Samedi 18 juillet - Abbaye aux Dames
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Samedi 18 juillet
FESTIVAL DE SAINTES, LE LABO 2020 Samedi 18 juillet JOSEF HAYDN Denis Lavant, récitant (1732-1809) Brian Dean, premier violon Les Sept Dernières Paroles de Notre Sauveur en Croix Hob. XX/1A (1786) Jeune Orchestre de l’Abbaye Introduction Sonata I : Père, pardonne-leur car ils Angelina Zurzolo, Eleonore Aubel, ne savent ce qu’ils font. Ugo Gianotti, Laurie Bourgeois, Sonata II : Je te le dis en vérité, Romain Roussel, violons 1 aujourd’hui tu seras avec moi dans le Sophie Bouteille, Hadrien Delmotte, paradis. Maria Fernandez, Sepideh Nikoukar, Sonata III : Femme, voici ton fils. Thibault Bretecher, Martyna Sonata IV : Mon Dieu, mon Dieu Grabowska, violons 2 pourquoi m’as-tu abandonné ? Eugen Casimov, Felicia Pasca, Sonata V : J’ai soif. Morag Johnston, Alix Gauthier, altos Sonata VI : Tout est accompli. Josquin Buvat, Nicola Paoli, Elianne Sonata VII : Père, entre tes mains je Ardts, Dorine Lepeltier, violoncelles remets mon esprit. Eva Tribolles, Lucca Alcock, Tremblement de terre Théotime Coste, Léa Yeche, contrebasses Clémence Bourgeois, flûte 1 Jasmine Navarro-Mendez, flûte 2 Claudia Anichini, hautbois 1 Emmanuel Le Pays Du Teilleul, hautbois 2 Soledad Brondino, basson 1 Daphné Franquin, basson 2 Cyril Vittecoq, Vicente Serra Primo, Nina Daigremont, Frédéric Nanquette, cors Jean-baptiste Nicolas, Corentin Devanne, trompettes Jonathan Fourrier, timbales Direction Hervé Niquet Elianne Ardts joue sur un instrument conçu au XIXe siècle dans les ateliers Gand et Bernardel, gracieusement prêté par M. et Mme Fillioux. 2
Samedi 18 juillet Die sieben letzten Worte unseres Erlösers et cinquième Paroles, joué exclusivement par am Kreuze les vents. Cette nouvelle et dernière version, Les Sept Dernières Paroles de Notre Sauveur sous forme d'oratorio, date de 1795-1796. Son en Croix exécution demande un peu plus d'une heure. Commandée à Joseph Haydn en 1786, cette C’est la version pour orchestre que dirige œuvre fut d'abord écrite pour orchestre, Hervé Niquet à la tête du Jeune orchestre puis réécrite pour quatuor à cordes (l'opus de l’Abbaye. 51) en 1786-1787 Une réduction pour clavier en a été faite avec l'approbation de Joseph Haydn enfin elle fut reprise par le composi- teur sous forme d'oratorio (pour quatre voix solistes, chœur mixte et orchestre). La version pour quatuor à cordes est la plus fréquem- ment exécutée de nos jours. Il s'agit à l'origine d'une commande pour la semaine sainte de 1786 pour l'office du Vendredi saint de l'église Santa Cueva de Cadix en Espagne : le prêtre devait citer chaque parole du Christ, suivi par un accom- pagnement musical. Il s'agit ainsi de l'une des premières commandes au compositeur provenant de l'étranger. Haydn complète l'en- semble par une introduction et un finale, le terremoto ou tremblement de terre. Cette première version ne comprenait donc pas de partie vocale. La création eut lieu à l'église de Santa Cueva de Cadix l'année suivante. Haydn reprend la partition sous forme de neuf mouvements de quatuor dont chacun porte en épigraphe l'une des paroles du Christ en latin. L'œuvre est créée en 1787 à Vienne en Autriche. En 1792, le chanoine Joseph Friberth en fait une version chantée sur un texte en alle- mand qu'il écrit lui-même. Haydn découvre l'adaptation et reprend à nouveau la partition, aidé par le baron Gottfried van Swieten. Les Sept Dernières Paroles du Christ en croix, en y acceptant les paroles de Friberth. Haydn y rajoute également un interlude adagio e cantabile en la mineur entre les quatrième 3
Samedi 18 juillet Les Sept Dernières Paroles de Notre Sauveur en Croix Sonata IV Introduction Evangilium : Jean XIX, 28 Sachant que désormais tout était achevé, pour que Evangilium : Jean XIX, 17-18 fut accomplie l'Ecriture, Jesus dit : "J'ai soif". Il prirent donc Jesus. Et, portant lui-même sa croix, il sortit vers le lieu-dit "du crâne", c'est-à-dire en hebreu Sonata V "Golgotha". C'est là qu'ils le crucifièrent ; Evangilium : Jean XIX, 29 Evangilium : Luc XXIII, 34 Il y avait là un vase plein de vinaigre. On fixa donc à ainsi que les malfaiteurs, l'un à droite, l'autre à une branche d'hysope une éponge pleine de vinaigre gauche. Jesus disait : et on l'approcha de sa bouche. Lors donc que Jesus eut pris le vinaigre, il dit : "[Tout] est achevé". "Père, pardonne-leur ; car il ne savent ce qu'il font." Sonata VI Sonata I Evangilium : Luc, XXIII, 44-46 Evangilium : Luc, XXII, 39-43 L'obscurité se fit sur toute la terre... Alors se fendit L'un des malfaiteurs suspendu à la croix l'injuriait : par le milieu le rideau du sanctuaire, et criant d'une "N'est pas toi qui est le Christ ? Sauve-toi toi-même, et voix forte, Jesus dit : nous aussi." Mais prenant la parole et le réprimandant, l'autre déclara : "Tu ne crains même pas Dieu, alors "Père, entre tes mains je confie mon esprit". que tu subis la même peine ! Pour nous c'est justice ; nous recevons ce qu'ont mérité nos actes, mais lui, il n'a rien fait de fâcheux." Et il disait : "Jesus, souviens- Sonata VII toi de moi, lorsque tu viendras en ton royaume." Et il lui dit : "En vérité je te le dis : aujourd'hui, avec moi, tu Il Terremoto sera dans le Paradis." Sonata II Evangilium : Jean, XIX, 25-27 Près de la croix de Jesus se tenaient sa mère et la soeur de sa mère, Marie, [femme] de Clopas, et Marie la Magdaléenne. Jesus donc, voyant sa mère et, près d'elle le disciple qu'il préférait dit à sa mère : "Femme voilà ton fils". Sonata III Evangilium : Matthieu, XXVII, 45-47 Dès la sixième heure, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu'à la neuvième heure. Vers la neuvième heure, Jesus clama d'une voix forte : "Eli, Eli, lamma sabacthani ?" c'est-à-dire : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" 4
Dimanche 19 juillet
