Universitas Science-fiction - So alt wie die Zukunft - Université de Fribourg
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universitas DÉCEMBRE 2015-02 I LE MAGAZINE DE L’UNIVERSITÉ DE FRIBOURG, SUISSE I DAS MAGAZIN DER UNIVERSITÄT FREIBURG, SCHWEIZ Science- fiction So alt wie die Zukunft
Edito Inhalt Interessieren Sie sich für Science-Fiction? Wenn ja, so freut es uns, Ihnen mit die- ser Ausgabe ein besonderes Präsent zum Jahresende zu kredenzen. Sollten Sie hin- gegen zu denjenigen gehören, die mit futuristischen Filmen und Geschichten nicht so viel am Hut haben, dann hoffe ich, dass Sie mit diesem «universitas» einen Blick in eine Welt wagen, die weit mehr bietet als gute (und schlechte) spe- cial effects im Kino. Science-Fiction-Filme und -Literatur sind unserer Zeit voraus; gleichzeitig gibt es sie, zumindest die Li- teratur, seit Menschengedenken. Gewis- se Werke des griechischen Autors und Satirikers Lukian von Samosata zählen ebenso zu den Vorläufern des Science- Fiction-Romans wie der Pygmalion- Mythos oder auch Ikarus und Dädalus in ihrer Entschlossenheit, die Erdschwer- kraft zu überwinden – was ihnen ja be- kanntlich nicht endgültig gelungen ist. Überhaupt dreht sich in der Science-Fic- tion viel, wenn nicht alles, um die Über- windung von (menschlichen) Grenzen. Sind wir in der Lage, in der Zeit zu reisen? Können wir die Vergangenheit abän- dern? Und schliesslich: Wird der Mensch eines Tages mithilfe von Maschinen eine gänzlich neue Ebene erreichen, ja gar zur Maschine werden? Ist dies überhaupt er- strebens- und wünschenswert? 8 dossier > Science-fiction Ob Sie nun zu den SciFi-Interessierten gehören oder einfach über eine wissen- 4 fokus schaftliche Neugierde verfügen: Ein Be Fundraising : Plus vite, plus haut, plus fort such in der «Maison d’Ailleurs», dem kleinen, aber feinen Science-Fiction- 52 forschung Museum in Yverdon-les-Bains, lohnt sich Erziehungswissenschaften: Demokratie in der Kita allemal. Ein besonderer Dank geht an den Direktor des Museums, Marc Atal- 54 recherche lah, der uns mit einer handverlesenen Développement durable : Crowd Energy : tous prosommateurs ? Auswahl an Filmplakaten visuell durch die Texte führt und als profunder Kenner 56 forschung mit ein paar Worten auch das Dossier Standortwettbewerb: Zwischen Heidi und Hayek «Science-Fiction» eröffnet. 58 portrait Ich wünsche Ihnen, liebe Leserinnen Jean-Luc Nordmann : un fribourgeois né sous une bonne étoile und Leser, eine gute Zeitreise ins 2016. 60 lectures Claudia Brülhart Chefredaktorin 62 news Illustrationen: Filmplakate aus der Sammlung des Science-Fiction-Museums «La Maison d’Ailleurs» in Yverdon-les-Bains | www.ailleurs.ch UNIVERSITAS / DEZEMBER 2015 3
Plus vite, plus haut, fokus plus fort La devise olympique sied bien au marathon que représente l’implantation du fundraising et son développement au sein d’une université. Une discipline qui exige du souffle, comme en témoigne Sabrina Fellmann. Farida Khali Sabrina Fellmann, le fundraising est une paysage des hautes écoles suisses exige que activité relativement récente dans les nous développions une cohérence institu- universités suisses … tionnelle. Il faut donc trouver un équilibre. Effectivement, c’est un nouveau métier, qui Le Rectorat donne la direction de l’insti- s’est implanté dans les universités depuis tution, son positionnement. Les facultés, les années 2000 environ. Contrairement quant à elles, connaissent leurs disciplines aux Etats-Unis, cette culture n’existait pas et les enjeux qui leur sont relatifs. C’est aus- ici. Il a donc fallu du temps aux profes- si là que se trouvent les gens de terrain, qui sionnels du domaine pour s’installer dans vont véritablement porter et développer le contexte universitaire et développer les projets. En collaboration avec le Profes- des objectifs qui leur soient propres. Au- seur Markus Gmür, vice-recteur en charge jourd’hui, cette activité a trouvé sa place des questions liées au développement, nous à l’Université de Fribourg et nous abor- établissons ainsi le lien entre ce que l’insti- dons ainsi une nouvelle phase en termes tution veut en termes de développement de développement. global et ce sur quoi les gens travaillent dans les facultés, concernant les projets C’est-à-dire ? susceptibles d’être financés par des fonds Il s’agit de consolider, développer et en- tiers. