Droit au logement Le journal de l'Asloca no 245 AVRIL 2020 - Environnements favorables aux aînés
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Droit au logement Le journal de l’Asloca no 245 AVRIL 2020 Dossier Environnements favorables aux aînés – Vos droits Coronavirus: quelques réponses à vos interrogations
SOMMAIRE ÉDITO 5 HENRIETTE SCHAFFTER Rédactrice en chef Droit au logement LE MESSAGE DE L’ASLOCA p.3 La Suisse vieillit et il faut faire face à de nouveaux défis, notamment au sein des communes. Celles-ci SUISSE Les locataires sont doivent s’adapter et ne pas oublier les personnes les oubliés de la crise p.4 âgées. Une étude intitulée «Environnements favorables aux personnes âgées en Suisse» vient Révision de la loi sur le CO2 p.5 de sortir et fait le point de la situation dans notre DOSSIER pays, avec les bons et les mauvais élèves. Les villes soignent-elles suffisamment Citée en exemple, la commune de Chavannes- leurs seniors? p.6-9 près-Renens a investi beaucoup d’énergie ces NEUCHÂTEL derniers mois et obtient déjà de beaux résultats! Congé annulé car travaux possibles Explications dans notre dossier, qui met en avant 10 sans résiliation p.10 les échanges intergénérationnels et la participa- FRIBOURG tion des seniors à la vie des quartiers. Un forfait de frais administratifs revu à la baisse p.11 Ces mots sont évidemment valables en temps GENÈVE normal. Or, en cette période de crise sanitaire, La crise à Genève et le soutien public nous encourageons plutôt les personnes âgées Hommage à Gisèle Gampert-Péquignot à rester chez elles et à profiter des réseaux de p.12-13 solidarité incroyables qui se mettent en place dans VOS DROITS toutes nos régions. Coronavirus: quelques réponses aux questions des locataires p.14 Notre avocat répondant de Genève a tenté de faire CONSULTATIONS DE L’ASLOCA p.15 un premier point de la situation sur certaines interrogations des locataires liées au coronavirus. NEWS p.16 Espérons que cela répondra déjà à quelques-unes des questions que vous vous posez durant cette période difficile pour toutes et tous. Nous revenons sur le succès des candidat·e·s soutenus par l’ASLOCA lors des élections commu- nales de mi-mars à Genève. Le deuxième tour devrait s’être déroulé début avril mais après le dé- lai de rédaction de ce numéro. Nous n’avons donc pas les résultats définitifs. En outre, l’ASLOCA Genève rend hommage 14 à la première présidente de la Commission de conciliation des baux et loyers, Gisèle Gampert- Péquignot, décédée récemment. Bonne lecture et prenez soin de vous! Henriette Schaffter Couverture: @Keystone et @OFSP Rédactrice en chef Droit au logement n° 245 avril 2020 2
LE MESSAGE DE L’ASLOCA par CARLO SOMMARUGA Président de l’ASLOCA Suisse L a pandémie du coronavirus s’est abattue sur la Suisse. Comme Comme le disait récemment l’éminent spécialiste du droit du bail Da- une nuée de sauterelles invisibles s’en prenant aux êtres hu- vid Lachat, «dans le cas du loyer des commerçants empêchés d’exploi- mains. Après la grippe de Hong Kong en 1968-1970 avec des ter leur commerce et de gagner leur vie, en raison de l’ordonnance 2 dizaines de milliers de morts à travers le monde et l’épidémie COVID-19, un résultat juste est celui qui ne fait pas porter toute la charge du SRAS en 2003-2004, d’aucuns avaient alerté les autorités par le locataire et qui ne permet pas au bailleur de s’en sortir comme s’il contre la menace bien plus concrète pour la population qu’une attaque n’y avait pas eu de coronavirus». venue du ciel d’on ne sait où et de qui! Lorsque la pandémie quittait L’équité commande que le locataire assume ses pertes commerciales la lointaine Chine pour arriver en Europe et en Suisse, elle progressait et le bailleur ses pertes locatives. C’est cette répartition du fardeau du bien plus rapidement et plus intensément que les autorités politiques coronavirus entre locataire et bailleur que défend l’ASLOCA Suisse, ne l’imaginaient. Il s’est imposé rapidement que des mesures urgentes notamment dans le cadre de la task force. Cette approche fondée sur destinées à limiter la propagation de l’épidémie en Suisse devaient être la justice et l’équité est tout à fait conforme à la systématique des art. adoptées. Des mesures destinées d’une part à informer sur les compor- 259d et 259e CO. Comme le résume toujours David Lachat: «Le bailleur tements barrière pour réduire les risques de contamination, d’autre part supporte l’exonération ou la réduction du loyer (responsabilité causale) à éviter la saturation des services des soins intensifs des hôpitaux et et le locataire ne peut pas prétendre à des dommages-intérêts (respon- enfin à gagner du temps pour disposer d’une médication sûre et efficace sabilité fautive).» protégeant de la mort les plus vulnérables d’entre nous. A ce stade il y a trois voies possibles. Soit le Conseil fédéral tranche en Dans ce contexte, le Conseil fédéral a clos avec effet au 17 mars tous équité et justice et se substitue aux juges avec une mesure urgente qui les commerces et les établissements publics à quelques exceptions près s’applique à tous baux commerciaux touchés par les fermetures totales comme les distributeurs d’alimentation, les pharmacies, les drogueries ou partielles. Soit les autorités de conciliation et judiciaires sont sub- et les kiosques. mergées par un tsunami de requêtes déposées par les locataires et nous Pour les commerçants touchés par ces mesures, c’est la catastrophe! connaîtrons la décision du Tribunal fédéral dans trois ans. Soit les loca- Plus d’activité, plus de chiffre d’affaires, mais des charges qui sont là: taires, pris par l’urgence financière et la menace de résiliation du bail, se salaires, loyer, cotisations sociales et impôts. feront piéger par les bailleurs dans le cadre d’accords bilatéraux portant Le Conseil fédéral s’est empressé d’adopter des mesures urgentes pour atteinte à leurs droits. assurer le revenu et le pouvoir d’achat des salariés, indépendants