Droit au logement Le journal de l'Asloca no 245 AVRIL 2020 - Environnements favorables aux aînés

La page est créée François Bourdon
 
CONTINUER À LIRE
Droit au logement Le journal de l'Asloca no 245 AVRIL 2020 - Environnements favorables aux aînés
Droit au
logement
Le journal
de l’Asloca
no 245       AVRIL 2020

Dossier
Environnements
favorables aux
aînés
–
Vos droits
Coronavirus:
quelques réponses
à vos interrogations
Droit au logement Le journal de l'Asloca no 245 AVRIL 2020 - Environnements favorables aux aînés
SOMMAIRE                                                    ÉDITO

                                         5                                   HENRIETTE SCHAFFTER
                                                                             Rédactrice en chef
                                                                             Droit au logement

LE MESSAGE DE L’ASLOCA                    p.3          La Suisse vieillit et il faut faire face à de nouveaux
                                                       défis, notamment au sein des communes. Celles-ci
SUISSE
Les locataires sont                                    doivent s’adapter et ne pas oublier les personnes
les oubliés de la crise                   p.4          âgées. Une étude intitulée «Environnements
                                                       favorables aux personnes âgées en Suisse» vient
Révision de la loi sur le CO2             p.5
                                                       de sortir et fait le point de la situation dans notre
DOSSIER                                                pays, avec les bons et les mauvais élèves.
Les villes soignent-elles suffisamment                 Citée en exemple, la commune de Chavannes-
leurs seniors?                         p.6-9
                                                       près-Renens a investi beaucoup d’énergie ces
NEUCHÂTEL                                              derniers mois et obtient déjà de beaux résultats!
Congé annulé car travaux possibles                     Explications dans notre dossier, qui met en avant

                                                  10
sans résiliation                         p.10          les échanges intergénérationnels et la participa-
FRIBOURG                                               tion des seniors à la vie des quartiers.
Un forfait de frais administratifs
revu à la baisse                        p.11           Ces mots sont évidemment valables en temps
GENÈVE                                                 normal. Or, en cette période de crise sanitaire,
La crise à Genève et le soutien public                 nous encourageons plutôt les personnes âgées
Hommage à Gisèle Gampert-Péquignot                     à rester chez elles et à profiter des réseaux de
                                       p.12-13
                                                       solidarité incroyables qui se mettent en place dans
VOS DROITS                                             toutes nos régions.
Coronavirus: quelques réponses
aux questions des locataires            p.14           Notre avocat répondant de Genève a tenté de faire
CONSULTATIONS DE L’ASLOCA               p.15           un premier point de la situation sur certaines
                                                       interrogations des locataires liées au coronavirus.
NEWS                                    p.16           Espérons que cela répondra déjà à quelques-unes
                                                       des questions que vous vous posez durant cette
                                                       période difficile pour toutes et tous.

                                                       Nous revenons sur le succès des candidat·e·s
                                                       soutenus par l’ASLOCA lors des élections commu-
                                                       nales de mi-mars à Genève. Le deuxième tour
                                                       devrait s’être déroulé début avril mais après le dé-
                                                       lai de rédaction de ce numéro. Nous n’avons donc
                                                       pas les résultats définitifs.

                                                       En outre, l’ASLOCA Genève rend hommage

                                                 14
                                                       à la première présidente de la Commission de
                                                       conciliation des baux et loyers, Gisèle Gampert-
                                                       Péquignot, décédée récemment.

                                                       Bonne lecture et prenez soin de vous!

                                                       Henriette Schaffter
Couverture: @Keystone et @OFSP                         Rédactrice en chef

Droit au logement n° 245 avril 2020 2
Droit au logement Le journal de l'Asloca no 245 AVRIL 2020 - Environnements favorables aux aînés
LE MESSAGE
DE L’ASLOCA

                                  par CARLO SOMMARUGA
                                  Président de l’ASLOCA Suisse

L
          a pandémie du coronavirus s’est abattue sur la Suisse. Comme         Comme le disait récemment l’éminent spécialiste du droit du bail Da-
          une nuée de sauterelles invisibles s’en prenant aux êtres hu-        vid Lachat, «dans le cas du loyer des commerçants empêchés d’exploi-
          mains. Après la grippe de Hong Kong en 1968-1970 avec des            ter leur commerce et de gagner leur vie, en raison de l’ordonnance 2
          dizaines de milliers de morts à travers le monde et l’épidémie       COVID-19, un résultat juste est celui qui ne fait pas porter toute la charge
          du SRAS en 2003-2004, d’aucuns avaient alerté les autorités          par le locataire et qui ne permet pas au bailleur de s’en sortir comme s’il
contre la menace bien plus concrète pour la population qu’une attaque          n’y avait pas eu de coronavirus».
venue du ciel d’on ne sait où et de qui! Lorsque la pandémie quittait          L’équité commande que le locataire assume ses pertes commerciales
la lointaine Chine pour arriver en Europe et en Suisse, elle progressait       et le bailleur ses pertes locatives. C’est cette répartition du fardeau du
bien plus rapidement et plus intensément que les autorités politiques          coronavirus entre locataire et bailleur que défend l’ASLOCA Suisse,
ne l’imaginaient. Il s’est imposé rapidement que des mesures urgentes          notamment dans le cadre de la task force. Cette approche fondée sur
destinées à limiter la propagation de l’épidémie en Suisse devaient être       la justice et l’équité est tout à fait conforme à la systématique des art.
adoptées. Des mesures destinées d’une part à informer sur les compor-          259d et 259e CO. Comme le résume toujours David Lachat: «Le bailleur
tements barrière pour réduire les risques de contamination, d’autre part       supporte l’exonération ou la réduction du loyer (responsabilité causale)
à éviter la saturation des services des soins intensifs des hôpitaux et        et le locataire ne peut pas prétendre à des dommages-intérêts (respon-
enfin à gagner du temps pour disposer d’une médication sûre et efficace        sabilité fautive).»
protégeant de la mort les plus vulnérables d’entre nous.                       A ce stade il y a trois voies possibles. Soit le Conseil fédéral tranche en
Dans ce contexte, le Conseil fédéral a clos avec effet au 17 mars tous         équité et justice et se substitue aux juges avec une mesure urgente qui
les commerces et les établissements publics à quelques exceptions près         s’applique à tous baux commerciaux touchés par les fermetures totales
comme les distributeurs d’alimentation, les pharmacies, les drogueries         ou partielles. Soit les autorités de conciliation et judiciaires sont sub-
et les kiosques.                                                               mergées par un tsunami de requêtes déposées par les locataires et nous
Pour les commerçants touchés par ces mesures, c’est la catastrophe!            connaîtrons la décision du Tribunal fédéral dans trois ans. Soit les loca-
Plus d’activité, plus de chiffre d’affaires, mais des charges qui sont là:     taires, pris par l’urgence financière et la menace de résiliation du bail, se
salaires, loyer, cotisations sociales et impôts.                               feront piéger par les bailleurs dans le cadre d’accords bilatéraux portant
Le Conseil fédéral s’est empressé d’adopter des mesures urgentes pour          atteinte à leurs droits.
assurer le revenu et le pouvoir d’achat des salariés, indépendants et          Il serait indigne de notre pays en cette période de crise où tout le monde
chômeurs. Les administrations fédérales et cantonales ont accordé des          appelle à la solidarité de laisser les bailleurs continuer à encaisser les
sursis ou des délais de paiement pour les charges sociales et les impôts.      loyers comme si de rien n’était alors que les locataires perdent leur re-
Mais, pour la question du paiement des loyers, rien!                           venu, s’endettent ou même tombent en faillite.
Il aura fallu attendre le 27 mars pour que le Conseil fédéral aborde la pro-   Que le Conseil fédéral fasse preuve de justice et d’équité à l’égard des
blématique des locataires. Il s’est limité à prolonger le délai de paiement    locataires commerciaux!
en cas de mise en demeure pour retard de paiement et à le faire passer
de 30 à 90 jours avant résiliation du bail. La belle affaire! Comme si les     Voir également la page 4.
locataires de logements ou de locaux commerciaux allaient pouvoir
rattraper le retard de loyer en trois mois avec la chute brutale de leur
revenu! Un nouveau mépris grossier des locataires de la part du Conseil
fédéral.
Cette première mesure n’est pas de bon augure pour celle bien plus
importante de la libération du paiement du loyer pendant la période
de fermeture obligatoire des commerces que les milieux immobiliers
combattent vent debout publiquement comme dans la task force mise
sur pied par le conseiller fédéral Guy Parmelin, afin d’assurer leurs
surprofits.

