendent dans les contracté le paludisme en 2012 millions d’autres sont déjà pré- dispensaires et les services de planning familial ; le taux et 627 000 en sont mortes. La sents et chaque femelle pond d’accouchements assistés est en augmentation. plupart des victimes sont des 300 œufs. » De nombreux scien- www.unfpa.org jeunes enfants africains. tifiques critiquent en outre le www.umich.edu, chercher « malaria » manque d’études sur les effets à La mondialisation profite que la hausse demeurait infé- long terme de la dissémination aux pays riches rieure à 100 euros dans les pays de moustiques transgéniques. (bf ) Ces deux dernières décen- émergents et en développement. nies, la mondialisation a surtout Dans toutes les économies étu- Boom des dons en ligne accru la prospérité dans le diées, la mondialisation a en (gn) De plus en plus de gens monde industrialisé. Les pays principe accéléré la croissance. collectent des fonds sur Internet émergents et en développement Cependant, l’augmentation en pour financer des projets et réa- en ont beaucoup moins profité. chiffres absolus du revenu par liser leurs rêves. Le financement C’est ce que révèle une étude habitant est restée la plus faible participatif ou crowdfunding a le menée dans 42 États sur mandat dans les grands pays émergents vent en poupe. Il ouvre de nou- de la fondation allemande (Afrique du Sud, Brésil, Russie, velles perspectives à la coopéra- Bertelsmann. L’interdépendance Mexique, Chine et Inde). tion au développement. « C’est accrue des diverses parties du www.bertelsmann-stiftung.de, un excellent moyen d’attirer monde n’a pas réduit l’écart chercher « Globalisierung » l’attention sur les problèmes entre riches et pauvres. Le pro- des pays émergents et en duit intérieur brut (PIB) par Le paludisme monte développement », affirme Dave Jiro Ose/Redux/laif habitant des vingt pays les plus en altitude Bazler, un entrepreneur austra- industrialisés a augmenté d’envi- (bf ) Des scientifiques de lien qui a récolté ainsi 10 000 ron 1000 euros par an, tandis l’Université du Michigan ont euros pour fabriquer et com- 6 Un seul monde No 3 / Septembre 2014
Dessin de Jean Augagneur mercialiser des sacs en coton du fleuve Sénégal, a créé des ment Gret, l’institut a créé des plois et des revenus au niveau indien. Une étude réalisée par conditions propices à la prolifé- unités pilotes de production local ; enfin, ce combustible bio- l’agence allemande de coopéra- ration du Typha australis. Cette dans trois villages du sud-ouest logique se substitue au charbon tion internationale (GIZ) identi- plante de la famille des roseaux a de la Mauritanie. La valorisation de bois, ce qui freine la défores- fie d’autres avantages encore : les colonisé 50 000 hectares de sur- du typha présente plusieurs inté- tation. internautes ne soutiennent que faces agricoles et piscicoles. Sa rêts : la coupe des plantes permet www.iset.mr ou www.gret.org les projets qu’ils jugent utiles et présence a des conséquences né- de dégager l’accès aux zones de apportent souvent de nouvelles fastes sur l’agriculture, la pêche pêche ; la fabrication et la vente idées. Elle souligne cependant et l’environnement. Pour lutter des briquettes génèrent des em- que le financement participatif utilement contre l’envahisseur, n’est pas à la portée de tous : le l’Institut supérieur d’enseigne- montant à débourser pour pré- ment technologique (Iset) de senter un projet est considérable ; Rosso, en Mauritanie, a eu l’idée de plus, il faut disposer d’un ac- d’exploiter cette biomasse à des cès à Internet, une condition qui fins énergétiques. Il a conçu un est loin d’être remplie partout procédé artisanal qui permet de dans les pays du Sud. transformer le typha en charbon www.10innovations.alumniportal.com à usage domestique : une fois coupés, les roseaux sont séchés, Un envahisseur transformé carbonisés et compactés en bri- en briquettes quettes. Celles-ci sèchent ensuite ( jls) La construction du barrage au soleil. En partenariat avec Gret anti-sel de Diama, dans le delta l’ONG française de développe- Un seul monde No 3 / Septembre 2014 7
