L'élevage de plein air ! - Sauvons DOSSIER - Pour une autre irrigation - Confédération Paysanne

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L'élevage de plein air ! - Sauvons DOSSIER - Pour une autre irrigation - Confédération Paysanne
N° 378 – décembre 2021 – 6 € – ISSN 09834-9181

    DOSSIER
     Sauvons
     l’élevage de plein air !

     Bassines
     Pour une autre irrigation
L'élevage de plein air ! - Sauvons DOSSIER - Pour une autre irrigation - Confédération Paysanne
p.4Vie syndicale                                                        Dossier
                            Actualité
                            p.6 Élevage : Notre situation face au diktat sanitaire
                            p.7 Climat Retour de COP
                            p.8 Eau et agriculture Pour une autre irrigation
                             p.9 Eau et agriculture L’agriculture paysanne
                            charentaise face aux bassines
                             p.10 Foncier Une artificialisation des terres
                            agricoles continue et multiforme
                            p.11 OGM Une innovation de démocratie sociale                           Sauvons l’élevage de plein air !
                            jetée aux oubliettes
                            p.12 Viticulture Une alternative aux insecticides
                                                                                                    En débat
                            pour lutter contre la flavescence dorée                                  p.13 Le domaine public maritime : une manière
                                                                                                    originale de gérer un commun

                                                                                                    Agriculture paysanne
                                                                                                     p.14 Rhône En plein air intégral

                                                                                                    Initiative
                                                                                                     p.16 Des espaces-test pour l’installation
                                                                                                    paysanne

                                                                                                    Ami·e·s de la Conf’
                                                                                                     p.18 Une ferme urbaine pour l’insertion
                                                                                                    et l’installation

                                                                                                                     Abonnement
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                                                                                                                 p.22 Petites annonces

                                                                                                               La Conf’ en action
                                                                                                                p.24 No bassaran !

                                                                                                        Le Samson du mois
                                                               Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux
                                                           de la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis.
2   Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021                                                                              Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé
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On l’ouvre

                                                                           La 3e révolution agricole
                                                                           sera paysanne !
                                                                              Impossible d’entendre des idées pa-              Les actes tels que le démontage
                                                                           reilles sans vouloir renverser la table           de la pompe de la méga-bassine de
                                                                           et remettre les pendules à l’heure !              Cramchaban, le 6 novembre, sont
                                                                              Nous opposer aux méga-bassines,                forts car notre survie est en question.
                                                                           c’est refuser cette fuite en avant                  Tant que des annonces de suspen-
                                                                           technologique, refuser ces artifices              sion des travaux des bassines et de
                                                                           qui tentent de préserver à tout prix              reprise de discussions démocratiques
                                                                           un modèle dépassé.                                et plurielles ne seront pas prises, nous
                                                                              C’est affirmer que ce modèle du                resterons mobilisé·es.
                                                                           passé est prédateur de l’agriculture                Tant que le pompage et l’utilisation
                                                                           paysanne, prédateur du climat, des                de l’eau continueront illégalement,
                                                     Nicolas Girod,        communs et de la planète.                         malgré des décisions de justice, nous
                                                paysan dans le Jura,          Ces méga-bassines ne sont pas du               resterons mobilisé·es.
                                                                           stockage d’eau de pluie mais bien                   Ce ne sont pas les intimidations qui
                                                porte-parole national
                                                                           du pompage dans la nappe qui reste                nous feront reculer : l’illégalité et la
                                                                           pourtant le moyen le plus économique              violence, certains les pratiquent ar-
                                                                           et le plus performant de préservation             demment depuis trop longtemps pour
                                                                           et de stockage.                                   venir se poser en donneurs de leçons.
                                                                              Nous ne sommes pas opposé·es à                   Ce ne sont pas non plus les prises
                                                                           l’irrigation, ni au stockage, mais com-           de position de ministres qui vont nous
                                                                           plètement contre tout accaparement                faire douter : la violence institution-
                                                                           et toute privatisation de la ressource,           nelle envers le monde paysan a fait
                                                                           qui plus est à grand renfort d’argent             grandir notre colère et notre détermi-

                           L   e gouvernement actuel, main dans
                               la main avec la FNSEA, nous an-
                           nonce une 3e révolution agricole (1) :
                                                                           public.
                                                                              Impossible de faire confiance plus
                                                                           longtemps aux fossoyeurs de l’agri-
                                                                                                                             nation. Nous luttons pour la survie
                                                                                                                             d’un monde paysan, pour la survie de
                                                                                                                             nos savoir-faire et de nos existences
                           elle sera numérique, robotique et gé-           culture qui ont fait disparaître deux             face à des orientations politiques qui
                           nétique, et pour eux c’est une chance           tiers des paysannes et des paysans                n’ont de cesse de vouloir nous faire
(1) Après une              immense à saisir pour la France. La             en 30 ans et qui pensent que nous                 disparaître pour industrialiser tran-
première révolution
mécanique                  start-up nation va pouvoir ainsi in-            sommes encore trop nombreux !                     quillement et jusqu’au bout le monde
(machinisation)            vestir, abaisser ses coûts sociaux en              Notre précarisation et notre dispari-          agricole.
une deuxième               liquidant toujours plus de paysannes            tion ne sont pas une fatalité mais un               La 3e révolution agricole sera pay-
chimique (engrais          et de paysans, les rendre encore da-            choix politique déterminé et assumé.              sanne !
et pesticides).
                           vantage dépendant·es… tout ça pour              Comme est assumé le fait de détra-                  Elle sera sociale et écologique, riche
                           conquérir de nouveaux marchés et                quer le climat et de foutre en l’air la           en France d’1 000 000 de paysannes
                           faire tourner le commerce.                      biodiversité pour continuer à répondre            et de paysans que nous voulons et
                             Le pire, c’est qu’ils y croient.              aux « signaux du marché ».                        dont nous avons besoin. n

                                  Campagnes solidaires est un journal écrit essentiellement par des paysannes et des paysans, à l’attention
                                 de tou·tes les paysan·nes et de toutes celles et tous ceux qui s’intéressent au projet d’agriculture paysanne
                                 et de défense de ses travailleuses et travailleurs porté par la Confédération paysanne. Pour vous abonner à
                                 notre mensuel, nous vous invitons à remplir et à nous retourner le bulletin d’abonnement en page 19. Merci
                                 et bonne lecture !