    COVID-19: JUSTICE ET
    ÉQUITÉ, SVP!
                                                                                                                             Droit au logement n° 245 avril 2020 3
Droit au logement Le journal de l'Asloca no 245 AVRIL 2020 - Environnements favorables aux aînés
SUISSE
CRISE SANITAIRE -
CORONAVIRUS

                                                  CARLO SOMMARUGA
                                                  Président de l’ASLOCA Suisse

Locataires: les grands oubliés!
Les mesures prises contre la propagation du coronavirus ne tiennent pas compte de la
problématique des locataires.

L
         es salariés, les indépendants et les           mois pourra-t-il dès l’ouverture payer le loyer      frais en jeu dès qu’un locataire ne souhaite ou
         locataires sont les premières vic-             courant et rattraper ceux en retard?                 ne peut quitter son logement: c’est pour cela
         times économiques de la crise liée à           Aucune aide fédérale directe pour ces loca-          que l’ASLOCA plaidait pour le gel des déména-
         la pandémie du coronavirus. Comme              taires de logements ou de locaux commerciaux,        gements avec une dérogation en cas d’accord
         première priorité, le Conseil fédéral a        si ce n’est l’aide sociale pour les locataires de    entre les parties.
visé le maintien du revenu des salariés et des          logements et, pour les locataires commerciaux,
indépendants et le maintien de l’activité éco-          l’endettement ou la perte du bail avec fin de        Activité commerciale stoppée net
nomique par le financement des entreprises.             l’activité professionnelle, dans laquelle ils ont    Mais l’enjeu financier le plus important est ce-
Pour les salariés, il a admis, pour éviter des          souvent investi toutes leurs économies.              lui des loyers des locataires de surfaces com-

                                                                                                                      @dr
licenciements massifs, l’usage des indemnités                                                                merciales qui ont dû clore leur activité dès le
pour réduction de l’horaire de travail, de ma-          Problèmes restés sans solution                       17 mars. Avec une activité au point mort, il
nière facilitée et sans délai d’attente. Le salaire     Mais d’autres problèmes importants subsistent        n’y a aucun chiffre d’affaires et aucun revenu.
est couvert jusqu’à 12 350 fr. par mois, mais il        et n’ont pas trouvé de réponse du Conseil fé-        Mais le locataire doit faire face aux charges
est indemnisé à 80%.                                    déral.                                               habituelles: salaires, loyer, impôts et charges
                                                        Tout d’abord, la question des délais de contes-      sociales. Les salaires sont pris en charge par
Secteur privé soutenu massivement                       tation des hausses de loyer et de résiliation du     l’assurance-chômage dans le cadre de la ré-
Pour les indépendants, il a prévu une indem-            bail. Alors que tous les délais de procédure fi-     duction de l’horaire de travail, le paiement des
nité journalière maximale. Le maximum est de            gurant dans le Code de procédure civile (CPC)        impôts comme des charges sociales est suspen-
196 fr., ce qui correspond à une indemnisation          ont été suspendus par une prolongation des fé-       du. Mais, pour le loyer, rien.
à 80% d’un revenu mensuel de 7350 fr.                   ries judiciaires du 21 mars au 19 avril, les deux    L’ASLOCA défend une position claire, fondée
Pour les entreprises, le Conseil fédéral a mis          délais évoqués, qui sont inscrits dans le Code       sur la doctrine majoritaire: les locataires dont
à disposition 20 milliards de francs d’aide im-         des obligations pour des motifs historiques,         les locaux ont été fermés en raison des me-
médiate sous la forme de crédits transitoires.          n’ont pas été prolongés. Un message clair du         sures cantonales ou fédérales liées à la crise
Des crédits à taux zéro dont il est fort à parier       Conseil fédéral aux locataires qui doivent res-      sanitaire du COVID-19 doivent être libérés du
que le remboursement sera progressivement               ter confinés: l’exercice de vos droits, on s’en      paiement du loyer et des charges pour la du-
abandonné au gré des faillites en raison de             moque!                                               rée des mesures. Ils ont droit à une réduction
l’impossibilité de remboursement. En résumé,                                                                 totale du loyer si l’activité ne peut pas du tout
un subventionnement massif du secteur privé             Déménagements autorisés                              être poursuivie et à une réduction partielle si
avec une aide pouvant aller jusqu’à 20 millions         Ensuite les déménagements et les évacuations.        l’activité peut être poursuivie partiellement.
de francs pour les grosses entreprises.                 Le Conseil fédéral, qui répète à l’envi la distan-   C’est une solution juste et équitable. Le loca-
                                                        ciation sociale de deux mètres et l’impérieux        taire supporte ses charges et la perte de revenu
Locataires abandonnés à leur sort                       devoir de rester à la maison, tout particuliè-       et le bailleur la perte locative.
Pour les locataires…. A ce stade: rien! Nada!           rement pour les personnes à risque, a décla-         Mais à ce jour le Conseil fédéral fait la sourde
Sauf bien sûr une misérable prolongation de             ré simultanément que les déménagements               oreille, permettant aux bailleurs de continuer
30 jours à 90 jours du délai de mise en de-             pouvaient avoir lieu… Le chaos assuré et des         à encaisser, comme des pachas, les surprofits
meure de paiement du loyer en retard avant                                                                   locatifs qu’ils touchent depuis des années suite
résiliation du bail. Un effet de manches du                                                                  à la décrue des taux hypothécaires.
Conseil fédéral pour faire croire que l’on agit.
Nous demandions une suspension des congés.                                                                   Nous conseillons instamment à ces loca-
Comment imaginer qu’un locataire d’un lo-                                                                    taires de refuser un abandon de leur droit à
gement ayant perdu son emploi ou bénéficié                                                                   la gratuité du loyer avant que la question de
d’un revenu à 80% puisse payer le loyer en                                                                   principe ne soit réglée par le Conseil fédéral
retard et le loyer courant en trois mois, alors                                                              et de consulter sans faute l’ASLOCA avant
                                                      @Demir Sönmez