Une chaleur qui ralentit le développement Le changement climatique affecte de manière disproportionnée les populations défavorisées. Il menace d’anéantir les efforts de réduction de la pauvreté. Les pays du Sud ont besoin d’une aide substantielle pour s’adapter à ses conséquences négati- ves, mais aussi pour se développer en émettant le moins pos- sible de gaz à effet de serre. De Jane-Lise Schneeberger. D O S S I E R Markus Kirchgessner/laif En émettant d’énormes quantités de gaz à effet de serre, les grandes villes – comme Le Caire – contribuent bien plus que les zones rurales au réchauffement climatique. La concentration dans l’atmosphère de dioxyde de mènes météorologiques extrêmes encore plus in- carbone (CO2) et d’autres gaz à effet de serre est tenses et fréquents qu’aujourd’hui. « Malheureu- plus élevée que jamais. Elle a fait déjà monter la sement, les tendances indiquent que nous ne par- température moyenne mondiale de 0,9 degré par viendrons pas à rester au-dessous de cette limite. rapport au début de l’ère industrielle, ce qui pro- Nous allons vers un réchauffement de 4 ou 5 de- voque des dérèglements considérables du climat. grés d’ici la fin du siècle. Il ne nous restera plus Les climatologues tirent la sonnette d’alarme : si qu’à nous adapter, mais cela deviendra toujours la hausse dépasse 2 degrés, il faut s’attendre à des plus difficile », craint Anton Hilber, coresponsable pénuries alimentaires de grande ampleur, à des du Programme global changement climatique vagues de chaleur sans précédent et à des phéno- (PGCC) de la DDC. 8 Un seul monde No 3 / Septembre 2014
Changement climatique Menaces sur la sécurité alimentaire pèces qu’aujourd’hui. Beaucoup de paysans vont Les impacts du réchauffement se font déjà sentir perdre leur unique source de revenus », souligne partout sur la planète, mais les pays en développe- Yuka Greiler, du PGCC. Le café arabica en est un ment en souffrent plus que les autres. Faute de exemple. Très sensible à la chaleur, il pourrait dis- moyens, les populations pauvres ne peuvent pas se paraître complètement d’ici 2080. Dans les mon- préparer aux sécheresses, inondations, typhons et tagnes éthiopiennes, plus de 700 000 familles vi- autres catastrophes climatiques. Par la suite, elles vent de cette production. La hausse des tempéra- s’en remettent très lentement. Ces événements ex- tures réduit également le rendement des denrées trêmes occasionnent des pertes considérables non alimentaires, comme le blé et le maïs. Quand la pé- seulement en vies humaines, mais également en nurie fait grimper les prix, ces produits de base de- bétail, infrastructures et terres agricoles. Ils ont déjà viennent inabordables pour les familles pauvres. provoqué le déplacement, temporaire ou défini- Les animaux, eux aussi, sont affectés. Certaines es- Des îles bientôt englouties Le niveau des mers est déjà monté de 20 cm de- puis le début de l’ère in- dustrielle. Il pourrait encore gagner entre 29 et 82 cm d’ici la fin du siècle. L’eau a déjà envahi des terres agricoles et des villages dans les zones côtières, obligeant les habitants à se déplacer. Les îles de faible altitude vont perdre pro- gressivement une partie de leur littoral. Certaines finiront par être complète- VU/laif ment englouties. Une qua- rantaine de petits États in- En Éthiopie, plus de 700 000 familles vivent de la culture du café arabica. Sensible à la chaleur et à l’humidité, cette plante sulaires ont constitué une pourrait disparaître d’ici quelques décennies. alliance pour faire entendre leur voix dans les négocia- tif, de millions de personnes. Et le nombre de ré- pèces vont même disparaître. Les poissons, qui ont tions internationales. Ils fugiés climatiques ne cesse d’augmenter. la chance de pouvoir migrer