 Mensuel édité par                              Abonnements : 01 43 62 82 82         Comité de publication :                     Dessins : Samson, Claire Robert
 l’association Média Pays                       abocs@confederationpaysanne.fr       Andréa Blanchin, Céline Berthier,           Maquette : Julia Klag et Pierre Rauzy
 104, rue Robespierre                           Directeur de la publication :        Christian Boisgontier, Michel Curade,       Impression : Chevillon
 93170 Bagnolet                                 Nicolas Girod                        Marc Dhenin, Florine Hamelin,               26, boulevard Kennedy
 Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03   Rédaction :                          Véronique Léon, Jean-Claude                 BP 136 – 89101 Sens Cedex
 campsol@confederationpaysanne.fr               Benoît Ducasse                       Moreau, Michèle Roux, Geneviève             CPPAP n° 1121 G 88580
 confederationpaysanne.fr                       et Sophie Chapelle                   Savigny                                     N° 378 – décembre 2021
 facebook.com/confederationpaysanne             Secrétariat de rédaction :           Diffusion : Anne Burth                      Dépôt légal : à parution
 Twitter : @ConfPaysanne                        Benoît Ducasse                       et Jean-Pierre Edin                         Bouclage : 24 novembre 2021

                                                                                                                              Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021   3
L'élevage de plein air ! - Sauvons DOSSIER - Pour une autre irrigation - Confédération Paysanne
Vie syndicale

     Vanités
     Le cabinet de Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a proposé il y a quelques semaines à Nicolas
     Girod, porte-parole national de la Confédération paysanne, de figurer sur la liste des demandes de décoration de l’ordre
     national du Mérite. Nicolas Girod a décliné la proposition et adressé une réponse argumentée au cabinet de la ministre.

       « Après réflexion individuelle et            Je ne parle pas ici du profond désac-                          la mise en place de politiques pu-
     échange avec mes camarades du                cord que nous pouvons avoir sur le plan                          bliques favorables à l’intérêt général,
     secrétariat national de la Confédé-          France 2030, dévoilé par le Président de                         à la transition agricole et à la souve-
     ration paysanne je vais refuser cette        la République et repris par son ministre                         raineté alimentaire.
     proposition de décoration.                   de l’Agriculture pour une révolution agri-                         Tant que nous serons à ce point en
       Il me semble en effet assez in-            cole robotique, numérique et génétique.                          désaccord entre ce que nous atten-
     congru de pouvoir être décoré par              Nous aimerions d’ailleurs pouvoir                              dons et qui semble urgent et néces-
     un membre du gouvernement qui                entendre et échanger avec Madame                                 saire et la politique à l’œuvre, je ne
     a réintroduit les néonicotinoïdes,           la ministre à ce sujet notamment et                  L’ordre     me vois pas en capacité d’accepter
     qui refuse d’appliquer les décisions         quelle vision agricole elle promeut.         national du         ce genre de proposition.
     du Conseil d’État concernant les               Je n’attends aucune gratification per-     Mérite est un         Je suis par contre toujours ouvert et
     nouveaux OGM ou qui s’apprête                sonnelle mais me bats et continuerai         ordre honorifique   disponible pour échanger avec Ma-
                                                                                               institué en 1963
     à mettre en place une politique              à me battre au quotidien pour amélio-        par de Gaulle, en
                                                                                                                   dame la ministre et son cabinet sur
     agricole commune (Pac) en total              rer la situation des paysannes et des        complément de la    les moyens à mettre en œuvre afin
     désaccord avec les attentes et les           paysans et de notre environnement.           Légion d’honneur.   de faire avancer la cause paysanne
     besoins que nous avons exprimés                Le besoin de reconnaissance                                    et écologique à laquelle vous semblez
     pour le monde paysan et la transition        ne passe pas par une quelconque                                  également attachés au vu de cette pro-
     agroécologique.                              médaille, mais bien davantage par                                position de distinction. » n

     Tromperie                                                           Pac
       Faisant l’objet d’une poursuite                                     La Confédération paysanne de-             Elle tacle particulièrement la cer-
     engagée par la Confédération pay-                                   mande au gouvernement ce qu’il            tification « haute valeur environ-
     sanne pour son utilisation du terme                                 va faire de l’avis de l’Autorité de       nementale » (HVE) qui n’apporte
     « fermier », la start-up Les Nouveaux                               l’État compétente en matière d’en-        « aucun bénéfice environnemental
     fermiers, spécialiste d’imitations végé-                            vironnement (Autorité environne-          supplémentaire par rapport à celui
     tales de produits animaux (steaks, nug-                             mentale) rendu le 22 octobre sur          apporté par le simple respect des
     gets), a changé de nom fin octobre. La                              le Plan stratégique national (PSN)        bonnes conditions agricoles et en-
     société s’appellera désormais Happy-                                que la France doit rendre d’ici la fin    vironnementales et que le niveau
     Vore, un « nouveau nom plus souple,                                 décembre afin de décliner nationa-        d’ambition est calibré au niveau
     plus fluide et surtout plus collectif »,                            lement la prochaine Pac, entre 2023       de ce qui se pratique déjà dans
     selon les startupers. La Confédération                              et 2027.                                  la majorité des exploitations. » Le
     paysanne estimait qu’« en usurpant                                    L’autorité environnementale critique    ministère s’est engagé à ce que le
     le terme “fermier”, ces nouveaux ac-                                un statu quo qui fige les inégalités      référentiel HVE soit rénové « d’ici
     teurs de l’agrobusiness vendent un                                  sociales entre territoires, le manque     l’entrée en vigueur du PSN »,
     imaginaire autour du produit local, du                              d’ambition des écorégimes, un bud-        sauf que les réunions en cours au
     fermier, du savoir-faire paysan, décon-                             get très insuffisant pour l’agriculture   sein de la Commission nationale
     necté de leurs pratiques industrielles ».                           biologique et les mesures agroen-         de certification environnementale
     Elle dénonce également l’utilisation de                             vironnementales et climatiques,           montrent clairement que ce ne sera
     dénominations carnées pour des pro-                                 censées pourtant accompagner les          pas le cas. n
     duits d’origine végétale. n                                         changements de pratiques.                                   (communiqué du 25/10)

         Inde
           La Confédération paysanne salue la victoire des paysan·nes indien·nes qui ont obtenu, le 19 novembre, l’abrogation
         des trois lois de réforme agricole contre lesquelles iels se mobilisaient massivement depuis plus d’un an. Adoptées en
         septembre 2020, ces lois devaient déréglementer le secteur agricole de l’Inde, supprimant les tarifs minimums d’achat et
         laissant complètement les paysan·nes à la merci des grandes firmes de l’agroalimentaire.

4   Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021
L'élevage de plein air ! - Sauvons DOSSIER - Pour une autre irrigation - Confédération Paysanne
« Nous refusons la fin de l’élevage de volailles plein air »
Du 15 au 17 novembre, la Confédération paysanne s’est mobilisée partout en France pour défendre l’élevage
de volailles plein air. Avec sept autres organisations, elle a déposé un recours devant le Conseil d’État pour faire
annuler l’obligation de claustration imposée par l’arrêté du 5 novembre.