FESTIVAL DE SAINTES, LE LABO 2020 Dimanche 19 juillet MÉLODIES FRANÇAISES (transcriptions pour quatuor à cordes Louis Creac’h) HECTOR BERLIOZ GABRIEL FAURÉ (1803-1869) Les Berceaux Villanelle L’Absent Chant d’automne GABRIEL FAURÉ (1845-1924) HENRI DUPARC Au bord de l’eau L'invitation au voyage Le Secret Le Papillon et la Fleur HECTOR BERLIOZ Prison Le Spectre de la Rose REYNALDO HAHN (1874-1947) GABRIEL FAURÉ D’une prison Après un rêve HENRI DUPARC Lucile RIchardot, mezzo-soprano (1848-1933) Kwartet Le Manoir de Rosemonde Louis Creac’h, Au Pays où se fait la Guerre Alice Julien-Laferrière, violons Josèphe Cottet, alto Keiko Gomi, violoncelle CLAUDE DEBUSSY (1862-1918) Noël des enfants qui n’ont plus de maison Des pas sur la neige (instrumental) 6
Dimanche 19 juillet Les chants les plus tristes sont souvent aussi Berceaux (Sully Prudhomme – 1879), avec les plus beaux. C’est ce que l’on découvre à leur balancement tel le roulis des navires l’écoute de ce prodigieux programme, qui dont parle le poète, il est devenu l’un des nous fait certes traverser quelques textes « tubes » les plus justement populaires du sombres, essentiellement tournés vers l’éloi- compositeur. Prison enfin, le plus tardif (1894), gnement, la perte, la mort ou encore la guerre. sur un célèbre poème de Verlaine, réussit à Mais comme autant de diamants noirs, toutes peindre ce paysage immobile tout de tris- ces mélodies signées Berlioz, Fauré, Duparc, tesse et d’abattement sans pathos inutile. Hahn ou Debussy, font partie des plus somp- C’est dans une tout autre veine que Debussy tueuses réussites de l’histoire de la mélodie. est allé chercher son inspiration pour Le Noël Berlioz, qui composait déjà des mélodies à des enfants qui n’ont plus de maison : sur un la fin des années 1810, allait bientôt « inven- texte qu’il a écrit lui-même, voilà une contri- ter » pour la France le cycle mélodique avec bution à la mémoire des victimes du premier ses superbes Nuits d’été sur des poèmes de conflit mondial (1915). Écrite deux ans avant Théophile Gautier (1841). Il proposait ici au celle de Fauré, D’une prison de Reynaldo Hahn public une exploration structurée et cohé- (1892) déploie déjà le charme et la nostalgie rente de moments de vie et d’états d’âme. qui seront la marque de fabrique du composi- N’ayant que faire des cadres trop stricts, il teur franco-vénézuélien. Ces mélodies, toutes osait modeler sa musique sur la plasticité composées pour voix et piano, vous sont ici même des vers, comme le prouve Le Spectre proposées dans une transcription pour voix de la rose, qui crée une palette musicale et et quatuor à cordes – formation qui permet psychologique d’une diversité sans précé- chaque fois d’en faire ressortir de nouvelles dent. Autre réussite absolue, sa Villanelle couleurs tout en créant, par le miracle des avec son univers guilleret, printanier. archets, des sonorités simplement inimagi- Quelques années plus tard, Duparc reprenait nables au seul piano ! le flambeau. Avec Duparc, une mélodie aty- pique, Le manoir de Rosemonde et Au Pays Jean-Jacques Groleau où se fait la guerre écho de la Grande Guerre. Fauré quant à lui laisse entendre sa dette à Schubert ou à Duparc lui-même (Chanson d’automne par exemple, ou L’Absent, res- pectivement sur des poèmes de Baudelaire et de Victor Hugo – 1871), son style s’affirme très vite et crée même une nouvelle esthé- tique en rupture avec le romantisme qui l’a vu naître : l’impressionnisme. Les mélodies tirées du 2e Recueil (1897) com- portent deux des plus absolues réussites de Fauré dans le genre de la mélodie : Le Secret (poème d’Armand Sylvestre – 1880), avec sa ligne pure, comme en apesanteur, allie l’apparente simplicité formelle à la plus grande profondeur émotionnelle ; quant aux 7
FESTIVAL DE SAINTES, LE LABO 2020 Dimanche 19 juillet ANTONIO VIVALDI JOHANN SEBASTIAN BACH (1678-1741) (1685-1750) Concertos opus 8 n°1 à 4 Concerto pour clavecin en la majeur Les Quatre Saisons BWV 1055 Allegro Concerto n°1 en mi majeur, op. 8, RV 269, « La primavera » Larghetto Allegro, Allegro ma non tanto Largo, Gilone Gaubert, violon solo Allegro Les Talens Lyriques Concerto n°2 en sol mineur, op. 8, RV 315, L'estate Christophe Rousset, clavecin Allegro non molto - Allegro, et direction Adagio - Presto - Adagio, Presto Concerto n°3 en fa majeur, op. 8, RV 293, L'autunno Allegro, Adagio molto, Allegro Concerto n°4 en fa mineur, op. 8, RV 297, L'inverno Allegro non molto, Largo, Allegro Les Talens Lyriques sont soutenus par le Ministère de la Culture-Drac Ile-de-France, la Ville de Paris et le Cercle des Mécènes. L’Ensemble remercie ses Grands Mécènes : la Fondation Annenberg / GRoW – Gregory et Regina Annenberg Weingarten, Madame Aline Foriel-Destezet, et Mécénat Musical Société Générale. Les Talens Lyriques sont depuis 2011 artistes associés, en résidence à la Fondation Singer-Polignac. Les Talens Lyriques sont membres fondateurs de la FEVIS (Fédération des Ensembles Vocaux et Instrumentaux Spécialisés) et de PROFEDIM (Syndicat professionnel des Producteurs, Festivals, Ensembles, Diffuseurs Indépendants de Musique). PRÉFET DE LA RÉGION 8
Dimanche 19 juillet L’apparition du disque microsillon de longue dell'armonia e dell'invenzione, titre magni- durée, avec son rapide développement dès fique qui pourrait signifier « La confrontation le début des années cinquante du dernier de l'harmonie avec l’imagination ». Chacun de siècle, a suscité un extraordinaire dévelop- ces brefs concertos est destiné à un violon pement du répertoire musical enregistré, à soliste, à la partie très virtuose, dialoguant commencer par celui de la musique baroque. avec un ensemble d’instruments à cordes. Jusqu’alors quasiment ignorées du public des La fantaisie créatrice du musicien éclate à mélomanes, Les Quatre Saisons de Vivaldi tout moment, au fil de ces douze mouve- ont aussitôt rencontré une popularité pro- ments si différenciés. Le président Charles de digieuse. Or, il en fut de même deux siècles Brosses ne manquera pas de noter en 1739 plus tôt, lorsque l’éditeur Le Cène publia que Vivaldi « est un vecchio, qui a une furie à Amsterdam le recueil opus 8 du com- de composition prodigieuse ». La verve jubi- positeur : douze concertos dont les quatre latoire du compositeur ouvre la série, dans premiers sont intitulés Les Quatre