L'élevage de plein air ! - Sauvons DOSSIER - Pour une autre irrigation - Confédération Paysanne
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N° 378 – décembre 2021 – 6 € – ISSN 09834-9181 DOSSIER Sauvons l’élevage de plein air ! Bassines Pour une autre irrigation
p.4Vie syndicale Dossier Actualité p.6 Élevage : Notre situation face au diktat sanitaire p.7 Climat Retour de COP p.8 Eau et agriculture Pour une autre irrigation p.9 Eau et agriculture L’agriculture paysanne charentaise face aux bassines p.10 Foncier Une artificialisation des terres agricoles continue et multiforme p.11 OGM Une innovation de démocratie sociale Sauvons l’élevage de plein air ! jetée aux oubliettes p.12 Viticulture Une alternative aux insecticides En débat pour lutter contre la flavescence dorée p.13 Le domaine public maritime : une manière originale de gérer un commun Agriculture paysanne p.14 Rhône En plein air intégral Initiative p.16 Des espaces-test pour l’installation paysanne Ami·e·s de la Conf’ p.18 Une ferme urbaine pour l’insertion et l’installation Abonnement p.19 p.22 Petites annonces La Conf’ en action p.24 No bassaran ! Le Samson du mois Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis. 2 Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021 Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé
On l’ouvre La 3e révolution agricole sera paysanne ! Impossible d’entendre des idées pa- Les actes tels que le démontage reilles sans vouloir renverser la table de la pompe de la méga-bassine de et remettre les pendules à l’heure ! Cramchaban, le 6 novembre, sont Nous opposer aux méga-bassines, forts car notre survie est en question. c’est refuser cette fuite en avant Tant que des annonces de suspen- technologique, refuser ces artifices sion des travaux des bassines et de qui tentent de préserver à tout prix reprise de discussions démocratiques un modèle dépassé. et plurielles ne seront pas prises, nous C’est affirmer que ce modèle du resterons mobilisé·es. passé est prédateur de l’agriculture Tant que le pompage et l’utilisation paysanne, prédateur du climat, des de l’eau continueront illégalement, Nicolas Girod, communs et de la planète. malgré des décisions de justice, nous paysan dans le Jura, Ces méga-bassines ne sont pas du resterons mobilisé·es. stockage d’eau de pluie mais bien Ce ne sont pas les intimidations qui porte-parole national du pompage dans la nappe qui reste nous feront reculer : l’illégalité et la pourtant le moyen le plus économique violence, certains les pratiquent ar- et le plus performant de préservation demment depuis trop longtemps pour et de stockage. venir se poser en donneurs de leçons. Nous ne sommes pas opposé·es à Ce ne sont pas non plus les prises l’irrigation, ni au stockage, mais com- de position de ministres qui vont nous plètement contre tout accaparement faire douter : la violence institution- et toute privatisation de la ressource, nelle envers le monde paysan a fait qui plus est à grand renfort d’argent grandir notre colère et notre détermi- L e gouvernement actuel, main dans la main avec la FNSEA, nous an- nonce une 3e révolution agricole (1) : public. Impossible de faire confiance plus longtemps aux fossoyeurs de l’agri- nation. Nous luttons pour la survie d’un monde paysan, pour la survie de nos savoir-faire et de nos existences elle sera numérique, robotique et gé- culture qui ont fait disparaître deux face à des orientations politiques qui nétique, et pour eux c’est une chance tiers des paysannes et des paysans n’ont de cesse de vouloir nous faire (1) Après une immense à saisir pour la France. La en 30 ans et qui pensent que nous disparaître pour industrialiser tran- première révolution mécanique start-up nation va pouvoir ainsi in- sommes encore trop nombreux ! quillement et jusqu’au bout le monde (machinisation) vestir, abaisser ses coûts sociaux en Notre précarisation et notre dispari- agricole. une deuxième liquidant toujours plus de paysannes tion ne sont pas une fatalité mais un La 3e révolution agricole sera pay- chimique (engrais et de paysans, les rendre encore da- choix politique déterminé et assumé. sanne ! et pesticides). vantage dépendant·es… tout ça pour Comme est assumé le fait de détra- Elle sera sociale et écologique, riche conquérir de nouveaux marchés et quer le climat et de foutre en l’air la en France d’1 000 000 de paysannes faire tourner le commerce. biodiversité pour continuer à répondre et de paysans que nous voulons et Le pire, c’est qu’ils y croient. aux « signaux du marché ». dont nous avons besoin. n Campagnes solidaires est un journal écrit essentiellement par des paysannes et des paysans, à l’attention de tou·tes les paysan·nes et de toutes celles et tous ceux qui s’intéressent au projet d’agriculture paysanne et de défense de ses travailleuses et travailleurs porté par la Confédération paysanne. Pour vous abonner à notre mensuel, nous vous invitons à remplir et à nous retourner le bulletin d’abonnement en page 19. Merci et bonne lecture ! Mensuel édité par Abonnements : 01 43 62 82 82 Comité de publication : Dessins : Samson, Claire Robert l’association Média Pays abocs@confederationpaysanne.fr Andréa Blanchin, Céline Berthier, Maquette : Julia Klag et Pierre Rauzy 104, rue Robespierre Directeur de la publication : Christian Boisgontier, Michel Curade, Impression : Chevillon 93170 Bagnolet Nicolas Girod Marc Dhenin, Florine Hamelin, 26, boulevard Kennedy Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03 Rédaction : Véronique Léon, Jean-Claude BP 136 – 89101 Sens Cedex campsol@confederationpaysanne.fr Benoît Ducasse Moreau, Michèle Roux, Geneviève CPPAP n° 1121 G 88580 confederationpaysanne.fr et Sophie Chapelle Savigny N° 378 – décembre 2021 facebook.com/confederationpaysanne Secrétariat de rédaction : Diffusion : Anne Burth Dépôt légal : à parution Twitter : @ConfPaysanne Benoît Ducasse et Jean-Pierre Edin Bouclage : 24 novembre 2021 Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021 3