facilement, fuient les réclament la mise sur pied Si les populations défavorisées sont particulière- eaux devenues trop chaudes des océans tropicaux d’un mécanisme d’indem- ment vulnérables, c’est aussi parce qu’elles vivent et partent en direction des pôles. Conséquence : nisation pour les pertes et les dommages qu’aucune généralement de l’agriculture, de l’élevage, de la d’ici 2050, les pêcheurs de ces régions verront leurs mesure d’adaptation ne pêche ou de la foresterie. Elles dépendent donc des prises chuter de 40%. peut éviter. La montée des ressources naturelles, qui sont directement expo- eaux menace aussi les grandes métropoles cô- sées aux aléas climatiques. « De nombreux végé- Une nouvelle dimension du développement tières qui pourraient subir taux ne survivront pas aux changements en cours. Ces phénomènes compromettent la sécurité ali- des dégâts considérables On ne pourra plus cultiver demain les mêmes es- mentaire et menacent d’annuler les efforts dé- d’ici quelques décennies. Un seul monde No 3 / Septembre 2014 9
sont multiples. Elles vont de l’installation de sys- tèmes d’alerte précoce à la construction de diverses infrastructures, telles que barrages, digues, canaux d’irrigation, systèmes de drainage ou abris anti- cycloniques. Dans les pays côtiers fortement ex- posés aux inondations et aux tempêtes, comme le Bangladesh, le reboisement des mangroves dégra- dées permet de protéger le littoral. Des travaux scientifiques sont également indis- pensables pour accompagner l’adaptation des pra- tiques agricoles. Les quinze instituts de recherche du CGIAR travaillent depuis longtemps sur les problèmes du Sud. Ce réseau mondial, cofinancé par la DDC, met au point des variétés de céréales ou de légumes résistants à la sécheresse, à la cha- leur ou à d’autres formes de stress climatique. La Paule Seux/hemis.fr/laif transmission de ce savoir aux paysans, en revanche, ne va pas de soi : les pays en développement ne disposent pas toujours de services de vulgarisation agricole suffisamment efficaces pour en assurer la La production du charbon, comme ici au Mali, contribue au déboisement de précieuses diffusion. forêts. En bas : de nombreux instituts de recherche (ici au Kenya) travaillent à mettre au Les faiblesses administratives constituent aussi un point des variétés de céréales ou de légumes résistant aux aléas climatiques. handicap lorsqu’il s’agit d’établir des plans natio- naux d’adaptation. « Planifier la riposte au chan- ployés pour combattre la pauvreté. « Le change- gement climatique est un travail très complexe », ment climatique va rendre le développement beaucoup plus complexe et en augmenter le coût. Aujourd’hui, tous les acteurs de la coopération Assurances contre les doivent s’en préoccuper. C’est une réalité qui risques climatiques nous oblige à repenser nos approches, nos prati- Lorsqu’ils sont victimes ques et la conception de nos projets », souligne d’une inondation, d’une sécheresse ou d’une Marianne Fay, économiste en cheffe pour le dé- vague de chaleur, les petits veloppement durable à la Banque mondiale. paysans peuvent se re- À l’avenir, il conviendra de prendre en compte sys- trouver totalement dému- tématiquement cette nouvelle dimension dans les nis. Rares sont ceux qui ont les moyens de s’assu- activités du développement. Les donateurs s’assu- rer contre ces risques. reront ainsi que leurs projets ne risquent pas C’est pourquoi, depuis d’accroître la vulnérabilité des populations ou une dizaine d’années, la d’aggraver la situation. Par exemple, la réhabilita- coopération internationale soutient la mise en place tion d’une route emportée par un glissement de de micro-assurances terrain ou une inondation pourrait favoriser l’ins- climatiques. Ces méca- tallation de nouveaux habitants dans une zone à nismes novateurs se ba- sent sur des indices tels risque. Dans les régions côtières, l’élévation du que la pluviométrie ou la niveau de la mer