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons tretenir les liens avec la communauté des soutenir des projets qui correspondent à partenaires et donateurs de l’Université, la fois aux points forts de l’Université et à notamment les alumni, en collaborant son orientation stratégique. Tout l’enjeu plus étroitement avec l’Association des consiste donc à repérer et à présenter un Amis de l’Université. Celle-ci doit avoir bon projet. Cette corrélation entre les pro- toute sa place au sein de l’institution. Il jets et le profil de l’institution est impor- faut également renforcer la collaboration tante, bien sûr, mais on oublie souvent la avec la communication et le marketing et portée non moins cruciale de son identité. s’y intégrer complétement avec nos spéci- Et le fundraising, compris dans le sens de dé- ficités. Enfin, nous devons assurer une ex- veloppement, participe évidemment aussi pertise professionnelle à tous les moments à la construction de celle-ci. et à tous les niveaux des projets, poser les bonnes questions stratégiques et appré- Vous devez donc servir d’interface entre la hender les différents objectifs de manière politique générale et le travail concret … intégrée, à moyen et long terme. En ce qui concerne les projets susceptibles d’être soutenus par des fonds tiers, effecti- Comment s’organise le travail dans le vement. Et ce positionnement stratégique cadre universitaire ? rend le travail passionnant! Mais, plus en- L’Université de Fribourg compte cinq fa- core, nous servons aussi d’interface entre cultés et ne fonctionne pas en top down. l’institution et la communauté extérieure, Mais il n’est pas possible non plus de réa- qui peut la soutenir dans son développe- gir uniquement à l’impulsion des facultés ment. Car, si nous sommes intégrés dans et des départements, parce que le nouveau l’institution universitaire, nous posons 4 UNIVERSITAS / DÉCEMBRE 2015
© A. Ellena Plutôt que de rester face à face, hautes écoles et entreprises privées peuvent collaborer pour créer plus vite des projets différents. aussi un regard extérieur sur elle, ainsi que interroger l’Etat dans son rôle de finan- sur ses projets de développement. Cette po- ceur principal de l’enseignement et de la sition aussi est extrêmement intéressante. recherche. Les domaines vont de la science aux lettres. Le dernier projet en date, nous Sur ces questions de développement, où le devons à un mécène passionné d’his- situez-vous l’Université de Fribourg dans toire, qui a décidé de faire une impor- le paysage helvétique ? tante donation au Département d’histoire Vu les moyens dont nous disposons, je contemporaine pour le développement de pense que nous sommes étonnamment la thématique de l’histoire des entreprises. efficaces! C’est une qualité que nos parte- Le projet étant cohérant avec les points naires externes relèvent souvent. Je pense forts du Département, il représente, sans d’ailleurs que cette capacité à créer de aucun doute, un atout pour le celui-ci. beaux projets, avec des moyens peut-être moins importants qu’ailleurs et en avan- Faut-il comprendre qu’il n’est plus çant de manière très pragmatique, est possible d’assurer un enseignement et aussi une qualité très fribourgeoise. Cela une recherche de qualité sans finance- s’avère positif, car nous développons ainsi ment privé ? une grande proximité tant à l’interne que La réponse est clairement non. Les univer- dans les relations avec nos partenaires. Par sités ne travaillent pas du tout dans cette contre, à mon sens, nous manquons parfois optique. C’est à l’Etat d’assurer un ensei- d’un peu d’audace. C’est peut-être lié à une gnement et une recherche de qualité. Les certaine modestie, elle aussi fribourgeoise. fonds privés que nous récoltons servent C’est bien sûr une belle valeur, pour autant généralement à développer des voies com- Sabrina Fellmann est responsable qu’elle soit liée à une forte assurance. plémentaires ou différentes, à soutenir le développement à l’Université de lancement de projets-phares, ainsi qu’à Fribourg. Depuis cinq ans, elle a Finalement, qu’est-il possible de financer établir de nouveaux ponts entre les dis- coordonné le fundraising au sein par des fonds privés ? ciplines. Ils nous permettent aussi d’être de l’institution qu’elle représente C’est une excellente question. La réponse rapides et flexibles, lorsque cela s’avère également au Conseil de la comporte non seulement une composante nécessaire, en accélérant la montée d’un Fondation Université de Fribourg. liée à l’éthique de travail, mais doit aussi projet, par exemple. sabrina.fellmann@unifr.ch UNIVERSITAS / DEZEMBER 2015 5
fokus Quelles sont les réalisations impor- Et les contrats alors … publics ou privés ? tantes qui n’auraient pas pu voir le jour à C’est une question qui revient de plus en Fribourg sans un financement externe ? plus souvent. L’Université étant une ins- Le premier exemple que j’aimerais évoquer titution publique, le contrat qu’elle signe est celui de la Chaire en psychologie du est, en soi, public. L’entreprise, elle, est sport, financée par la Banque Cantonale une institution privée. Dans ce sens, tout de Fribourg entre 2011 et 2015. Ce finance- en tenant compte de leur sensibilité, nous ment nous a permis d’anticiper un déve- sommes clairs avec les donateurs. Il faut loppement que l’Université souhaitait de rester vigilants et nos contrats sont là pour toute façon réaliser. Le Centre de recherche régler les modalités de financement et de Human-IST, qui étudie les interactions collaboration. C’est pourquoi ils se doivent homme-machine (voir aussi notre dossier, d’être précis et exemplaires. NDLR) représente également un excellent exemple. C’est un magnifique projet de La crainte que l’entreprise phagocyte le développement, mais dans le contexte ac- projet est une critique récurrente. Que tuel, je ne sais pas s’il aurait pu voir le jour répondez-vous à cette question de l’indé- sans le soutien de nos mécènes. Plus tard, pendance de l’institution ? peut-être, mais, compte tenu de l’évolution Il y aurait un danger si nous étions dans de l’enseignement et de la recherche, cela une logique de substitution envers les de- aurait-il encore été le bon moment ? Nous voirs de l’Etat, mais ce n’est pas le cas. aurions peut-être raté la coche … J’ajouterais que la plupart des universités se dotent maintenant de chartes éthiques Qui sont au juste les donateurs ? et que ce sont souvent nos services qui Nous travaillons surtout avec des mécènes, sont les premiers à en faire la demande. des entreprises et des fondations. Il s’agit Pour notre part, un règlement relatif au à chaque fois d’approches très différentes. fundraising est en préparation pour fé- Avec une entreprise, il faut un dossier vrier 2016. Il tiendra compte de nos impé- structuré, avec des voies de développement ratifs, ainsi que de ce qui a été établi dans clairement identifiées. Cela ne veut bien d’autres institutions. Une certaine unifor- évidemment pas dire que ce n’est pas le cas misation me semble primordiale. Pour avec les mécènes, qui n’ont pas non plus ma part, je n’ai jamais rencontré de dona- une approche « romantique » de leur