Vie syndicale Vanités Le cabinet de Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a proposé il y a quelques semaines à Nicolas Girod, porte-parole national de la Confédération paysanne, de figurer sur la liste des demandes de décoration de l’ordre national du Mérite. Nicolas Girod a décliné la proposition et adressé une réponse argumentée au cabinet de la ministre. « Après réflexion individuelle et Je ne parle pas ici du profond désac- la mise en place de politiques pu- échange avec mes camarades du cord que nous pouvons avoir sur le plan bliques favorables à l’intérêt général, secrétariat national de la Confédé- France 2030, dévoilé par le Président de à la transition agricole et à la souve- ration paysanne je vais refuser cette la République et repris par son ministre raineté alimentaire. proposition de décoration. de l’Agriculture pour une révolution agri- Tant que nous serons à ce point en Il me semble en effet assez in- cole robotique, numérique et génétique. désaccord entre ce que nous atten- congru de pouvoir être décoré par Nous aimerions d’ailleurs pouvoir dons et qui semble urgent et néces- un membre du gouvernement qui entendre et échanger avec Madame saire et la politique à l’œuvre, je ne a réintroduit les néonicotinoïdes, la ministre à ce sujet notamment et L’ordre me vois pas en capacité d’accepter qui refuse d’appliquer les décisions quelle vision agricole elle promeut. national du ce genre de proposition. du Conseil d’État concernant les Je n’attends aucune gratification per- Mérite est un Je suis par contre toujours ouvert et nouveaux OGM ou qui s’apprête sonnelle mais me bats et continuerai ordre honorifique disponible pour échanger avec Ma- institué en 1963 à mettre en place une politique à me battre au quotidien pour amélio- par de Gaulle, en dame la ministre et son cabinet sur agricole commune (Pac) en total rer la situation des paysannes et des complément de la les moyens à mettre en œuvre afin désaccord avec les attentes et les paysans et de notre environnement. Légion d’honneur. de faire avancer la cause paysanne besoins que nous avons exprimés Le besoin de reconnaissance et écologique à laquelle vous semblez pour le monde paysan et la transition ne passe pas par une quelconque également attachés au vu de cette pro- agroécologique. médaille, mais bien davantage par position de distinction. » n Tromperie Pac Faisant l’objet d’une poursuite La Confédération paysanne de- Elle tacle particulièrement la cer- engagée par la Confédération pay- mande au gouvernement ce qu’il tification « haute valeur environ- sanne pour son utilisation du terme va faire de l’avis de l’Autorité de nementale » (HVE) qui n’apporte « fermier », la start-up Les Nouveaux l’État compétente en matière d’en- « aucun bénéfice environnemental fermiers, spécialiste d’imitations végé- vironnement (Autorité environne- supplémentaire par rapport à celui tales de produits animaux (steaks, nug- mentale) rendu le 22 octobre sur apporté par le simple respect des gets), a changé de nom fin octobre. La le Plan stratégique national (PSN) bonnes conditions agricoles et en- société s’appellera désormais Happy- que la France doit rendre d’ici la fin vironnementales et que le niveau Vore, un « nouveau nom plus souple, décembre afin de décliner nationa- d’ambition est calibré au niveau plus fluide et surtout plus collectif », lement la prochaine Pac, entre 2023 de ce qui se pratique déjà dans selon les startupers. La Confédération et 2027. la majorité des exploitations. » Le paysanne estimait qu’« en usurpant L’autorité environnementale critique ministère s’est engagé à ce que le le terme “fermier”, ces nouveaux ac- un statu quo qui fige les inégalités référentiel HVE soit rénové « d’ici teurs de l’agrobusiness vendent un sociales entre territoires, le manque l’entrée en vigueur du PSN », imaginaire autour du produit local, du d’ambition des écorégimes, un bud- sauf que les réunions en cours au fermier, du savoir-faire paysan, décon- get très insuffisant pour l’agriculture sein de la Commission nationale necté de leurs pratiques industrielles ». biologique et les mesures agroen- de certification environnementale Elle dénonce également l’utilisation de vironnementales et climatiques, montrent clairement que ce ne sera dénominations carnées pour des pro- censées pourtant accompagner les pas le cas. n duits d’origine végétale. n changements de pratiques. (communiqué du 25/10) Inde La Confédération paysanne salue la victoire des paysan·nes indien·nes qui ont obtenu, le 19 novembre, l’abrogation des trois lois de réforme agricole contre lesquelles iels se mobilisaient massivement depuis plus d’un an. Adoptées en septembre 2020, ces lois devaient déréglementer le secteur agricole de l’Inde, supprimant les tarifs minimums d’achat et laissant complètement les paysan·nes à la merci des grandes firmes de l’agroalimentaire. 4 Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021
« Nous refusons la fin de l’élevage de volailles plein air » Du 15 au 17 novembre, la Confédération paysanne s’est mobilisée partout en France pour défendre l’élevage de volailles plein air. Avec sept autres organisations, elle a déposé un recours devant le Conseil d’État pour faire annuler l’obligation de claustration imposée par l’arrêté du 5 novembre. Depuis le 5 novembre et la publi- Source : propositions pour construire une devant le Conseil d’État pour faire communiqué du cation d’un arrêté ministériel, l’en- réglementation efficace afin d’éviter annuler l’obligation de claustration 15/11 semble du territoire métropolitain Voir le dossier une nouvelle crise sanitaire. Mais le des volailles imposée par l’arrêté du est passé en risque grippe aviaire de ce numéro : ministère a fait le choix de sacrifier 5 novembre. « élevé » et tous les éleveurs et éle- « Sauvons l’élevage le plein air sur l’autel de la vocation La Confédération paysanne veuses sont contraints d’enfermer de plein air ! » exportatrice de la filière. est déterminée à utiliser tous les leurs volailles. Cette