qu’en Suisse près de 1,5 million de personnes                                                                toute signature d’une convention avec sa
ont une fortune inférieure à 3000 fr.! Pour                                                                  régie ou son bailleur.
les locataires commerciaux il en va de même.
Comment un coiffeur qui a fermé pendant trois                                                                Voir aussi le message en page 3.

Droit au logement n° 245 avril 2020 4
Droit au logement Le journal de l'Asloca no 245 AVRIL 2020 - Environnements favorables aux aînés
SUISSE
RÉVISION DE LA
LOI SUR LE CO2

                                                          CHRISTIAN DANDRÈS
                                                          Conseiller national
                                                          ASLOCA Genève

Révision de la loi sur le CO2:
quels risques pour les locataires?
Les Chambres fédérales ont à leur ordre du jour un projet de loi sur l’assainissement des
bâtiments. Les locataires pourraient en faire les frais.

L
          e Parlement traite de la loi sur le CO2             des travaux d’entretien. C’est pourquoi, pour                         Diminution de la consommation
          qui prévoit la réduction des émissions,             départager ce qui peut être répercuté sur le loyer                    d’énergie? Pas certain!
          pour les bâtiments en Suisse, de 50%                ou pas, le Conseil fédéral a adopté l’article 14 de                   L’incitatif prévu par l’OBLF ne tient pas compte
          par rapport à 1990. Les propriétaires               l’ordonnance d’application du droit du bail, qui                      de la réalité économique, et du fait que le bail-
          pourront@dr
                    bénéficier d’un soutien (pro-             pose la règle suivante: les frais d’importantes                       leur est autorisé à répercuter intégralement le
gramme Bâtiments),@ dr tandis que les locataires              réparations sont considérés à raison de 50%                           coût du combustible sur le locataire. Le pro-
supporteront des charges supplémentaires,                     à 70% comme des investissements créant des                            priétaire est ainsi poussé à entreprendre des
qui pourraient être en partie compensées par                  plus-values. Or, dans un rapport d’août 20191,                        travaux coûteux, mais aucunement à s’assurer
la baisse des dépenses d’énergie (chauffage et                la Confédération constate que le taux de report                       que le résultat escompté avec ces travaux, soit
eau chaude).                                                  se situe plutôt entre 34% et 58%! Le bailleur                         la diminution de la consommation d’énergie,
Ce projet de loi pose la question de la répar-                est en pratique doublement avantagé: d’une                            soit atteint2. Le bailleur peut en effet toujours
tition du coût de l’assainissement des im-                    part, il fixe librement le loyer après travaux, ce                    répercuter l’intégralité des coûts du combus-
meubles bâtis alors que prévalaient d’autres                  qui dans les cantons à pénurie de logements                           tible consommé.
normes de construction.                                       fait flamber les loyers; d’autre part, en cas de,
En principe, le loyer est censé couvrir l’entre-              trop rare, contestation par le locataire, le juge                     Ne pas ajouter de l’abus à l’abus
tien du logement, si bien que des travaux d’en-               fixera le loyer selon l’Ordonnance sur le bail à                      La période actuelle de rendements faibles voire
tretien ne justifient pas de hausse du loyer. Si              loyer et le bail à ferme d’habitations et de lo-                      négatifs des titres obligataires attire une grande
le bailleur effectue des travaux qui dépassent                caux commerciaux (OBLF), à un taux de report                          masse d’argent sur le marché immobilier. Cela
l’entretien, il peut majorer le loyer.                        supérieur à la réalité. Certains cantons ont des                      explique la volonté des banques et des assu-
                                                              lois de protection qui atténuent les effets de ce                     rances d’acheter des immeubles ou de les ré-
Bailleur avantagé                                             système (la LDTR à Genève) avec un contrôle                           nover. Se pose dès lors la question de la réelle
En pratique, il est fréquent que les assainisse-              automatique de la hausse et un plafonnement                           nécessité d’inciter aujourd’hui les bailleurs à
ments comprennent, outre des rénovations,                     temporaire du loyer.                                                  rénover puisque les investissements se font
                                                                                                                                    sans cela. De même, autoriser des hausses de
                                                                                                                                    loyers pour des immeubles dont les loyers pro-
                                                                                                                        @Keystone

                                                                                                                                    curent déjà des rendements trop élevés signi-
                                                                                                                                    fierait ajouter de l’abus à l’abus.
                                                                                                                                    Cela étant, si le système actuel fonctionne au
                                                                                                                                    détriment des locataires, il est malgré tout un
                                                                                                                                    pis-aller face aux propositions qui fleurissent
                                                                                                                                    çà et là, comme permettre au bailleur d’aug-
                                                                                                                                    menter le loyer après travaux sans répercuter
                                                                                                                                    l’éventuelle baisse due à la diminution du taux
                                                                                                                                    d’intérêt hypothécaire de référence.

                                                                                                                                    1
                                                                                                                                      OFEN, OFL, «Investissements créant des plus-values
                                                                                                                                    et préservant la valeur lors d’importantes rénova-
                                                                                                                                    tions»
                                                                                                                                    2
                                                                                                                                      Ce qui n’est pas le cas en pratique: voir J. Khoury,
                                                                                                                                    Rénovation énergétique des bâtiments résidentiels
                                                                                                                                    collectifs: état des lieux, retours d’expérience et po-
                                                                                                                                    tentiels du parc genevois, 2014.

Les locataires supporteraient des charges supplémentaires, en partie compensées par la baisse des dépenses d’énergie.

