DÉCRYPTAGES SANTÉ, #10 - PWC FRANCE
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Etre en bonne santé est un luxe, en douter est une erreur, c’est ce que nous rappelle, à juste titre, la célèbre étude « Global Burden of Disease », réalisée par la fondation Bill & Melinda Gates, qui affirme que seulement 4,3 % de personnes dans le monde ne souffre d’aucune maladie, blessure, lésion, dommage ou handicap physique et/ou mental. Nous sommes tous vulnérables. L’accepter avec humilité, c’est comprendre que la vie, la nôtre, est aussi fragile que précieuse. Si tous les Hommes naissent libres et égaux en droits, force est de constater que dans le domaine de la santé, cela n’est pas le cas. D’un continent, d’un pays, d’une région ou d’un quartier à un autre, l’accessibilité et la qualité des soins varient et créent une fracture entre ceux qui bénéficient pleinement des avantages d’un système médical efficace et ceux qui n’ont pas ce privilège. Dans ce sens, une récente étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) met en lumière le fait qu’il existe de fortes disparités en matière d’état de santé entre les différents groupes sociaux. Exemples à l’appui : l’espérance de vie des hommes en Sierra Leone est de quarante-neuf ans alors qu’en Suisse, elle s’élève à quatre-vingt-un ans – soit trente-deux ans de différence. A l’intérieur des villes, le même constat est fait : à Londres, l’espérance de vie des hommes est de soixante et onze ans dans le quartier populaire de Tottenham Green et de quatre-vingt-huit dans la zone dito huppée de Queen’s Gate – soit une différence de dix-sept ans. D’après les experts du London Public Health Observatory (LPHO), dès lors que l’on s’éloigne du centre-ville, on peut considérer qu’à chaque station de métro, l’espérance de vie diminue de pratiquement un an, la faute à une offre de services sanitaires, sociaux et médico-sociaux moins importante, diversifiée et efficace dans les zones défavorisées que dans celles où « il fait bon vivre ». La santé ne couvre pas seulement des enjeux sanitaires mais aussi des défis humanitaires, sociétaux, politiques, économiques, commerciaux, réglementaires, technologiques et, entre autres, sécuritaires. Pour tous les acteurs publics et privés impliqués dans ce secteur, il relève d’un enjeu vital que de continuer à placer les intérêts de l’Homme au cœur des recherches, de l’innovation et du développement de la médecine. Pour le bien commun, les aspects financiers et business, bien qu’ils soient capitaux et indispensables pour améliorer la santé de tous, doivent rester au second plan. Dans cette dixième édition du magazine Décryptages, nous vous proposons de découvrir les différentes facettes, à l’échelle internationale et nationale, du secteur de la santé, un secteur qui fait couler beaucoup d’encre partout dans le monde et qui nous concerne tous, sans exception. Bonne lecture ! Agnès Hussherr Clients, Market & Innovation Managing Partner PwC -1
ommaire Spécialistes de santé : les garants de l’humanité depuis la préhistoire 3 Système de santé français : un modèle trop inégalitaire pour perdurer ? 10 Burn-out : les soignants ont besoin d’être soignés 15 Sport en entreprise : une activité qui rend les collaborateurs heureux ? 22 EHPAD : le public fléchit et le privé performe 26 L’Empire du Milieu est-il en passe de devenir la plus grande pharmacie de la planète ? 34 Biotechs : les pousses françaises ont-elles les moyens de marcher sur le toit du monde ? 40 Médecine : une discipline vitale réservée aux populations les plus riches ? 44 E-santé : un remède efficace pour guérir un continent en état d’urgence ? 49 Intelligence Artificielle : une révolution technologique initiée par et pour les Hommes 55 Intelligence Artificielle et robotisation : quel impact sur le secteur de la santé ? 62 Santé connectée : plus de contrôles pour plus de confiance ? 66 Cybersécurité : un pour tous, tous pour un 71 A quoi ressemblera la médecine de demain ? 76
Spécialistes de santé : les garants de l’humanité depuis la préhistoire L’histoire de la médecine n’est qu’une facette de l’Histoire avec un grand H. Elle accompagne les grands mouvements de la pensée, elle s’immisce dans les guerres et la politique de son temps et elle subit les mythes que lui impose la société. Depuis que l’Homme est sur Terre, il a toujours cherché à soigner ses maux. Se préserver soi-même, c’est préserver un bout de l’humanité. Bien qu’aujourd’hui la médecine soit rationalisation de la médecine soient Hammurabi, un texte juridique babylo- reconnue comme une véritable effectués, en vain, par différents nien gravé sur une stèle 1 750 av. J.-C, science dont l’Homme ne peut se penseurs visionnaires, ces théories se que les archéologues retrouvent un passer, cela n’a pas toujours été le heurtent, au fil des siècles, aux puis- code réglementant l’activité du méde- cas. Pour mieux comprendre ce sants mythes successifs portés par la cin – exercée le plus souvent par des phénomène, voyager dans le temps société, comme les croyances alchi- personnalités religieuses – dans lequel est nécessaire. Retour à la préhistoire : miques, les dogmes chrétiens ou apparaissent ses honoraires et les à en croire les spécialistes, à cette encore les créations symboliques de risques encourus en cas de faute époque, la plupart des sociétés l’inconscient. professionnelle. D’autres supports humaines ont recours à des croyances comme des sculptures ou encore des médicales relevant de la magie, du De discours en discours, les secrets peintures sont retrouvées et mythe et de la superstition pour médicaux survivent et parviennent à ne témoignent de l’évolution de la disci- expliquer la naissance, la mort et la pas se perdre dans le temps. De pline qui, petit à petit, échappe aux maladie. Les problèmes de santé sont l’éloquence au rédactionnel, il faut élites religieuses et est récupérée, alors souvent attribués à la sorcellerie, attendre l’Antiquité pour voir les pre- analysée, comprise et développée par aux démons, aux influences astrales mières traces écrites et iconogra- la communauté scientifique de contraires ou à la volonté des dieux. phiques faisant référence à la l’époque. Malgré le fait que plusieurs essais de médecine. C’est dans le Code de PwC -3