acti- teur qui ait exprimé ou laissé sentir une vité ; mais, pour eux, l’aspect émotionnel a volonté d’emprise sur un programme. Les peut-être encore une place à part. Plusieurs entreprises ont un mode de fonctionne- anciens étudiants qui ont accepté de soute- ment participatif. C’est-à-dire que, sans nir l’Université m’ont affirmé qu’ils étaient vouloir s’immiscer dans la recherche fon- contents de pouvoir « rendre » à leur Alma damentale, elles ont une attitude entre- mater un peu de ce qu’ils ont reçu. Je suis preneuriale lors de l’élaboration d’un pro- persuadée que ces alumni font partie de jet. Ce n’est, à mon sens, pas mauvais, à nos plus grands atouts. Nous constatons condition que les limites soient claires. d’ailleurs que nos démarches ont plus de Nous pouvons répondre à ce besoin par chance d’aboutir lorsque le donateur réu- une communication régulière sur l’avan- nit un lien avec l’institution, la région et cement, l’état et les résultats des projets la thématique parrainée. Mais ce n’est pas qu’elles soutiennent. non plus une règle absolue. En réalité, il n’est pas facile de trouver des donateurs gé- néreux. Il faut être extrêmement persévé- rant, avoir une personnalité qui rassemble et surtout … savoir fêter ses échecs autant que ses victoires ! Car chaque rencontre est une découverte humaine et peut mener à de nouvelles collaborations aux moments les plus inattendus. 6 UNIVERSITAS / DÉCEMBRE 2015
Science-fiction dossier 10 La recherche et l’art sont complémentaires Christian Doninelli 14 Wie wir posthuman wurden Oliver Krüger 16 Une littérature « sérieuse » ? Michel Viegnes 18 Transhuman? Digitale Phantastik! Sabine Haupt 21 Le voyage dans le temps Jiri Benovsky 23 Gelebte Science-Fiction Judith Bodendörfer 26 Relation homme-machine entre science et fiction Florian Evéquoz et Denis Lalanne 28 Imaginäre Wirklichkeit Jan Kreuels 31 Histoire des dinosaures en science-fiction Florent Hiard 34 Sound der Zukunft Felix Wirth 36 Les mouvements de l’avatar Thibaut Le Naour 40 Transhumanismus: Das Ende des Menschen? Florian Häubi 42 La science-fiction : un mensonge irrépressible Didier Clerc 44 Mit Recht in die Zukunft Marcel Lanz 47 Frankenstein et le monstre de l’économie Paul H. Dembinski 49 Science-Fiction zwischen Euphrat und Jordan Florian Lippke 8 UNIVERSITAS / DÉCEMBRE 2015
La recherche et l’art dossier sont complémentaires Pourquoi un scientifique ne raffolerait-il pas de science-fiction ? C’est un peu grâce à elle, et à Isaac Asimov, que Denis Lalanne, directeur du Human-IST Research Center, a découvert sa vocation. Christian Doninelli Denis Lalanne, quelle est la différence de développer des algorithmes capables de entre science-fiction et sciences ? reconnaître les émotions ressenties par les Je pense que la science-fiction et les scien individus. Parfois les machines obtiennent ces n’ont pas le même objectif. La première des scores de reconnaissance supérieurs est une forme d’art. Elle vise avant tout le aux humains. Je pense que, parmi toutes divertissement et cherche souvent à antici- nos recherches, c’est actuellement le do- per le pire. Les sciences, elles, cherchent maine le plus susceptible d’inspirer les au- prioritairement à faire progresser l’huma- teurs de science-fiction. nité en général dans ses connaissances et son bien-être. A quoi peut bien servir une machine ca- pable de détecter les émotions humaines ? Malgré ces deux fonctions bien dis- Nous envisageons d’utiliser cette technolo- tinctes, la science-fiction peut-elle inspi- gie dans le télétravail, par exemple pour rer les scientifiques ? des réunions de brainstorming. Quant on Oui , bien sûr ! Il y a d’ailleurs un exemple travaille à distance, même si nous sommes très récent. Dans le film Minority Report, reliés par les meilleurs écrans de télévi- dirigé par Steven Spielberg, on