  Depuis le 5 novembre et la publi-             Source :           propositions pour construire une          devant le Conseil d’État pour faire
                                           communiqué du
cation d’un arrêté ministériel, l’en-                              réglementation efficace afin d’éviter     annuler l’obligation de claustration
                                           15/11
semble du territoire métropolitain         Voir le dossier         une nouvelle crise sanitaire. Mais le     des volailles imposée par l’arrêté du
est passé en risque grippe aviaire         de ce numéro :          ministère a fait le choix de sacrifier    5 novembre.
« élevé » et tous les éleveurs et éle-     « Sauvons l’élevage     le plein air sur l’autel de la vocation     La Confédération paysanne
veuses sont contraints d’enfermer          de plein air ! »        exportatrice de la filière.               est déterminée à utiliser tous les
leurs volailles. Cette décision les                                  Du 15 au 17 novembre, la Confé-         moyens à sa portée pour soutenir
place devant un choix impossible :                                 dération paysanne s’est mobilisée         toutes celles et ceux qui résistent à
enfermer leurs animaux la majeure          (1) Dans les
                                                                   un peu partout en France (1). Devant      cette réglementation inique et inef-
partie de l’année, quand cela leur est     Deux-Sèvres, le         les préfectures ou les Directions         ficace : « Nous refusons la fin de
possible, et renier leur mode d’éle-       Jura, le Gers, la       départementales de la protection          l’élevage de volailles plein air. Nous
vage ; ou cesser leur activité sous        Saône-et-Loire, le      des populations (DPPP), les éle-          refusons cette tromperie massive
la menace des sanctions. Environ           Lot, le Var, le Gard,   veurs et éleveuses ont interpellé         des consommateurs et consomma-
30 % des éleveurs et éleveuses sont        l’Aisne, le Vaucluse,   les pouvoirs publics et les élu·es,       trices en vendant comme du “plein
                                           l’Aveyron…
menacés de cessation d’activité pro-       (2) Agir pour
                                                                   informé les consommateurs et              air” des produits qui ne le seront
chainement.                                l’environnement,        consommatrices sur les marchés.           plus. Nous refusons ce coup porté
  La Confédération paysanne et le          Sauve qui poule,        Le 16, une grande mobilisation à          au bien-être animal, avec des vo-
Modef n’ont de cesse depuis des            Miramap et Bio          Pau a rassemblé, devant la DDPP,          lailles enfermées une grande partie
mois de dénoncer les choix en              Consom’acteurs.         des éleveurs et éleveuses venues du       de l’année. Nous refusons la baisse
matière de politique sanitaire du                                  grand Sud-Ouest, avec la participa-       de la qualité des produits proposés
gouvernement. Car la nouvelle ré-                                  tion de Nicolas Girod, le porte-parole    à la population qui en découlera.
glementation ne s’attaque pas à l’in-             Le               national du syndicat.                     Nous refusons cette évolution mal-
dustrialisation de la filière volailles,   16 novembre,              Dans cette dynamique, le 15 no-         saine de notre métier pour mettre
pourtant à l’origine de l’ampleur et de    300 paysannes et        vembre, la Confédération paysanne,        sous cloche le vivant. Les crises
la propagation des crises sanitaires       paysans se sont         le Modef, l’Association nationale de      sanitaires doivent être gérées au-
                                           rassemblées à Pau
précédentes : transports incessants        devant la Direction
                                                                   l’aviculture fermière (Anafic), la Fé-    trement : dans le but de préserver la
d’animaux vivants, uniformisation          départementale de       dération nationale d’agriculture bio-     santé des animaux et des humains
génétique et densité animale ex-           la protection des       logique (Fnab) et quatre autres or-       et non pas de développer les ex-
cessive. Nous avons multiplié les          populations.            ganisations (2) ont déposé un recours     portations. » n

                                                                                                             Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021   5
L'élevage de plein air ! - Sauvons DOSSIER - Pour une autre irrigation - Confédération Paysanne
Actualités

                                          Notre situation face au diktat sanitaire
Plein d’espoir                            Extraits d’un témoignage reçu le 18 novembre.

  L’homme, dans sa combinaison                                                                                  L’an dernier, une sorte de cas par
d’agriculteur ornée du logo de la                                                                            cas nous avait permis, après visite de
structure productiviste, s’adresse                                                                           contrôle, de maintenir notre activité
                                                                                                             tant bien que mal, avec des volières
à une assemblée de technocrates.
                                                                                                             permettant dérogation à la claustration
Costumes bleus uniformes et mo-                                                                              et une réduction d’espace « suppor-
cassins sont mal à l’aise dans la terre                                                                      table ». Bien que constatant déjà une
nourricière. L’agrimanager explique                                                                          dégradation de la qualité de notre
que ces espaces sont des lieux de                                                                            élevage et un mal-être des animaux,
                                                                                                             nous courbions le dos en attendant la
production pour carburant. Parmi                                                                             libération printanière.
les néophytes, une interrogation                                                                                Mais depuis septembre, les
s’élève : « mais ce sont des champs                                                                          contraintes se sont durcies au point de
pour nourrir les êtres humains ! »                                                                           rendre impossible notre travail. L’es-
« Et comment feront-ils pour aller                                                                           pace laissé à nos animaux est telle-
                                                                                                             ment ridicule qu’il nous rend coupable
chercher leur nourriture ? », réplique                                                                       de maltraitance. La complaisance des
le prétentieux. « Il faut nourrir les                                                                        acteurs du cahier des charges bio a fait
automobiles et l’État nous aide en                                                                           de nous des menteurs quand on nous
réduisant les taxes pour un carbu-                                                                           permet de vendre des poulets étique-
                                               Dimitri et         Nous produisons des œufs et des            tés bio après leur avoir jeté quotidien-
rant moitié prix. »                       Estelle Bon,          poulets de chair bio depuis trois ans,       nement un seau d’herbe sur la litière.
  Alors que, dans le monde, des cen-      paysan·ne dans        en système autarcique (accueil des              Nous avons essayé de répondre
                                          le Jura
taines de millions d’êtres humains                              poussins à un jour et abattage et            aux exigences sanitaires appliquées
sont affamés, certains aspirent à                               vente à la ferme). Notre réussite est        depuis le début de la crise, mais le
produire de l’essence ou du diesel                              basée sur les riches parcs arborés sur       métier que nous pratiquions n’est
                                                                lesquels nous laissons nos animaux           plus possible selon ces contraintes.
sur des terres agricoles, confortant                            croître et s’épanouir. Nous avons            Il est impossible d’enfermer des ani-
ainsi des richesses souvent indé-                               d’ailleurs été aidés par la région pour      maux ayant déjà connu l’extérieur,
centes.                                                         financer la plantation par un chantier       impossible d’élever sans souffrance
  Les vignes sont elles aussi concer-                           participatif de 800 arbustes d’espèces       ni recours médicamenteux des races
                                                                locales et mellifères en 2018, ce qui        à croissance lente sur un espace de
nées. Déjà, dans le Bordelais, une
                                                                nous a permis de gagner le prix du           terre qui, en période hivernale, s’appa-
entreprise produit un agrocarburant                             développement durable de notre com-          rente à une bauge. En évitant un péril
issu à 95 % de marc de raisin. Dans                             munauté de communes.                         sanitaire de cette manière, nous nous
certaines zones comme dans les                                    Un système de bâtiments donnant            précipitons dans cent autres.
basses plaines de l’Aude où l’eau                               chacun sur deux parcs permet une                Si ces mesures perdurent, nous ne
                                                                rotation très longue des occupations         pourrons supporter le coût des adap-
ne manque pas encore, d’aucuns                                  par les animaux, à savoir des vides sa-      tations, ni la perte économique qui
rêvent de replanter des cépages                                 nitaires de cinq mois, contre les deux       suivra fatalement la baisse de qualité
comme l’aramon, capable de pro-                                 exigés par le cahier des charges bio.        de nos produits et, bien sûr, nous ne
duire 200 hectolitres de vin par                                  Nos clients sont unanimes quant            pourrons plus nous supporter nous-
hectare grâce à quelques intrants                               à la qualité des produits dont nous          mêmes quand nous aurons trahi toutes
                                                                manquons toujours.                           les raisons fondamentales qui nous ont
maléfiques. La distillation de ce vin                             Mais voilà deux ans que nous               poussés à devenir éleveur et éleveuse,
abondant, dont on ne savait plus                                nous ruinons la santé, le moral et les       et non pas seulement marchands de
quoi faire il y a quelques dizaines                             comptes à appliquer les consignes offi-      viande.
d’années, pourrait remplir nos ré-                              cielles pour lutter contre la diffusion de      S’il faut le redire, redisons-le : les
                                                                la grippe aviaire. Notre site préservé en    animaux sont faits pour vivre dehors !
servoirs de voitures et gonfler les                             bordure de rivière s’est transformé en       L’enjeu est fondamental, notre alimen-
revenus des plus gros propriétaires.                            ZRP, zone à risque particulier, l’horreur    tation est en péril. L’industrialisation ne
En se haussant du col, on n’hésite                              absolue. Bien sûr, nous nous sommes          peut pas apparaître comme une solu-
pas ici à se revendiquer de « l’intel-                          formés à la biosécurité – c’est une obli-    tion : elle est à l’origine de la crise. Il est
ligence verte ».                                                gation professionnelle – et tout notre       de notre devoir d’assurer pour toutes et
                                                                site répondait aux critères exigés, ce       tous une alimentation de qualité, fruit
  Il n’y a pas de vaccin contre le li-                          qui nous a valu de bonnes apprécia-          de pratiques conformes au vivant et qui
béralisme : c’est dans nos luttes que                           tions, tant du vétérinaire référent que      n’empêchent pas les autres d’exister.
se fera le plein d’espoir.                                      de l’administration.                         Ne nous laissons pas abattre ! n