et Il serait indigne de notre pays en cette période de crise où tout le monde chômeurs. Les administrations fédérales et cantonales ont accordé des appelle à la solidarité de laisser les bailleurs continuer à encaisser les sursis ou des délais de paiement pour les charges sociales et les impôts. loyers comme si de rien n’était alors que les locataires perdent leur re- Mais, pour la question du paiement des loyers, rien! venu, s’endettent ou même tombent en faillite. Il aura fallu attendre le 27 mars pour que le Conseil fédéral aborde la pro- Que le Conseil fédéral fasse preuve de justice et d’équité à l’égard des blématique des locataires. Il s’est limité à prolonger le délai de paiement locataires commerciaux! en cas de mise en demeure pour retard de paiement et à le faire passer de 30 à 90 jours avant résiliation du bail. La belle affaire! Comme si les Voir également la page 4. locataires de logements ou de locaux commerciaux allaient pouvoir rattraper le retard de loyer en trois mois avec la chute brutale de leur revenu! Un nouveau mépris grossier des locataires de la part du Conseil fédéral. Cette première mesure n’est pas de bon augure pour celle bien plus importante de la libération du paiement du loyer pendant la période de fermeture obligatoire des commerces que les milieux immobiliers combattent vent debout publiquement comme dans la task force mise sur pied par le conseiller fédéral Guy Parmelin, afin d’assurer leurs surprofits. COVID-19: JUSTICE ET ÉQUITÉ, SVP! Droit au logement n° 245 avril 2020 3
SUISSE CRISE SANITAIRE - CORONAVIRUS CARLO SOMMARUGA Président de l’ASLOCA Suisse Locataires: les grands oubliés! Les mesures prises contre la propagation du coronavirus ne tiennent pas compte de la problématique des locataires. L es salariés, les indépendants et les mois pourra-t-il dès l’ouverture payer le loyer frais en jeu dès qu’un locataire ne souhaite ou locataires sont les premières vic- courant et rattraper ceux en retard? ne peut quitter son logement: c’est pour cela times économiques de la crise liée à Aucune aide fédérale directe pour ces loca- que l’ASLOCA plaidait pour le gel des déména- la pandémie du coronavirus. Comme taires de logements ou de locaux commerciaux, gements avec une dérogation en cas d’accord première priorité, le Conseil fédéral a si ce n’est l’aide sociale pour les locataires de entre les parties. visé le maintien du revenu des salariés et des logements et, pour les locataires commerciaux, indépendants et le maintien de l’activité éco- l’endettement ou la perte du bail avec fin de Activité commerciale stoppée net nomique par le financement des entreprises. l’activité professionnelle, dans laquelle ils ont Mais l’enjeu financier le plus important est ce- Pour les salariés, il a admis, pour éviter des souvent investi toutes leurs économies. lui des loyers des locataires de surfaces com- @dr licenciements massifs, l’usage des indemnités merciales qui ont dû clore leur activité dès le pour réduction de l’horaire de travail, de ma- Problèmes restés sans solution 17 mars. Avec une activité au point mort, il nière facilitée et sans délai d’attente. Le salaire Mais d’autres problèmes importants subsistent n’y a aucun chiffre d’affaires et aucun revenu. est couvert jusqu’à 12 350 fr. par mois, mais il et n’ont pas trouvé de réponse du Conseil fé- Mais le locataire doit faire face aux charges est indemnisé à 80%. déral. habituelles: salaires, loyer, impôts et charges Tout d’abord, la question des délais de contes- sociales. Les salaires sont pris en charge par Secteur privé soutenu massivement tation des hausses de loyer et de résiliation du l’assurance-chômage dans le cadre de la ré- Pour les indépendants, il a prévu une indem- bail. Alors que tous les délais de procédure fi- duction de l’horaire de travail, le paiement des nité journalière maximale. Le maximum est de gurant dans le Code de procédure civile (CPC) impôts comme des charges sociales est suspen- 196 fr., ce qui correspond à une indemnisation ont été suspendus par une prolongation des fé- du. Mais, pour le loyer, rien. à 80% d’un revenu mensuel de 7350 fr. ries judiciaires du 21 mars au 19 avril, les deux L’ASLOCA défend une position claire, fondée Pour les entreprises, le Conseil fédéral a mis délais évoqués, qui sont inscrits dans le Code sur la doctrine majoritaire: les locataires dont à disposition 20 milliards de francs d’aide im- des obligations pour des motifs historiques, les locaux ont été fermés en raison des me- médiate sous la forme de crédits transitoires. n’ont pas été prolongés. Un message clair du sures cantonales ou fédérales liées à la crise Des crédits à taux zéro dont il est fort à parier Conseil fédéral aux locataires qui doivent res- sanitaire du COVID-19 doivent être libérés du que le remboursement sera progressivement ter confinés: l’exercice de vos droits, on s’en paiement du loyer et des charges pour la du- abandonné au gré des faillites en raison de moque! rée des mesures. Ils ont droit à une réduction l’impossibilité de remboursement. En résumé, totale du loyer si l’activité ne peut pas du tout un subventionnement massif du secteur privé Déménagements autorisés être poursuivie et à une réduction partielle si avec une aide pouvant aller jusqu’à 20 millions Ensuite les déménagements et les évacuations. l’activité peut être poursuivie partiellement. de francs pour les grosses entreprises. Le Conseil fédéral, qui répète à l’envi la distan- C’est une solution juste et équitable. Le loca- ciation sociale de deux mètres et l’impérieux taire supporte ses charges et la perte de revenu Locataires abandonnés à leur sort devoir de rester à la maison, tout particuliè- et le bailleur la perte locative. Pour les locataires…. A ce stade: rien! Nada! rement pour les personnes à risque, a décla- Mais à ce jour le Conseil fédéral fait la sourde Sauf bien sûr une misérable prolongation de ré simultanément que les déménagements oreille, permettant