voit Tom sion, nous ne ressentons pas la même chose Cruise faire de grands gestes sur une sorte que si nous nous adressons à un interlo de panneau vitré qui sert d’interface. Peu cuteur situé dans la même pièce. Imagi- de temps après, les chercheurs se sont in- nons maintenant qu’un participant à une téressés de plus près à ce mode d’interac- séance Skype soit vraiment de mauvaise tion. Puis, Microsoft a mis sur le marché humeur. Le montrer, grâce à l’analyse sa fameuse kinect (un appareil qui permet d’une machine, pourrait-il modifier l’atti- de contrôler des jeux vidéos sans utiliser tude de la personne ? Est-ce que cela pour- de manette NDLR). Ce film a donc influen- rait rendre cette personne moins conta- cé la recherche aussi bien que l’industrie. gieuse pour le groupe ? Mais on oublie souvent de dire que c’est un étudiant chercheur du Massachusetts Mais c’est dangereux pour la protection Institute of Technology ( MIT ) qui a conçu de la vie privée ! On ne souhaite pas forcé- les interfaces homme-machine de ce film. ment partager ses sentiments. Effectivement, nous nous trouvons dans Les recherches que vous menez dans votre un domaine de recherche émergent : les centre Human-IST semblent relever, elles nouvelles possibilités d’enregistrer et ana- aussi, de la science-fiction. lyser des données personnelles, y compris Ce n’est pas de la science-fiction ! Nous physiologiques, nous obligent à nous in- évoluons dans un domaine de recherche téresser à la « privacy ». Dans le domaine scientifique basé sur des modèles compu- de l’interaction homme-machine, nous tationnels complexes. Par exemple, dans mettons l’accent sur la « privacy by design », un projet sur les interfaces affectives, nous afin de développer des solutions techno analysons les signaux humains, la voix, les logiques qui garantiront ce respect de la gestes et les signaux physiologiques, afin vie privée. 10 UNIVERSITAS / DÉCEMBRE 2015
© C. Doninelli Denis Lalanne : « J’ai commencé mes études en informatique et sciences cognitives après avoir lu Asimov. » Pourtant, on dirait parfois que trop de Vous cherchez donc à rendre l’interaction technologie tue la technologie … homme-technologie plus conviviale ? C’est pour cela qu’au Centre Human-IST, Nous cherchons effectivement à créer notre but est de simplifier les interactions un lien plus humain avec la machine. On homme-machine. Nous développons, par parle d’interface empathique. Par contre, exemple, des interfaces plus conviviales, je ne crois pas à la fusion de l’homme avec plus « invisibles », pour interagir avec l’or- la machine. Or, c’est un des grands thèmes dinateur, le bâtiment, la voiture, etc. Nous de la science-fiction. cherchons aussi à rendre plus accessible le monde numérique aux personnes âgées. Et vous, la science-fiction a-t-elle influencé Contrairement aux films de science-fic- vos recherches ? tion, nous sommes plus dans l’utilité que En fait, oui. J’étais fasciné par les ouvrages dans le spectaculaire. Le point commun d’Isaac Asimov sur les robots. J’ai fait mon c’est que nous souhaitons aussi anticiper doctorat à l’EPFL et, à mes débuts, j’ai pré- l’avenir et l’influencer. cisément travaillé dans le domaine de l’intelligence artificielle. Puis, assez vite, L’habitat occupe aussi une place impor- j’ai réalisé que je préférais développer des tante dans vos recherches. machines qui puissent servir les humains, Oui, d’ailleurs le Centre Human-IST parti- sans pour autant s’en inspirer dans leur cipe au projet Smart living lab. On y réflé- fonctionnement. Denis Lalanne est professeur chit à l’habitat du futur. Là, l’interaction associé au Département d’informa- entre l’humain et le bâtiment se trouve au Comment expliquer que, dans la science- tique de l’Université de Fribourg. centre de nos recherches. fiction, les machines finissent très sou- Il