                                          6   Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021
L'élevage de plein air ! - Sauvons DOSSIER - Pour une autre irrigation - Confédération Paysanne
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                                                                                                                ÉCOBRÈVES
Climat         Retour de COP
Secrétaire national de la Confédération paysanne, Vincent Delmas                                                 Grignon
                                                                                                                    Le 15 novembre, l’État a annoncé l’ar-
était membre de la délégation de La Via Campesina qui a participé
                                                                                                                 rêt de la vente du domaine de Grignon
à la COP26, la conférence sur les changements climatiques                                                        (Yvelines) au promoteur immobilier
organisée par l’ONU du 1er au 13 novembre, à Glasgow (Écosse).                                                   Altarea Cogedim, une vente jusque-là
                                                                                                                 vivement contestée. Une nouvelle pro-
                                                                                                                 cédure devrait être lancée au second
Dans quel contexte as-tu participé         Au lendemain de la COP, quel bilan                                    semestre 2022 après concertation avec
à la COP26 ?                               en tirer ?                                                            les acteurs locaux. Ce site historique
  Bien que représentant 200 millions         Quand j’ai lu le texte adopté le 14 no-         Propos              abrite le campus de l’école publique
de paysannes et de paysans dans            vembre par les 196 pays ayant participé       recueillis par          de formation d’ingénieurs agronomes
plus de 80 pays dans le monde, La          à la COP26, j’en ai été malade. Les           Benoît Ducasse          AgroParisTech mais aussi un château,
Via Campesina n’a pu obtenir que 15        décisions prises – ou plutôt non prises                               des bâtiments dédiés à l’enseignement
accréditations sur les près de 30 000      – nous amènent à une augmentation                                     et à la recherche, des laboratoires de
accordées pour la COP26. Et pas pour       globale des températures de 2,4 °C d’ici                              l’Inrae, 121 hectares de terres agricoles
les négociations officielles, mais en      la fin du siècle. Un texte vidé de toute                              et 133 hectares de forêt. Un collectif ci-
tant qu’observatrice. Notre délégation     ambition, torpillé au fur et à mesure de                              toyen porte un projet pour un lieu ouvert
était surtout européenne (1), le coût et   son élaboration, marqué par la pingrerie
                                                                                                                 sur son territoire, dédié à la connais-
les protocoles sanitaires ayant conduit    des pays riches, par la défense des inté-
des paysans africains, par exemple, à      rêts particuliers. C’est aussi l’expression                           sance du vivant et à la formation à
renoncer à y participer.                   d’une foi aveugle dans un progrès irra-                               l’agroécologie : cfsg.fr
                                           tionnel, fait de robotique, de numérique
Qu’y avez-vous fait ?                      et de génétique.
  Nous nous répartissions ren-               D’un autre côté, la société, les                                    Amazon
contres et conférences et faisions         paysans et paysannes portent des                                        Le 9 novembre, le tribunal adminis-
régulièrement le point dans notre hé-      solutions concrètes, nos délégués                                     tratif de Nîmes a annulé l’autorisation
bergement com-                                                     canadiens par                                 environnementale du projet d’entrepôt
mun. Il s’agissait                                                 exemple étaient                               Amazon au Pont du Gard. Après l’aban-
de mieux cerner                                                    porteurs de pro-                              don des projets d’Ensisheim, en Alsace,
les enjeux, de                                                     positions perti-                              et de Montbert, près de Nantes, c’est un
comprendre ce                                                      nentes alliant la                             troisième revers de taille en quelques
qui se passait,                                                    lutte contre le dé-                           semaines pour le géant mondial de la
de tisser des                                                      règlement clima-      (1) Deux paysans        e-distribution. Pour Attac France, il s’agit
liens, d’établir                                                   tique, la souverai-   français dans
                                                                                                                 bien d’« une victoire pour la protection
des alliances…                                                     neté alimentaire,     cette délégation
                                                                                         qui a résidé à          des terres, du climat et des emplois
même s’il n’y                                                      l’agroécologie        Glasgow du 4 au         locaux, qui interroge sur la légalité de
avait pas beau-                                                    et la défense du      10 novembre :
coup de traduc-                                                    revenu des pay-                               l’expansion d’Amazon à marche forcée,
                                                                                         Vincent Delmas
tions en dehors                                                    san·nes. Nous         et Jean-Matthieu        soutenue par le gouvernement ».
de l’anglais. Il                                                   pouvons rassem-       Thévenot, membre
                                                                                         du groupe jeunes
fallait rappeler le rôle majeur de         bler les jeunes paysans et paysannes
l’agriculture, en première ligne pour      de partout sur ces axes et propositions.
                                                                                         d’ECVC (LVC en          Vitesse
                                                                                         Europe).
constater les dégâts, en première          Et dans les rues de Glasgow, dans la                                    Le Conseil d’État a validé en sep-
ligne aussi pour voir arriver et subir     manifestation du 6 novembre, il y avait                               tembre le projet de ligne à grande
les fausses solutions portées par la       énormément de jeunes.                                                 vitesse (LGV) entre Bordeaux et Tou-
stratégie des crédits carbone, mais          Devant la faillite des dirigeants na-                               louse. Les pouvoirs publics veulent
également en première ligne pour           tionaux, les jeunes et la société tout                                lancer au plus vite ce chantier, ainsi
porter des solutions concrètes ré-         entière doivent s’emparer plus forte-                                 que celui de la branche qui conduirait
pondant aux enjeux de ce dérègle-          ment des enjeux, que leurs actions                                    la LGV jusqu’à Bayonne. Problème : la
ment climatique planétaire.                montent d’un cran pour être mieux en-                                 destruction estimée de 4 830 hectares
  Le 8 novembre, la délégation de          tendues et plus efficaces, à l’exemple                                de zones agricoles et de forêt pour un
La Via Campesina a manifesté dans          de ce qui a été fait en France, le 6 no-                              coût de 14,3 milliards d’euros. Pour
l’enceinte de la COP pour dénoncer         vembre, avec la neutralisation de la                                  deux fois moins cher, on éviterait ce
le manque d’écoute des paysans.            bassine de Cranchambon, en Cha-
                                                                                                                 carnage, on améliorerait les lignes lo-
Et nous avons, bien sûr, participé         rente-Maritime. Une manifestation
                                                                                                                 cales et du quotidien, pour seulement
à l’organisation et au déroulement         inscrite dans la journée internationale
de la grande manifestation de la           de manifestations pour le climat qui                                  22 minutes de moins entre Paris et
société civile, le 6 novembre dans         pose clairement la question fonda-                                    Toulouse et 6 minutes de moins pour
les rues de Glasgow, pour exiger           mentale de l’eau, de sa préservation                                  aller à Bayonne. Beaucoup d’hectares
des dirigeants politiques des actions      et de son partage en ces temps de                                     risquent d’être sacrifiés pour bien peu
concrètes.                                 bouleversement climatique. n                                          de minutes « gagnées ».