Saisons. un entrain irrésistible. De toutes parts jaillit Une véritable « Vivaldimania » s’est emparée l’exubérance naturelle du musicien. Mais sa de l’Europe musicale, et les Concertos véni- nature profonde s’exprime dans les mouve- tiens sont devenus un modèle de composition ments lents, jusqu’à la mélancolie, même, pour tous les compositeurs. On les a imités, une « langueur sentimentale » proche par- on les a adaptés, on les a transcrits, on les fois de l’angoisse. a pervertis, et même parfois martyrisés en Du Concerto pour clavecin et cordes en la d’innombrables et douteux arrangements… majeur BWV 1055 de Jean-Sébastien Bach, Le thème des Saisons fut très répandu, sur- tout laisse à penser que l’original perdu était tout en peinture, mais aussi en musique où un concerto pour hautbois d’amour et cordes il l’a été davantage encore par la suite. C’est antérieur. C’est une œuvre très attachante, que cette évocation provoque vivement révélatrice d’un autre aspect de la sensibilité l’imagination. Ce pourrait aussi être celle du musicien, avec ses joyeux mouvements des âges de la vie, depuis le printemps de la extrêmes, Allegro et Allegro ma non tanto, jeunesse jusqu’à l’hiver de la vieillesse. Mais encadrant le Larghetto en fa dièse mineur ici, la nature y est à ce point présente que d’une sicilienne rêveuse et mélancolique. les quatre concertos sont précédés chacun On en possède non seulement la partition d’un sonnet, quatorze vers dont on attribue complète autographe, mais de surcroît, et la paternité au compositeur lui-même, qui de la main même de Bach, les parties sépa- est allé jusqu’à préciser là où tel effet était rées destinées aux divers instrumentistes – à « représenté » en musique, et jusqu’aux noms l’exception notable, toutefois, de la partie de des oiseaux dont il cherchait à reproduire le clavecin soliste. Cette particularité infère que chant. Vivaldi précise que ces sonnets sont le compositeur devait en l’exécutant assurer « une description de toutes les choses qui s’y lui-même cette partie soliste, de tête ou la déploient », où l’on entendra les oiseaux du recréant, en lisant sur la partition complète, printemps, l’orage de l’été, la chasse de l’au- et diriger l’ensemble depuis le clavecin. Aux tomne ou le froid de la marche sur la glace. interprètes d’aujourd’hui d’improviser… Les Quatre Saisons sont donc évoquées par quatre concertos pour violon, les quatre Gilles Cantagrel premiers du recueil intitulé Il Cimento 9
Lundi 20 juillet
FESTIVAL DE SAINTES, LE LABO 2020 Lundi 20 juillet LUDWIG VAN BEETHOVEN Ageet Zweistra, Andrea Pettinau - (1770-1827) Michel Boulanger, Vincent Malgrange, Harm-Jan Schwitters, Symphonie n°2 en ré majeur opus 36 violoncelles Adagio molto - Allegro con brio Axel Bouchaux, Baptiste Andrieu - Larghetto Damien Guffroy, Massimo Tore, Allegro contrebasses Allegro molto Georges Barthel, Manuel Granatiero, flûtes Symphonie n°5 en ut mineur opus 67 Giulia Barbini, piccolo* Allegro con brio Emmanuel Laporte, Taka Kitazato, Andante con moto hautbois Allegro (Scherzo) Nicola Boud, Roberta Cristini, Allegro clarinettes Julien Debordes, Jean-Louis Fiat, bassons Orchestre des Champs-Élysées Antoine Pecqueur, contrebasson* Pierre-Antoine Tremblay, Jean- Alessandro Moccia, Ilaria Cusano - Emmanuel Prou, cors Roberto Anedda, Asim Delibegovic, Alain De Rudder, Steven Verhaert, Virginie Descharmes, Martin trompettes Reimann, Enrico Tedde, Bénédicte Harry Ries, Guy Hanssen, Bart Trotereau, Sebastiaan Van Vucht, Vroomen, trombones* violons 1 Marie-Ange Petit, timbales Philippe Jegoux, Solenne Guilbert * Symphonie N°5 seulement - Adrian Chamorro, Isabelle Claudet, Pascal Hotellier, Thérèse Direction Philippe Herreweghe Kipfer, Marion Larigaudrie, Clara Lecarme, Andreas Preuss, violons 2 Jean-Philippe Vasseur, Agathe Blondel - Marie Beaudon, Laurent Bruni, Brigitte Clément, Benoît Weeger, altos Concert capté en son binaural dans le cadre de Musicaventure. 11
Lundi 20 juillet Vaine tentative que de vouloir définir en fois encore un Scherzo qui ne dit pas son nom. quelques mots l’apport de Beethoven au Plus gai que les mouvements précédents, il monde de la symphonie, qu’il approfondit et n’est toutefois pas plus « léger », ne serait-ce fit entrer de plain-pied dans le monde tur- que par sa rythmique extrêmement insis- bulent du romantisme. Comme ses Sonates tante. Le finale (Allegro molto), très mozartien pour piano, comme ses Quatuors à cordes, dans l’âme, arrive enfin à imposer un peu de les Symphonies de Beethoven sont un mas- légèreté et d’enthousiasme sans que des sif escarpé d’une telle richesse que les plus nuages ne viennent obscurcir l'atmosphère. grands chefs n’hésitent pas à y revenir sans Une œuvre charnière dans la création de cesse, trouvant chaque fois de nouvelles Beethoven, et dans l’histoire de la musique dimensions à ces pages insondables de plus généralement, dont elle semble clore variété et de richesses. toute une période. Composée entre 1805 et Composée entre 1802 et 1803, la Symphonie 1808 (ce qui en fait la parfaite contempo- n°2 en ré majeur op. 36, creuse le sillon ouvert raine de la Symphonie n°6, dite « Pastorale », par sa 1re symphonie. Mais il convient ici de qui sera d’ailleurs créée le même jour, le 22 noter que Beethoven connaît à cette époque décembre 1808), la Cinquième symphonie une crise majeure : il se rend compte qu’il occupe Beethoven quatre années de sa vie, est en train de devenir sourd. On comprend période extrêmement longue, surtout par aisément tout ce que cela dut avoir comme les standards compositionnels de l’époque. répercussion dans son existence, dans sa Le résultat, au dire même de ses contem- vision même de son art. Il n’est donc pas éton- porains, fut à la hauteur de cette gestation : nant que cette deuxième symphonie porte en « C’est très grand, c’est même absolument elle la trace de ces tourments. Son caractère fou » se serait écrié Goethe a l’audition de sombre, sauvage, devait d’ailleurs déconcer- ces pages. Il est vrai que Beethoven de plus ter les premiers auditeurs, peu habitués à ce en