aux bailleurs de continuer 30 jours à 90 jours du délai de mise en de- pouvaient avoir lieu… Le chaos assuré et des à encaisser, comme des pachas, les surprofits meure de paiement du loyer en retard avant locatifs qu’ils touchent depuis des années suite résiliation du bail. Un effet de manches du à la décrue des taux hypothécaires. Conseil fédéral pour faire croire que l’on agit. Nous demandions une suspension des congés. Nous conseillons instamment à ces loca- Comment imaginer qu’un locataire d’un lo- taires de refuser un abandon de leur droit à gement ayant perdu son emploi ou bénéficié la gratuité du loyer avant que la question de d’un revenu à 80% puisse payer le loyer en principe ne soit réglée par le Conseil fédéral retard et le loyer courant en trois mois, alors et de consulter sans faute l’ASLOCA avant @Demir Sönmez qu’en Suisse près de 1,5 million de personnes toute signature d’une convention avec sa ont une fortune inférieure à 3000 fr.! Pour régie ou son bailleur. les locataires commerciaux il en va de même. Comment un coiffeur qui a fermé pendant trois Voir aussi le message en page 3. Droit au logement n° 245 avril 2020 4
SUISSE RÉVISION DE LA LOI SUR LE CO2 CHRISTIAN DANDRÈS Conseiller national ASLOCA Genève Révision de la loi sur le CO2: quels risques pour les locataires? Les Chambres fédérales ont à leur ordre du jour un projet de loi sur l’assainissement des bâtiments. Les locataires pourraient en faire les frais. L e Parlement traite de la loi sur le CO2 des travaux d’entretien. C’est pourquoi, pour Diminution de la consommation qui prévoit la réduction des émissions, départager ce qui peut être répercuté sur le loyer d’énergie? Pas certain! pour les bâtiments en Suisse, de 50% ou pas, le Conseil fédéral a adopté l’article 14 de L’incitatif prévu par l’OBLF ne tient pas compte par rapport à 1990. Les propriétaires l’ordonnance d’application du droit du bail, qui de la réalité économique, et du fait que le bail- pourront@dr bénéficier d’un soutien (pro- pose la règle suivante: les frais d’importantes leur est autorisé à répercuter intégralement le gramme Bâtiments),@ dr tandis que les locataires réparations sont considérés à raison de 50% coût du combustible sur le locataire. Le pro- supporteront des charges supplémentaires, à 70% comme des investissements créant des priétaire est ainsi poussé à entreprendre des qui pourraient être en partie compensées par plus-values. Or, dans un rapport d’août 20191, travaux coûteux, mais aucunement à s’assurer la baisse des dépenses d’énergie (chauffage et la Confédération constate que le taux de report que le résultat escompté avec ces travaux, soit eau chaude). se situe plutôt entre 34% et 58%! Le bailleur la diminution de la consommation d’énergie, Ce projet de loi pose la question de la répar- est en pratique doublement avantagé: d’une soit atteint2. Le bailleur peut en effet toujours tition du coût de l’assainissement des im- part, il fixe librement le loyer après travaux, ce répercuter l’intégralité des coûts du combus- meubles bâtis alors que prévalaient d’autres qui dans les cantons à pénurie de logements tible consommé. normes de construction. fait flamber les loyers; d’autre part, en cas de, En principe, le loyer est censé couvrir l’entre- trop rare, contestation par le locataire, le juge Ne pas ajouter de l’abus à l’abus tien du logement, si bien que des travaux d’en- fixera le loyer selon l’Ordonnance sur le bail à La période actuelle de rendements faibles voire tretien ne justifient pas de hausse du loyer. Si loyer et le bail à ferme d’habitations et de lo- négatifs des titres obligataires attire une grande le bailleur effectue des travaux qui dépassent caux commerciaux (OBLF), à un taux de report masse d’argent sur le marché immobilier. Cela l’entretien, il peut majorer le loyer. supérieur à la réalité. Certains cantons ont des explique la volonté des banques et des assu- lois de protection qui atténuent les effets de ce rances d’acheter des immeubles ou de les ré- Bailleur avantagé système (la LDTR à Genève) avec un contrôle nover. Se pose dès lors la question de la réelle En pratique, il est fréquent que les assainisse- automatique de la hausse et un plafonnement nécessité d’inciter aujourd’hui les bailleurs à ments comprennent, outre des rénovations, temporaire du loyer. rénover puisque les investissements se font sans cela. De même, autoriser des hausses de loyers pour des immeubles dont les loyers pro- @Keystone curent déjà des rendements trop élevés signi- fierait ajouter de l’abus à l’abus. Cela étant, si le système actuel fonctionne au détriment des locataires, il est malgré tout un pis-aller face aux propositions qui fleurissent çà et là, comme permettre au bailleur d’aug- menter le loyer après travaux sans répercuter l’éventuelle baisse due à la diminution du taux d’intérêt hypothécaire de référence. 1 OFEN, OFL, «Investissements créant des plus-values et préservant la valeur lors d’importantes rénova- tions» 2 Ce qui n’est pas le cas en pratique: voir J. Khoury, Rénovation énergétique des bâtiments résidentiels collectifs: état des lieux, retours d’expérience et po- tentiels du parc genevois, 2014. Les locataires supporteraient des charges supplémentaires, en partie compensées par la baisse des dépenses d’énergie. Droit au logement n° 245 avril 2020 5