Les sociologues sont unanimes : à inanimés, morts. C'est la vie qui sépare découvertes de Pasteur permettent de travers les années, l’art se fait le média- ces deux ordres de corps, c'est-à-dire remarquables progrès médicaux : teur entre la souffrance et la guérison, une propriété cachée, enfouie au plus l’apparition de l’antisepsie chirurgicale, la pathologie et l’espoir, la mort et la profond de l'être, que les humains la découverte de vaccins et, entre vie, le partage d’expériences et la cherchent désormais à découvrir. Les autres, la mise au point des transmission de savoirs. L’évolution de façons de penser, de vivre, de grandir antibiotiques. la médecine occidentale, le rôle de la et les relations qu’un Homme entretient médecine arabe, les maladies répan- avec son corps et son esprit sont La fin du XIXe siècle est marquée par dues au Moyen-Age, les remèdes chamboulées. Les approches spiri- d’autres inventions phares comme, pharmaceutiques conçus pour lutter tuelles de la médecine perdent en par exemple, l’électrocardiogramme contre les grandes épidémies, la crédibilité. Celles liées à la science se – conçu par le célèbre physiologiste modernisation des instruments utilisés retrouvent dans la dynamique contraire. britannique Augustus Désiré Waller en lors des opérations, la redécouverte de 1887 – ou encore la radiologie – pensée l’anatomie, les prémices de la chirurgie, Au milieu du XIXe siècle, la commu- en 1895 par le physicien allemand l’invention du microscope, le début de nauté scientifique assiste à l'élaboration Wilhelm Conrad von Röntgen. la santé publique via la mise en place de la théorie cellulaire. Les physiolo- d’un réseau de surveillance de l'état gistes dévoilent les mêmes consti- sanitaire de la population, le tout tuants chimiques fondamentaux dans premier ouvrage sur les maladies tous les organismes. Cette découverte professionnelles rédigé entre 1700 et marque un tournant important dans 1714 par Bernardino Ramazzini qui l’histoire de la médecine, un tournant servira de référence durant plus de qui est principalement amorcé par des deux cents ans, l’invention de l’homéo- savants français. Claude Bernard, un pathie, l’apparition de l’anesthésie… médecin et physiologiste né à Saint- Depuis la préhistoire jusqu’à la révolu- Julien, dans la région du Rhône, tion de la médecine moderne au XIXe devient le fondateur de la médecine siècle, aux quatre coins du globe, expérimentale en mettant en lumière l’obsession des chercheurs, scienti- l'existence d'un milieu intérieur dans les fiques, écrivains, philosophes, artistes organismes les plus évolués. et médecins est la même : comprendre l’Homme, son organisme, son fonction- Par la suite, Louis Pasteur, scientifique nement, ses limites, ses tolérances français mondialement reconnu ainsi que ses besoins et léguer aux comme étant le pionnier de la micro- successeurs un héritage de savoir biologie (la science des microbes), médical solide permettant de toujours découvre le rôle des micro-organismes faire avancer – et de ne jamais faire (bactéries, virus et autres parasites) et Parallèlement à cette vague d’innova- reculer – le progrès de cette science met un terme définitif à la thèse de la tion scientifique, une évolution des très ancienne. génération spontanée, selon laquelle mentalités est remarquée dans cer- les germes naissent de la matière tains pays du globe. La participation inerte. « C’est une chimère, et chaque des femmes aux soins médicaux (en XIXe siècle : l’Homme fois qu’on y a cru, on a été le jouet dehors des professions de sage- apprend à se connaître d’une erreur », affirme-t-il. Plus tard, femme, d’assistante et de femme de grâce au microscope, il prouve que les ménage) est initiée. Dans une profes- Les avancées en chimie et en tech- minuscules organismes vivants pro- sion précédemment dominée par les nique de laboratoire permettent à viennent du milieu environnant et se hommes, ces femmes jouent un rôle l’Homme de mieux comprendre qui multiplient lorsqu’ils rencontrent des clé dans les soins infirmiers en contri- il est. En effet, jusqu'à la fin du conditions favorables. Le savant en buant activement à réduire la morta- XVIIIe siècle, le concept de vie, comme conclut qu’un milieu nutritif stérilisé par lité des patients due à un manque nous le connaissons aujourd’hui, chauffage (« pasteurisé ») ne peut pas d'hygiène et à un défaut de nutrition. n'existe pas. Seul celui d'être vivant fermenter. Approfondies par les travaux Elizabeth Blackwell, devient ainsi, en est reconnu. Au XIXe siècle, tout de Robert Koch, un médecin allemand 1849, la première femme diplômée en change : une césure, expliquée et connu pour sa découverte de la bacté- médecine, après 19 refus, avec les prouvée scientifiquement, sépare les rie responsable de la tuberculose qui honneurs du jury du Hobart and corps vivants des corps bruts, porte son nom (« bacille de Koch »), les William Smith College de New York. 4- Santé, un secteur en profonde mutation