                                                                                                                                                         Droit au logement n° 245 avril 2020 5
Droit au logement Le journal de l'Asloca no 245 AVRIL 2020 - Environnements favorables aux aînés
DOSSIER
ACTIONS EN
FAVEUR DES
AÎNÉS
                                        HENRIETTE SCHAFFTER
                                        Rédactrice en chef
                                        Droit au logement

                                          LA SUISSE VIEILLIT:
                                          UN DÉFI À RELEVER

                                         L
                 Le vieillissement                  ’étude «Environnements favorables          dans une minorité de communes. Plus d’un
                                                    aux personnes âgées en Suisse» dresse      tiers des communes s’appuient sur un instru-
                  de la population                  un état des lieux, pour la première fois   ment de pilotage cantonal. Ces lignes direc-
               amène de nouvelles                   dans notre pays, des stratégies et du
                                                    travail liés aux aîné·e·s dans les com-
                                                                                               trices sont davantage prises en compte dans
                                                                                               les grandes, petites et moyennes aggloméra-
                  problématiques,         munes suisses. Ce besoin d’action politique          tions que dans les communes rurales.
                                          pour cette population spécifique tourne autour
               notamment au sein          de la mobilité, des transports publics et du lo-     Tâches prioritaires
                   des communes.          gement.
                                          Comment les communes suisses appré-
                                                                                               La politique en faveur des aîné·e·s concerne
                                                                                               principalement les soins et l’encadrement,
                   Quelles sont les       hendent-elles l’augmentation importante de           ainsi que, dans une moindre mesure, l’inté-
                   actions déjà en        leur population âgée? C’est ce qu’a cherché à
                                          savoir l’Académie suisse des sciences humaines
                                                                                               gration sociale et la participation à la société.
                                                                                               Par contre, la population n’a que peu de pos-
                  cours en Suisse?        et sociales en collaboration avec l’Union des        sibilités de participer activement au dévelop-
                                          villes suisses ainsi que l’Association des com-      pement de cette politique. Les services liés à
                  Que pourrait-on         munes suisses, qui a conçu l’étude, mandatée         l’aménagement des espaces publics, au loge-
                     faire de plus?       par la a+ Swiss Platform Ageing Society. Dans le
                                          cadre de ce sondage, effectué par gfs.bern, 927
                                                                                               ment et à la mobilité sont rarement proposés
                                                                                               aux personnes âgées. Sauf dans certaines
               Une étude à ce sujet       communes (sur un total de 2222) ont répondu à        communes exemplaires, par exemple Cha-
                                          un questionnaire entre avril et août 2019.           vannes-près-Renens, dans le canton de Vaud
                  a été publiée fin                                                            (voir page 8), qui a mis en place une série d’ac-
                     janvier 2020.        «Environnement favorable aux aîné·e·s»:              tions inédites.
                                          un concept de l’OMS
                                          C’est l’Organisation mondiale de la santé (OMS)      Participation limitée
                                          qui a établi le concept utilisé dans cette étude     Les possibilités de participation les plus sou-
                                          suisse. Cela signifie que l’on crée un contexte      vent mentionnées sont les associations, les
                                          qui répond aux besoins des personnes âgées           groupes ou les commissions en faveur des
                                          et qu’on fait la promotion de leur santé, leur       aîné·e·s. Un échange direct avec les délé-
                                          autonomie, leur indépendance et leur partici-        gué·e·s à la population âgée ou les forums de
                                          pation. Le but est ainsi de façonner notre envi-     discussion n’existent que dans une minorité
                                          ronnement et les espaces de manière à ce que         de communes, pour l’instant.
                                          les aîné·e·s puissent mener leur vie selon leurs     Cependant, les communes interrogées identi-
                                          visions et objectifs.                                fient un important besoin d’actions politiques
                                                                                               dans le domaine du logement, des transports
                                          Les grandes villes plus impliquées                   publics, de la mobilité ainsi que des presta-
                                          L’une des conclusions de l’étude est que les         tions en santé et de soutien. Ces priorités ne
                                          grandes villes sont les plus impliquées en la        diffèrent pas selon les régions linguistiques ou
                                          matière. Plus de la moitié des communes ayant        la taille de la commune.
                                          répondu au sondage possèdent ou prévoient
                                          de mettre en œuvre leur propre concept ou            Type d’habitat déterminant
                                          un concept intercommunal de politique en fa-         Le développement de ce genre de politique
                                          veur des aîné·e·s. La moitié des communes ont        semble étroitement lié au type d’habitat
                                          également un organisme ou une personne res-          puisque les communes rurales montrent un
                                          ponsable de cette politique. On les trouve très      niveau de développement de leur politique
                                          fréquemment dans les communes de Suisse              en faveur des aîné·e·s nettement inférieur à
                                          alémanique, alors qu’en Suisse romande et en         celui des petites, moyennes ou grandes ag-
                                          Suisse italienne elles ne sont présentes que         glomérations. Plus une commune compte

Droit au logement n° 245 avril 2020 6
Droit au logement Le journal de l'Asloca no 245 AVRIL 2020 - Environnements favorables aux aînés
@Keystone

Comment intègre-t-on les personnes âgées dans la vie communale? Certaines villes sont plus avant-gardistes que d’autres...

d’habitant·e·s, plus sa politique en faveur des                    Contenu des actions communales                                                                                                          de compétences entre les communes et les
aîné·e·s est globale. Mais cela ne signifie pas                    La priorité des personnes référentes dans les                                                                                           cantons.
que les besoins de la population âgée soient                       communes est de fournir des informations et
mieux satisfaits que dans les petites com-                         des conseils aux personnes âgées ou à leurs                                                                                             Politique des aîné·e·s avant-gardiste
munes. Cela ne reflète en effet que l’offre et                     proches. La seconde tâche la plus fréquente                                                                                             Les cantons de Lucerne, de Zoug, de Thurgo-
non la demande, qui est en général bien plus                       est l’organisation d’évènements ou activités                                                                                            vie, de Berne et de Zurich mènent une politique
élevée dans les grandes communes.                                  telles que des excursions ou après-midi desti-                                                                                          communale plus avancée et plus globale en fa-
En revanche, le poids des partis politiques n’a                    nées aux aîné·e·s. C’est souvent un membre du                                                                                           veur des personnes âgées. Cela ressort d’une
pas grande influence. Seul le poids électoral                      Conseil communal (exécutif) qui se charge de                                                                                            analyse approfondie des actions menées pour
du PLR dans les communes, lors des élections                       cette responsabilité.                                                                                                                   les aîné·e·s.
au Conseil national de 2015, est significative-                                                                                                                                                            Les cantons de Genève, de Fribourg, de Soleure,
ment lié à l’indice de la prise en compte des                      Un logement adapté et abordable                                                                                                         de Bâle-Campagne, d’Argovie et de Saint-Gall
personnes âgées dans ces communes: plus le                         Selon les représentant·e·s des communes, la                                                                                             ont des résultats un peu inférieurs et les moins
poids du PLR est élevé, moins la politique de                      préoccupation caractéristique la plus impor-                                                                                            bons élèves sont les cantons de Vaud, de Neu-
la commune en faveur des personnes âgées est                       tante est un logement adapté et abordable pour                                                                                          châtel, du Jura, du Valais, du Tessin et des Gri-
globale. Les poids des autres partis ne sont pas                   les personnes âgées. L’infrastructure générale                                                                                          sons. Dans les neuf cantons non cités, la parti-
significatifs. La proportion de la population                      dans les communes (couverture médicale                                                                                                  cipation au sondage n’a pas été suffisante pour
âgée de plus de 64 ans n’est pas statistique-                      insuffisante ou manque d’installations com-                                                                                             en tirer des conclusions valables.
ment significative, même si elle a une très                        merciales) constitue leur deuxième priorité.                                                                                            Les «mauvais» résultats des cantons suisses
légère influence.                                                  Leur troisième priorité est d’obtenir des res-                                                                                          romands sont notamment dus au manque de
                                                                   sources financières et de clarifier le partage                                                                                          possibilités de participation explicitement
                                                                                                                                                                                                           mises en place pour les personnes âgées.