plus conscient des effets psychologiques qu’une symphonie les emmène si loin dans de la musique sur les auditeurs, s’autorise ici l’exploration d’une âme humaine, a fortiori des combinaisons de timbres et des effets d’une âme en souffrance. Le premier mou- dynamiques littéralement sensationnels. vement est, ici aussi, en deux moments : un Dès les premières mesures, on est saisi par Adagio molto dramatique ouvre l’œuvre avec le thème matriciel – les prétendus « coups du une majesté sombre, suivi de l’attendu Allegro destin » – plus motif dynamique que véritable con brio. Ce dernier – est-ce un emprunt thème d’ailleurs, cellule mélodico-rythmique involontaire ou une allégeance voulue – fait qui structurera tout le reste du mouvement. entendre quelques pages que l’on dirait L’autorité, la puissance, l’affirmation se font ici tirées de Mozart (la Sonate « alla turca »). entendre d’entrée de jeu, sans préliminaires. Le Larghetto (2e mouvement) déploie une Acte farouchement révolutionnaire, cet incipit musique que l’on pourrait qualifier de pasto- est un véritable coup de pied aux conven- rale, style que Beethoven affectionnait et qu’il tions. Beethoven va travailler sans relâche ce utilisera souvent dans ses œuvres à venir. Très noyau, le faisant passer par toutes les formes, chantant, ce mouvement n’en demeure pas toutes les potentialités émotionnelles pos- moins lui aussi très dramatique, parcouru çà et sibles, de l’interrogation dramatique initiale là de moments d'inquiétude et de tension. Le jusqu’a l’affirmation de la puissance de vie la troisième mouvement, noté Allegro, est une plus joyeuse qui soit. L’atmosphère est bien 12
Lundi 20 juillet celle du monde de René de Chateaubriand (1802), mais ici, le héros ne se laisse pas « emporter par les orages désirés » : il par- vient à se rendre maître de son destin. Le deuxième mouvement, en revanche, semble retrouver les angoisses de l’homme face à son destin, face au monde indéchiffrable et si indifférent à lui. Le bouleversant thème initial va peu à peu se voir transfiguré par le compositeur comme en une série de varia- tions qui, chacune, lui confère une couleur et un sens différents. Mais une fois encore, la musique aboutit à l’affirmation d’une vic- toire lumineuse. Le Scherzo débute lui aussi par une inter- rogation pleine d’angoisse (et en ce sens, porte bien mal son nom de Scherzo qui, rap- pelons-le, dérive du terme italien signifiant l’amusement, le jeu, la plaisanterie !). Mais, par gradations progressives, par une mon- tée crescendo d’une puissance inouïe, il va peu à peu se muer en une explosion de force vive. Coulé comme une montée en puissance irrépressible, il aboutit sans aucune solution de continuité au quatrième et dernier mou- vement, dont l’ut majeur se déploie avec insolence. Beethoven n’hésite pas à y intro- duire les trombones, instruments jusqu’alors inusités dans le monde de la symphonie, et qui durent donc ici faire un formidable effet sur les premiers auditeurs. Réconcilié avec son destin, le héros-narrateur n’est plus désormais que force vive. On a souvent rap- proché cette page du finale de Fidelio, que Beethoven composait à la même époque et qui, de fait, partage la même force d’opti- misme et de foi en la vie. Jean-Jacques Groleau 13
Mardi 21 juillet
FESTIVAL DE SAINTES, LE LABO 2020 Mardi 21 juillet TRINITATIS JOHANN SEBASTIAN BACH (1685-1750) Cantate BWV 47 Wer sich selbst erhöhet, der soll erniedriget werden Cantate BWV 60 O Ewigkeit, du Donnerwort Cantate BWV 78 Jesu, der du meine Seele Céline Scheen, soprano Damien Guillon, alto Thomas Hobbs, ténor Benoit Arnould, baryton Le Banquet Céleste Caroline Bayet, violon 1 Simon Pierre, violon 2 Marta Paramo, alto Claire Gratton, violoncelle Elodie Peudepièce, contrebasse Jean Bregnac, flûte Patrick Beaugiraud, hautbois 1 Guillaume Cuiller, hautbois 2 Niels Coppalle, basson Kevin Manent-Navratil, clavecin et orgue Direction Damien Guillon 15
Mardi 21 juillet La cantate Wer sich selbst erhöhet, der soll atteignant parfois la violence pour fustiger erniedriget werden (Quiconque s’élève sera la vanité de l’orgueil de l’homme, créature abaissé) BWV 47 commente le double ensei- éphémère et misérable, et l’inciter à suivre gnement de l’évangile de ce dimanche, la les voies du Christ. guérison d’un malade le jour du sabbat et C’est d’une sorte de scène d’opéra que se la place choisie par les convives. Le livret nourrit la cantate O Ewigkeit, du Donnerwort exhorte à l’humilité enseignée par le Christ, (Ô éternité, toi, parole foudroyante !) BWV car elle est pour le chrétien une façon de 60. Ce genre de scènes n’est pas rare dans se mettre à l’imitation du Rédempteur. Il l’œuvre de Bach, qui prend soin ici de sous- convient par conséquent de prier Dieu pour titrer son œuvre « Dialogue entre la Crainte qu’il aide le fidèle à maudire l’orgueil en culti- et l’Espérance ». Il s’agit une fois encore d’une vant la modestie et le dédain des vanités du méditation sur la mort, que se partagent monde terrestre. La construction de l’œuvre les deux allégories, la crainte des derniers est très simple, en une arche parfaitement moments et l’espérance d’une vie future bien- symétrique : autour d’un récitatif, chœur et heureuse. Selon la symbolique qui lui est aria de part et d’autre. Le grand chœur d’en- chère, la Crainte s’exprime par la voix d’alto, trée propose une forte antithèse comme les et l’Espérance par le ténor. Trois morceaux aime Bach. Amplement développé, il met en seulement, encadrés par un verset de choral œuvre le concert de l’ensemble instrumental au début et à la fin. Un admirable récitatif, qui soutient les voix, en style de motet. Une d’abord, où la longue vocalise de l’Espé- introduction purement instrumentale s’ouvre rance vient dissiper les chromatismes de la par un motif de déploration. Après quoi, le Crainte. Dans l’air suivant, les deux allégo- dialogue concertant énonce des éléments ries traduisent les tourments intérieurs de de la fugue vocale qui constitue l’essentiel l’âme humaine divisée en elle-même. Enfin, du morceau. Cette fugue se