Malgré l’obtention de son diplôme, elle peine à se faire une place dans le milieu professionnel. Face à la presque impossibilité d’exercer libre- ment son métier, elle décide de fonder son propre établissement, le New York Infirmary for Indigent Women and Children, ainsi qu’un collège médical réservé aux femmes qui devient rapidement le centre de formation féminin le plus célèbre du pays, juste après celui de Philadelphie. Au-delà de son incroyable parcours professionnel, Elizabeth Blackwell est aujourd’hui Les scientifiques s’intéressent aussi directe : la médecine se professionna- reconnue pour le combat féministe aux maux psychiques. Une réelle lise rapidement et les progrès sont qu’elle a su mener et pour le souffle volonté de venir en aide aux individus visibles, ce qui rassure aussi bien les de modernité qu’elle a insufflé dans souffrant de troubles mentaux se fait investisseurs publics et privés que les une discipline très masculine et ressentir. Dans le domaine de la médecins et les patients. L’heure est conservatrice. « Si la société n’ac- psychiatrie, en à peine cent ans, nous au renouveau et dans cette transfor- cepte pas le libre épanouissement de sommes passés d’une prise en mation globale, le médecin occupe la femme, alors cette société doit être charge par la simple isolation du une place centrale. Il étudie, il pense, remodelée », disait-elle. patient, son enfermement, à un il analyse, il sait, il dit, il fait, on accompagnement médicamenteux l’écoute et on le respecte. Longtemps des personnes placées en asile avec, perçus comme des savants et des XXe siècle : la recherche entre autres, la découverte des neuro- sauveurs, les professionnels de santé et l’innovation donnent leptiques et des antidépresseurs. gagnent leurs lettres de noblesse et du galon à la médecine Dans l’esprit des gens, la médecine acquièrent un prestige nouveau. écrit un nouveau chapitre de son Transfusion sanguine, électroen- histoire. Elle n’est plus uniquement Durant le XXe siècle, les conditions de céphalogramme, pacemaker, greffe liée aux souffrances physiques et vie s’améliorent. En effet, le dévelop- du cœur ou encore fécondation in corporelles mais aussi aux douleurs pement de moyens de transport et de vitro, la médecine change plus pen- psychologiques. télécommunication rapides donne la dant les soixante dernières années du possibilité aux médecins d'intervenir XXe siècle que durant les soixante Dans tous les domaines de la santé, toujours plus vite auprès des malades siècles précédents. En industrialisant l'accélération des découvertes scien- et des blessés. Dans ce contexte, les découvertes passées et en trou- tifiques tient essentiellement au l'espérance de vie des populations vant de nouvelles techniques de développement d'institutions telles augmente fortement sous l'impulsion laboratoire, les chercheurs augmen- que les universités et les centres de des Etats qui mettent en place d'am- tent la qualité des actions de préven- recherche publics ou privés. Après la bitieuses politiques de santé publique tion, des traitements et du suivi des Seconde Guerre mondiale, les Etats et des systèmes de sécurité sociale. patients durant les trois grandes investissent massivement dans la La prise en charge des malades est vagues successives qui marqueront formation, l’innovation et la recherche, améliorée, et des médicaments l’époque : celle des vaccins et des les organisations non gouvernemen- antalgiques, visant à soulager la antibiotiques (1920-1960), celle de tales (ONG) et de nombreuses asso- douleur, sont développés. Néanmoins, l’amélioration des diagnostics grâce ciations se mobilisent pour récolter ces politiques et les traitements aux nouvelles technologies comme des fonds pour moderniser le secteur, médicaux modernes sont très coû- par exemple le scanner ou l’imagerie les scientifiques ont plus de moyens, teux. Des écarts de santé importants par résonance magnétique (IRM) plus d’accès aux informations, plus subsistent entre les pays riches et les (1970-1980), et celle des thérapies d’outils – technologiques ou non – à pays en voie de développement. La géniques permettant de lutter contre disposition, et ils évoluent dans des santé se politise chaque année de les maladies dégénératives comme la infrastructures plus modernes leur plus en plus et être en bonne santé a maladie de Parkinson (1990-2000). permettant de redéfinir les contours un prix, un prix que tout le monde ne de la profession. Conséquence peut pas se permettre de payer. PwC -5
Hier et aujourd’hui : 2018 Capteurs qui explorent le système digestif le digital absorbe une 2017 Robot 50 fois plus rapide qu’un chirurgien discipline créée par 2003 Séquençage de l’ADN humain l’Homme 1985 Premiers robots chirurgiens Plusieurs siècles après les prémices de la 1975 Premières images IRM médecine, ce secteur et le monde dans Première greffe du cœur 1967 lequel nous vivons se sont complétement métamorphosés grâce au numérique. De 1957 Premiers antidépresseurs l’internet des objets à la robotique en 1928 Pénicilline passant par la géolocalisation, l’automati- 1914 Première transfusion sanguine réussie sation des tâches répétitives et l'Intelli- gence Artificielle (IA), chaque jour, 1895 Radiologie l’espace de notre réalité vécue devient 1887 Electrocardiogramme plus virtuel. De ce fait, toutes les indus- 1885 Vaccin contre la rage tries de santé se réinventent en profon- deur, qu’il s’agisse de la chirurgie 1867 Principes d’antisepsie augmentée, de l’automédication à dis- Développement de la microbiologie 1860 tance, de la e-santé pour apporter une solution aux problématiques des déserts 1838 Théorie cellulaire médicaux, ou encore des solutions connectées pour mesurer son état de 1770 Premiers vaccins forme de manière instantanée et en totale autonomie… Le digital n’est pas une Premier ouvrage sur les 1714 discipline, loin de là, le digital transforme maladies professionnelles et régénère absolument toutes les disci- 1620 Premiers microscopes plines. D’ailleurs, chaque acteur doit opérer sa « disruption digitale » s’il ne veut pas être dépassé. En 2019, une entreprise, une institution, une organisa- 1020 Canon de la médecine tion, une association, un centre de soins ou un patient déconnecté deviennent rares, très rares, presque isolés du -1750 Le Code de Hammourabi monde interconnecté qui les entoure. réglemente l’activité médicale Le XXIe siècle est porteur d’immenses progrès que nous pouvons d’ores et déjà constater. En tête de liste : la découverte du séquençage complet de l'ADN du un robot capable d’effectuer des parcours de soins et dans les struc- génome humain en 2003, puis celle du opérations chirurgicales complexes tures internes dites traditionnelles, potentiel réparateur des cellules souches. cinquante fois plus rapidement formation des professionnels aux D’autres inventions – réalisées dans la qu’un chirurgien humain, avec plus métiers de santé de demain, pédago- plupart des cas grâce à la complémenta- de précision, un coût moins élevé et gie auprès de la population afin rité entre l’esprit analytique des Hommes un risque d’accident limité, ou qu’elle comprenne et saisisse pleine- et l’efficacité opérationnelle de la techno- encore des capteurs faciles à avaler ment les enjeux Tech du secteur, logie – voient le jour : des traitements conçus pour mesurer les gaz intesti- personnalisation des soins de la part immunologiques qui détruisent les proté- naux et diagnostiquer les maladies de patients chaque jour un peu plus ines bêta-amyloïdes et les particules Tau du tractus gastro-intestinal et le informés et connectés, levées de responsables de la maladie d’Alzheimer, cancer du côlon. fonds pour financer cette transforma- des électrodes cérébrales qui soignent tion globale, et sécurisation des les troubles obsessionnels compulsifs Aujourd’hui, l’écosystème médical fait e-solutions pensées pour améliorer ainsi que la maladie de Parkinson, de la face à de nouveaux défis : dévelop- les relations patients-patients, chirurgie réfractive complètement roboti- pement de l’innovation digitale, patients-professionnels et sée qui corrige tous les défauts visuels, intégration du numérique dans les professionnels-professionnels. 6- Santé, un secteur en profonde mutation
Demain : quels enjeux suivre les évolutions et les enjeux, enjeux clés qui vont directement pour les industries de sans surprise, les spécialistes impacter le fonctionnement de la santé ? évoquent l’importance d’implémenter médecine du futur. Ces enjeux des technologies de rupture dans le tournent essentiellement autour de En octobre 2018, lors de la troisième parcours de soins et l’urgence de quatre thématiques phares : dévelop- édition du Big Bang Santé, un événe- replacer le bien-être du patient au per une approche « patient-centric », ment durant lequel quelque sept cent centre du système de santé. Dans conjuguer les technologies et l’hu- cinquante spécialistes se sont retrou- l'étude « Global top health industry main, transformer les business vés sur Paris pour partager leur vision issues » menée par PwC, les experts models et créer de la confiance entre d’une médecine dont nous peinons à poussent la réflexion et identifient huit l’Homme et la Tech. Les 8 enjeux pour les industries de santé de demain 1 Mettre l’expérience patient au de nouveaux outils qui vont per- responsable du secteur Industries de premier plan mettre de réinventer l’expérience des Santé publique et privée chez PwC, Les attentes des consommateurs patients tout au long du parcours de indique : « le développement de ces évoluent dans le domaine de la santé, soins, en complément, et non en technologies est porteur de nom- sous l’effet de différents leviers selon remplacement de l’interaction breuses promesses : meilleure qua- les zones géographiques : exigence humaine. » lité des soins et plus grande valeur d’amélioration de l’expérience perçues par les patients, allégement patient, meilleur accès au soin, plus des contraintes budgétaires, etc. grande efficacité des traitements, Grâce à des dispositifs médicaux etc. Satisfaire toutes ces attentes connectés, par exemple, une meil- dépasse souvent la capacité finan- La Tech rend possible leure surveillance des pathologiques cière des budgets publics. Pour y une meilleure chroniques, comme le diabète, répondre plus efficacement, il peut permet de réduire les hospitalisations être nécessaire de prioriser les observance des et d’améliorer la qualité de vie des projets qui ont le plus de valeur aux traitements, des soins patients. C’est un fait : la Tech rend yeux des patients. Une étude menée possible une meilleure observance par l’Institut de Recherche en Santé plus accessibles, des des traitements, des soins plus de PwC a, par exemple, permis actes techniques plus accessibles, des actes techniques d’identifier douze éléments du par- plus sûrs et une diminution des cours de soins qui contribuent de sûrs et une diminution examens redondants, autant d’ap- façon déterminante à une expérience des examens ports qui contribuent à développer globale plus satisfaisante, comme un système de santé plus efficace, « ne pas avoir à répéter les informa- redondants. plus agile et moins coûteux pour les tions », « obtenir des rendez-vous patients. » plus tôt », « recevoir des explications Loïc Le Claire, associé responsable claires quant aux frais rembour- du secteur Industries de Santé sables » ou encore « être reçu par un publique et privée chez PwC personnel plus attentif aux besoins et préférences personnels ». 2 L’IA et la robotique sont Utiliser la technologie pour Elisabeth Hachmanian, associée améliorer l’offre de soins et l’avenir des soins de responsable de l'activité Consulting Santé publique et privée chez PwC, réduire les coûts santé. indique : « la généralisation des faire l’impasse sur le tournant tech- dossiers de santé digitaux et parta- nologique pourrait remettre en cause Loïc Le Claire, associé responsable du gés, le déploiement de plateformes l’avenir des acteurs du système de secteur Industries de Santé publique et numériques axées sur la prévention, soins qui, par conviction ou par privée chez PwC le développement de la téléméde- manque de moyens, décideront de cine, les applications de surveillance ne pas moderniser leurs structures des maladies chroniques, sont autant et services. Loïc Le Claire, associé PwC -7