DOSSIER ACTIONS EN FAVEUR DES AÎNÉS HENRIETTE SCHAFFTER Rédactrice en chef Droit au logement LA SUISSE VIEILLIT: UN DÉFI À RELEVER L Le vieillissement ’étude «Environnements favorables dans une minorité de communes. Plus d’un aux personnes âgées en Suisse» dresse tiers des communes s’appuient sur un instru- de la population un état des lieux, pour la première fois ment de pilotage cantonal. Ces lignes direc- amène de nouvelles dans notre pays, des stratégies et du travail liés aux aîné·e·s dans les com- trices sont davantage prises en compte dans les grandes, petites et moyennes aggloméra- problématiques, munes suisses. Ce besoin d’action politique tions que dans les communes rurales. pour cette population spécifique tourne autour notamment au sein de la mobilité, des transports publics et du lo- Tâches prioritaires des communes. gement. Comment les communes suisses appré- La politique en faveur des aîné·e·s concerne principalement les soins et l’encadrement, Quelles sont les hendent-elles l’augmentation importante de ainsi que, dans une moindre mesure, l’inté- actions déjà en leur population âgée? C’est ce qu’a cherché à savoir l’Académie suisse des sciences humaines gration sociale et la participation à la société. Par contre, la population n’a que peu de pos- cours en Suisse? et sociales en collaboration avec l’Union des sibilités de participer activement au dévelop- villes suisses ainsi que l’Association des com- pement de cette politique. Les services liés à Que pourrait-on munes suisses, qui a conçu l’étude, mandatée l’aménagement des espaces publics, au loge- faire de plus? par la a+ Swiss Platform Ageing Society. Dans le cadre de ce sondage, effectué par gfs.bern, 927 ment et à la mobilité sont rarement proposés aux personnes âgées. Sauf dans certaines Une étude à ce sujet communes (sur un total de 2222) ont répondu à communes exemplaires, par exemple Cha- un questionnaire entre avril et août 2019. vannes-près-Renens, dans le canton de Vaud a été publiée fin (voir page 8), qui a mis en place une série d’ac- janvier 2020. «Environnement favorable aux aîné·e·s»: tions inédites. un concept de l’OMS C’est l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Participation limitée qui a établi le concept utilisé dans cette étude Les possibilités de participation les plus sou- suisse. Cela signifie que l’on crée un contexte vent mentionnées sont les associations, les qui répond aux besoins des personnes âgées groupes ou les commissions en faveur des et qu’on fait la promotion de leur santé, leur aîné·e·s. Un échange direct avec les délé- autonomie, leur indépendance et leur partici- gué·e·s à la population âgée ou les forums de pation. Le but est ainsi de façonner notre envi- discussion n’existent que dans une minorité ronnement et les espaces de manière à ce que de communes, pour l’instant. les aîné·e·s puissent mener leur vie selon leurs Cependant, les communes interrogées identi- visions et objectifs. fient un important besoin d’actions politiques dans le domaine du logement, des transports Les grandes villes plus impliquées publics, de la mobilité ainsi que des presta- L’une des conclusions de l’étude est que les tions en santé et de soutien. Ces priorités ne grandes villes sont les plus impliquées en la diffèrent pas selon les régions linguistiques ou matière. Plus de la moitié des communes ayant la taille de la commune. répondu au sondage possèdent ou prévoient de mettre en œuvre leur propre concept ou Type d’habitat déterminant un concept intercommunal de politique en fa- Le développement de ce genre de politique veur des aîné·e·s. La moitié des communes ont semble étroitement lié au type d’habitat également un organisme ou une personne res- puisque les communes rurales montrent un ponsable de cette politique. On les trouve très niveau de développement de leur politique fréquemment dans les communes de Suisse en faveur des aîné·e·s nettement inférieur à alémanique, alors qu’en Suisse romande et en celui des petites, moyennes ou grandes ag- Suisse italienne elles ne sont présentes que glomérations. Plus une commune compte Droit au logement n° 245 avril 2020 6
@Keystone Comment intègre-t-on les personnes âgées dans la vie communale? Certaines villes sont plus avant-gardistes que d’autres... d’habitant·e·s, plus sa politique en faveur des Contenu des actions communales de compétences entre les communes et les aîné·e·s est globale. Mais cela ne signifie pas La priorité des personnes référentes dans les cantons. que les besoins de la population âgée soient communes est de fournir des informations et mieux satisfaits que dans les petites com- des conseils aux personnes âgées ou à leurs Politique des aîné·e·s avant-gardiste munes. Cela ne reflète en effet que l’offre et proches. La seconde tâche la plus fréquente Les cantons de Lucerne, de Zoug, de Thurgo- non la demande, qui est en général bien plus est l’organisation d’évènements ou activités vie, de Berne et de Zurich mènent une politique élevée dans les grandes communes. telles que des excursions ou après-midi desti- communale plus avancée et plus globale en fa- En revanche, le poids des partis politiques n’a nées aux aîné·e·s. C’est souvent un membre du veur des personnes âgées. Cela ressort d’une pas grande influence. Seul le poids électoral Conseil communal (exécutif) qui se charge de analyse approfondie des actions menées pour du PLR dans les communes, lors des élections cette responsabilité. les aîné·e·s. au Conseil national de 2015, est significative- Les cantons de Genève, de Fribourg, de Soleure, ment lié à l’indice de la prise en compte des Un logement adapté et abordable de Bâle-Campagne, d’Argovie et de Saint-Gall personnes âgées dans ces communes: plus le Selon les représentant·e·s des communes, la ont des résultats un peu inférieurs et les moins poids du PLR est élevé, moins la politique de préoccupation caractéristique la plus impor- bons élèves sont les cantons de Vaud, de Neu- la commune en faveur des personnes âgées est tante est un logement adapté et abordable pour châtel, du Jura, du Valais, du Tessin et des Gri- globale. Les poids des autres partis ne sont pas les personnes âgées. L’infrastructure générale sons. Dans les neuf cantons non cités, la parti- significatifs. La proportion de la population dans les communes (couverture médicale cipation au sondage n’a pas été suffisante pour âgée de plus de 64 ans n’est pas statistique- insuffisante ou manque d’installations com- en tirer des conclusions valables. ment significative, même si elle a une très merciales) constitue leur