                                                             Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021    7
L'élevage de plein air ! - Sauvons DOSSIER - Pour une autre irrigation - Confédération Paysanne
Actualité

                   ÉCOBRÈVES
                                                Eau et agriculture                   Pour une autre irrigation
Passage en force                                La Confédération paysanne ne manque pas d’arguments pour s’opposer aux
  9 et 8 mois de prison ferme ont été
requis, le 28 octobre, contre deux élus
                                                méga-bassines en construction ou en projet en Poitou, Charentes et Vendée.
de la chambre d’agriculture du Lot-et-
Garonne jugés en appel à Agen pour
avoir fait creuser illégalement en 2019            Benoît                 Les méga-bassines sont des ou-        agricultrices. Ces bassines bénéfi-
le « lac de Caussade », une retenue             Ducasse                vrages de stockage de l’eau aux          ciant de subventions à hauteur (en
d’eau de 900 000 m³ destinée à l’irri-                                 allures de cratères plastifiés, entou-   moyenne) de 70 %, le calcul aboutit
gation agricole. Ces réquisitions cor-                                 rées de digues de 10 mètres de haut,     à 263 000 euros d’aides publiques
respondent aux peines infligées à Serge                                érigées avec la terre décaissée. Elles   par ferme concernée !
Bousquet-Cassagne et Patrick Fran-                                     sont remplies par pompage dans les         Le total s’annonce rondelet pour les
ken (Coordination rurale), président et                                nappes phréatiques ou les cours          finances publiques : les opposant·es,
vice-président de la chambre, par le                                   d’eau.                                   regroupé·es au sein du collectif Bas-
tribunal correctionnel d’Agen en juil-                                    C’est là un de leurs vices : il ne    sine non merci ! (1), dénombrent 93
let 2020. Ni l’illégalité de la démarche,                              s’agit pas de récupérer seulement        projets en Vendée, dans les Deux-
ni les plaintes déposées par les défen-                                une eau « qui tombe » mais bien          Sèvres, la Vienne et les Charentes.
seurs de l’environnement n’avaient frei-                               d’aller chercher l’eau dans ses es-        Accaparement foncier (8 à 10 hec-
né les ardeurs des partisans du barrage                                paces naturels de stockage. Ce n’est     tares en moyenne par bassine), pri-
et du lac, mis en eau en 2020. Délibéré                                pas une retenue collinaire. L’eau        vatisation de l’eau au profit d’une mi-
le 17 décembre.                                                        ainsi stockée se serait infiltrée dans   norité (pour le projet Sèvre Niortaise
                                                                       les sols ou aurait ruisselé dans les     et Mignon, 6 % des agriculteurs et
                                                                       rus et rivières, alimentant son cycle,   agricultrices du territoire seraient rac-
À sec                                                                  répondant à divers besoins vitaux        cordées), perte de la qualité de l’eau
                                                                       (sols, plantes, animaux) des cycles      et des milieux naturels, évaporation,
  Un important réservoir d’eau du nord-         (1)
                                                bassinesnonmerci.fr    biologiques naturels, et ce jusqu’au     pression sur les finances publiques :
ouest de la Syrie s’est complètement
                                                                       milieu marin, dépendant de la quan-      les méga-bassines cochent toutes les
vidé cette année, pour la première fois
                                                                       tité et de la qualité de l’eau douce.    cases de ce qu’il ne faut pas faire.
en 27 ans d’existence, en raison des                                   Avec ces bassines, on la prélève           La Confédération paysanne rap-
faibles pluies, de dégâts structurels et                               du milieu qui ne reçoit donc plus la     pelle que l’irrigation est bien un be-
de prélèvements agricoles excessifs                                    quantité nécessaire pour répondre à      soin essentiel en agriculture. Elle
dans un contexte de sécheresse ex-                                     ses besoins et à ceux – naturels – de    vient pallier un déficit hydrique.
trême (AFP). Le réservoir d’une capa-                                  l’agriculture.                           Mais, pour le syndicat, cet usage
cité de 3,6 millions de mètres cubes                                      Pire, on la rend stagnante et, sous   doit s’inscrire dans un ensemble
est surtout utilisé pour l’irrigation et                               la chaleur estivale, la perte par éva-   de pratiques qui visent d’abord à
l’approvisionnement en eau des popu-                                   poration est conséquente quand la        réduire la dépendance à l’irrigation,
lations. L’usage et le partage de l’eau                                qualité de ce qui reste se dégrade,      à économiser la ressource et à res-
sont bien, déjà, des sujets de tension                                 notamment par eutrophisation.            pecter les cycles naturels. Il doit
dans le monde entier.                                                     À l’aberration écologique s’ajoute    s’intégrer dans une réflexion systé-
                                                                       la gabegie financière. Dans le bas-      mique sur les moyens et pratiques
                                                                       sin du Clain (Vienne) est prévue la      de production : variétés cultivées,
Nitrates                                                               construction de 41 méga-bassines,        conditions climatiques, intrants, in-
  Il n’y a pas que les usines à co-                                    pour un coût total de 72 millions        frastructures paysagères… Du bon
chons bretonnes qui sont sources des                                   d’euros et pour 191 agriculteurs et      sens paysan. n
nitrates déversés dans la Manche.
L’usine atomique de la Hague en re-
jette 2 000 tonnes par an, l’équivalent                 Méga-
                                                bassines : une
du lisier de… 100 000 porcs ! C’est que         fausse solution face
note l’association environnementaliste          au changement
Robin des Bois dans l’enquête publique          climatique :
                                                un document
en cours, relative à une demande d’au-          argumentaire de
torisation d’extension du domaine de            4 pages publié par
traitement de l’usine. Les nitrates pro-        la Confédération
viennent de l’acide nitrique utilisé pour       paysanne :
                                                urlz.fr/gK1V
dissoudre les combustibles irradiés
provenant des centrales nucléaires et
séparer le plutonium, l’uranium et les
produits de fission. Les rejets et leur
accumulation contribuent fortement à
l’eutrophisation des eaux de la Manche
sur un vaste périmètre.