sera un élément essentiel à température, et non sur prendre en compte dans la planification de nou- l’évaluation des pertes in- velles infrastructures ou le développement de dividuelles. Ils sont dès lors moins onéreux que les as- zones urbaines. surances classiques. La DDC participe ainsi à un Miser sur la prévention partenariat public-privé qui La coopération est également appelée à mener des est en train de créer un tel système dans sept pays actions spécifiquement axées sur la gestion des d’Asie. Dès 2016, environ risques climatiques. « Actuellement, les donateurs 5 millions de riziculteurs ont tendance à financer surtout l’aide humanitai- pourront bénéficier d’une re déployée après les catastrophes. Ils devraient in- Sven Torfinn/laif assurance contre les pertes de récoltes dues aux catas- vestir davantage dans la prévention », souhaite trophes climatiques. Marianne Fay. En la matière, les mesures à prendre 10 Un seul monde No 3 / Septembre 2014
Changement climatique Franck Guiziou/hemis/laif Dans les pays côtiers, comme le Bangladesh, le reboisement des mangroves peut protéger le littoral contre les inonda- tions et les tempêtes. relève Yuka Greiler. « Cela exige des bases de don- lioration de l’efficacité énergétique, la promotion nées météorologiques, des experts et un système des énergies renouvelables et l’élaboration de mé- de gouvernance très avancé. Tant d’éléments qui canismes innovants de financement. font souvent défaut dans les pays en développe- ment. » La coopération internationale fournit un Un important déficit de financement Mollusques et coraux appui technique et financier à la formulation de Les fonds alloués actuellement aux actions clima- menacés Les océans absorbent un telles stratégies ainsi qu’à leur mise en œuvre. tiques dans les pays en développement sont très in- quart du CO2 rejeté par férieurs aux besoins. Selon la Banque mondiale, l’homme dans l’atmo- Vers des économies sobres en carbone l’adaptation coûtera environ 100 milliards de dol- sphère. Le stockage de ce L’adaptation aux conséquences du changement lars par an d’ici 2050 et la transition énergétique gaz freine le réchauffement climatique, mais augmente climatique ne suffit pas. Il convient parallèlement exigera des investissements initiaux à hauteur le taux d’acidité de l’eau. de l’atténuer en s’attaquant à ses causes. Or, les pays de 500 milliards par an. « Ce sont là des ordres de Celui-ci a déjà grimpé de industrialisés ne sont plus les seuls responsables des grandeur qui peuvent changer en fonction de 30% et il pourrait tripler d’ici 2050 si les émissions rejets de gaz à effet de serre (GES). Ceux du Sud, l’évolution du climat », précise Marianne Fay. « Plus se poursuivent au rythme notamment la Chine et l’Inde, sont en train d’aug- nous investirons dans l’atténuation du change- actuel. Au-delà d’un certain menter rapidement leurs émissions. « Les pays en ment climatique, moins nous aurons à dépenser seuil, l’eau devient corro- développement aspirent eux aussi à la prospérité. pour l’adaptation. » sive pour les organismes marins dont la coquille, le Pour y parvenir, ils appliquent le seul modèle Une grande partie des capitaux nécessaires vien- squelette ou la structure de croissance que l’on connaisse actuellement et dront du secteur privé. « L’aide au développement est faite de calcaire. C’est qui est basé sur une consommation immodérée n’est pas en mesure de financer, à elle seule, le tour- le cas des mollusques d’énergies fossiles. Nous devons les aider à évo- nant énergétique. Une utilisation intelligente des (moules, huîtres, etc.), des crabes, mais aussi des co- luer vers des économies plus sobres en carbone et budgets publics peut toutefois susciter des inves- raux. Victimes d’une eau à ne pas commettre les mêmes erreurs que nous », tissements privés », souligne Anton Hilber. Les pays toujours plus acide et plus note Anton Hilber. De nombreux donateurs sou- industrialisés