deuxième priorité. Les «mauvais» résultats des cantons suisses légère influence. Leur troisième priorité est d’obtenir des res- romands sont notamment dus au manque de sources financières et de clarifier le partage possibilités de participation explicitement mises en place pour les personnes âgées. L’avenir est aux coopérations Source: étude «Environnements favorables aux personnes âgées en Suisse» intercommunales Des thèmes prospectifs comme l’habitat au- tonome pour les personnes âgées occupent encore peu de place actuellement. Les défis que perçoivent les représentant·e·s des auto- rités publiques (augmentation de la démence, manque de logements adaptés) sont sem- blables d’une commune à l’autre. Ce pourrait ainsi être le point de départ pour de futures coopérations intercommunales visant à ré- soudre ces problèmes. Dans le même temps, le potentiel de renforcer la participation directe de la population âgée existe, car les instru- ments participatifs correspondants ne sont pas encore pleinement exploités. La politique mise en place dans les cantons en faveur des aîné·e·s n’est pas toujours similaire. Des différences apparaissent selon les sensibilités. Droit au logement n° 245 avril 2020 7
DOSSIER ACTIONS EN FAVEUR DES AÎNÉS Mieux vivre dans les quartiers et intégrer les aînés: un bel exemple vaudois La commune de Chavannes-près-Renens est citée en modèle dans l’étude «Environne- ments favorables aux personnes âgées en Suisse». Qu’a-t-elle donc entrepris de spécial pour ses aîné·e·s? Réponse par ses représentants. C havannes-près-Renens fait partie des blocs de quartiers séparés les uns des les référent·e·s ont demandé à parler avec les d’une région en plein développement autres. «Nous avons voulu faire une politique résidents, afin de récolter des anecdotes sur urbain et démographique. A l’horizon de proximité et faire sortir l’administration le quartier.» Les gens ont ainsi été écoutés et 2030, sa population actuelle de 8026 sur le terrain», raconte-t-elle. Elle poursuit: cela a permis de les motiver à poursuivre la habitants pourrait bien doubler. «Les gens étaient restés bloqués sur une crise démarche avec la Ville. Pour faire face aux différents enjeux que cette vécue en 2002. Il fallait donc changer l’image: pression démographique va poser en termes être plus visible et à l’écoute. Les seniors ont Démarche inédite de cohésion sociale, la commune a établi un des craintes quant au boom démographique Ce qui caractérise Chavannes-près-Renens, se- partenariat avec le centre de recherche univer- qui s’annonce. La Ville les rassure en leur lon Dario Spini, directeur du pôle de recherche sitaire LIVES pour lancer le projet de politique permettant de s’exprimer, d’exprimer leurs national LIVES, «c’est d’une part une coordi- d’action santé-social Cause Commune, dont angoisses mais aussi leurs idées et leurs nation action-recherche participative dès la l’objectif principal est de faire participer les souhaits. Les seniors participent activement conception du projet et tout au long du pro- seniors et tou·te·s les habitant·e·s à l’organisa- aux séances mises en place et les citoyens jet. Le cadre communal de cette coordination tion de leur ville, dans une vision de politique deviennent ainsi acteurs. De plus, des syner- (entre services, entre municipalité, experts d’action et de santé des âges, afin d’améliorer gies apparaissent entre les générations. C’est et habitant·e·s) est sans doute une caractéris- l’environnement social et la qualité de vie au très bénéfique.» tique de la commune, qui se veut ouverte sur le sein des quartiers. changement avec une réflexivité et ouverture Ce programme fait suite à des constats so- Les échanges se multiplient au changement vers le participatif et l’intégra- ciaux établis ces dernières années grâce à des Les actions déjà entreprises (potagers urbains, tif qui doit rester également un objectif. Enfin, démarches communautaires (comme «Quar- boîtes à livres) font que les gens circulent en le cadre théorique qui lie la qualité sociale des tiers solidaires», initiés par Pro Senectute ville. Cela a donné de l’élan, qu’il n’y avait pas environnements locaux sur la santé publique Vaud). En effet, les seniors de la commune ont avant. Tous les échanges désormais existants est sans doute également assez original.» exprimé de fortes attentes de création de lieux améliorent la qualité de vie des seniors, rend Mais pourquoi avoir choisi cette commune? de rencontre et de pouvoir échanger avec les les contacts avec l’administration plus aisés. «C’est d’abord une question d’opportunité, les autres générations. Ils étaient très deman- Pour Loubna Laabar, tout le monde est ga- porteurs du projet y travaillent… Mais c’est une deurs de rencontres, même sans être particu- gnant. Même si la Municipalité ne peut pas ac- belle opportunité car Chavannes-près-Renens lièrement en attente de solutions. Pour Alain céder à une demande, elle explique pourquoi est une commune qui a un déficit d’identité Plattet, chef du service Cohésion sociale de et d’autres idées surgissent! Les rencontres (commune-dortoir, pas de centre identifiable), la commune, l’être humain étant «un animal favorisent la discussion et la recherche de so- qui voit sa population se diversifier (près de social» (selon Aristote), pour vivre heureux lutions ensemble. La municipale voit déjà des 100 nationalités avec quelques communautés dans un quartier, il faut qu’il y ait des possi- possibilités de s’atteler à d’autres problèmes fortes) et se développer (doublement de la po- bilités de liens. Le programme mis en place à l’avenir: obésité, alcoolisme, solitude. Elle pulation ces prochaines années) et une volonté à Chavannes-près-Renens est, selon lui, une pense que certains aspects «santé» pour- politique de rapprocher le politique du terrain. plus-value pour tous. ront être traités également via le programme La liste serait longue...» explique Dario Spini. Cause Commune. Changer l’image de la ville Diverses phases tout au long de l’année Loubna Laabar, municipale responsable de Fête de quartier La démarche en elle-même est la suivante: la cohésion sociale, de la jeunesse et de l’en- Les citoyens ont-ils été partants et enthou- quatre référent·e·s de publics spécifiques (en- fance, explique que la volonté était notam- siastes dès le départ? Alain Plattet explique fants, jeunes, adultes et seniors) soutenu·e·s ment de changer l’image de la ville, décrite que la démarche a été faite d’une manière ori- par une coordinatrice et des chercheur·e·s comme une cité-dortoir, sans centralité, avec ginale: «Une fête de quartier a été organisée et universitaires vont synchroniser leur travail @BirdLife Suisse Droit au logement n° 245 avril 2020 8