                                                                                                                                                                                                           L’avenir est aux coopérations
                                                                                                                                 Source: étude «Environnements favorables aux personnes âgées en Suisse»

                                                                                                                                                                                                           intercommunales
                                                                                                                                                                                                           Des thèmes prospectifs comme l’habitat au-
                                                                                                                                                                                                           tonome pour les personnes âgées occupent
                                                                                                                                                                                                           encore peu de place actuellement. Les défis
                                                                                                                                                                                                           que perçoivent les représentant·e·s des auto-
                                                                                                                                                                                                           rités publiques (augmentation de la démence,
                                                                                                                                                                                                           manque de logements adaptés) sont sem-
                                                                                                                                                                                                           blables d’une commune à l’autre. Ce pourrait
                                                                                                                                                                                                           ainsi être le point de départ pour de futures
                                                                                                                                                                                                           coopérations intercommunales visant à ré-
                                                                                                                                                                                                           soudre ces problèmes. Dans le même temps, le
                                                                                                                                                                                                           potentiel de renforcer la participation directe
                                                                                                                                                                                                           de la population âgée existe, car les instru-
                                                                                                                                                                                                           ments participatifs correspondants ne sont pas
                                                                                                                                                                                                           encore pleinement exploités.

La politique mise en place dans les cantons en faveur des aîné·e·s n’est pas toujours similaire. Des différences apparaissent selon
les sensibilités.

                                                                                                                                                                                                                              Droit au logement n° 245 avril 2020 7
Droit au logement Le journal de l'Asloca no 245 AVRIL 2020 - Environnements favorables aux aînés
DOSSIER
ACTIONS EN
FAVEUR DES AÎNÉS

Mieux vivre dans les quartiers et intégrer
les aînés: un bel exemple vaudois
La commune de Chavannes-près-Renens est citée en modèle dans l’étude «Environne-
ments favorables aux personnes âgées en Suisse». Qu’a-t-elle donc entrepris de spécial
pour ses aîné·e·s? Réponse par ses représentants.

C
           havannes-près-Renens fait partie          des blocs de quartiers séparés les uns des           les référent·e·s ont demandé à parler avec les
           d’une région en plein développement       autres. «Nous avons voulu faire une politique        résidents, afin de récolter des anecdotes sur
           urbain et démographique. A l’horizon      de proximité et faire sortir l’administration        le quartier.» Les gens ont ainsi été écoutés et
           2030, sa population actuelle de 8026      sur le terrain», raconte-t-elle. Elle poursuit:      cela a permis de les motiver à poursuivre la
           habitants pourrait bien doubler.          «Les gens étaient restés bloqués sur une crise       démarche avec la Ville.
Pour faire face aux différents enjeux que cette      vécue en 2002. Il fallait donc changer l’image:
pression démographique va poser en termes            être plus visible et à l’écoute. Les seniors ont     Démarche inédite
de cohésion sociale, la commune a établi un          des craintes quant au boom démographique             Ce qui caractérise Chavannes-près-Renens, se-
partenariat avec le centre de recherche univer-      qui s’annonce. La Ville les rassure en leur          lon Dario Spini, directeur du pôle de recherche
sitaire LIVES pour lancer le projet de politique     permettant de s’exprimer, d’exprimer leurs           national LIVES, «c’est d’une part une coordi-
d’action santé-social Cause Commune, dont            angoisses mais aussi leurs idées et leurs            nation action-recherche participative dès la
l’objectif principal est de faire participer les     souhaits. Les seniors participent activement         conception du projet et tout au long du pro-
seniors et tou·te·s les habitant·e·s à l’organisa-   aux séances mises en place et les citoyens           jet. Le cadre communal de cette coordination
tion de leur ville, dans une vision de politique     deviennent ainsi acteurs. De plus, des syner-        (entre services, entre municipalité, experts
d’action et de santé des âges, afin d’améliorer      gies apparaissent entre les générations. C’est       et habitant·e·s) est sans doute une caractéris-
l’environnement social et la qualité de vie au       très bénéfique.»                                     tique de la commune, qui se veut ouverte sur le
sein des quartiers.                                                                                       changement avec une réflexivité et ouverture
Ce programme fait suite à des constats so-           Les échanges se multiplient                          au changement vers le participatif et l’intégra-
ciaux établis ces dernières années grâce à des       Les actions déjà entreprises (potagers urbains,      tif qui doit rester également un objectif. Enfin,
démarches communautaires (comme «Quar-               boîtes à livres) font que les gens circulent en      le cadre théorique qui lie la qualité sociale des
tiers solidaires», initiés par Pro Senectute         ville. Cela a donné de l’élan, qu’il n’y avait pas   environnements locaux sur la santé publique
Vaud). En effet, les seniors de la commune ont       avant. Tous les échanges désormais existants         est sans doute également assez original.»
exprimé de fortes attentes de création de lieux      améliorent la qualité de vie des seniors, rend       Mais pourquoi avoir choisi cette commune?
de rencontre et de pouvoir échanger avec les         les contacts avec l’administration plus aisés.       «C’est d’abord une question d’opportunité, les
autres générations. Ils étaient très deman-          Pour Loubna Laabar, tout le monde est ga-            porteurs du projet y travaillent… Mais c’est une
deurs de rencontres, même sans être particu-         gnant. Même si la Municipalité ne peut pas ac-       belle opportunité car Chavannes-près-Renens
lièrement en attente de solutions. Pour Alain        céder à une demande, elle explique pourquoi          est une commune qui a un déficit d’identité
Plattet, chef du service Cohésion sociale de         et d’autres idées surgissent! Les rencontres         (commune-dortoir, pas de centre identifiable),
la commune, l’être humain étant «un animal           favorisent la discussion et la recherche de so-      qui voit sa population se diversifier (près de
social» (selon Aristote), pour vivre heureux         lutions ensemble. La municipale voit déjà des        100 nationalités avec quelques communautés
dans un quartier, il faut qu’il y ait des possi-     possibilités de s’atteler à d’autres problèmes       fortes) et se développer (doublement de la po-
bilités de liens. Le programme mis en place          à l’avenir: obésité, alcoolisme, solitude. Elle      pulation ces prochaines années) et une volonté
à Chavannes-près-Renens est, selon lui, une          pense que certains aspects «santé» pour-             politique de rapprocher le politique du terrain.
plus-value pour tous.                                ront être traités également via le programme         La liste serait longue...» explique Dario Spini.
                                                     Cause Commune.
Changer l’image de la ville                                                                               Diverses phases tout au long de l’année
Loubna Laabar, municipale responsable de             Fête de quartier                                     La démarche en elle-même est la suivante:
la cohésion sociale, de la jeunesse et de l’en-      Les citoyens ont-ils été partants et enthou-         quatre référent·e·s de publics spécifiques (en-
fance, explique que la volonté était notam-          siastes dès le départ? Alain Plattet explique        fants, jeunes, adultes et seniors) soutenu·e·s
ment de changer l’image de la ville, décrite         que la démarche a été faite d’une manière ori-       par une coordinatrice et des chercheur·e·s
comme une cité-dortoir, sans centralité, avec        ginale: «Une fête de quartier a été organisée et     universitaires vont synchroniser leur travail
                                                      @BirdLife Suisse
Droit au logement n° 245 avril 2020 8
Droit au logement Le journal de l'Asloca no 245 AVRIL 2020 - Environnements favorables aux aînés
@Chavannes-près-Renens