de santé mature, bien structuré et, utilisées, la qualité des soins, la 55 % des patients par conséquent probablement moins régulation du système de santé ainsi agile, acceptent majoritairement que celle des flux financiers affé- dans le monde se cette idée, certes, mais dans une rents. Une chose est sûre : plus une disent prêts à troquer moindre mesure que ceux vivant structure investit dans la technologie, dans les pays émergents, où le plus elle devra investir dans la cyber- leur médecin traitant système de santé manque d’in- sécurité. Des ressources et des et leurs professionnels frastructures de base. » Loïc Le stratégies dédiées doivent être mises Claire ajoute : « qu’on le veuille ou en place par tous les acteurs concer- de santé contre des non, l’IA et la robotique sont l’avenir nés. L’un ne va pas sans l’autre. Cela robots ou de l’IA. des soins de santé. L’ambition ultime est l’accès à des soins de qualité à suppose, notamment, d’évaluer les menaces, de détecter les points de Source : Cabinet PwC des tarifs abordables permettant vulnérabilité, de mettre en place une ainsi de garantir une meilleure santé surveillance active des systèmes, pour tous. Intégrer harmonieusement d’élever le niveau d’exigence vis-à-vis l’IA et la robotique aux systèmes des fournisseurs, de sensibiliser le 3 Parier sur l’IA existants, puis créer de nouveaux personnel et de coopérer pour Les nouvelles technologies transfor- ment les pratiques professionnelles, modèles de soins basés sur ces accroître la résilience du secteur. favorisent le partage et l’échange technologies, peut entraîner des d’informations, simplifient l’accès au avantages économiques et sociaux soin, le tout, au bénéfice de l’effica- considérables. » 6 Proposer une valeur augmentée du dispositif médical cité globale du système de santé et Les fabricants de dispositifs médi- de la réduction des coûts. Loïc Le Claire, déclare : « l’IA est l’une des 4 Tracer une direction claire vers caux ne se contentent plus de livrer la e-santé des appareils « bruts ». Ils proposent technologies les plus prometteuses, Les patients sont demandeurs de également des services associés qui car elle est caractérisée par une plus d’autonomie dans la gestion de facilitent leur utilisation (comme une précision sans faille, une rapidité leur santé, tant dans la prévention application digitale de suivi associée d’exécution inégalable, et une dispo- que dans le soin. Et ils comptent sur à un dispositif d’injection d’insuline nibilité sans limites. Elle va, entre la e-santé pour cela. L’offre de res- pour les diabétiques), améliorent la autres, favoriser le développement de sources est abondante, mais insuffi- sécurité des patients, réduisent les nouvelles thérapies, améliorer la samment lisible. Les patients ont risques et intègrent le point de vue de documentation clinique, aider aux ainsi parfois du mal à s’y retrouver, l’utilisateur dès la conception du diagnostics, recommander des comme au moment de choisir parmi produit afin de pouvoir le personnali- traitements personnalisés, repérer les dizaines de milliers d’applications ser au maximum. Les offres de plus vite l’émergence d’une épidé- mobiles disponibles. Pour tenir toutes masse appartiennent au présent. A mie, simplifier la gestion des assu- les promesses de la e-santé, les l’avenir, le sur-mesure sera la norme. rances santé et automatiser des acteurs du secteur (régulateurs et tâches routinières. » Ainsi, l’IA va faire fournisseurs de services) doivent gagner du temps aux professionnels favoriser une meilleure connaissance 7 Transformer la prochaine géné- de santé tout en améliorant la qualité ration d’essais cliniques de l’offre disponible et apporter des des soins pour les patients. L’étude Les technologies numériques et les preuves de son utilité et de son « What doctor? Why AI and robotics approches centrées sur le patient, efficacité afin qu’elle soit pleinement will define New Health » réalisée par comme les plateformes dédiées et adoptée par le grand public. PwC, montre qu’aujourd’hui, 55 % l’utilisation des dossiers de santé des patients interrogés dans le digitalisés, facilitent le recrutement et monde se disent prêts à troquer leur 5 Développer la cybersécurité de la fidélisation des participants aux médecin traitant et leurs profession- la e-santé essais cliniques. Ces outils per- nels de santé contre des robots ou Les renseignements médicaux per- mettent également de s’affranchir de de l’IA alors que 38 % d’entre eux sonnels et les documents de certains obstacles géographiques, réfutent catégoriquement cette recherche (formules de médica- logistiques et financiers pour la évolution. Elisabeth Hachmanian, ments, résultats d’essais cliniques, réalisation de ces essais. Les recru- commente : « parmi les publics prêts etc.) que stockent les organismes de tements gagnent en pertinence et en à intégrer l’IA dans leur parcours de santé dans le cloud sont des infor- efficacité avec un impact positif soins, un clivage se dessine entre mations très recherchées par les direct sur la qualité des thérapies et ceux des pays développés et ceux cybercriminels. Un risque qui menace des traitements (médicaments et des pays émergents. Ceux vivant le fonctionnement même de la dispositifs médicaux) qui en sont dans des pays dotés d’un système e-santé, l’intégrité des données issus. 8- Santé, un secteur en profonde mutation