dirige le centre Human-IST, vent par se retourner contre l’humain ? un centre de recherche de pointe Des exemples concrets ? Je pense que c’est une tendance générale dans le domaine de l’interaction Les bâtiments sont de plus en plus auto- des œuvres d’anticipation, pas seulement homme-machine. Parallèlement, matiques et intelligents, pour des raisons de la science-fiction d’ailleurs, que de met il participe au projet smart living lab, énergétiques principalement, mais ils sont tre en scène un futur sombre ou menaçant, une plateforme interinstitutionnelle de moins en moins faciles à vivre pour ceux sans qu’il y ait nécessairement des ma- dédiée à l’habitat du futur. Aupara qui les habitent. Notre rôle est donc de déve- chines qui prennent le pouvoir. Voyez 1984 vant, Denis Lalanne a obtenu son lopper de nouvelles interfaces, notamment d’Orwell, La Planète des Singes de Pierre doctorat à l’EPFL. Il a aussi travaillé basées sur la visualisation de données, Boulle ou le dernier Houellebecq. Dans de pour IBM en Californie et enseigné pour que les habitants puissent mieux les nombreux films de science-fiction, des ma- à l’Université d’Avignon en France. comprendre et contrôler leur confort. chines, d’abord empathiques, finissent par denis.lalanne@unifr.ch UNIVERSITAS / DEZEMBER 2015 11
dossier devenir menaçantes, comme dans 2001 : Elles n’ont pas d’émotion. Elles peuvent l’Odyssée de l’espace de Kubrick, par exemple être capables de reconnaître des émotions (voir article p. 26). Le réalisateur David humaines ou même d’en faire ressentir, Cronenberg, lui, est obsédé par la mais la machine reste une machine. Et der- fusion entre l’homme et la machine. Il en a rière le comportement de la machine, il y une vision très noire, qui suggère que la a toujours un humain qui la programme. technologie n’est pas au service de l’hom me mais, au contraire, qu’elle l’aliène. Isaac Asimov était chimiste avant de se lancer dans la littérature. Souhaiteriez- Dès lors, doit-on à la science-fiction la dé- vous aussi franchir le pas ? fiance qui existe parfois à l’encontre de la J’ai été tenté à une époque. J’ai écrit quel technologie et des scientifiques ? ques textes, mais je n’ai pas le talent d’Isaac C’est une vieille idée. Je pense que les gens Asimov. En revanche, je pense que la re- ne sont pas dupes. Pour eux la science est cherche et l’art peuvent être deux activités utile. On voit, notamment avec les progrès complémentaires. On ne devrait pas criti- de la médecine, que les scientifiques sont quer les scientifiques qui ont envie d’ex- bienveillants. Mais il est vrai qu’il y a sou- primer leur créativité de façon plus artis- vent ce fantasme qui ressort dans les films. tique, en participant à des projets de films, de romans ou des expositions. La créativité Rassurez-nous, vos inventions ne se re- fait partie des compétences clés des scien- tourneront pas contre nous ? tifiques comme des artistes et elle peut (Rires). Non, encore une fois, notre objec- s’exprimer de différentes manières. tif est de développer des technologies qui sont bonnes pour l’humain. Nous travail- La science n’est donc pas complètement lons avec des psychologues et des sociolo- imperméable à la science-fiction ? gues chargés d’évaluer nos prototypes. Et Evidemment, les scientifiques ne vivent c’est un procédé itératif : nous collaborons pas dans une tour d’ivoire. Ils sont lecteurs jusqu’à ce que nous parvenions à un pro- et spectateurs. L’influence entre la science totype que nous jugeons bon. (Il réfléchit) et la science-fiction est réciproque. Du reste, pour quelles raisons les machines se retourneraient-elles contre l’humain ? Sciences ou science-fiction ? Pourra-t-on un jour faire revivre un mammouth ? Joker ! Une voiture propulsée à l’eau, science ou science-fiction ? Ce n’est pas mon domaine de recherche, mais je veux bien y croire. C’est une belle idée. Découvrira-t-on un jour une vie extraterrestre ? Chacun ses croyances ! L’homme bionique, science ou science-fiction ? L’homme augmenté ? Je pense que c’est possible, mais je ne le souhaite que dans certains cas, médicaux par exemple, pour développer des prothèses ou des orthèses. Je n’aime pas l’idée de fusion de l’homme et de la machine. Pourra-t-on un jour habiter sur la planète Mars ? Je ne travaille pas à la Nasa, mais je pense que ce ne sera pas dans 10 ans, ni dans 20 ans d’ailleurs. 12 UNIVERSITAS / DÉCEMBRE 2015