décision les Du 15 au 17 novembre, la Confé- moyens à sa portée pour soutenir place devant un choix impossible : dération paysanne s’est mobilisée toutes celles et ceux qui résistent à enfermer leurs animaux la majeure (1) Dans les un peu partout en France (1). Devant cette réglementation inique et inef- partie de l’année, quand cela leur est Deux-Sèvres, le les préfectures ou les Directions ficace : « Nous refusons la fin de possible, et renier leur mode d’éle- Jura, le Gers, la départementales de la protection l’élevage de volailles plein air. Nous vage ; ou cesser leur activité sous Saône-et-Loire, le des populations (DPPP), les éle- refusons cette tromperie massive la menace des sanctions. Environ Lot, le Var, le Gard, veurs et éleveuses ont interpellé des consommateurs et consomma- 30 % des éleveurs et éleveuses sont l’Aisne, le Vaucluse, les pouvoirs publics et les élu·es, trices en vendant comme du “plein l’Aveyron… menacés de cessation d’activité pro- (2) Agir pour informé les consommateurs et air” des produits qui ne le seront chainement. l’environnement, consommatrices sur les marchés. plus. Nous refusons ce coup porté La Confédération paysanne et le Sauve qui poule, Le 16, une grande mobilisation à au bien-être animal, avec des vo- Modef n’ont de cesse depuis des Miramap et Bio Pau a rassemblé, devant la DDPP, lailles enfermées une grande partie mois de dénoncer les choix en Consom’acteurs. des éleveurs et éleveuses venues du de l’année. Nous refusons la baisse matière de politique sanitaire du grand Sud-Ouest, avec la participa- de la qualité des produits proposés gouvernement. Car la nouvelle ré- tion de Nicolas Girod, le porte-parole à la population qui en découlera. glementation ne s’attaque pas à l’in- Le national du syndicat. Nous refusons cette évolution mal- dustrialisation de la filière volailles, 16 novembre, Dans cette dynamique, le 15 no- saine de notre métier pour mettre pourtant à l’origine de l’ampleur et de 300 paysannes et vembre, la Confédération paysanne, sous cloche le vivant. Les crises la propagation des crises sanitaires paysans se sont le Modef, l’Association nationale de sanitaires doivent être gérées au- rassemblées à Pau précédentes : transports incessants devant la Direction l’aviculture fermière (Anafic), la Fé- trement : dans le but de préserver la d’animaux vivants, uniformisation départementale de dération nationale d’agriculture bio- santé des animaux et des humains génétique et densité animale ex- la protection des logique (Fnab) et quatre autres or- et non pas de développer les ex- cessive. Nous avons multiplié les populations. ganisations (2) ont déposé un recours portations. » n Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021 5
Actualités Notre situation face au diktat sanitaire Plein d’espoir Extraits d’un témoignage reçu le 18 novembre. L’homme, dans sa combinaison L’an dernier, une sorte de cas par d’agriculteur ornée du logo de la cas nous avait permis, après visite de structure productiviste, s’adresse contrôle, de maintenir notre activité tant bien que mal, avec des volières à une assemblée de technocrates. permettant dérogation à la claustration Costumes bleus uniformes et mo- et une réduction d’espace « suppor- cassins sont mal à l’aise dans la terre table ». Bien que constatant déjà une nourricière. L’agrimanager explique dégradation de la qualité de notre que ces espaces sont des lieux de élevage et un mal-être des animaux, nous courbions le dos en attendant la production pour carburant. Parmi libération printanière. les néophytes, une interrogation Mais depuis septembre, les s’élève : « mais ce sont des champs contraintes se sont durcies au point de pour nourrir les êtres humains ! » rendre impossible notre travail. L’es- « Et comment feront-ils pour aller pace laissé à nos animaux est telle- ment ridicule qu’il nous rend coupable chercher leur nourriture ? », réplique de maltraitance. La complaisance des le prétentieux. « Il faut nourrir les acteurs du cahier des charges bio a fait automobiles et l’État nous aide en de nous des menteurs quand on nous réduisant les taxes pour un carbu- permet de vendre des poulets étique- Dimitri et Nous produisons des œufs et des tés bio après leur avoir jeté quotidien- rant moitié prix. » Estelle Bon, poulets de chair bio depuis trois ans, nement un seau d’herbe sur la litière. Alors que, dans le monde, des cen- paysan·ne dans en système autarcique (accueil des Nous avons essayé de répondre le Jura taines de millions d’êtres humains poussins à un jour et abattage et aux exigences sanitaires appliquées sont affamés, certains aspirent à vente à la ferme). Notre réussite est depuis le début de la crise, mais le produire de l’essence ou du diesel basée sur les riches parcs arborés sur métier que nous pratiquions n’est lesquels nous laissons nos animaux plus possible selon ces contraintes. sur des terres agricoles, confortant croître et s’épanouir. Nous avons Il est impossible d’enfermer des ani- ainsi des richesses souvent indé- d’ailleurs été aidés par la région pour maux ayant déjà connu l’extérieur, centes. financer la plantation par un chantier impossible d’élever sans souffrance Les vignes sont elles aussi concer- participatif de 800 arbustes d’espèces ni recours médicamenteux des races locales et mellifères en 2018, ce qui à croissance lente sur un espace de nées. Déjà, dans le Bordelais, une nous a permis de gagner le prix du terre qui, en période hivernale, s’appa- entreprise produit un agrocarburant développement durable de notre com- rente à une bauge. En évitant un péril issu à 95 % de marc de raisin. Dans munauté de communes. sanitaire de cette manière, nous nous certaines zones comme dans les Un système de bâtiments donnant précipitons dans cent autres. basses plaines de l’Aude où l’eau chacun sur deux parcs permet une Si ces mesures perdurent, nous ne rotation très longue des occupations pourrons supporter le coût des adap- ne manque pas encore, d’aucuns par les animaux, à savoir des