déroule en deux le second récitatif fait entendre, pour apaiser sections, exposition et réexposition sépa- la Crainte, non plus l’allégorie de l’Espérance, rées par un intermède. L’exposition énonce mais la voix de l’Esprit Saint, une basse, donc, les deux segments de phrase de la citation énonçant les paroles rapportées par l’évan- évangélique, le premier (« Quiconque s’élève géliste Jean dans l’Apocalypse : « Heureux sera abaissé ») comme sujet, ascendant puis les morts dans le Seigneur, dès à présent ! », descendant, le second (« Quiconque s’abaisse chaque fois répétée avec une insistance crois- sera élevé ») comme contre-sujet, descen- sante. Le dialogue pourra donc se conclure dant puis ascendant. Au récitatif central sur la voix de la Crainte enfin gagnée par d’assumer l’essentiel de l’enseignement de l’espérance et apaisée par les paroles du la prédication, en lançant l’anathème sur Sauveur. Bien des musiciens ont invoqué ce l’orgueil qui corrompt la nature misérable texte de l’Apocalypse, ici brièvement cité – de l’homme. Ce récitatif pathétique confié mais avec quelle efficacité ! Qu’il suffise de à la basse, vox Christi, s’ouvre par la célèbre citer le Requiem, ou Musicalische Exequien, formule « L’homme n’est que boue, pous- de Heinrich Schütz, et le chœur final du sière, cendre et terre », que l’on trouve déjà Deutsches Requiem de Brahms. chez Thomas d’Aquin et plus tard sur de Le livret de Jesu, der du meine Seele (Jésus, nombreuses pierres tombales de l’époque toi qui par ta mort amère) BWV 78 s’attache baroque. Moment de grande âpreté, abrupt, aux deux lectures du jour, épître et évangile. 16
Mardi 21 juillet Dans l’épître, Paul exhorte les chrétiens à vivre selon l’esprit et à pratiquer la miséricorde : « Portez les fardeaux les uns des autres ! ». Ces fardeaux, seul le Christ peut en décharger ceux qui croient en lui. La première strophe du choral, substance du chœur d’introduc- tion, le dit d’emblée : le Christ est le refuge du chrétien, c’est vers lui que s’empressent les fidèles, dans l’un des plus délicieux duet- tos à l’italienne qu’ait jamais écrits Bach. Les deux fidèles qu’incarnent les deux solistes, soprano et alto, progressent en canon et se rejoignent en mouvements parallèles de tierces ou de sixtes. C’est bien là l’image du désir de marcher dans une même voie. Mais le chrétien peut-il encore espérer, lui qui souffre des tourments de ses fautes ? Oui, lui est-il répondu, par sa Passion, par son sang répandu, par la mort vaincue, le Christ le sauve du péché et de la mort. Et la médi- tation, qui a fait passer du désespoir et de l’abattement à l’espérance, peut s’achever avec la dernière phrase du choral par une prière confiante au Christ pour demeurer cou- rageux et fort face au mal. Aux airs est confié le cheminement intérieur du chrétien, depuis la quête du secours divin jusqu’à la consola- tion, dans l’espérance de voir sa conscience enfin apaisée par le rachat de ses fautes. Mais entre les airs, les deux récitatifs tourmen- tés reviennent sur la souffrance du pécheur. Bach a voulu donner la plus grande solen- nité, la plus grande force spirituelle à cette première strophe du cantique, si importante pour un chrétien puisque rappelant le sacri- fice salvateur du Christ. Et avec ce lamento, il a créé un chef-d’œuvre, sur un douloureux motif obstiné. Gilles Cantagrel 17
Mardi 21 juillet Cantate n°47 1- Chœur [S,A,T,B] Wer sich selbst erhöhet, Quiconque s'élève der soll erniedriget werden, sera abaissé, und wer sich selbst erniedriget, et celui qui s'abaisse der soll erhöhet werden. sera élevé. 2 Air [Soprano] Wer ein wahrer Christ will heißen, Qui veut pouvoir être qualifié d'authentique chrétien Muss der Demut sich befleißen ; Doit redoubler d'humilité ; Demut stammt aus Jesu Reich. L'humilité procède du royaume de Jésus. Hoffart ist dem Teufel gleich ; La vanité est pareille au démon ; Gott pflegt alle die zu hassen, Dieu conçoit de la haine pour tous ceux So den Stolz nicht fahrenlassen. Qui ne bannissent point leur orgueil. 3- Récitatif [Basse] Der Mensch ist Kot, Staub, Asch und Erde ; L'homme est fange, pestilence, poussière et glèbe ; Ist's möglich, dass vom Übermut, Est-il possible que par outrecuidance, Als einer Teufelsbrut, Comme par une progéniture du diable, Er noch bezaubert werde ? Il soit encore ensorcelé ? Ach Jesus, Gottes Sohn, C'est donc Jésus, le Fils de Dieu, Der Schöpfer aller Dinge, Le Créateur de toutes choses, Ward unsretwegen niedrig und geringe, Qui pour nous s'abaissa en toute humilité Er duldte Schmach und Hohn ; Et endura l'ignominie et les sarcasmes ; Und du, du armer Wurm, suchst dich zu brüsten ? Et toi, misérable ver que tu es, tu cherches à faire parade ? Gehört sich das vor einen Christen ? Est-ce le fait d'un chrétien ? Geh, schäme dich, du stolze Kreatur, Va, que la honte t'oppresse, créature orgueilleuse, Tu Buß und folge Christi Spur ; Fais pénitence et suis les traces du Christ ; Wirf dich vor Gott im Geiste gläubig nieder ! Sois croyant en ton âme et prosterne-toi devant Dieu ! Zu seiner Zeit erhöht er dich auch wieder. Et Il te relèvera en temps utile. 4- Air [Basse] Jesu, beuge doch mein Herze Jésus, fléchis donc mon cœur Unter deine starke Hand, De ta main puissante, Dass ich nicht mein Heil verscherze Que je ne porte point préjudice à mon salut Wie der erste Höllenbrand. Comme les premiers tisons de l'enfer. Laß mich deine Demut suchen Laisse-moi quérir ton humilité Und den Hochmut ganz verfluchen ; Et maudire à jamais l'orgueil ; Gib mir einen niedern Sinn, Donne à mon cœur la modestie Dass ich dir gefällig bin ! Et que je sois à ton service ! 5- Choral [S,A,T,B] Der zeitlichen Ehrn will ich gern entbehrn, Je renonce volontiers aux honneurs de ce monde, Du wollst mir nur das Ewge gewährn, Tu ne voulais m'accorder que le bien éternel Das du erworben hast Que tu as conquis Durch deinen herben, bittern Tod. Par ton rude et dolent trépas Das bitt ich dich, mein Herr und Gott. Telle est donc ma prière, ô mon Seigneur et mon Dieu. 18