« Le basculement vers la société numé- un plan visant à lutter contre les multi- Tenir compte des déterminants 8 rique ouvre la voie à de multiples ples inégalités auxquelles peuvent être sociaux de la santé sources d'innovations utiles au système confrontés les patients et les profes- Les maladies chroniques sont de santé. Il faut s'en saisir rapidement sionnels du secteur. Cette stratégie coûteuses, tant pour les systèmes de santé que pour les individus, et mettre le progrès au bénéfice, avant nationale vise à apporter des solutions dont elles affectent la qualité de tout, du patient et de l'usager et non concrètes autour de cinq piliers du vie. C’est pourquoi la prévention uniquement au service de la rationalisa- système français : la qualité des soins est une préoccupation grandis- tion », indique Jean-Marie Le Guen, et la pertinence des actes, les modes sante des acteurs du secteur, avec ancien secrétaire d'Etat de François de financement, le virage numérique du pour objectif de donner à chacun Hollande et conseiller de Paris. système de santé, les ressources les moyens et les outils néces- Elisabeth Hachmanian ajoute : « la humaines et la formation des profes- saires pour prendre en charge leur technologie permet d’opérer une trans- sionnels, et l’organisation territoriale bien-être. Elisabeth Hachmanian formation profonde des systèmes de des soins. Pour le gouvernement, le commente : « les stratégies de santé, certes, mais cette révolution changement, c’est maintenant. Pour les prévention doivent tenir compte sectorielle doit avant tout être menée bénéficiaires directs et indirects de des déterminants sociaux tels que l'environnement, l’éducation, le par l’Homme. Ne l’oublions pas : la cette stratégie étatique, l’heure du revenu, la nutrition et le logement Tech n’est qu’un outil, l’humain, lui, est changement n’est pas encore claire- qui ont tous une incidence sur les un moteur. » ment définie. De nombreux experts résultats en matière de santé. Des déplorent le fait que ce plan ne tienne modalités d’interventions et des L’heure tourne et le progrès n’attend compte ni des enjeux ni des besoins prises en charge ciblées des popu- pas. Chaque nation effectue la moder- des Français. Entre discours politique lations concernées sont à élaborer nisation de son système de santé en et réalité du terrain, un gouffre se et à déployer. » profondeur. En France, le 19 novembre creuse. Le dialogue se tend. La com- 2018, Agnès Buzyn, ministre française munauté scientifique gronde. Et elle se des Solidarités et de la Santé, lance fait entendre. ■ officiellement le plan « Ma santé 2022 », Contacts Loïc Le Claire Associé responsable du secteur Industries de Santé publique et privée loic.le.claire@pwcavocats.com Elisabeth Hachmanian Associée responsable de l'activité Consulting Santé publique et privée elisabeth.hachmanian@pwc.com PwC -9
Système de santé français : un modèle trop inégalitaire pour perdurer ? Le droit et l’accès aux soins, tels que reconnus après la seconde guerre mondiale, impliquent de garantir à toutes et à tous un accès égalitaire à la médecine, sans aucune forme de discrimination. La mise en œuvre de ce droit se révèle de plus en plus difficile. Les nombreuses inégalités socioéconomiques et territoriales qui ont vu le jour au fil du temps ainsi que la forte pression pour Depuis plusieurs années, la France A tous ces défis s’ajoute l’abondance contrôler l’accroissement connaît des mutations sociétales et d’informations, parfois contradictoires, et le coût des soins économiques qui mettent le système de diffusées par des publics experts et non soins sous pression et modifient radicale- experts, qui brouillent la compréhension pourraient bien, à terme, ment le mode de délivrance et de finance- de sujets autrefois transparents. remettre en cause le ment de la santé. Au fur et à mesure que le temps passe, les problématiques Benoît Caussignac, directeur Consulting principe sur lequel repose s’accumulent : augmentation de la Santé publique et privée chez PwC, notre système de santé. demande de soins sous le double effet du commente : « l’explosion de l’information vieillissement de la population et de disponible sur Internet, le plus souvent l’augmentation des maladies chroniques ; non structurée et non vérifiée, favorise niveau élevé des dépenses de santé qui l’incompréhension des patients quant à pose la question de la soutenabilité finan- l’offre médicale qui leur est proposée. Les cière de notre modèle actuel ; cloisonne- opinions en ligne se croisent, les diagnos- ment entre la médecine de ville et l’hôpital, tics diffèrent, les actions à mener se les secteurs sanitaire, médico-social et contredisent et certains internautes social et la mise en place effective d’une – suivis et écoutés par des audiences médecine de parcours ; complexité du grandissantes – s’improvisent profession- système de santé et de l’organisation des nels de santé. Dans ce contexte, il est soins où se juxtaposent des offres et important de remettre l’église au milieu du dispositifs insuffisamment compréhen- village : même si de plus en plus de sibles pour les patients (voire même pour patients utilisent les nouvelles technolo- les différents institutionnels concernés). gies pour s’informer – en amont et en aval 10 - Santé, un secteur en profonde mutation