vides sa- tations, ni la perte économique qui rêvent de replanter des cépages nitaires de cinq mois, contre les deux suivra fatalement la baisse de qualité comme l’aramon, capable de pro- exigés par le cahier des charges bio. de nos produits et, bien sûr, nous ne duire 200 hectolitres de vin par Nos clients sont unanimes quant pourrons plus nous supporter nous- hectare grâce à quelques intrants à la qualité des produits dont nous mêmes quand nous aurons trahi toutes manquons toujours. les raisons fondamentales qui nous ont maléfiques. La distillation de ce vin Mais voilà deux ans que nous poussés à devenir éleveur et éleveuse, abondant, dont on ne savait plus nous ruinons la santé, le moral et les et non pas seulement marchands de quoi faire il y a quelques dizaines comptes à appliquer les consignes offi- viande. d’années, pourrait remplir nos ré- cielles pour lutter contre la diffusion de S’il faut le redire, redisons-le : les la grippe aviaire. Notre site préservé en animaux sont faits pour vivre dehors ! servoirs de voitures et gonfler les bordure de rivière s’est transformé en L’enjeu est fondamental, notre alimen- revenus des plus gros propriétaires. ZRP, zone à risque particulier, l’horreur tation est en péril. L’industrialisation ne En se haussant du col, on n’hésite absolue. Bien sûr, nous nous sommes peut pas apparaître comme une solu- pas ici à se revendiquer de « l’intel- formés à la biosécurité – c’est une obli- tion : elle est à l’origine de la crise. Il est ligence verte ». gation professionnelle – et tout notre de notre devoir d’assurer pour toutes et site répondait aux critères exigés, ce tous une alimentation de qualité, fruit Il n’y a pas de vaccin contre le li- qui nous a valu de bonnes apprécia- de pratiques conformes au vivant et qui béralisme : c’est dans nos luttes que tions, tant du vétérinaire référent que n’empêchent pas les autres d’exister. se fera le plein d’espoir. de l’administration. Ne nous laissons pas abattre ! n 6 Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021
Actualité ÉCOBRÈVES Climat Retour de COP Secrétaire national de la Confédération paysanne, Vincent Delmas Grignon Le 15 novembre, l’État a annoncé l’ar- était membre de la délégation de La Via Campesina qui a participé rêt de la vente du domaine de Grignon à la COP26, la conférence sur les changements climatiques (Yvelines) au promoteur immobilier organisée par l’ONU du 1er au 13 novembre, à Glasgow (Écosse). Altarea Cogedim, une vente jusque-là vivement contestée. Une nouvelle pro- cédure devrait être lancée au second Dans quel contexte as-tu participé Au lendemain de la COP, quel bilan semestre 2022 après concertation avec à la COP26 ? en tirer ? les acteurs locaux. Ce site historique Bien que représentant 200 millions Quand j’ai lu le texte adopté le 14 no- Propos abrite le campus de l’école publique de paysannes et de paysans dans vembre par les 196 pays ayant participé recueillis par de formation d’ingénieurs agronomes plus de 80 pays dans le monde, La à la COP26, j’en ai été malade. Les Benoît Ducasse AgroParisTech mais aussi un château, Via Campesina n’a pu obtenir que 15 décisions prises – ou plutôt non prises des bâtiments dédiés à l’enseignement accréditations sur les près de 30 000 – nous amènent à une augmentation et à la recherche, des laboratoires de accordées pour la COP26. Et pas pour globale des températures de 2,4 °C d’ici l’Inrae, 121 hectares de terres agricoles les négociations officielles, mais en la fin du siècle. Un texte vidé de toute et 133 hectares de forêt. Un collectif ci- tant qu’observatrice. Notre délégation ambition, torpillé au fur et à mesure de toyen porte un projet pour un lieu ouvert était surtout européenne (1), le coût et son élaboration, marqué par la pingrerie sur son territoire, dédié à la connais- les protocoles sanitaires ayant conduit des pays riches, par la défense des inté- des paysans africains, par exemple, à rêts particuliers. C’est aussi l’expression sance du vivant et à la formation à renoncer à y participer. d’une foi aveugle dans un progrès irra- l’agroécologie : cfsg.fr tionnel, fait de robotique, de numérique Qu’y avez-vous fait ? et de génétique. Nous nous répartissions ren- D’un autre côté, la société, les Amazon contres et conférences et faisions paysans et paysannes portent des Le 9 novembre, le tribunal adminis- régulièrement le point dans notre hé- solutions concrètes, nos délégués tratif de Nîmes a annulé l’autorisation bergement com- canadiens par environnementale du projet d’entrepôt mun. Il s’agissait exemple étaient Amazon au Pont du Gard. Après l’aban- de mieux cerner porteurs de pro- don des projets d’Ensisheim, en Alsace, les enjeux, de positions perti- et de Montbert, près de Nantes, c’est un comprendre ce nentes alliant la troisième revers de taille en quelques qui se passait, lutte contre le dé- semaines pour le géant mondial de la de tisser des règlement clima- (1) Deux paysans e-distribution. Pour Attac France, il s’agit liens, d’établir tique, la souverai- français dans bien d’« une victoire pour la protection des alliances… neté alimentaire, cette délégation qui a résidé à des terres, du climat et des emplois même s’il n’y l’agroécologie Glasgow du 4 au locaux, qui interroge sur la légalité de avait pas beau- et la défense du 10 novembre : coup de traduc- revenu des pay- l’expansion d’Amazon à marche forcée, Vincent Delmas tions en dehors san·nes. Nous et Jean-Matthieu soutenue par le gouvernement ». de l’anglais. Il pouvons rassem- Thévenot, membre du groupe jeunes fallait rappeler le rôle majeur de bler les jeunes paysans et paysannes l’agriculture, en première ligne pour de partout sur ces axes et propositions. d’ECVC (LVC en Vitesse Europe). constater les dégâts, en première Et dans les rues de Glasgow, dans la Le Conseil d’État a validé en sep- ligne aussi pour voir arriver et subir manifestation du 6 novembre, il y avait tembre le projet de ligne à grande les fausses solutions portées par la énormément de jeunes. vitesse (LGV) entre Bordeaux et Tou- stratégie des crédits carbone, mais Devant la faillite des dirigeants na- louse. Les pouvoirs publics veulent également en première ligne pour tionaux, les jeunes et la société tout lancer au plus vite ce chantier, ainsi porter des solutions concrètes ré- entière doivent s’emparer plus forte- que celui de la branche qui conduirait pondant aux enjeux de ce dérègle- ment des enjeux, que leurs actions la LGV jusqu’à Bayonne. Problème : la ment climatique planétaire. montent d’un cran pour être mieux en- destruction estimée de 4 830 hectares Le 8 novembre, la délégation de tendues et plus efficaces, à l’exemple de zones agricoles et de forêt pour un La Via Campesina a manifesté dans de ce qui a été fait en France, le 6 no- coût de 14,3 milliards d’euros. Pour l’enceinte de la COP pour dénoncer vembre, avec la neutralisation de la deux fois moins cher, on éviterait ce le manque d’écoute des paysans. bassine de Cranchambon, en Cha- carnage, on améliorerait les lignes lo- Et nous avons, bien sûr, participé rente-Maritime. Une manifestation cales et du quotidien, pour seulement à l’organisation et au déroulement inscrite dans la journée internationale de la grande manifestation de la de manifestations pour le climat qui 22 minutes de moins entre Paris et société civile, le 6 novembre dans pose clairement la question fonda- Toulouse et 6 minutes de moins pour les rues de Glasgow, pour exiger mentale de l’eau, de sa préservation aller à Bayonne. Beaucoup d’hectares des dirigeants politiques des actions et de son partage en ces temps de risquent d’être sacrifiés pour bien peu concrètes. bouleversement climatique. n de minutes « gagnées ». Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021 7
Actualité ÉCOBRÈVES Eau et agriculture Pour une autre irrigation Passage en force La Confédération paysanne ne manque pas d’arguments pour s’opposer aux 9 et 8 mois de prison ferme ont été requis, le 28 octobre, contre deux élus méga-bassines en construction ou en projet en Poitou, Charentes et Vendée. de la chambre d’agriculture du Lot-et- Garonne jugés en appel à Agen pour avoir fait creuser illégalement en 2019 Benoît Les méga-bassines sont des ou- agricultrices. Ces bassines bénéfi- le « lac de Caussade », une retenue Ducasse vrages de stockage de l’eau aux ciant de subventions à hauteur (en d’eau de 900 000 m³ destinée à l’irri- allures de cratères plastifiés, entou- moyenne) de 70 %, le calcul aboutit gation agricole. Ces réquisitions cor- rées de digues de 10 mètres de haut, à 263 000 euros d’aides publiques respondent aux peines infligées à Serge érigées avec la terre décaissée. Elles par ferme concernée ! Bousquet-Cassagne et Patrick Fran- sont remplies par pompage dans les Le total s’annonce rondelet pour les ken (Coordination rurale), président et nappes phréatiques ou les cours finances publiques : les opposant·es, vice-président de la chambre, par le d’eau. regroupé·es au sein du collectif Bas- tribunal correctionnel d’Agen en juil- C’est là un de leurs vices : il ne sine non merci ! (1), dénombrent 93 let 2020. Ni l’illégalité de la démarche, s’agit pas de récupérer seulement projets en Vendée, dans les Deux- ni les plaintes déposées par les défen- une eau « qui tombe » mais bien Sèvres, la Vienne et les Charentes. seurs de l’environnement n’avaient frei- d’aller chercher l’eau dans ses es- Accaparement foncier (8 à 10 hec- né les ardeurs des partisans du barrage paces naturels de stockage. Ce n’est tares en moyenne par bassine), pri- et du lac, mis en eau en 2020. Délibéré pas une retenue collinaire. L’eau vatisation de l’eau au profit d’une mi- le 17 décembre. ainsi stockée se serait infiltrée dans norité (pour le projet Sèvre Niortaise les sols ou aurait ruisselé dans les et Mignon, 6 % des agriculteurs et rus et rivières, alimentant son cycle, agricultrices du territoire seraient rac- À sec répondant à divers besoins vitaux cordées), perte de la qualité de l’eau (sols, plantes, animaux) des cycles et des milieux naturels, évaporation, Un important réservoir d’eau du nord- (1) bassinesnonmerci.fr biologiques naturels, et ce jusqu’au pression sur les finances publiques : ouest de la Syrie s’est complètement milieu marin, dépendant de la quan- les méga-bassines cochent toutes les vidé cette année, pour la première fois tité et de la qualité de l’eau douce. cases de ce qu’il ne faut pas faire. en 27 ans d’existence, en raison des Avec ces bassines, on la prélève La Confédération paysanne rap- faibles pluies, de dégâts structurels et du milieu qui ne reçoit donc plus la pelle que l’irrigation est bien un be- de prélèvements agricoles excessifs quantité nécessaire pour répondre à soin essentiel en agriculture. Elle dans un contexte de sécheresse ex- ses besoins et à ceux – naturels – de vient pallier un déficit hydrique. trême (AFP). Le réservoir d’une capa- l’agriculture. Mais, pour le syndicat, cet usage cité de 3,6 millions de mètres cubes Pire, on la rend stagnante et, sous doit s’inscrire dans un ensemble est surtout utilisé pour l’irrigation et la chaleur estivale, la perte par éva- de pratiques qui visent d’abord à l’approvisionnement en eau des popu- poration est conséquente quand la réduire la dépendance à l’irrigation, lations. L’usage et le partage de l’eau qualité de ce qui reste se dégrade, à économiser la ressource et à res- sont bien, déjà, des sujets de tension notamment par eutrophisation. pecter les cycles naturels. Il doit dans le monde entier. À l’aberration écologique s’ajoute s’intégrer dans une réflexion systé- la gabegie financière. Dans le bas- mique sur les moyens et pratiques sin du Clain (Vienne) est prévue la de production : variétés cultivées, Nitrates construction de 41 méga-bassines, conditions climatiques, intrants, in- Il n’y a pas que les usines à co- pour un coût total de 72 millions frastructures paysagères… Du bon chons bretonnes qui sont sources des d’euros et pour 191 agriculteurs et sens paysan. n nitrates déversés dans la Manche. L’usine atomique de la Hague en re- jette 2 000 tonnes par an, l’équivalent Méga- bassines : une du lisier de… 100 000 porcs ! C’est que fausse solution face note l’association environnementaliste au changement Robin des Bois dans l’enquête publique climatique : un document en cours, relative à une demande d’au- argumentaire de torisation d’extension du domaine de 4 pages publié par traitement de l’usine. Les nitrates pro- la Confédération viennent de l’acide nitrique utilisé pour paysanne : urlz.fr/gK1V dissoudre les combustibles irradiés provenant des centrales nucléaires et séparer le plutonium, l’uranium et les produits de fission. Les rejets et leur accumulation contribuent fortement à l’eutrophisation des eaux de la Manche sur un vaste périmètre. 8 Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021