Mardi 21 juillet Cantate n°60 1 Choral [Alto] et air [Ténor] O Ewigkeit, du Donnerwort, Ô éternité, toi parole de tonnerre, O Schwert, das durch die Seele bohrt, Ô épée, qui passe à travers l'âme O Anfang sonder Ende ! Ô commencement sans fin ! O Ewigkeit, Zeit ohne Zeit, Ô éternité, temps sans temps, Ich weiß vor großer Traurigkeit Je ne sais, devant une si grande peine, Nicht, wo ich mich hinwende Vers où me tourner. Mein ganz erschrocknes Herze bebt Mon cœur, complètement terrifié, tremble, Dass mir die Zung am Gaumen klebt. De sorte que ma langue est collée à mon palais. Ténor : Herr, ich warte auf dein Heil. Seigneur, en ton salut, j'espère. 2 Récitatif [Alto, Ténor] Alto : O chemin difficile pour la dernière bataille et le O schwerer Gang zum letzten Kampf und Streite ! dernier combat ! Ténor : Mein Beistand ist schon da, Mon protecteur est déjà ici, Mein Heiland steht mir ja Mon Sauveur se tient près de moi Mit Trost zur Seite. Pour me réconforter à mon côté. Alto : Die Todesangst, der letzte Schmerz La peur de la mort, la dernière douleur Ereilt und überfällt mein Herz Rattrapent et envahissent mon cœur Und martert diese Glieder. Et torturent ces membres. Ténor : Ich lege diesen Leib vor Gott zum Opfer nieder. Je dépose ce corps devant Dieu comme sacrifice. Ist gleich der Trübsal Feuer heiß, Bien que le feu de la souffrance soit chaud, Genung, es reinigt mich zu Gottes Preis. Je suis heureux, il me purifie pour la récompense de Dieu. Alto : Doch nun wird sich der Sünden große Schuld vor Mais maintenant la grande faute de mes péchés se tient mein Gesichte stellen. devant mon visage. Ténor : Mais Dieu ne prononcera pas un jugement de mort Gott wird deswegen doch kein Todesurteil fällen. pour cela. Er gibt ein Ende den Versuchungsplagen, Il donne une fin aux tourments de la tentation, Dass man sie kann ertragen. Afin qu'ils puissent être supportés. 3 Air (Duetto) [Alto, Ténor] Alto : Mein letztes Lager will mich schrecken, Ma dernière couche me terrifie, Ténor : Mich wird des Heilands Hand bedecken, Je serai couvert par la main du Sauveur, Alto : Des Glaubens Schwachheit sinket fast, Ma faible foi diminue vite, 19
Mardi 21 juillet Ténor : Mein Jesus trägt mit mir die Last. Mon Jésus supporte le fardeau avec moi. Alto : Das offne Grab sieht greulich aus, La tombe ouverte semble horrible, Ténor : Es wird mir doch ein Friedenshaus. Ce sera seulement une maison de paix pour moi. 4 Récitatif [Alto] et Arioso [Basse] Alto : Der Tod bleibt doch der menschlichen Natur verhasst Mais la mort reste détestable pour la nature humaine Und reißet fast Et arrache presque Die Hoffnung ganz zu Boden. Tout espoir à la terre. Basse : Selig sind die Toten ; Bénis sont les morts ; Alto : Ah ! mais hélas, combien de dangers Ach ! aber ach, wieviel Gefahr Se lèvent devant l'âme, Stellt sich der Seele dar, Comme elle avance sur le chemin de la mort ! Den Sterbeweg zu gehen ! Peut-être que la vengeance de l'enfer Vielleicht wird ihr der Höllenrachen Rendra la mort terrifiante Den Tod erschrecklich machen, Quand il cherche à dévorer notre âme ; Wenn er sie zu verschlingen sucht ; Peut-être que notre âme est déjà condamnée Vielleicht ist sie bereits verflucht À la damnation éternelle. Zum ewigen Verderben. Basse : Selig sind die Toten, die in dem Herren sterben ; Heureux les morts, qui meurent dans le Seigneur ; Alto : Wenn ich im Herren sterbe, le corps sera en effet la nourriture des vers ! Ist denn die Seligkeit mein Teil und Erbe ? Alors la béatitude sera mon lot et mon héritage ? Der Leib wird ja der Würmer Speise ! Si je meurs dans le Seigneur, Ja, werden meine Glieder Oui, mes membres deviendront Zu Staub und Erde wieder, Poussière et terre à nouveau, Da ich ein Kind des Todes heiße, Puisque je suis appelé enfant de la mort, So schein ich ja im Grabe an verderben. Il semble que je pourrirai dans la tombe. Basse : Selig sind die Toten, die in dem Herren sterben, von nun an. Heureux les morts, qui meurent dans le Seigneur. Alto : Wohlan ! Très bien ! Soll ich von nun an selig sein : Puisqu'à partir de maintenant je serai béni, So stelle dich, o Hoffnung, wieder ein ! Reviens, espoir, encore une fois ! Mein Leib mag ohne Furcht im Schlafe ruhn, Mon corps sans crainte peut rester dans le sommeil, Der Geist kann einen Blick in jene Freude tun. Mon esprit peut apercevoir déjà cette joie. 20
Mardi 21 juillet 5 Choral [S, A, T, B] Es ist genug ; C'est assez ; Herr, wenn es dir gefällt, Seigneur, quand il te plaira, So spanne mich doch aus ! Alors libère-moi ! Mein Jesu kömmt ; Mon Jésus vient ; Nun gute Nacht, o Welt ! Maintenant bonne nuit, ô monde ! Ich fahr ins Himmelshaus, Je pars en voyage vers la maison du ciel, Ich fahre sicher hin mit Frieden, Je vais là sûrement et en paix, Mein großer Jammer bleibt danieden. Ma grande souffrance reste derrière moi. Es ist genug. C'est assez. Cantate n°78 Chœur [S, A, T, B] Jesu, der du meine Seele Jésus, toi qui as par ton martyre Hast durch deinen bittern Tod Arraché mon âme Aus des Teufels finstern Höhle À l'antre ténébreux du Diable Und der schweren Seelennot Et à l'abîme de détresse Kräftiglich herausgerissen Où elle se débattait, Und mich solches lassen wissen Toi qui m'en as ensuite rendu conscient Durch dein angenehmes Wort, Par ta parole pleine de mansuétude, Sei doch itzt, o Gott, mein Hort ! Sois dorénavant, ô Dieu, mon refuge ! 2 Duetto [Soprano, Alto] Wir eilen mit schwachen, doch emsigen Schritten, De nos pas faibles mais empressés O Jesu, o Meister, zu helfen zu dir. Nous accourons vers toi, ô Jésus, ô maître, pour Du suchest die Kranken und Irrenden treulich. recevoir ton aide. Ach höre, wie wir Tu accordes fidèlement tes soins aux malades, aux égarés. Die Stimmen erheben, um Hülfe zu bitten ! Ah, entends comme nos voix Es sei uns dein gnädiges Antlitz erfreulich ! S'élèvent pour implorer ton secours ! Puisse la vue de ta face où rayonne la grâce nous dispenser la joie ! 