des phases de soins – et pour s’impli- chez PwC, commente : « ce score quer davantage de manière auto- important est étroitement lié au bon 93 % des Français nome dans la gestion de leur santé, niveau d’expertise, à l’efficacité, à déclarent faire seul un vrai spécialiste est capable de l’attention, à la disponibilité et à leur proposer un diagnostic et un l’humanisation des services accordés confiance aux traitement adaptés. » Il ajoute : « les aux patients. » infirmiers, 91 % aux médecins doivent faire valoir leur Elle ajoute : « bien que le système de savoir-faire et surtout, ils se doivent santé soit largement critiqué, les médecins généralistes de prendre le temps d’expliquer les Français ne tiennent pas le corps et spécialistes et 91 % actions qu’ils mènent. Une opération médical pour responsable des failles aux pharmaciens. efficace ne relève pas seulement de du modèle mis en place. Bien au Source : Groupe Pasteur Mutualité l’exécution pure et simple d’un acte contraire, toutes les études récentes médical ou médico-technique, mais démontrent qu’ils dissocient facile- aussi de la capacité à rassurer, à ment les soignants du système. Les accompagner et à faire comprendre premiers avancent, le second boite, En 2018, près d’1/3 aux patients le pourquoi et les consé- agace et frustre une grande partie de des Français ont quences de l’intervention. » la population. » cherché un nouveau médecin après une Les Français font-ils confiance à leur médecin ? consultation Un patient n’est pas un mal-vécue. En dépit des inquiétudes concernant cobaye. Un médecin Source : BVA le fonctionnement de leur système de santé, les Français accordent une n’est pas un robot. Les forte confiance au corps médical. qualités humaines et la Même si Internet et l’essor des objets connectés chamboulent le rôle du confiance réciproque médecin-patient. Elles sont très patient dans son parcours de soin, jouent un rôle essentiel souvent associées à une augmenta- d’une condition passive à une posi- tion de la qualité de la prise en dans la relation tion active, la population reste lucide charge, de l'observance du traitement quant à la nécessité de faire appel à médecin-patient. et de la continuité des soins », indique un professionnel lorsque cela est jugé Elisabeth Hachmanian. Martin nécessaire. Elisabeth Hachmanian, associée Winckler, médecin, romancier et responsable de l'activité Consulting essayiste, ajoute : « la relation avec le Santé publique et privée chez PwC soignant doit être une relation – pour 92 % des Français la simplifier au maximum – dans estiment que leur Autres chiffres à l’appui : d’après le laquelle le patient se sent mieux en médecin est « dernier baromètre de Groupe Pasteur sortant du bureau de son médecin Mutualité, les cotes de confiance, une qu'en y entrant. Même s'il n'est pas compétent, à l’écoute, notion clé dans le secteur de la santé, moins malade, il doit se sentir ras- empathique et très attribuées à chaque profession suré : soulagé d'avoir été entendu, médicale atteignent des seuils très d'avoir pu poser ses questions, de ne humain. élevés. Les infirmiers arrivent ainsi en plus se sentir seul face à la maladie. Source : BVA tête du classement – 93 % des Français leur font confiance – suivis des médecins, généralistes et spécia- Selon un récent sondage de BVA, listes, et des pharmaciens – qui 92 % des personnes interrogées enregistrent un indice de confiance estiment que leur médecin est « de 91 %. « Un patient n’est pas un compétent, à l’écoute, empathique et cobaye. Un médecin n’est pas un très humain ». Elisabeth Hachmanian, robot. Les qualités humaines et la associée responsable de l'activité confiance réciproque jouent un rôle Consulting Santé publique et privée essentiel dans la relation PwC - 11
Le discours du médecin ne doit pas Loïc Le Claire indique : « la jeunesse être offensif, agressif ou discrimi- Dans 1 commune des quartiers les plus défavorisés nant (…) Par exemple, lorsqu’une souffre d’accès difficile aux soins. Ne femme dit : « docteur, depuis que je française sur 3, l’oublions pas : être en bonne santé, ici prends la pilule, je n’ai plus de libido.» chaque habitant ou ailleurs, est une chance qui n’est Si le médecin répond "allons, c’est bénéficie de moins de pas donnée à tout le monde. » Il pour- dans votre tête", c’est du paternalisme suit : « selon un rapport de la Mutualité maltraitant ! » Ainsi, en 2018, près 2,5 consultations Française, l'obésité et la santé dentaire d’un tiers des Français ont cherché un médicales disponibles sont les deux indicateurs qui montrent nouveau médecin après une consulta- le plus de disparités entre les jeunes tion mal-vécue1. par an. des cités et ceux des autres quartiers. Source : Direction de la recherche, des Cette même étude souligne le fait études, de l'évaluation et des statistiques qu’une grande partie des Français les Accessibilité aux soins : plus modestes ont du mal à franchir le le talon d’Achille du ces endroits où les conditions de vie seuil d'un cabinet médical. Ils s’y système français difficiles conjuguées à l’exclusion rendent seulement lorsqu’ils sont sociale génèrent frustration et vio- vraiment malades or sans suivi régulier, Selon l'indice d'accessibilité poten- lence dont les services de santé sont les problèmes de santé ne sont pas tielle localisée (APL) conçu par la régulièrement victimes. Le renouvelle- détectés à temps et ils peuvent s’ag- Direction de la recherche, des études, ment des médecins âgés dans ces graver rapidement. Malheureusement, de l'évaluation et des statistiques quartiers pose problème et beaucoup aujourd’hui encore, trop de jeunes (DREES) du ministère de la Santé, partent en retraite sans être rempla- renoncent aux soins à cause des dans précisément 11 329 communes cés, les jeunes médecins ne souhai- difficultés à obtenir un rendez-vous ou de l’Hexagone – soit une commune tant pas s’y installer. Les causes de ce par manque d’argent (…) Si le système sur trois – chaque habitant bénéficie