@Chavannes-près-Renens La plateforme du mois de février: l’occasion pour chaque groupe d’âge de s’exprimer et de trouver des solutions ensemble. de manière annuelle, afin d’assurer la créa- taine d’activités autogérées ont été suggérées l’ancienne en parc vert. Pour Alain Plattet, tion d’une dynamique intergénérationnelle au par les groupements. Les responsables du pro- c’est le fait de dire «on est avec vous sur cette sein des quartiers. Le cycle annuel comprend jet s’attendaient à recevoir huit à dix proposi- problématique» et le fait qu’on fasse partici- d’abord une phase d’écoute de la population tions et ils sont très satisfaits de cette foison per tous les acteurs qui entraînent une bonne (6 mois), ensuite une phase de réflexion et de d’idées! Les activités vont des goûters faits réaction de la part des gens et un belle dyna- coconstruction avec les habitant·e·s (3 mois) par les parents, des bricolages, des matchs de mique. C’est pour lui une nouvelle manière de puis une phase de communication (3 mois). foot durant l’Euro 2020 à l’organisation d’un parler aux différents acteurs. Il souligne éga- La phase de réflexion et de coconstruction voyage pour les jeunes ou aux rencontres lement que cela a permis une meilleure proxi- constitue le cœur de la démarche: un forum in- avec la police de proximité. Les seniors ont mité entre les différents services de la ville. tergénérationnel permet à chaque génération demandé une permanence café, des cours de de s’impliquer de manière coordonnée dans qi-gong et de tricot, notamment, ainsi qu’un Programme à transposer ailleurs l’élaboration de solutions aux thématiques qui banc (aménagement urbain). Dario Spini explique: «L’idée est bien de trans- la concernent (le premier forum devait avoir férer dans le futur certains outils et pratiques lieu en mars mais a été annulé en raison du Gestion des déchets - les gérances à d’autres communes. S’il y avait de l’intérêt, coronavirus). participent on pourrait imaginer à l’avenir de développer Au bout de quatre ans à ce rythme-là, ce qui La gestion des déchets du même quartier a été un même programme dans d’autres com- aura permis de faire le tour de tous les quar- modifiée suite à une plateforme ayant eu lieu munes.» Alain Plattet a déjà récemment reçu tiers de la ville, une année de «respiration» est en novembre. Les gens y avaient fait part de des demandes d’autres communes... prévue, afin de requestionner cette pratique et leur insatisfaction quant à la gestion des dé- de la faire évoluer. Dans six ans, le cycle de- chets dans le quartier. Une maman avait cité vrait recommencer puisque ce projet est pensé sa fille qui lui avait dit qu’elle avait passé ses à long terme. vacances dans les déchets! Tous les acteurs ont été invités à participer à Déjà des effets concrets la plateforme suivante, fin février 2020, où Le projet a débuté en mai 2019 et a déjà vu des solutions ont été trouvées. La gérance des mesures concrètes apparaître: un local présente a été touchée par ces problèmes ré- communautaire a été ouvert dans un quartier, currents de déchets et a décidé de créer deux grâce au soutien du canton, et une cinquan- nouvelles zones de collecte et de transformer Droit au logement n° 245 avril 2020 9
NEUCHÂTEL PERSONNES ÂGÉES MISES À LA PORTE MARIE-CLAIRE JEANPRÊTRE PITTET Responsable du service juridique ASLOCA Neuchâtel Neuchâtel: ce n’est pas tous les jours Noël! Il vaut toujours la peine de se défendre contre des congés non nécessaires donnés par des propriétaires peu compatissants. Encore une preuve à Neuchâtel dans le cas ci-dessous. E n s’excusant d’agir «à l’aube des fêtes (du moins pour l’instant) et deux logements à balcons allaient commencer, alors qu’elle cla- de fin d’année» 2010, la gérance loyer abordable en moins sur le marché; mais mait dans ses échanges d’écritures que c’était Ribaux & von Kessel adressait une pas suffisant pour mettre un frein à la seconde absolument impossible. hausse de loyer «aux plus anciens phase du projet. locataires de l’immeuble sis Fon- Congé annulé taine-André n° 42-44». Personnes âgées: aucune compassion Dans son jugement rendu le 8 janvier dernier, Dans la correspondance qui l’accompagnait, de la propriétaire la juge a annulé le congé. Elle a retenu qu’il elle annonçait avoir procédé à une étude du Les locataires des rez-de-chaussée du n° 42 était démontré que les travaux pouvaient être marché, lui permettant de fixer le loyer net ont reçu leur congé peu de temps avant Noël exécutés sans résilier le bail (puisqu’ils étaient d’un trois-pièces à 800 francs (voire 1300 2018. L’un des logements était occupé depuis faits!), et surtout qu’il existait une dispropor- francs en cas de rénovation), mais qu’elle se 46 ans par une dame âgée de 87 ans, atteinte tion grossière entre les intérêts en présence, contenterait de 776 francs compte tenu de la dans sa santé, au bénéfice de faibles revenus et soit ceux purement financiers de la bailleresse, dernière baisse du taux hypothécaire (en ou- qui s’était constitué un réseau d’aide parmi ses et les conséquences particulièrement pénibles bliant évidemment les baisses précédentes). voisins lui assurant son maintien à