3 Récitatif [Ténor] Ach ! ich bin ein Kind der Sünden, Hélas, je suis l'esclave du péché, Ach ! ich irre weit und breit. Je me méprends et fais fausse route Der Sünden Aussatz, so an mir zu finden, La lèpre du péché, qui colle à moi, Verlässt mich nicht in dieser Sterblichkeit. Ne me quittera pas aussi longtemps que je serai un Mein Wille trachtet nur nach Bösen. pauvre mortel. Der Geist zwar spricht : ach ! wer wird mich erlösen ? Mon vouloir n'aspire qu'au mal. Aber Fleisch und Blut zu zwingen L'esprit a beau dire : hélas, qui me délivrera ? Und das Gute zu vollbringen, Il est pourtant au-dessus de mes forces Ist über alle meine Kraft. De vaincre la chair et le sang Will ich den Schaden nicht verhehlen, Et d'accomplir le bien. So kann ich nicht, wie oft ich fehle, zählen. Si je veux ne rien dissimuler de toute ma faute, Drum nehm ich nun der Sünden Schmerz und Pein Je ne puis pourtant dénombrer tous mes Und meiner Sorgen Bürde, manquements. So mir sonst unerträglich würde, C'est pourquoi je me défais de la douleur et du Ich liefre sie dir, Jesu, seufzend ein. tourment des péchés Rechne nicht die Missetat, Ainsi que du fardeau de mes soucis, Die dich, Herr, erzürnet hat ! Que je ne pourrais autrement plus supporter, Et je te les livre, Jésus, en soupirant. 21
Mardi 21 juillet Ne me tiens pas compte des crimes Par lesquels, Seigneur, j'ai provoqué ton courroux. 4 Air [Ténor] Das Blut, so meine Schuld durchstreicht, Le sang qui efface ma faute Macht mir das Herze wieder leicht Me rend un cœur léger Und spricht mich frei. Et m'absout. Ruft mich der Höllen Heer zum Streite, Si la légion infernale me défie au combat, So stehet Jesus mir zur Seite, Jésus se tient à mes côtés, Dass ich beherzt und sieghaft sei. Afin que je sois vaillant et vainqueur. 5 Récitatif [Basse] Die Wunden, Nägel, Kron und Grab, Les plaies, les clous, la couronne et le tombeau Die Schläge, so man dort dem Heiland gab, Qu'a connus le Sauveur, les coups qu'on lui a infligés Sind ihm nunmehro Siegeszeichen Sont à présent les emblèmes de son triomphe Und können mir verneute Kräfte reichen. Et peuvent m'insuffler des forces nouvelles. Wenn ein erschreckliches Gericht Lorsqu'un tribunal d'épouvante Den Fluch vor die Verdammten spricht, Prononcera la malédiction des damnés, So kehrst du ihn in Segen. la changera en bénédiction. Mich kann kein Schmerz und keine Pein bewegen, Nulle souffrance, nul tourment ne peuvent me toucher Weil sie mein Heiland kennt ; Puisque mon Sauveur les connaît ; Und da dein Herz vor mich in Liebe brennt, Et comme ton cœur brûle d'amour pour moi So lege ich hinwieder Je te remets en échange Das meine vor dich nieder. Le mien. Dies mein Herz, mit Leid vermenget, Ce cœur nourri de douleur, So dein teures Blut besprenget, Arrosé du précieux sang So am Kreuz vergossen ist, Que tu as versé sur la Croix, Geb ich dir, Herr Jesu Christ. Je te le donne, Seigneur Jésus-Christ. 6 Air [Basse] Nun du wirst mein Gewissen stillen, Tu vas maintenant apaiser ma conscience So wider mich um Rache schreit, Qui crie vengeance contre moi-même ; Ja, deine Treue wird's erfüllen, Oui, ton amour fidèle va descendre en elle Weil mir dein Wort die Hoffnung beut. Parce que ta parole me dispense l'espérance. Wenn Christen an dich glauben, Lorsque les chrétiens croient en toi, Wird sie kein Feind in Ewigkeit Nul ennemi ne saurait jamais Aus deinen Händen rauben. Les arracher de tes mains. 7 Choral [S, A, T, B] Herr, ich glaube, hilf mir Schwachen, Seigneur, je suis croyant, aide-moi dans ma faiblesse, Laß mich ja verzagen nicht ; Ne me laisse pas perdre courage, Du, du kannst mich stärker machen, Toi qui peux me rendre plus fort Wenn mich Sünd und Tod anficht. Lorsque le péché et la mort m'assaillent. Deiner Güte will ich trauen, Je mets ma confiance en ta bonté Bis ich fröhlich werde schauen Jusqu'à ce qu'il me soit donné, après le combat, Dich, Herr Jesu, nach dem Streit De jouir de ta contemplation, Seigneur Jésus, In der süßen Ewigkeit. Dans les délices de l'éternité. 22
Mercredi 22 juillet
FESTIVAL DE SAINTES, LE LABO 2020 Mercredi 22 juillet BARRICADES FRANÇOIS COUPERIN JEAN-HENRY D’ANGLEBERT (1668-1733) (1629 - 1691) Les Barricades Mysterieuses Suite en ré mineur Prélude ROBERT DE VISÉE Sarabande Grave (V. 1650-1665-APRÈS 1732) FORQUERAY (PÈRE ET FILS) Suite en ré mineur Allemande La Portugaise Marqué et d’Aplomb Courante La Sylva Très Tendrement Sarabande Gavotte La Jupiter Modérément Chaconne Mascarade Thomas Dunford, luth MARIN MARAIS Jean Rondeau, clavecin (1656-1728) Les Voix Humaines FRANÇOIS COUPERIN Prélude en do majeur (L’Art de Toucher le Clavecin) La Ménetou Le Dodo ou l’amour au berceau La Ténébreuse La Favorite 24
Mercredi 22 juillet Comment survivre sans le doute ? Oui, il faut Depuis que nous nous sommes installés à bien lire « sans » le doute et non « dans » le la cour de Louis XIV, nous ne cessons de doute. Car là est notre respiration, l’oxygène jouer et de rejouer cette musique, de dire de nos existences, dans le bouillonnement et de redire la joie qu’elle nous inspire, de la des pensées nouvelles dont chacune vient vivre et de la revivre, de la découvrir, comme bousculer la précédente, et entretient fraîche du matin, et de la redécouvrir, d’une l’échafaudage du doute. Il en est de même du nouvelle fraîcheur d’aube nouvelle. C’est peut- mystère de la musique, dont le sens s’éloigne être de persévérer ainsi dans cette répétition à mesure qu’on pense s’en approcher. Nous incessante qui nous permet de trouver un en avons été bercés tous les deux depuis sens à l’obstination de la répétition. Quand notre enfance, nous avons eu cette chance la raison dialectique, quand le langage didac- de fréquenter ce mystère bien avant l’âge tique nous invitent à ne pas nous répéter, des premiers doutes. C’est elle qui nous a quand le roman ou le cinéma, pour ne prendre permis de devenir ce que nous sommes tout que ces deux exemples, ne cessent d’avan- en nous invitant au questionnement per- cer, de filer bon train en évitant les redites, manent. Nous y avons baigné comme dans nous nous plongeons avec délice dans cette les jeux d’enfance, et son jeu d’aujourd’hui nécessité musicale où la forme du rondeau – parce que l’on joue de la musique bien nous conduit : toujours une deuxième fois, plus qu’on ne la fait, c’est bien connu – est