La plateforme du mois de février: l’occasion pour chaque groupe d’âge de s’exprimer et de trouver des solutions ensemble.

de manière annuelle, afin d’assurer la créa-                  taine d’activités autogérées ont été suggérées                l’ancienne en parc vert. Pour Alain Plattet,
tion d’une dynamique intergénérationnelle au                  par les groupements. Les responsables du pro-                 c’est le fait de dire «on est avec vous sur cette
sein des quartiers. Le cycle annuel comprend                  jet s’attendaient à recevoir huit à dix proposi-              problématique» et le fait qu’on fasse partici-
d’abord une phase d’écoute de la population                   tions et ils sont très satisfaits de cette foison             per tous les acteurs qui entraînent une bonne
(6 mois), ensuite une phase de réflexion et de                d’idées! Les activités vont des goûters faits                 réaction de la part des gens et un belle dyna-
coconstruction avec les habitant·e·s (3 mois)                 par les parents, des bricolages, des matchs de                mique. C’est pour lui une nouvelle manière de
puis une phase de communication (3 mois).                     foot durant l’Euro 2020 à l’organisation d’un                 parler aux différents acteurs. Il souligne éga-
La phase de réflexion et de coconstruction                    voyage pour les jeunes ou aux rencontres                      lement que cela a permis une meilleure proxi-
constitue le cœur de la démarche: un forum in-                avec la police de proximité. Les seniors ont                  mité entre les différents services de la ville.
tergénérationnel permet à chaque génération                   demandé une permanence café, des cours de
de s’impliquer de manière coordonnée dans                     qi-gong et de tricot, notamment, ainsi qu’un                  Programme à transposer ailleurs
l’élaboration de solutions aux thématiques qui                banc (aménagement urbain).                                    Dario Spini explique: «L’idée est bien de trans-
la concernent (le premier forum devait avoir                                                                                férer dans le futur certains outils et pratiques
lieu en mars mais a été annulé en raison du                   Gestion des déchets - les gérances                            à d’autres communes. S’il y avait de l’intérêt,
coronavirus).                                                 participent                                                   on pourrait imaginer à l’avenir de développer
Au bout de quatre ans à ce rythme-là, ce qui                  La gestion des déchets du même quartier a été                 un même programme dans d’autres com-
aura permis de faire le tour de tous les quar-                modifiée suite à une plateforme ayant eu lieu                 munes.» Alain Plattet a déjà récemment reçu
tiers de la ville, une année de «respiration» est             en novembre. Les gens y avaient fait part de                  des demandes d’autres communes...
prévue, afin de requestionner cette pratique et               leur insatisfaction quant à la gestion des dé-
de la faire évoluer. Dans six ans, le cycle de-               chets dans le quartier. Une maman avait cité
vrait recommencer puisque ce projet est pensé                 sa fille qui lui avait dit qu’elle avait passé ses
à long terme.                                                 vacances dans les déchets!
                                                              Tous les acteurs ont été invités à participer à
Déjà des effets concrets                                      la plateforme suivante, fin février 2020, où
Le projet a débuté en mai 2019 et a déjà vu                   des solutions ont été trouvées. La gérance
des mesures concrètes apparaître: un local                    présente a été touchée par ces problèmes ré-
communautaire a été ouvert dans un quartier,                  currents de déchets et a décidé de créer deux
grâce au soutien du canton, et une cinquan-                   nouvelles zones de collecte et de transformer

                                                                                                                                               Droit au logement n° 245 avril 2020 9
Droit au logement Le journal de l'Asloca no 245 AVRIL 2020 - Environnements favorables aux aînés
NEUCHÂTEL
PERSONNES ÂGÉES
MISES À LA PORTE

                                                 MARIE-CLAIRE JEANPRÊTRE PITTET
                                                 Responsable du service juridique
                                                 ASLOCA Neuchâtel

Neuchâtel: ce n’est pas tous les jours Noël!
Il vaut toujours la peine de se défendre contre des congés non nécessaires donnés par des
propriétaires peu compatissants. Encore une preuve à Neuchâtel dans le cas ci-dessous.