                                            8      Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021
L'élevage de plein air ! - Sauvons DOSSIER - Pour une autre irrigation - Confédération Paysanne
Actualité

                                                                                                             ÉCOBRÈVES
L’agriculture paysanne charentaise
face aux bassines                                                                                             Omertà
                                                                                                                 Valérie Murat, porte-parole de l’asso-
                                                                                                              ciation « Alerte aux toxiques » ne pourra
Dans le bassin hydrographique de l’Aume-Couture, en Charente, 14 bassines                                     pas faire appel de sa condamnation sans
existent déjà et 9 nouvelles sont en projet.                                                                  payer au préalable les 125 000 euros de
                                                                                                              dommages et intérêts décidés par le tri-
                                                                                                              bunal de Libourne en février 2021. Elle
  Depuis 20 ans en Poitou-Cha-            celui de la Pallice, à La Rochelle.                                 était poursuivie par le Conseil interpro-
                                                                                           Agnès
rentes, des bassines sont érigées         Les coopératives agricoles lo-              Rousteau Fortin,
                                                                                                              fessionnel des vins de Bordeaux (CIVB)
comme solution pour garantir              cales y ont beaucoup investi, via           porte-parole de         pour « dénigrement » des vins locaux :
l’accès à toujours plus d’eau par         le groupe SICA Atlantique, ainsi            la Confédération        en septembre 2020, elle avait publié un
certains irrigants. Remplies par          que Socomac (groupe Soufflet).              paysanne de             dossier de presse dans lequel elle af-
                                                                                      Charente                firmait, s’appuyant sur une étude, que
pompage dans les nappes phréa-            Ces deux principaux investisseurs
tiques l’hiver, elles ont pour objectif   ont donc tout intérêt à favoriser                                   des bouteilles de vin pourtant labellisées
de réserver des volumes d’eau afin        l’irrigation intensive pour s’assurer                               Haute valeur environnementale (HVE)
de pouvoir maintenir un haut niveau       des volumes et rester une force                                     contenaient des résidus de pesticides.
d’irrigation l’été, alors que les res-    d’exportation.                                                      Une cagnotte a été mise en place pour
trictions tombent de plus en plus            Tout cela montre que ces bassines                                aider au paiement de cette très lourde
tôt en saison.                            sont bien l’outil d’une agriculture                                 somme afin qu’elle puisse poursuivre son
  Déjà 20 ans, 20 ans qui nous            toujours plus industrialisée, où le                                 action de lanceuse d’alerte : urlz.fr/gNFo
prouvent aujourd’hui que leur             maïs est roi. Que leurs promoteurs
présence ne répond en rien à la           s’accaparent notre bien commun,
problématique générale de l’eau           l’eau, pour ensuite l’exporter                                      Crédit d’impôt
face à sa raréfaction et face aux         sous forme de céréales. Qu’elles                                       Le crédit d’impôt destiné aux agricul-
assecs, quand rivières et étangs          favorisent l’agrandissement des                                     teurs et agricultrices qui n’utilisent plus
se retrouvent sans eau.                   exploitations et l’agriculture inten-                               d’herbicide à base de glyphosate entre
  Sur le bassin hydrographique de         sive, empêchant l’indispensable                                     en vigueur, selon un décret publié le
l’Aume-Couture, en Charente, il           transition agroécologique, tout en                                  30 octobre au Journal officiel. Soit un cré-
existe déjà 14 bassines, pour un          artificialisant et plastifiant des terres                           dit d’impôt forfaitaire de 2 500 euros pour
prélèvement annuel de 3 millions          agricoles. Mais aussi qu’il est temps                               les exploitations qui « n’utilisent pas de
de m³ ; le projet de construction de      de remettre en question la stratégie                                produits phytopharmaceutiques conte-
9 nouvelles bassines permettrait          d’exportation de l’agriculture fran-                                nant la substance active du glyphosate
le pompage de 1,6 million de m 3          çaise.                                                              au cours des années 2021 et 2022 ».
supplémentaires. Ces nouveaux                C’est pourquoi nous pensons qu’il                                Sont concernées les grandes cultures,
volumes prélevés pour ces 9 bas-          faut arrêter tout de suite ces projets                              l’arboriculture, la viticulture, ainsi que les
sines serviraient à moins de 5 %          qui nous bassinent !                                                « exploitations d’élevage présentes de
des agriculteurs et agricultrices            Cet accaparement de nos ré-                                      manière significative dans au moins une
du bassin, alimentant seulement           serves d’eau par une poignée                                        de ces productions végétales ».
19 exploitations sur 418.                 d’agriculteurs privilégiés n’est
                                          plus tolérable. Nous désirons un
Un financement à grand renfort            accès partagé à l’eau, prenant                                      Pire année
de subventions                            en compte tous les usages, qu’ils
                                                                                                                L’Union nationale de l’apiculture fran-
  Ces 9 bassines coûteront 12 mil-        soient agricoles ou autres. Qu’une
                                                                                                              çaise considère 2021 comme « la pire
lions d’euros et seront financées à       réelle concertation citoyenne et
                                                                                                              année » de l’apiculture du pays. Ge-
grand renfort de subventions : 70 %       représentative de toutes les par-
d’aides publiques, ce qui équivaut à      ties, sans lobbying, ait vraiment                                   lées tardives au printemps, pluie l’été…
plus de 400 000 euros de subven-          lieu dans les territoires pour enfin                                « Les conditions climatiques se sont ré-
tions par exploitation, les 30 % res-     définir nos usages de l’eau.                                        vélées particulièrement défavorables »,
tants seront financés par l’ensemble         Nous demandons une réorienta-                                    rappelle l’Unaf. Si, dans le Sud-Est, la
des irrigants via leur association        tion des aides publiques utilisées                                  bonne récolte de miel de lavande a
syndicale.                                pour ces projets « bassinesques »                                   « sauvé la saison », ailleurs la récolte
  En prime, ces 9 bassines artifi-        vers un réel accompagnement de                                      de tournesol est « décevante », celles
cialiseront 48 hectares de terres         l’agriculture pour une transition et                                de châtaignier, de colza et de bruyère
agricoles, dûment plastifiés.             un changement de pratiques, afin                                    « médiocres », quand la récolte d’aca-
  Autour de ces bassines, les sur-        de préserver nos réserves d’eau,                                    cia a tout simplement été « anéantie ».
faces en monoculture de maïs sont         en qualité et quantité.                                             On attend moins de 12 000 tonnes de
très présentes, mais aussi des               Oui, l’agriculture paysanne a be-                                miel récoltées en France cette année,
cultures de blé, tournesol et colza.      soin d’eau, mais pour répondre à                                    l’Unaf estime même la production à
Ces productions vont principale-          son enjeu majeur : assurer la sou-                                  moins de 9 000 tonnes, loin des 31 800
ment alimenter le deuxième port           veraineté alimentaire nationale et                                  tonnes de 2020, et même des 21 600
exportateur de céréales de France,        changer de modèle. n                                                de 2019.