on n’y échappe pas, comme s’il s’agissait de devenu notre jeu du moi, que nous jouons ici vie ou de mort pour la phrase musicale. Ce en double. Chacun pour soi, au creuset de rondeau qui revient modifie rétroactivement son instrument, et en même temps chacun le passé que nous venons de partager, nous, pour l’autre, puisqu’il s’agit de jouer. On ne interprètes, et nous, auditeurs, dans le même sait pas jouer tout seul. Mélange paradoxal de mouvement, dans le même geste. Comme ce la plus extrême précision des règles du jeu, n’est qu’au douzième coup de l’horloge que de ce langage chiffré que l’on passe sa vie à l’on comprend qu’il est midi, ou minuit. Ces déchiffrer comme des hiéroglyphes, et de la reprises sont faites de souvenir et d’aven- magie où elle nous mène, de sa dimension à ture, du passé plongé dans le grand bain du la fois organique et onirique. C’est là que nous futur, et chaque fois, à chaque accord, un trouvons notre geste commun, d’un troublant acte neuf, une action nouvelle. Nous nous commun que l’on ne s’explique toujours pas. lançons dans une danse incantatoire mais La nature de nos vies parallèles ni la culture dénuée de toutes mécaniques pour que la de nos éducations mesurées ne sauraient phrase musicale devienne l’organe même. servir de rationalité facile. Notre jeu va bien Voilà notre travail, notre obsession ! Nous au-delà du dialogue, il n’est pas question pour cherchons ici à passionner par le ressac de nous de nous répondre, mais de nous interro- la redite et non à convaincre par le verbe. ger, et d’inviter ceux qui écoutent dans cette Nous sommes des ruminants du geste-pas- exploration sans réponse ni solution. Quand sion, des flibustiers de la joie. Voilà ! la musique échappe à la mathématique... Alors nous ruminons cette musique, nous Jean Rondeau la jouons sans fin, et nous en jouons sans fin. Ce qui tombe bien pour ce programme composé presque exclusivement de ron- deaux (refrain–couplet–refrain–couplet) et de pièces en reprises sous forme binaire. 25
Jeudi 23 juillet
FESTIVAL DE SAINTES, LE LABO 2020 Jeudi 23 juillet FRANÇOIS COUPERIN (1668-1733) Leçons de Ténèbres pour le Mercredy Saint Première Leçon Second ordre pour clavecin : Courante, La Muse-Plantine, La Diligente Seconde Leçon MARIN MARAIS (1656-1728) Tombeau pour Monsieur de Lully (viole de gambe et basse continue) FRANÇOIS COUPERIN Troisième Leçon Le Caravansérail Rachel Redmond, Maïlys de Villoutreys, sopranos Isabelle Saint-Yves, viole de gambe Clavecin, orgue et direction Bertrand Cuiller 27
Jeudi 23 juillet « Leçons de Ténèbres » : l’expression fascine XVIIe siècle, les Français s’y intéressent à leur par son étoffe poétique, évoquant brumes tour, parmi lesquels Michel Lambert (le beau- mystérieuses, froide austérité spirituelle, père de Lully), Marc-Antoine Charpentier, brûlantes lueurs intérieures. Qu’ont donc abondamment, Michel-Richard de Lalande. à nous enseigner ces Ténèbres ? La nuit du Parmi toutes celles qu’il aurait écrites, les Calvaire, dans laquelle est plongé le chré- trois Leçons de Ténèbres pour le Mercredy tien dès le Mercredi saint, l’oblige à méditer saint de François Couperin sont les seules sur ses propres abîmes. Il se souvient des qui nous soient parvenues, mais elles consti- malheurs de son peuple, celui de l’Ancien tuent un sommet, aussi bien dans son œuvre Testament : en écho aux souffrances du Christ, sacrée que dans la production de son temps. il relit les Lamentations du prophète Jérémie, C’est pour l’abbaye royale de Longchamp poèmes de poignante déploration sur les qu’il les composa, haut-lieu de piété mon- ruines de Jérusalem et de son temple, sac- daine : la coutume était que les Ténèbres cagés par le Babylonien Nabuchodonosor, fussent chantées par des religieuses du lieu, au VIe siècle avant notre ère. Scandés par mais on s’y pressait souvent pour entendre la mention initiale des lettres hébraïques telle ou telle grande voix de l’Opéra, inter- (« aleph », « beth », « gimel », etc.), les ver- dit d’activité en période de Carême ; et à sets se succèdent pour peindre la figure à la mesure que les leçons étaient chantées, on fois effroyable, pitoyable et tragique d’une éteignait un à un les quinze cierges de la femme meurtrie, Jérusalem de chair et de herse, plongeant l’assistance dans l’obscu- sang : « Quomodo sedet sola civitas plena rité : on goûtait ainsi les plaisirs d’un autre populo ? » (« Comme la voici assise, solitaire, genre de drame lyrique, tout en intériorité cette cité qui fut si peuplée ! »). Elle repré- spirituelle, grâce, entre autres, à son effec- sente tout à la fois le peuple juif, l’Église du tif musical réduit à l’extrême. Mais surtout, Christ, le croyant lui-même. Et c’est à eux trois par le génie de Couperin se mêlent ici la que s’adresse, à la fin de chaque « leçon », mélodie grégorienne, sensible en particulier ce cri d’exhortation qui étreint au-delà des dans les titres (« Incipit Lamentatio… »), ou siècles : « Jerusalem, convertere ad Dominum, dans les mélismes orientalisants des lettres Deum tuum ! » (« Jérusalem, tourne-toi vers hébraïques, comme enluminées ; le style ita- ton Seigneur, ton Dieu ! »). Dès la fin de la lien, que révèlent l’extrême attention au texte, Renaissance, la musique a investi cet office la correspondance entre le mot et sa figura- religieux, dit des Ténèbres, qui était lu (d’où tion mélodique voire harmonique ; enfin, bien le mot de « leçons », à entendre en son sens sûr, le style français, dont les ornements, en originel de « lectures ») à la tombée de la perpétuel frémissement sur la ligne de voix, nuit précédant les Jeudi, Vendredi et Samedi sont la signature si caractéristique. saints, le Triduum sacrum. Par leur dramatisme intense, couleur de mort et de flammes, les Laure-Hélène Dufournier circonstances et le texte de cet office avaient tout pour inspirer les sensibilités baroques, italienne ou espagnole : Roland de Lassus, Tomàs de Victoria, Marc Antonio Ingegneri, Carlo Gesualdo et tant d’autres s’y sont illus- trés. Le genre n’est donc pas neuf quand, au 28
Vous pouvez aussi lire