E
         n s’excusant d’agir «à l’aube des fêtes     (du moins pour l’instant) et deux logements à      balcons allaient commencer, alors qu’elle cla-
         de fin d’année» 2010, la gérance            loyer abordable en moins sur le marché; mais       mait dans ses échanges d’écritures que c’était
         Ribaux & von Kessel adressait une           pas suffisant pour mettre un frein à la seconde    absolument impossible.
         hausse de loyer «aux plus anciens           phase du projet.
         locataires de l’immeuble sis Fon-                                                              Congé annulé
taine-André n° 42-44».                               Personnes âgées: aucune compassion                 Dans son jugement rendu le 8 janvier dernier,
Dans la correspondance qui l’accompagnait,           de la propriétaire                                 la juge a annulé le congé. Elle a retenu qu’il
elle annonçait avoir procédé à une étude du          Les locataires des rez-de-chaussée du n° 42        était démontré que les travaux pouvaient être
marché, lui permettant de fixer le loyer net         ont reçu leur congé peu de temps avant Noël        exécutés sans résilier le bail (puisqu’ils étaient
d’un trois-pièces à 800 francs (voire 1300           2018. L’un des logements était occupé depuis       faits!), et surtout qu’il existait une dispropor-
francs en cas de rénovation), mais qu’elle se        46 ans par une dame âgée de 87 ans, atteinte       tion grossière entre les intérêts en présence,
contenterait de 776 francs compte tenu de la         dans sa santé, au bénéfice de faibles revenus et   soit ceux purement financiers de la bailleresse,
dernière baisse du taux hypothécaire (en ou-         qui s’était constitué un réseau d’aide parmi ses   et les conséquences particulièrement pénibles
bliant évidemment les baisses précédentes).          voisins lui assurant son maintien à domicile.      sur le plan humain pour la locataire en raison
Les locataires étaient invités à «comprendre         Bien qu’au courant de cette situation difficile,   de la résiliation. Dommage que ce jugement,
réellement» qu’ils profitaient encore d’un           la propriétaire n’a pas voulu retirer le congé     pourtant rendu dans un délai très bref, n’ait
«geste» de la part de la propriétaire. Pour clore    et l’affaire a été portée devant le tribunal. En   pas pu être glissé sous le sapin de Noël 2019.
cette missive dans un style bien propre à cette      cours de procédure, la gérance a annoncé
gérance, il était indiqué: «Par surabondance de      de façon péremptoire que les travaux sur les
précaution, s’il devait y avoir une contestation
sur ce loyer de 776 francs/mois, hors charges,
nous serons (sic) contraints, devant la com-
mission de conciliation, de faire état de cette
étude et ainsi prétendre à un loyer majoré.
Nous espérons ne pas en arriver à cet ultime re-
cours.» Cette hausse a été contestée et retirée.
Plusieurs des locataires concernés occupaient
les quatre rez-de-chaussée de ces immeubles,
avec un loyer net de 540 francs.

Rénovation et congé...
Quelques années plus tard, au début de 2018,
la propriétaire a eu l’idée d’agrandir les balcons
des quatre rez-de-chaussée et de procéder à
des travaux de rénovation. Selon l’architecte,
il était absolument impossible d’intervenir en
présence des locataires. Les deux occupants
du n° 44 ont reçu leur congé, dont l’une, âgée
de 88 ans, vivait depuis cinquante ans dans
                                                     @Marie-Claire Jeanprêtre Pittet

son appartement; celle-ci a été victime d’un
malaise peu après et placée définitivement
dans un home. Les travaux annoncés ont été
exécutés et les logements remis sur le marché
au prix de 1450 francs plus charges. L’un a été
loué avec remise de loyer et l’autre est toujours
vide au moment où nous écrivons ces lignes.
Autant dire un gâchis humain, économique             Le locatif de la rue de Fontaine-André.

Droit au logement n° 245 avril 2020 10
FRIBOURG
FRAIS
ADMINISTRATIFS
RÉDUITS
                                                     ALAIN RIBORDY
                                                     Avocat
                                                     ASLOCA Fribourg

La gérance accepte de réduire ses frais
administratifs à 1%
Le forfait de 4% prévu dans le canton de Fribourg (partie francophone) a été revu
nettement à la baisse dans un cas soutenu par l’ASLOCA. Beau succès.

D
             ans le domaine des frais acces-            contrats (abonnements) conclus à cet effet,                       le taux de 4% à 1%, comme le demandaient les
             soires, un principe fondamental            dont le coût est déjà facturé aux locataires                      locataires, car elle craignait une décision qui
             est celui du coût effectif (art. 257b      dans les frais de chauffage; avec le chauffage à                  aurait fait jurisprudence.
             al. 1 CO). Autrement dit, le bailleur      distance, il n’y a même plus d’installation et le
             ou la gérance qui le représente ne         bailleur ne traite plus que les factures du four-                 Forfait trop élevé, à revoir!
doit pas réaliser un bénéfice quand il facture          nisseur. Quant au travail administratif, il se                    Mais, même sans cette décision, il est possible
les frais accessoires. C’est pourquoi le locataire      limite à la saisie des factures dans le logiciel.                 d’affirmer que le taux de 4% est trop élevé. Un
a le droit de vérifier les dépenses portées dans        Ainsi, en se fondant sur la doctrine récente,                     arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois du 20
le décompte en consultant les pièces justifica-         deux locataires d’un immeuble de l’agglomé-                       mai 2019 confirme du reste que le taux ad-
tives (art. 257b al. 2 CO).                             ration fribourgeoise raccordés à une installa-                    missible dépend du type et de l’importance de
                                                        tion de chauffage à distance ont contesté le                      l’installation de chauffage.
Forfaits acceptés                                       taux de 4%, avec le soutien de l’ASLOCA, qui
Cependant, pour éviter un travail excessif (qui         voulait en faire un cas de principe. En cours
pourrait lui-même être facturé), il est permis          de procédure, la gérance a accepté de réduire
au bailleur de compter forfaitairement, par ex-
ception au principe du coût effectif, les frais
de maintenance de l’installation de chauffage
et les frais d’administration découlant de l’éta-
blissement du décompte, jusqu’à concurrence
des taux usuels (art. 4 al. 3 et 5 al. 3 OBLF).

Ne pas trop différer du coût effectif
Ces forfaits ne doivent évidemment pas trop
s’écarter du coût effectif, sans quoi ils ne res-
pectent plus la loi. La question à cent millions
est donc celle du taux usuel: il y a en Suisse
2,2 millions de locataires qui paient chaque
année des milliers de francs de frais acces-
soires; savoir si les frais administratifs sont
comptés à 5% ou à 1% de ces milliards revêt
une importance économique considérable.

Taux plus très justifié
Selon une décision du Tribunal des baux
de la Sarine rendue en 2017, le taux usuel
dans le canton de Fribourg, en tout cas dans
la partie francophone, s’élève à 4%. Ce taux
pouvait se justifier à l’époque où les instal-
lations de chauffage nécessitaient une véri-
table maintenance et où l’établissement des
décomptes entraînait un travail administratif
conséquent. Tel n’est manifestement plus le
cas aujourd’hui. De nombreuses installations
                                                                                                                                                                                    @pixnio

sont entièrement automatisées et les logiciels
de gestion administrative de plus en plus per-
formants. De cette manière, il n’y a plus de            Le travail administratif des gérances s’est considérablement simplifié ces dernières années et le forfait y relatif facturé au
maintenance de l’installation en dehors des             locataire devrait être adapté en conséquence.

                                                                                                                                                  Droit au logement n° 245 avril 2020 11
GENÈVE
 SITUATION
 DE CRISE ET
 LOCATAIRES
                                                          CHRISTIAN DANDRÈS                                                        ALBERTO VELASCO
                                                          Avocat et conseiller national                                            Président
                                                          ASLOCA Genève                                                            ASLOCA Genève

 Le soutien public doit servir à la majorité
 de la population!
 En cette période difficile, les locataires et salarié·e·s de notre pays ont besoin d’aide. Certaines
 villes s’engagent pour atténuer les dommages subis par les personnes les plus touchées.