                                                           Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021   9
L'élevage de plein air ! - Sauvons DOSSIER - Pour une autre irrigation - Confédération Paysanne
Actualité

                     ÉCOBRÈVES
                                                           Une artificialisation des terres
OGM
   Le colza Clearfield, issu de mutagénèse,
                                                     agricoles continue et multiforme
« se trouve légalement sur le marché fran-
                                                     L’artificialisation des terres agricoles ne concerne pas que des grands projets.
çais », a déclaré le 25 octobre au Parle-
ment européen une responsable de l’unité             Exemple au Pays basque où quatre hectares à « haute valeur agricole » sont
« Biotechnologie » de la Commission eu-              menacés par un projet de Bouygues Immobilier. Mais les paysan·nes et leurs
ropéenne. Mais le collectif Objectif zéro            soutiens sont mobilisés pour les défendre et les sauver.
OGM (25 organisations dont la Confé-
dération paysanne) demande toujours
au gouvernement français de répondre                      Julen               Le 15 octobre, aux abords de la         basque (CAPB) s’exprime en faveur
aux injonctions du Conseil d’État (arrêt             Oillarburu,           départementale 918 reliant Cam-            de la modification du PLU de Cam-
du 7/2/2020), selon lequel les organismes            Laborari, journal
                                                     d’ELB, syndicat       bo à Itxassou, une cinquantaine            bo. En juillet de la même année, trois
obtenus par mutagenèse aléatoire in vitro            paysan basque         de personnes déposent 28 boules            associations déposent un recours
doivent bien respecter la réglementation             membre de la          de foin enrubannées. « Non Béton           auprès du tribunal administratif pour
OGM. Le Parlement européen a, lui, rejeté            Confédération         Bouygues », « Aski Lurra Galtzea »         le faire invalider. La procédure est
l’avis de la Commission lui demandant                paysanne
                                                                           ont été écrits sur ces boules ins-         désormais close, une réponse est
de fermer ce dossier. Le 8 novembre, le                                    tallées sur le plateau de Marienia.        espérée pour décembre.
Conseil d’État en a rajouté une couche,                                    Une conférence de presse explique
menaçant le gouvernement français de                                       l’action, organisée par ELB, syndicat      Le temps presse
sanctions financières s’il ne réglemente                                   basque membre de la Confédération            Mais, en attendant, le temps presse,
pas avant février la culture des variétés                                  paysanne, et ses partenaires pour          comme l’explique Martine Bouchet,
rendues ainsi tolérantes aux herbicides.                                   l’occasion, Lurzaindia (1), le Collec-     vice-présidente du CADE : « Nous
                                                                           tif des associations de défense de         craignons que Bouygues profite de ce
                                                                           l’environnement (CADE) et Nahi             temps pour commencer les travaux.
OGM 2                                                                      Dugun Herria (NDH, Le pays que             Même si le tribunal administratif nous
  Le 3 novembre, l’Union française des                                     nous voulons).                             donne raison et que le PLU retourne
semenciers (UFS) a présenté 15 propo-                                         Les paysan·nes et citoyen·nes inter-    à sa forme antérieure, s’ils entament
sitions aux candidat·es à l’élection pré-                                  pellent les élu·es sur l’illégalité d’un   les travaux, le permis pourrait devenir
sidentielle de 2022. Le lobby demande                                      projet immobilier porté par Bouygues       définitif. » Raison pour laquelle l’as-
notamment « une réglementation euro-                                       sur près de quatre hectares de terres      sociation devait déposer un nouveau
péenne adaptée » (traduire : des chan-                                     à « haute valeur agricole ».               recours, cette fois contre le permis de
gements réglementaires sortant leurs                                          Cet été, Bouygues immobilier a          construire.
nouveaux organismes génétiquement                                          signé un compromis de vente pour             La mairie de Cambo a entamé les
manipulés de l’encadrement des OGM)                                        ces terres, à 3 073 000 d’euros, puis      démarches pour (re)modifier son
et « un renforcement des dispositifs et                                    obtenu un permis pour y construire         propre PLU afin de l’adapter au projet
financement public » (plus de sous pu-                                     une centaine de logements (2). Deux        de Bouygues. Les cartes sont mainte-
blics). L’UFS souhaite aussi la protection                                 recours gracieux ont été déposés par       nant entre les mains de la CAPB qui a
contre le « vandalisme » (neutralisation de                                les opposants, dont un n’a pas été re-     la compétence de lancer la procédure
leurs nouveaux OGM par les Faucheurs                                       jeté au motif que les futurs bâtiments     de modification des PLU. La vice-pré-
volontaires). Candidat·es président·es,                                    dépasseraient la longueur autorisée        sidente du CADE s’étonne que « ce
c’est à vous !                                                             (28 m) au regard d’un PLU qu’ils           soit le règlement qui doive s’adapter
                                                                           considèrent par ailleurs illégal. Dans     au permis de construire de Bouygues
                                                                           le sillage de l’occupation victorieuse     et non l’inverse ».
Accélération                                                               de terres à Arbonne (cf. CS n° 376),         Martine Bouchet rappelle les rai-
                                                                           les organisations alertent également       sons de l’opposition à la constructi-
  Le « 4e programme d’investissements                                      sur les dangers de l’artificialisation     bilité des terres de Marienia : « Tous
d’avenir » comprendra 877,5 millions d’eu-                                 de terres à vocation nourricière, ar-      les schémas directeurs du territoire
ros pour l’agriculture et à l’agroalimentaire                              gumentant qu’il y a d’autres moyens        votés par l’agglo optent pour que ces
sur la période 2021-2025, a annoncé le                                     de répondre aux besoins en logement        terres restent à vocation agricole :
gouvernement le 5 novembre. La somme                                       du territoire.                             leur artificialisation aurait un impact
est répartie en deux « stratégies d’accélé-      (1) Démarche                 L’histoire du plateau de Marienia       négatif sur le paysage, l’agricultu-
ration ». La première, sur les « systèmes        proche de celle           débute avant 2018, quand un collectif      re et le défi de la transition écolo-
agricoles durables et agricoles équipe-          de Terre de Liens :
                                                                           de citoyen·nes dénonce le souhait de       gique. » Une question est posée
ments contribuant à la transition écolo-         lurzaindia.eu
                                                 (2) 49 en collectif et    la mairie de Cambo de réviser son          aux élu·es : au regard du nombre
gique », dotée de 428 millions d’euros, est      45 villas.                plan local d’urbanisme (PLU), datant       de logements vacants et de rési-
destinée à « réussir la troisième révolution                               de 2014. Début 2018, le nouveau            dences secondaires, ou encore de
agricole », mobilisant pour cela les outils                                PLU est voté, ouvrant les terres de        dents creuses en zone urbanisée,
numériques, robotiques, génétiques et du                                   Marienia à l’urbanisation immédiate.       n’y a-t-il pas d’autres solutions ?
biocontrôle (!) La deuxième, encore floue,                                 Malgré une mobilisation ayant obtenu         Celles-ci demandent un engage-
vise une « alimentation durable et favorable                               1 900 signatures, le 2 février 2019, la    ment politique et citoyen plus im-
à la santé ».                                                              Communauté d’agglomération Pays            portant. n