se sont engagés à mobiliser 100 mil- chaude, ces derniers blan- tiennent ce virage énergétique. liards de dollars par an auprès de diverses sources, chissent, puis meurent. Un cinquième des récifs coral- La coopération économique suisse, mise en œuvre à partir de 2020, pour financer les interventions liens ont déjà disparu. Or, par le Secrétariat d’État à l’économie (Seco), est climatiques dans les pays en développement. Le ces écosystèmes consti- très active dans ce domaine. Elle recherche des nouveau Fonds vert pour le climat sera chargé de tuent l’habitat de nom- breuses espèces de pois- voies de développement qui réduisent les émis- gérer cette somme colossale qui, si elle est réelle- sons, protègent le littoral sions de GES tout en améliorant les conditions de ment déboursée, décuplera les efforts actuels. ■ et génèrent d’importants vie de la population. Elle met l’accent sur l’amé- revenus touristiques. Un seul monde No 3 / Septembre 2014 11
L’inaction ne fait qu’augmenter les risques Les mesures prises jusqu’ici pour réduire les émissions de CO2 ne sont pas suffisantes. Christiana Figueres, secrétaire exé- cutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les chan- gements climatiques (CCNUCC), appelle à une large mobilisa- tion mondiale. C’est, selon elle, la seule manière d’éviter une hausse catastrophique des températures. Entretien avec Jane- Lise Schneeberger. Christiana Figueres, âgée de 58 ans, est née au Costa Rica. Elle est titulaire d’un master en anthropologie de l’École d’économie de Londres. Après avoir travaillé à l’am- bassade du Costa Rica en Allemagne et occupé des Martin Roemers/laif postes à responsabilité dans plusieurs ministères de son pays, elle s’est installée en 1989 à Washington, où elle a Il est urgent d’agir pour freiner le réchauffement climatique, par exemple en équipant les véhicules de moteurs moins dirigé l’initiative Énergie polluants. L’argent et les technologies nécessaires sont disponibles, mais la volonté politique fait défaut. renouvelable dans les Amériques et fondé le Centre de développement Un seul monde : Peu après votre arrivée à la tisser une tapisserie durable. Gouvernements, en- durable des Amériques. tête de la CCNUCC, vous aviez comparé les treprises, investisseurs, villes et citoyens doivent De 1995 à 2009, Mme négociations sur le climat à une tapisserie s’impliquer davantage. Je voudrais qu’une véritable Figueres a fait partie de qu’il fallait tisser rapidement. Quatre ans lame de fond se lève dans tous les secteurs. l’équipe costaricaine de négociations sur le climat. après, à quoi ressemble cet ouvrage ? Elle a siégé au conseil Christiana Figueres : La tapisserie s’est agrandie Après l’échec de Copenhague, la conférence d’administration du Méca- et elle est plus colorée qu’à l’époque. L’accord de de Paris sera-t-elle celle de la dernière chance? nisme pour un développe- Cancún, en 2010, a créé trois nouvelles institutions Cela prendra encore beaucoup de temps pour que ment propre en 2007 et a été vice-présidente du – dont le Fonds vert pour le climat (FVC) – qui nous puissions tirer un trait sur le changement cli- bureau de la CCNUCC en fourniront aux pays en développement le finance- matique et dire que c’est un problème résolu. Mais 2008-2009. L’année sui- ment et les technologies dont ils ont un urgent be- aujourd’hui, nous avons l’occasion de rompre avec vante, elle a été nommée secrétaire exécutive de la soin pour faire face au changement climatique. Le l’inaction et le défaitisme du passé. La conférence convention. Protocole de Kyoto a été prolongé. Et maintenant, de Paris sera une chance historique pour les États nous sommes en train d’élaborer un nouvel accord de conclure un accord qui place le monde sur la universel qui devrait être adopté à Paris en 2015. bonne voie. Ce traité devra créer des mécanismes Mais d’autres fils essentiels manquent encore pour permettant d’accélérer le rythme des efforts actuels, 12 Un seul monde No 3 / Septembre 2014