manque d’envie sont nombreuses : mis en place se dit universel, alors il de moins de 2,5 consultations médi- environnement déplaisant et peu doit vraiment l’être pour tous les cales par an. Ces zones ont un nom : valorisant, insécurité réelle, dossiers citoyens. Acteurs publics et privés, les déserts médicaux. Loïc Le Claire, administratifs lourds à gérer, confron- nous devons accepter nos responsabi- associé responsable du secteur tation à une misère sociale et écono- lités respectives et agir vite pour venir Industries de Santé publique et privée mique que la médecine ne peut pas en aide à ces populations mises de chez PwC, commente : « au total, traiter. côté depuis trop longtemps. » 8,1 millions de Français sont concer- nés par ce phénomène, la faute, Renaud Vignon, directeur Consulting principalement, à un nombre de Santé et protection sociale chez PwC, médecins généralistes libéraux en Beaucoup de jeunes ajoute : « la difficulté d’accès aux soins diminution constante depuis neuf ans. n’est toutefois pas qu’une question De plus en plus de professionnels renoncent aux soins à géographique. Elle peut également être s’installent dans les grandes métro- cause des difficultés à liée à la bonne connaissance du sys- poles et leurs alentours, là où la obtenir un rendez-vous tème de santé que peuvent avoir (ou demande est importante. Problème : pas) les assurés et aux contraintes en agissant de la sorte, certaines ou par manque d’argent financières auxquelles ils sont confron- communes se retrouvent coupées du (…) Si le système mis en tés. Malgré la progression continue de monde. A ce jour, hélas, trop peu la couverture des dépenses de santé d’alternatives convaincantes sont place se dit universel, par l’Assurance maladie et la mise en proposées pour palier à cette déserti- alors il doit vraiment œuvre d'actions concrètes destinées à fication. » l’être pour tous les limiter les situations de non recours, d’incompréhensions, ou de ruptures Si la ruralité souffre du manque de citoyens. dans le parcours de soins (couverture soignants, certaines villes et leurs maladie universelle complémentaire, Loïc Le Claire, associé responsable périphéries, elles non plus, ne sont accès à la complémentaire santé, du secteur Industries de Santé pas épargnées. En effet, les zones à indemnités maladie et invalidité, frais de publique et privée chez PwC forte densité de population dite défa- santé), une partie de la population, vorisée voient le nombre de structures notamment les jeunes, n'accède pas de santé de proximité diminuer. Les pleinement à leurs droits et aux soins médecins libéraux, eux aussi, fuient dont ils ont besoin. » 1. Sondage BVA, 2019. 12 - Santé, un secteur en profonde mutation
moins de dix minutes de route d’un admis en seconde année d'étude de 98 % de la population médecin généraliste et 84 % à moins médecine. A la place, un « mode de française réside à de trente minutes d’un service dédié sélection rénové », dont les contours aux urgences ». doivent encore être précisés, verra le moins de 10 minutes jour. Plus d’entrées, plus de forma- de route d’un tions, plus de sorties… Et plus de Le plan « Ma Santé 2022 » débouchés ! Car en plus de cette médecin généraliste Pour tenter d'améliorer cette situa- manœuvre qui devrait être effective et 84 % à moins de tion, le plan « Ma Santé 2022 », porté dans trois ans, l’Etat projette de 30 minutes d’un par le Président de la République recruter près de 4 000 assistants Emmanuel Macron en fin d’année médicaux pour « dégager du temps service dédié aux 2018, prévoit de former davantage de aux médecins », le but étant de leur urgences. professionnels de santé qui, poten- permettre de pouvoir accueillir plus tiellement, pourraient exercer leur de patients et dans de meilleures Source : Ministère de la Santé profession dans les zones les plus conditions. « Un assistant dans un isolées du pays. cabinet regroupant trois à quatre médecins permettra de dégager un L’Etat tente de rassurer Concrètement, le gouvernement temps équivalent à un médecin en souhaite supprimer le numerus clau- plus », indique le document de pré- le peuple sus qui définit le nombre d'étudiants sentation du plan Santé. Aujourd'hui, les médecins généralistes libéraux ou mixtes sont 8 % de moins qu'en 2009, à en croire les données de la DREES, « une baisse qui pourrait se poursuivre jusqu'en 2025 », selon les Les 5 actions prioritaires experts. Il y a en effet de quoi être inquiet alors que l’on sait que 47 % 1. Mise en place des communautés professionnelles des médecins généralistes inscrits à l’ordre des médecins en 2017 ont plus territoriales de santé de soixante ans. Des questions de première importance se posent : qui 2. Déploiement de 400 médecins généralistes dans remplacera ces professionnels une les territoires prioritaires fois partis à la retraite ? Et si personne ne se présente avant le départ de ces 3. Création des assistants médicaux médecins expérimentés, qu’advien- dra-t-il des communes qui ont tou- 4. Labellisation des hôpitaux de proximité jours éprouvé de grosses difficultés à trouver et à garder des talents quali- 5. Réforme du 1er et du 2ème cycles fiés ? Du nord au sud, de l’est à l’ouest, ces inquiétudes concernent de des études médicales très nombreuses régions françaises. Si « les disparités départementales de peuplement médical sont aujourd’hui d’un niveau semblable à celui des années 1980 », informait la DREES dans un document publié l'année dernière, le ministère de la Santé tient toutefois à nuancer ces observations chiffrées : « les inégalités d’accès aux médecins généralistes, selon le dépar- tement où l'on réside, sont à l’heure actuelle d’une ampleur limitée. En effet, 98 % de la population réside à PwC - 13
Vous pouvez aussi lire