                                                10       Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021
Actualité

OGM Une innovation de démocratie sociale
jetée aux oubliettes
Le 13 octobre, le gouvernement a publié l’ordonnance mettant fin, au 31 décembre, au Haut Conseil
des Biotechnologies. Il s’agit officiellement de réformer « l’évaluation des biotechnologies » mais surtout
de se débarrasser des voix dissidentes des paysan·nes et de la société civile.

   Suite à un long débat parlemen-             Guy Kastler,     au ministère la composition d’un        leur donna raison en juillet 2018,
taire, la loi du 25 juin 2008 a inscrit   commission OGM        nouvel exécutif (le bureau), à plus     avis suivi, en février 2020, par le
dans le marbre législatif l’armistice     de la Confédération   de 80 % favorables aux OGM. Le          Conseil d’État. Confortés par ces
devant mettre fin à dix années de         paysanne              président du comité scientifique se     victoires juridiques, les démission-
luttes paysannes et sociales contre                             crut dès lors tout permis et publia     naires revinrent au HCB. Celui-ci
les chimères génétiques brevetées.                              un « avis scientifique » jugeant        gela aussitôt ses activités ouvertes
Les OGM ne pourraient désormais                                 la réglementation des OGM non           aux paysan·nes et aux ONG, tandis
être produits et commercialisés                                 transgéniques excessive, avis           que le ministre de l’Agriculture se
que dans le respect « des struc-                                qui s’avéra plus tard n’être qu’un      pliait aux ordres de la Commission
tures agricoles, des écosystèmes                                document provisoire. Il avait au-       européenne et de la FNSEA en
locaux et des filières de production                            paravant manipulé les procédures        refusant d’exécuter les injonctions
et commerciales sans OGM ». Et                                  pour censurer l’avis divergent d’un     du Conseil d’État, puis en publiant
les organisations paysannes, de                                 chercheur, lequel démissionnera         l’ordonnance d’exécution définitive
l’industrie agroalimentaire et de la                            pour protester. Qu’importe ! La         du HCB.
société civile étaient conviées à                               ministre de l’Environnement de            Le Conseil d’État a répliqué dès
participer, aux côtés des scienti-                              l’époque s’empressa de demander         ce 11 novembre, renvoyant à la
fiques, à l’expertise collective des                            au HCB de lui proposer un nouveau       CJUE, en réponse à un référé des
OGM.                                                            cadre pour déréglementer les OGM        associations, la question du refus
   Quelques mois plus tard, le Haut                             non transgéniques, ce qui poussa        de la Commission européenne et
Conseil des Biotechnologies (HCB)                               à la démission les organisations        du ministre français de réglementer
fut doté d’un comité économique,                                paysannes et de la société civile       les OGM cachés.
éthique et social devant proposer                               refusant de renier la loi résultant       Aucune victoire juridique ou po-
des recommandations après avoir                                 des luttes populaires.                  litique contre les OGM n’aurait
pris connaissance de l’avis des ex-                                                                     jamais été acquise sans les ac-
perts scientifiques. 12 ans après,                              Un combat juridique                     tions de désobéissance civile de
le 13 octobre dernier, cette inno-                                La concertation démocratique re-      la Confédération paysanne, puis
vation démocratique a été jetée                                 devenue impossible, le débat se         des faucheurs volontaires, et sans
à la poubelle par une ordonnance                                poursuivit devant les tribunaux. Sai-   les mobilisations sociales qui n’ont
adoptée sans débat politique,                                   si par neuf organisations refusant      jamais cessé de les accompagner.
profitant de la capture de tous les                             cette déréglementation, le Conseil      La suppression de toute concerta-
regards par des états d’urgence à                               d’État interrogea la Cour de justice    tion démocratique ne les arrêtera
répétition justifiant une aggrava-                              de l’Union européenne (CJUE) qui        pas. n
tion sans précédent des atteintes
aux libertés démocratiques et éco-
nomiques.
   Les premières années du HCB
furent fécondes : le rejet du seul
OGM autorisé à la culture en Eu-                                   Inspection citoyenne
rope, le maïs MON810, puis l’adop-
                                                                     Le 10 novembre, dans un site de la société RAGT à Calmont
tion de règles de coexistence ren-
dant impossible toute culture de                                   (Aveyron), 80 « faucheurs volontaires » ont neutralisé des sacs
plantes OGM à pollinisation libre,                                 de semences de tournesol obtenues par mutagénèse, une
ont justifié la loi de 2014 interdisant                            des variétés que le gouvernement français refuse toujours de
la culture de tout maïs OGM. C’en                                  reconnaître et réglementer en tant que qu’OGM. « On a la cer-
fut trop pour la FNSEA et l’industrie                              titude que ces semences-là ont été obtenues par mutagenèse
semencière qui mirent fin à l’armis-                               appliquée sur cellule in vitro. Or, c’est le curseur imposé par le
tice en quittant brutalement la table                              Conseil d’État pour réglementer la commercialisation : demande
des discussions.                                                   d’autorisation, étiquetage, traçabilité, séparation des filières »,
   Le poisson commence toujours
à pourrir par la tête : les démis-                                 résumait un faucheur volontaire. Sept sacs d’une tonne chacun
sionnaires profitèrent du trouble                                  ont été ouverts puis répandus par terre en mélangeant du maïs
résultant de leur départ pour pour-                                avec du tournesol.
rir celle du HCB. Ils négocièrent

                                                                                                        Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021   11
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