Changement climatique afin que les émissions commencent à diminuer dès que possible. Pour pouvoir entériner un accord à Paris, nous avons besoin d’une première ébauche sur la table des négociations qui se dérouleront en décembre prochain à Lima. En attendant, la température monte inexo- rablement. Est-il encore possible de limiter sa hausse à 2 degrés ? Nous suivons actuellement une trajectoire très dangereuse. Il est urgent d’agir, car au-delà de 2 degrés, les impacts du réchauffement deviendront ingérables pour l’humanité. Les efforts déployés jusqu’ici par les gouvernements sont insuffisants. Nous avons l’argent et les technologies nécessaires Pettersson/for Terra Mater/laif pour réduire les émissions. Ce n’est pas une ques- tion de ressources, mais de volonté. Chaque jour qui passe sans que nous agissions augmente le prix que nous aurons à payer demain : catastrophes cli- matiques, insécurité alimentaire, pénuries d’eau… Cependant, la tendance va dans la bonne direction. L’expérience montre que les populations locales prennent soin des forêts (ici en Éthiopie) Il existe déjà plus de 500 lois nationales sur le cli- lorsqu’elles disposent de droits d’exploitation. mat dans soixante pays. Le coût des énergies re- nouvelables dégringole. Et les investissements cu- Ces fonds, administrés par la Banque mondiale, sont mulés dans les énergies propres atteignent 1000 assortis de clauses de caducité. Ils cesseront donc milliards de dollars. leurs opérations dès que le FVC sera pleinement opérationnel. Leur grand mérite est d’avoir mon- Pour l’instant, la croissance économique va tré que des capitaux publics peuvent avoir un puis- de pair avec une consommation accrue sant effet de levier sur les investissements privés. Ce Vingt ans de négocia- d’énergies fossiles. Que répondez-vous aux sera l’une des tâches principales du FVC. Il devra tions sur le climat pays en développement qui réclament un utiliser les apports des donateurs publics comme un La Convention-cadre des Nations Unies sur les « droit de polluer » pour rattraper leur retard catalyseur pour mobiliser le secteur privé et cana- changements climatiques sur le monde industrialisé ? liser ainsi d’importants flux financiers vers des ac- (CCNUCC) est entrée en Les pays en développement placent à juste titre la tions climatiques dans les pays en développement. vigueur en 1994. Elle vise croissance en tête de leurs priorités. En même à « stabiliser les concentra- tions de gaz à effet de temps, ils reconnaissent que leurs populations Une bonne partie des ressources publiques serre à un niveau qui em- n’échapperont pas à la pauvreté si l’on n’apporte affectées au climat viennent des budgets de pêche toute perturbation pas une réponse globale au changement climatique. l’aide au développement. Ne craignez-vous anthropique dangereuse du système climatique ». En outre, je n’en vois aucun qui voudrait rater les pas que cet argent soit soustrait aux efforts Les 195 États signataires énormes possibilités liées à la transition vers une de réduction de la pauvreté ? se réunissent chaque an- économie sobre en carbone. Ils ont l’occasion de La lutte contre le changement climatique et l’éra- née pour faire le point sur sauter l’étape des technologies polluantes et obso- dication de la pauvreté sont des alliés naturels. son application, la complé- ter et négocier des me- lètes, pour passer directement aux énergies renou- Quand on investit dans les forêts pour qu’elles sto- sures concrètes. C’est velables. Mais soyons clairs : cette transformation ckent du carbone, cela profite aussi au développe- ainsi que 37 pays indus- n’aura pas lieu sans le soutien financier et techno- ment : les arbres garantissent l’approvisionnement trialisés se sont engagés, logique des pays riches. Ces derniers ont recueilli en eau, limitent l’érosion du sol agricole et ac- dans le cadre du Protocole de