Actualité ÉCOBRÈVES L’agriculture paysanne charentaise face aux bassines Omertà Valérie Murat, porte-parole de l’asso- ciation « Alerte aux toxiques » ne pourra Dans le bassin hydrographique de l’Aume-Couture, en Charente, 14 bassines pas faire appel de sa condamnation sans existent déjà et 9 nouvelles sont en projet. payer au préalable les 125 000 euros de dommages et intérêts décidés par le tri- bunal de Libourne en février 2021. Elle Depuis 20 ans en Poitou-Cha- celui de la Pallice, à La Rochelle. était poursuivie par le Conseil interpro- Agnès rentes, des bassines sont érigées Les coopératives agricoles lo- Rousteau Fortin, fessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) comme solution pour garantir cales y ont beaucoup investi, via porte-parole de pour « dénigrement » des vins locaux : l’accès à toujours plus d’eau par le groupe SICA Atlantique, ainsi la Confédération en septembre 2020, elle avait publié un certains irrigants. Remplies par que Socomac (groupe Soufflet). paysanne de dossier de presse dans lequel elle af- Charente firmait, s’appuyant sur une étude, que pompage dans les nappes phréa- Ces deux principaux investisseurs tiques l’hiver, elles ont pour objectif ont donc tout intérêt à favoriser des bouteilles de vin pourtant labellisées de réserver des volumes d’eau afin l’irrigation intensive pour s’assurer Haute valeur environnementale (HVE) de pouvoir maintenir un haut niveau des volumes et rester une force contenaient des résidus de pesticides. d’irrigation l’été, alors que les res- d’exportation. Une cagnotte a été mise en place pour trictions tombent de plus en plus Tout cela montre que ces bassines aider au paiement de cette très lourde tôt en saison. sont bien l’outil d’une agriculture somme afin qu’elle puisse poursuivre son Déjà 20 ans, 20 ans qui nous toujours plus industrialisée, où le action de lanceuse d’alerte : urlz.fr/gNFo prouvent aujourd’hui que leur maïs est roi. Que leurs promoteurs présence ne répond en rien à la s’accaparent notre bien commun, problématique générale de l’eau l’eau, pour ensuite l’exporter Crédit d’impôt face à sa raréfaction et face aux sous forme de céréales. Qu’elles Le crédit d’impôt destiné aux agricul- assecs, quand rivières et étangs favorisent l’agrandissement des teurs et agricultrices qui n’utilisent plus se retrouvent sans eau. exploitations et l’agriculture inten- d’herbicide à base de glyphosate entre Sur le bassin hydrographique de sive, empêchant l’indispensable en vigueur, selon un décret publié le l’Aume-Couture, en Charente, il transition agroécologique, tout en 30 octobre au Journal officiel. Soit un cré- existe déjà 14 bassines, pour un artificialisant et plastifiant des terres dit d’impôt forfaitaire de 2 500 euros pour prélèvement annuel de 3 millions agricoles. Mais aussi qu’il est temps les exploitations qui « n’utilisent pas de de m³ ; le projet de construction de de remettre en question la stratégie produits phytopharmaceutiques conte- 9 nouvelles bassines permettrait d’exportation de l’agriculture fran- nant la substance active du glyphosate le pompage de 1,6 million de m 3 çaise. au cours des années 2021 et 2022 ». supplémentaires. Ces nouveaux C’est pourquoi nous pensons qu’il Sont concernées les grandes cultures, volumes prélevés pour ces 9 bas- faut arrêter tout de suite ces projets l’arboriculture, la viticulture, ainsi que les sines serviraient à moins de 5 % qui nous bassinent ! « exploitations d’élevage présentes de des agriculteurs et agricultrices Cet accaparement de nos ré- manière significative dans au moins une du bassin, alimentant seulement serves d’eau par une poignée de ces productions végétales ». 19 exploitations sur 418. d’agriculteurs privilégiés n’est plus tolérable. Nous désirons un Un financement à grand renfort accès partagé à l’eau, prenant Pire année de subventions en compte tous les usages, qu’ils L’Union nationale de l’apiculture fran- Ces 9 bassines coûteront 12 mil- soient agricoles ou autres. Qu’une çaise considère 2021 comme « la pire lions d’euros et seront financées à réelle concertation citoyenne et année » de l’apiculture du pays. Ge- grand renfort de subventions : 70 % représentative de toutes les par- d’aides publiques, ce qui équivaut à ties, sans lobbying, ait vraiment lées tardives au printemps, pluie l’été… plus de 400 000 euros de subven- lieu dans les territoires pour enfin « Les conditions climatiques se sont ré- tions par exploitation, les 30 % res- définir nos usages de l’eau. vélées particulièrement défavorables », tants seront financés par l’ensemble Nous demandons une réorienta- rappelle l’Unaf. Si, dans le Sud-Est, la des irrigants via leur association tion des aides publiques utilisées bonne récolte de miel de lavande a syndicale. pour ces projets « bassinesques » « sauvé la saison », ailleurs la récolte En prime, ces 9 bassines artifi- vers un réel accompagnement de de tournesol est « décevante », celles cialiseront 48 hectares de terres l’agriculture pour une transition et de châtaignier, de colza et de bruyère agricoles, dûment plastifiés. un changement de pratiques, afin « médiocres », quand la récolte d’aca- Autour de ces bassines, les sur- de préserver nos réserves d’eau, cia a tout simplement été « anéantie ». faces en monoculture de maïs sont en qualité et quantité. On attend moins de 12 000 tonnes de très présentes, mais aussi des Oui, l’agriculture paysanne a be- miel récoltées en France cette année, cultures de blé, tournesol et colza. soin d’eau, mais pour répondre à l’Unaf estime même la production à Ces productions vont principale- son enjeu majeur : assurer la sou- moins de 9 000 tonnes, loin des 31 800 ment alimenter le deuxième port veraineté alimentaire nationale et tonnes de 2020, et même des 21 600 exportateur de céréales de France, changer de modèle. n de 2019. Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021 9