domicile. sur le plan humain pour la locataire en raison Les locataires étaient invités à «comprendre Bien qu’au courant de cette situation difficile, de la résiliation. Dommage que ce jugement, réellement» qu’ils profitaient encore d’un la propriétaire n’a pas voulu retirer le congé pourtant rendu dans un délai très bref, n’ait «geste» de la part de la propriétaire. Pour clore et l’affaire a été portée devant le tribunal. En pas pu être glissé sous le sapin de Noël 2019. cette missive dans un style bien propre à cette cours de procédure, la gérance a annoncé gérance, il était indiqué: «Par surabondance de de façon péremptoire que les travaux sur les précaution, s’il devait y avoir une contestation sur ce loyer de 776 francs/mois, hors charges, nous serons (sic) contraints, devant la com- mission de conciliation, de faire état de cette étude et ainsi prétendre à un loyer majoré. Nous espérons ne pas en arriver à cet ultime re- cours.» Cette hausse a été contestée et retirée. Plusieurs des locataires concernés occupaient les quatre rez-de-chaussée de ces immeubles, avec un loyer net de 540 francs. Rénovation et congé... Quelques années plus tard, au début de 2018, la propriétaire a eu l’idée d’agrandir les balcons des quatre rez-de-chaussée et de procéder à des travaux de rénovation. Selon l’architecte, il était absolument impossible d’intervenir en présence des locataires. Les deux occupants du n° 44 ont reçu leur congé, dont l’une, âgée de 88 ans, vivait depuis cinquante ans dans @Marie-Claire Jeanprêtre Pittet son appartement; celle-ci a été victime d’un malaise peu après et placée définitivement dans un home. Les travaux annoncés ont été exécutés et les logements remis sur le marché au prix de 1450 francs plus charges. L’un a été loué avec remise de loyer et l’autre est toujours vide au moment où nous écrivons ces lignes. Autant dire un gâchis humain, économique Le locatif de la rue de Fontaine-André. Droit au logement n° 245 avril 2020 10
FRIBOURG FRAIS ADMINISTRATIFS RÉDUITS ALAIN RIBORDY Avocat ASLOCA Fribourg La gérance accepte de réduire ses frais administratifs à 1% Le forfait de 4% prévu dans le canton de Fribourg (partie francophone) a été revu nettement à la baisse dans un cas soutenu par l’ASLOCA. Beau succès. D ans le domaine des frais acces- contrats (abonnements) conclus à cet effet, le taux de 4% à 1%, comme le demandaient les soires, un principe fondamental dont le coût est déjà facturé aux locataires locataires, car elle craignait une décision qui est celui du coût effectif (art. 257b dans les frais de chauffage; avec le chauffage à aurait fait jurisprudence. al. 1 CO). Autrement dit, le bailleur distance, il n’y a même plus d’installation et le ou la gérance qui le représente ne bailleur ne traite plus que les factures du four- Forfait trop élevé, à revoir! doit pas réaliser un bénéfice quand il facture nisseur. Quant au travail administratif, il se Mais, même sans cette décision, il est possible les frais accessoires. C’est pourquoi le locataire limite à la saisie des factures dans le logiciel. d’affirmer que le taux de 4% est trop élevé. Un a le droit de vérifier les dépenses portées dans Ainsi, en se fondant sur la doctrine récente, arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois du 20 le décompte en consultant les pièces justifica- deux locataires d’un immeuble de l’agglomé- mai 2019 confirme du reste que le taux ad- tives (art. 257b al. 2 CO). ration fribourgeoise raccordés à une installa- missible dépend du type et de l’importance de tion de chauffage à distance ont contesté le l’installation de chauffage. Forfaits acceptés taux de 4%, avec le soutien de l’ASLOCA, qui Cependant, pour éviter un travail excessif (qui voulait en faire un cas de principe. En cours pourrait lui-même être facturé), il est permis de procédure, la gérance a accepté de réduire au bailleur de compter forfaitairement, par ex- ception au principe du coût effectif, les frais de maintenance de l’installation de chauffage et les frais d’administration découlant de l’éta- blissement du décompte, jusqu’à concurrence des taux usuels (art. 4 al. 3 et 5 al. 3 OBLF). Ne pas trop différer du coût effectif Ces forfaits ne doivent évidemment pas trop s’écarter du coût effectif, sans quoi ils ne res- pectent plus la loi. La question à cent millions est donc celle du taux usuel: il y a en Suisse 2,2 millions de locataires qui paient chaque année des milliers de francs de frais acces- soires; savoir si les frais administratifs sont comptés à 5% ou à 1% de ces milliards revêt une importance économique considérable. Taux plus très justifié Selon une décision du Tribunal des baux de la Sarine rendue en 2017, le taux usuel dans le canton de Fribourg, en tout cas dans la partie francophone, s’élève à 4%. Ce taux pouvait se justifier à l’époque où les instal- lations de chauffage nécessitaient une véri- table maintenance et où l’établissement des décomptes entraînait un travail administratif conséquent. Tel n’est manifestement plus le cas aujourd’hui. De nombreuses installations @pixnio sont entièrement automatisées et les logiciels de gestion administrative de plus en plus per- formants. De cette manière, il n’y a plus de Le travail administratif des gérances s’est considérablement simplifié ces dernières années et le forfait y relatif facturé au maintenance de l’installation en dehors des locataire devrait être adapté en conséquence. Droit au logement n° 245 avril 2020 11