Kyoto, à réduire de 5% pendant 150 ans les fruits de l’industrialisation. Ils croissent la biodiversité, laquelle rend de multiples leurs émissions de gaz à doivent maintenant aider les autres à éviter un services. De même, les projets de technologies effet de serre entre 2008 développement à forte intensité de carbone, dont propres peuvent générer beaucoup d’emplois et ré- et 2012. Le protocole a on sait à quel point il est dangereux. duire les problèmes de santé causés par la combus- ensuite été renouvelé, mais sans la participation de tion d’énergies fossiles. Notre seule autre option est plusieurs grands pays Leur aide passera notamment par le FVC. Ce alarmante : si le monde ne parvient pas à réduire émetteurs. La commu- nouvel instrument va-t-il consolider le pay- ses émissions, la pauvreté et la faim frapperont nauté internationale a ac- cepté de finaliser en 2015 sage morcelé du financement climatique ? beaucoup plus de gens qu’aujourd’hui. ■ un nouvel accord qui s’ap- Remplacera-t-il des mécanismes existants, pliquera cette fois à toutes tels les Fonds d’investissement climatique ? (De l’anglais) les nations. Un seul monde No 3 / Septembre 2014 13
Partager les solutions à des défis planétaires L’échange de savoir est essentiel dans la lutte contre le chan- gement climatique, car les problèmes sont souvent les mêmes dans différentes régions du monde. La DDC soutient la diffu- sion la plus large possible de solutions. Ses activités dans ce domaine, qui visent à atténuer les causes et les conséquences du réchauffement, contribuent également à réduire la pauvreté. Développement compa- tible avec le climat Les pays donateurs se sont engagés au niveau in- ternational à tenir compte du changement climatique et des risques de catas- trophes dans leurs activi- Nadine Salzmann tés de coopération. La DDC, comme d’autres agences de développe- ment, a élaboré un guide pratique qui doit aider ses Comme tous les glaciers du monde, ceux des Andes sont en train de fondre. Le Pérou s’intéresse aux connaissances acquises dans les Alpes par les glaciologues suisses. collaborateurs et les parte- naires de ses projets à res- pecter cet engagement : les Lignes directrices sur l’inté- ( jls) Les projets de développement traditionnels ne vers le Sud, mais également entre les pays du Sud. gration du climat, de l’envi- suffisent plus à répondre à des défis d’envergure pla- Troisièmement, le programme contribue à la dé- ronnement et de la réduc- nétaire. Pour les compléter, la DDC a créé en 2009 finition des politiques climatiques, tant au niveau tion des risques de catas- quatre programmes globaux. Le Programme glo- national qu’international. Il participe aux négocia- trophes (Cedrig). Cet ins- trument permet d’analyser bal changement climatique (PGCC) recherche un tions multilatérales sur le climat. les programmes, afin de impact maximum en combinant trois approches vérifier d’une part s’ils sont complémentaires. La première consiste à mettre en Savoir spécifique de la Suisse exposés à un désastre œuvre des projets novateurs au niveau local : en Selon Jean-Bernard Dubois, coresponsable du découlant de variations cli- matiques ou d’une dégra- collaboration avec des partenaires issus du secteur PGCC, il est important d’établir des ponts entre dation de l’environnement, privé, d’institutions publiques – notamment d’au- les populations locales confrontées au changement d’autre part s’ils ont un im- tres offices fédéraux – et des milieux scientifiques, climatique, les gouvernements et les négociateurs pact sur les émissions de gaz à effet de serre ou sur le PGCC élabore sur le terrain des réponses au qui fixent le cadre multilatéral. « Chacune de ces l’environnement. changement climatique. La deuxième approche est trois planètes gravite séparément, en ignorant ce www.sdc-drr.net/cedrig le transfert de savoir et de compétences, du Nord que font les deux autres. Nous n’arriverons à rien 14 Un seul monde No 3 / Septembre 2014