Actualité ÉCOBRÈVES Une artificialisation des terres OGM Le colza Clearfield, issu de mutagénèse, agricoles continue et multiforme « se trouve légalement sur le marché fran- L’artificialisation des terres agricoles ne concerne pas que des grands projets. çais », a déclaré le 25 octobre au Parle- ment européen une responsable de l’unité Exemple au Pays basque où quatre hectares à « haute valeur agricole » sont « Biotechnologie » de la Commission eu- menacés par un projet de Bouygues Immobilier. Mais les paysan·nes et leurs ropéenne. Mais le collectif Objectif zéro soutiens sont mobilisés pour les défendre et les sauver. OGM (25 organisations dont la Confé- dération paysanne) demande toujours au gouvernement français de répondre Julen Le 15 octobre, aux abords de la basque (CAPB) s’exprime en faveur aux injonctions du Conseil d’État (arrêt Oillarburu, départementale 918 reliant Cam- de la modification du PLU de Cam- du 7/2/2020), selon lequel les organismes Laborari, journal d’ELB, syndicat bo à Itxassou, une cinquantaine bo. En juillet de la même année, trois obtenus par mutagenèse aléatoire in vitro paysan basque de personnes déposent 28 boules associations déposent un recours doivent bien respecter la réglementation membre de la de foin enrubannées. « Non Béton auprès du tribunal administratif pour OGM. Le Parlement européen a, lui, rejeté Confédération Bouygues », « Aski Lurra Galtzea » le faire invalider. La procédure est l’avis de la Commission lui demandant paysanne ont été écrits sur ces boules ins- désormais close, une réponse est de fermer ce dossier. Le 8 novembre, le tallées sur le plateau de Marienia. espérée pour décembre. Conseil d’État en a rajouté une couche, Une conférence de presse explique menaçant le gouvernement français de l’action, organisée par ELB, syndicat Le temps presse sanctions financières s’il ne réglemente basque membre de la Confédération Mais, en attendant, le temps presse, pas avant février la culture des variétés paysanne, et ses partenaires pour comme l’explique Martine Bouchet, rendues ainsi tolérantes aux herbicides. l’occasion, Lurzaindia (1), le Collec- vice-présidente du CADE : « Nous tif des associations de défense de craignons que Bouygues profite de ce l’environnement (CADE) et Nahi temps pour commencer les travaux. OGM 2 Dugun Herria (NDH, Le pays que Même si le tribunal administratif nous Le 3 novembre, l’Union française des nous voulons). donne raison et que le PLU retourne semenciers (UFS) a présenté 15 propo- Les paysan·nes et citoyen·nes inter- à sa forme antérieure, s’ils entament sitions aux candidat·es à l’élection pré- pellent les élu·es sur l’illégalité d’un les travaux, le permis pourrait devenir sidentielle de 2022. Le lobby demande projet immobilier porté par Bouygues définitif. » Raison pour laquelle l’as- notamment « une réglementation euro- sur près de quatre hectares de terres sociation devait déposer un nouveau péenne adaptée » (traduire : des chan- à « haute valeur agricole ». recours, cette fois contre le permis de gements réglementaires sortant leurs Cet été, Bouygues immobilier a construire. nouveaux organismes génétiquement signé un compromis de vente pour La mairie de Cambo a entamé les manipulés de l’encadrement des OGM) ces terres, à 3 073 000 d’euros, puis démarches pour (re)modifier son et « un renforcement des dispositifs et obtenu un permis pour y construire propre PLU afin de l’adapter au projet financement public » (plus de sous pu- une centaine de logements (2). Deux de Bouygues. Les cartes sont mainte- blics). L’UFS souhaite aussi la protection recours gracieux ont été déposés par nant entre les mains de la CAPB qui a contre le « vandalisme » (neutralisation de les opposants, dont un n’a pas été re- la compétence de lancer la procédure leurs nouveaux OGM par les Faucheurs jeté au motif que les futurs bâtiments de modification des PLU. La vice-pré- volontaires). Candidat·es président·es, dépasseraient la longueur autorisée sidente du CADE s’étonne que « ce c’est à vous ! (28 m) au regard d’un PLU qu’ils soit le règlement qui doive s’adapter considèrent par ailleurs illégal. Dans au permis de construire de Bouygues le sillage de l’occupation victorieuse et non l’inverse ». Accélération de terres à Arbonne (cf. CS n° 376), Martine Bouchet rappelle les rai- les organisations alertent également sons de l’opposition à la constructi- Le « 4e programme d’investissements sur les dangers de l’artificialisation bilité des terres de Marienia : « Tous d’avenir » comprendra 877,5 millions d’eu- de terres à vocation nourricière, ar- les schémas directeurs du territoire ros pour l’agriculture et à l’agroalimentaire gumentant qu’il y a d’autres moyens votés par l’agglo optent pour que ces sur la période 2021-2025, a annoncé le de répondre aux besoins en logement terres restent à vocation agricole : gouvernement le 5 novembre. La somme du territoire. leur artificialisation aurait un impact est répartie en deux « stratégies d’accélé- (1) Démarche L’histoire du plateau de Marienia négatif sur le paysage, l’agricultu- ration ». La première, sur les « systèmes proche de celle débute avant 2018, quand un collectif re et le défi de la transition écolo- agricoles durables et agricoles équipe- de Terre de Liens : de citoyen·nes dénonce le souhait de