GENÈVE SITUATION DE CRISE ET LOCATAIRES CHRISTIAN DANDRÈS ALBERTO VELASCO Avocat et conseiller national Président ASLOCA Genève ASLOCA Genève Le soutien public doit servir à la majorité de la population! En cette période difficile, les locataires et salarié·e·s de notre pays ont besoin d’aide. Certaines villes s’engagent pour atténuer les dommages subis par les personnes les plus touchées. D epuis le début de la crise liée au Protection de la population lacunaire sécurité, etc.). C’est tout juste si le Conseil COVID-19, les mesures s’enchaînent Le Conseil fédéral laisse les employeurs libres fédéral a clarifié la donne salariale pour les et mettent en lumière l’action du de fermer ou non, sans distinction selon les travailleur·euse·s vulnérables. Il s’agissait de Conseil fédéral, axée essentielle- secteurs économiques. Hormis les commerces réagir aux positions exprimées par des juristes ment sur la défense des intérêts des ouverts au public, les entreprises peuvent proches des milieux patronaux, qui préten- milieux économiques et immobiliers. aujourd’hui encore poursuivre leur activité, daient que les salarié·e·s ne pouvaient pas Au moment où cet article est rédigé1, le Conseil partant exposer leurs salarié·e·s au virus, sans toucher de salaire en cas d’empêchement de fédéral tient une conférence de presse dans lien avec la nature des prestations et/ou mar- travailler en raison des mesures sanitaires. laquelle il n’a pas de mots assez forts pour chandises qu’elles fournissent ou produisent. Le Conseil fédéral ne prévoit, en revanche, rien encourager la population à rester chez elle. Il Or, pour protéger la population, seules les pour les autres salarié·e·s, hormis une alloca- interdit de se réunir à plus de cinq personnes, entreprises essentielles devraient être au- tion pour les parents qui doivent garder leurs sauf lorsqu’il s’agit de travailler. torisées à fonctionner (santé, alimentation, enfants. @Demir Sönmez @flickr De très nombreux commerces ont dû fermer à la mi-mars. Les Villes de Genève et d’Onex ont d’ores et déjà renoncé à percevoir les loyers des commerces dont les portes restent closes. Droit au logement n° 245 avril 2020 12
Cette question est importante pour l’ASLOCA lation qui subit de plein fouet la crise. Les tout ou partie de leurs revenus. Il est donc également, puisque la majorité des locataires petits bailleurs qui dépendent matériellement indispensable d’étendre ces mesures à l’en- sont salarié·e·s et que, faute de salaire, ils de la location d’un ou deux appartements, de semble des locataires frappé·e·s par cette crise. risquent de perdre leur logement. L’inaction même que les PME doivent aussi être soute- du Conseil fédéral à protéger les salarié·e·s- nus. Un revenu locatif maximal pourrait être Elections municipales: plusieurs élu·e·s locataires a déjà des conséquences. fixé de manière à exclure les grands bailleurs de l’ASLOCA rd@ institutionnels (assurances, banques, etc.). L’ASLOCA s’est engagée dans la campagne mu- Suspension des délais légaux: nicipale, pour appeler à faire élire des conseil- les locataires sont oublié·e·s Pas de plans de restructuration ler·ère·s municipaux·ales et administratif·ive·s En outre, une semaine après la Cour euro- subventionnés! capables de défendre les intérêts des locataires. péenne des droits de l’homme, le Conseil fé- L’aide aux entreprises doit être conditionnée Elle remercie les Genevois·e·s d’avoir élu Ca- déral admet enfin que les circonstances em- au maintien des postes de travail ou à leur ré- role-Anne Kast à Onex, Stéphanie Lammar à pêchent les justiciables de faire valoir leurs tablissement. Les aides ne doivent pas servir Carouge et Nicolas Gurtner en ville de Genève. droits ou de se défendre en justice. Il suspend à verser des dividendes à celles et ceux qui en A l’heure où cet article est rédigé, Alfonso les délais judiciaires et de procédure, mais pas sont propriétaires. Il faut éviter que cette crise Gomez est candidat au second tour de l’élection ceux prévus dans le Code des obligations qui ne soit l’occasion de vastes plans de restruc- au Conseil administratif de la ville de Genève. concernent les locataires (congé, hausse de turation subventionnés, destinés avant tout à Nous espérons qu’il sera élu et qu’il pourra loyer, etc.). Or, sauf quelques considérations rétablir le taux de profit pour les actionnaires. obtenir le dicastère du logement (Gérance im- sur la faillite d’entreprises locataires qui pour- mobilière municipale). Alfonso est membre du raient nuire aussi à leurs bailleurs, les milieux Des villes engagées comité de l’ASLOCA et a participé à la rédac- immobiliers n’ont aujourd’hui pas annoncé Si le Conseil fédéral fait la sourde oreille aux tion de la feuille de route de l’ASLOCA pour les vouloir préserver autre chose que leurs inté- appels des locataires, certaines communes candidat·e·s en ville de Genève. Sa présence rêts. Aucun moratoire sur les congés ou les s’engagent. Il en va notamment ainsi de la Ville au sein du gouvernement municipal serait un défauts de paiement n’est envisagé à ce stade. de Genève, qui a renoncé à percevoir les loyers atout pour les locataires, en particulier en cette des commerces fermés. La commune d’Onex période de crise sanitaire. Soutien à la majorité de la population a pris une mesure similaire. Pour le moment, Les soutiens publics doivent d’abord servir sont concernés les locaux commerciaux d’en- 1 Texte rédigé le 20 mars. à indemniser les salarié·e·s/indépendant·e·s treprises qui ont dû fermer. Restent les loca- et les locataires, soit la majorité de la popu- taires d’habitations qui perdent ou ont perdu Hommage à Mme Gisèle Gampert-Péquignot M me Gisèle Gampert-Péquignot s’en est allée le 1er février. L’ASLOCA Genève rend hommage à la première présidente de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (CCBL) ainsi qu’à la première juge femme à Genève. L’ASLOCA transmet ses condoléances à sa famille et à ses proches. Mme Gampert-Péquignot, respectée tant par les locataires que les bailleurs, a préser- vé les intérêts essentiels de bon nombre de locataires, en poursuivant la conclusion d’accords. Elle a ainsi sauvé le logement de familles à une époque de fortes hausses de loyer. Dans un prochain numéro, nous reviendrons sur quelques aspects du travail de Mme Gampert-Péquignot et de la CCBL. Christian Dandrès Droit au logement n° 245 avril 2020 13
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