Changement climatique Alfredo Uaman Guillen/Care Peru-Ancash Nadine Salzmann Des scientifiques péruviens et suisses font des mesures sur le glacier Suyuparina, dans la Cordillère Vilcanota (à gauche). Ils ont également installé un système d’alerte précoce à proximité d’un lac glaciaire dans la Cordillère blanche (à droite). tant qu’elles ne communiqueront pas. Les diri- les Alpes, nous avons une solide expertise en ma- geants, en particulier, doivent connaître les besoins tière climatique », dit-elle. « Nous transmettons ce et les préoccupations des habitants pour prendre de savoir aux scientifiques locaux, afin qu’ils puissent Échanges entre professionnels bonnes décisions. » C’est pourquoi le PGCC tient par la suite observer eux-mêmes le comportement Le réseau Climate Change à conserver un ancrage opérationnel : « L’expé- des glaciers. De leur côté, ils connaissent bien le and Environnement (CC&E) rience acquise sur le terrain nourrit le dialogue po- contexte social, ce qui est très important pour a été créé par la DDC afin litique que nous menons sur le plan international. » l’élaboration de mesures d’adaptation. » Le renfor- de favoriser l’intégration de l’atténuation et de l’adap- Les 42 projets du PGCC se concentrent sur cement de capacités est une composante impor- tation au changement cli- l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud et le Pérou. Ils tante des projets. Dans les deux pays, des cours de matique dans ses activités concernent principalement des domaines dans les- glaciologie ont été mis sur pied pour former les ex- et celles de ses partenai- res. Il compte plus de 200 quels la Suisse dispose d’un important savoir-faire, perts de demain. membres internes et exter- comme la glaciologie, la gestion de l’eau, la pré- Au Pérou, le consortium suisse a aussi aidé des in- nes (ONG, chercheurs, vention des risques, les économies d’énergie, la fo- génieurs locaux à mettre en place un système consultants, secteur privé). resterie et la pollution de l’air. d’alerte précoce au bord d’un lac glaciaire, la La- C’est une communauté de professionnels qui par- guna 513, dans la Cordillère blanche. La chute tagent leurs expériences, Des châteaux d’eau bientôt à sec d’énormes blocs de glace l’a déjà fait déborder à leurs informations et mè- Ainsi, l’Inde, la Chine et le Pérou possèdent tous plusieurs reprises, provoquant des crues dévasta- nent un dialogue théma- trois des glaciers qui, comme ceux des Alpes, sont trices. Désormais, la municipalité de Carhuaz, tique. Ils se fournissent un appui mutuel dans le but en train de fondre à vue d’œil. Ils ont un intérêt à ville située à quelques kilomètres de là, reçoit des d’améliorer la qualité de collaborer avec la Suisse dans ce domaine. Le informations en temps réel. En cas de danger, elle leur travail. Le réseau PGCC a donc lancé des projets visant à observer peut évacuer la population. CC&E permet d’accroître les glaciers et à évaluer les problèmes posés par le Par ailleurs, des systèmes de mesure ont été instal- le savoir de tous les ac- teurs concernés. Ses réchauffement, notamment la pénurie d’eau, dans lés sur d’autres glaciers, afin d’observer leur recul membres contribuent les Andes et l’Himalaya. et de prévoir la diminution des ressources en eau. également à attirer l’atten- Nadine Salzmann, glaciologue aux universités de « Depuis des siècles, les gens comptaient sur l’eau tion des décideurs et des citoyens sur les questions Fribourg et Zurich, est coresponsable du consor- de fonte pendant la saison sèche. Mais aujourd’hui, climatiques. tium scientifique qui réalise ces travaux au Pérou elle arrive de manière irrégulière et en quantité va- www.sdc-climateand- et en Inde. « Grâce aux recherches effectuées sur riable, ce qui perturbe le calendrier des cultures », environment.net Un seul monde No 3 / Septembre 2014 15
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