gique. » Une question est posée ments contribuant à la transition écolo- lurzaindia.eu (2) 49 en collectif et la mairie de Cambo de réviser son aux élu·es : au regard du nombre gique », dotée de 428 millions d’euros, est 45 villas. plan local d’urbanisme (PLU), datant de logements vacants et de rési- destinée à « réussir la troisième révolution de 2014. Début 2018, le nouveau dences secondaires, ou encore de agricole », mobilisant pour cela les outils PLU est voté, ouvrant les terres de dents creuses en zone urbanisée, numériques, robotiques, génétiques et du Marienia à l’urbanisation immédiate. n’y a-t-il pas d’autres solutions ? biocontrôle (!) La deuxième, encore floue, Malgré une mobilisation ayant obtenu Celles-ci demandent un engage- vise une « alimentation durable et favorable 1 900 signatures, le 2 février 2019, la ment politique et citoyen plus im- à la santé ». Communauté d’agglomération Pays portant. n 10 Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021
Actualité OGM Une innovation de démocratie sociale jetée aux oubliettes Le 13 octobre, le gouvernement a publié l’ordonnance mettant fin, au 31 décembre, au Haut Conseil des Biotechnologies. Il s’agit officiellement de réformer « l’évaluation des biotechnologies » mais surtout de se débarrasser des voix dissidentes des paysan·nes et de la société civile. Suite à un long débat parlemen- Guy Kastler, au ministère la composition d’un leur donna raison en juillet 2018, taire, la loi du 25 juin 2008 a inscrit commission OGM nouvel exécutif (le bureau), à plus avis suivi, en février 2020, par le dans le marbre législatif l’armistice de la Confédération de 80 % favorables aux OGM. Le Conseil d’État. Confortés par ces devant mettre fin à dix années de paysanne président du comité scientifique se victoires juridiques, les démission- luttes paysannes et sociales contre crut dès lors tout permis et publia naires revinrent au HCB. Celui-ci les chimères génétiques brevetées. un « avis scientifique » jugeant gela aussitôt ses activités ouvertes Les OGM ne pourraient désormais la réglementation des OGM non aux paysan·nes et aux ONG, tandis être produits et commercialisés transgéniques excessive, avis que le ministre de l’Agriculture se que dans le respect « des struc- qui s’avéra plus tard n’être qu’un pliait aux ordres de la Commission tures agricoles, des écosystèmes document provisoire. Il avait au- européenne et de la FNSEA en locaux et des filières de production paravant manipulé les procédures refusant d’exécuter les injonctions et commerciales sans OGM ». Et pour censurer l’avis divergent d’un du Conseil d’État, puis en publiant les organisations paysannes, de chercheur, lequel démissionnera l’ordonnance d’exécution définitive l’industrie agroalimentaire et de la pour protester. Qu’importe ! La du HCB. société civile étaient conviées à ministre de l’Environnement de Le Conseil d’État a répliqué dès participer, aux côtés des scienti- l’époque s’empressa de demander ce 11 novembre, renvoyant à la fiques, à l’expertise collective des au HCB de lui proposer un nouveau CJUE, en réponse à un référé des OGM. cadre pour déréglementer les OGM associations, la question du refus Quelques mois plus tard, le Haut non transgéniques, ce qui poussa de la Commission européenne et Conseil des Biotechnologies (HCB) à la démission les organisations du ministre français de réglementer fut doté d’un comité économique, paysannes et de la société civile les OGM cachés. éthique et social devant proposer refusant de renier la loi résultant Aucune victoire juridique ou po- des recommandations après avoir des luttes populaires. litique contre les OGM n’aurait pris connaissance de l’avis des ex- jamais été acquise sans les ac- perts scientifiques. 12 ans après, Un combat juridique tions de désobéissance civile de le 13 octobre dernier, cette inno- La concertation démocratique re- la Confédération paysanne, puis vation démocratique a été jetée devenue impossible, le débat se des faucheurs volontaires, et sans à la poubelle par une ordonnance poursuivit devant les tribunaux. Sai- les mobilisations sociales qui n’ont adoptée sans débat politique, si par neuf organisations refusant jamais cessé de les accompagner. profitant de la capture de tous les cette déréglementation, le Conseil La suppression de toute concerta- regards par des états d’urgence à d’État interrogea la Cour de justice tion démocratique ne les arrêtera répétition justifiant une aggrava- de l’Union européenne (CJUE) qui pas. n tion sans précédent des atteintes aux libertés démocratiques et éco- nomiques. Les premières années du HCB furent fécondes : le rejet du seul OGM autorisé à la culture en Eu- Inspection citoyenne rope, le maïs MON810, puis l’adop- Le 10 novembre, dans un site de la société RAGT à Calmont tion de règles de coexistence ren- dant impossible toute culture de (Aveyron), 80 « faucheurs volontaires » ont neutralisé des sacs plantes OGM à pollinisation libre, de semences de tournesol obtenues par mutagénèse, une ont justifié la loi de 2014 interdisant des variétés que le gouvernement français refuse toujours de la culture de tout maïs OGM. C’en reconnaître et réglementer en tant que qu’OGM. « On a la cer- fut trop pour la FNSEA et l’industrie titude que ces semences-là ont été obtenues par mutagenèse semencière qui mirent fin à l’armis- appliquée sur cellule in vitro. Or, c’est le curseur imposé par le tice en quittant brutalement la table Conseil d’État pour réglementer la commercialisation : demande des discussions. d’autorisation, étiquetage, traçabilité, séparation des filières », Le poisson commence toujours à pourrir par la tête : les démis- résumait un faucheur volontaire. Sept sacs d’une tonne chacun sionnaires profitèrent du trouble ont été ouverts puis répandus par terre en mélangeant du maïs résultant de leur départ pour pour- avec du tournesol. rir celle du HCB. Ils négocièrent Campagnes solidaires N° 378 – décembre 2021 11
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