D
             epuis le début de la crise liée au                Protection de la population lacunaire                          sécurité, etc.). C’est tout juste si le Conseil
             COVID-19, les mesures s’enchaînent                Le Conseil fédéral laisse les employeurs libres                fédéral a clarifié la donne salariale pour les
             et mettent en lumière l’action du                 de fermer ou non, sans distinction selon les                   travailleur·euse·s vulnérables. Il s’agissait de
             Conseil fédéral, axée essentielle-                secteurs économiques. Hormis les commerces                     réagir aux positions exprimées par des juristes
             ment sur la défense des intérêts des              ouverts au public, les entreprises peuvent                     proches des milieux patronaux, qui préten-
 milieux économiques et immobiliers.                           aujourd’hui encore poursuivre leur activité,                   daient que les salarié·e·s ne pouvaient pas
 Au moment où cet article est rédigé1, le Conseil              partant exposer leurs salarié·e·s au virus, sans               toucher de salaire en cas d’empêchement de
 fédéral tient une conférence de presse dans                   lien avec la nature des prestations et/ou mar-                 travailler en raison des mesures sanitaires.
 laquelle il n’a pas de mots assez forts pour                  chandises qu’elles fournissent ou produisent.                  Le Conseil fédéral ne prévoit, en revanche, rien
 encourager la population à rester chez elle. Il               Or, pour protéger la population, seules les                    pour les autres salarié·e·s, hormis une alloca-
 interdit de se réunir à plus de cinq personnes,               entreprises essentielles devraient être au-                    tion pour les parents qui doivent garder leurs
 sauf lorsqu’il s’agit de travailler.                          torisées à fonctionner (santé, alimentation,                   enfants.

                                                                                                                                                                                        @Demir Sönmez
@flickr

De très nombreux commerces ont dû fermer à la mi-mars. Les Villes de Genève et d’Onex ont d’ores et déjà renoncé à percevoir les loyers des commerces dont les portes restent closes.

 Droit au logement n° 245 avril 2020 12
Cette question est importante pour l’ASLOCA          lation qui subit de plein fouet la crise. Les        tout ou partie de leurs revenus. Il est donc
également, puisque la majorité des locataires        petits bailleurs qui dépendent matériellement        indispensable d’étendre ces mesures à l’en-
sont salarié·e·s et que, faute de salaire, ils       de la location d’un ou deux appartements, de         semble des locataires frappé·e·s par cette crise.
risquent de perdre leur logement. L’inaction         même que les PME doivent aussi être soute-
du Conseil fédéral à protéger les salarié·e·s-       nus. Un revenu locatif maximal pourrait être         Elections municipales: plusieurs élu·e·s
locataires a déjà des conséquences.                  fixé de manière à exclure les grands bailleurs       de l’ASLOCA

                                                                                                              rd@
                                                     institutionnels (assurances, banques, etc.).         L’ASLOCA s’est engagée dans la campagne mu-
Suspension des délais légaux:                                                                             nicipale, pour appeler à faire élire des conseil-
les locataires sont oublié·e·s                       Pas de plans de restructuration                      ler·ère·s municipaux·ales et administratif·ive·s
En outre, une semaine après la Cour euro-            subventionnés!                                       capables de défendre les intérêts des locataires.
péenne des droits de l’homme, le Conseil fé-         L’aide aux entreprises doit être conditionnée        Elle remercie les Genevois·e·s d’avoir élu Ca-
déral admet enfin que les circonstances em-          au maintien des postes de travail ou à leur ré-      role-Anne Kast à Onex, Stéphanie Lammar à
pêchent les justiciables de faire valoir leurs       tablissement. Les aides ne doivent pas servir        Carouge et Nicolas Gurtner en ville de Genève.
droits ou de se défendre en justice. Il suspend      à verser des dividendes à celles et ceux qui en      A l’heure où cet article est rédigé, Alfonso
les délais judiciaires et de procédure, mais pas     sont propriétaires. Il faut éviter que cette crise   Gomez est candidat au second tour de l’élection
ceux prévus dans le Code des obligations qui         ne soit l’occasion de vastes plans de restruc-       au Conseil administratif de la ville de Genève.
concernent les locataires (congé, hausse de          turation subventionnés, destinés avant tout à        Nous espérons qu’il sera élu et qu’il pourra
loyer, etc.). Or, sauf quelques considérations       rétablir le taux de profit pour les actionnaires.    obtenir le dicastère du logement (Gérance im-
sur la faillite d’entreprises locataires qui pour-                                                        mobilière municipale). Alfonso est membre du
raient nuire aussi à leurs bailleurs, les milieux    Des villes engagées                                  comité de l’ASLOCA et a participé à la rédac-
immobiliers n’ont aujourd’hui pas annoncé            Si le Conseil fédéral fait la sourde oreille aux     tion de la feuille de route de l’ASLOCA pour les
vouloir préserver autre chose que leurs inté-        appels des locataires, certaines communes            candidat·e·s en ville de Genève. Sa présence
rêts. Aucun moratoire sur les congés ou les          s’engagent. Il en va notamment ainsi de la Ville     au sein du gouvernement municipal serait un
défauts de paiement n’est envisagé à ce stade.       de Genève, qui a renoncé à percevoir les loyers      atout pour les locataires, en particulier en cette
                                                     des commerces fermés. La commune d’Onex              période de crise sanitaire.
Soutien à la majorité de la population               a pris une mesure similaire. Pour le moment,
Les soutiens publics doivent d’abord servir          sont concernés les locaux commerciaux d’en-          1
                                                                                                              Texte rédigé le 20 mars.
à indemniser les salarié·e·s/indépendant·e·s         treprises qui ont dû fermer. Restent les loca-
et les locataires, soit la majorité de la popu-      taires d’habitations qui perdent ou ont perdu

                                                     Hommage à Mme Gisèle Gampert-Péquignot

                                                     M
                                                                   me Gisèle Gampert-Péquignot s’en est allée le 1er février. L’ASLOCA Genève
                                                                   rend hommage à la première présidente de la Commission de conciliation en
                                                                   matière de baux et loyers (CCBL) ainsi qu’à la première juge femme à Genève.
                                                                   L’ASLOCA transmet ses condoléances à sa famille et à ses proches.

                                                     Mme Gampert-Péquignot, respectée tant par les locataires que les bailleurs, a préser-
                                                     vé les intérêts essentiels de bon nombre de locataires, en poursuivant la conclusion
                                                     d’accords. Elle a ainsi sauvé le logement de familles à une époque de fortes hausses de
                                                     loyer.

                                                     Dans un prochain numéro, nous reviendrons sur quelques aspects du travail de
                                                     Mme Gampert-Péquignot et de la CCBL.

                                                                                                                                          Christian Dandrès

                                                                                                                                Droit au logement n° 245 avril 2020 13
Vous pouvez aussi lire