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Wie wir posthuman dossier wurden Der heutige, biologisch basierte Mensch ist überfällig. Überfällig für sein mehr oder weniger sanftes Ausscheiden aus der Evolutionsgeschichte. Nur: Will er das auch wirklich? Was macht den Menschen als Menschen aus? Oliver Krüger Quo vadis ? Es hat nach unserer hominiden Urmutter dem «Schreiber» des Schweizer Uhrma- L’idée que les êtres humains soient Lucy rund 3,2 Millionen Jahre gedauert bis chers Pierre Jaquet-Droz (heute noch funk- un jour remplacés par des machines, ebensolche Hominiden (nun der Gattung tionsfähig im Musée d’Art et d’Histoire in qu’ils fusionnent avec elles ou qu’il homo sapiens sapiens) auf den Gedanken Neuchâtel zu bewundern). Im 20. Jahrhun- puissent être imités par elles ne date verfielen, dass der bisherige Mensch an die dert wurden dann im Drama «R.U.R. Ros- pas d’hier. Ce type de discours s’ar Grenzen seiner biologisch bedingten Leis- sum’s Universal Robots» (1920) des tsche- ticule en deux temps : premièrement, la construction de créatures artifi- tungsfähigkeit gelangt sei. Diese an sich chischen Autoren Karel Čapek zunächst cielles, ressemblant aux humains et, überraschende Einsicht verkünden heute die literarischen Roboter eingeführt – in deuxièmement, la transformation nicht nur die Vertreter des sogenannten Anlehnung an das alttschechische Wort für d’hommes et de femmes déjà exis- Posthumanismus und Transhumanismus, Fronarbeit/Knechtsdienst (robota). Wur- tants en des personnes-ma chines sondern auch die populäre Presse stellt den den in den folgenden zwei Jahrzehnten artificielles, les cyborgs. Pourtant, physischen Tod des Menschen und die Roboter in den neu entstehenden Pulp- aussi radicales que ces représenta- Schranken seiner Geistesgaben als ein wei- Magazinen vor allem als mechanische Hel- tions puissent paraître, il faut recon- teres «kleines Forschungsproblem» dar, das fer des Menschen charakterisiert, so wurde naître que les visions posthuma- in wenigen Jahren von eifrigen Wissen- implizit häufig das alte Motiv der Ver- nistes et transhumanistes n’ont pas brusquement surgi d’un vide cultu- schaftlern – wie denen des Human Brain menschlichung bzw. der Wunsch der rel, mais constituent plutôt le point Project – zu lösen sei (wie in GeoWissen Menschwerdung der künstlichen Geschöp- culminant, non seulement du désir 05/2013, Wired 02/2013). fe wiederholt. Besondere Bedeutung für d’accomplissement, mais également spätere Utopien hat sicherlich die Kurzge- de la pensée progressiste occiden- Faszination für Frankenstein schichte «Automata» (1929) von Sidney tale, reposant sur une augmen Die Idee, dass Menschen durch Maschinen Fowler Wright, in der die Roboter bereits tation inexorable des performances ersetzt, mit diesen verschmelzen oder von als mögliche intelligente Nachfahren einer au travail, ainsi que sur la pro- diesen simuliert werden könnten, ist schon aussterbenden Menschheit präsentiert gression des connaissances ration- sehr alt. Der entsprechende Diskurs glie- werden. Erst im Jahr 1955 bewegte dann tat- nelles. Restent certaines questions : qu’est-ce finalement que la vie, au dert sich in zwei Aspekte, erstens die Er- sächlich der erste Industrieroboter, Planet- juste ? Et qu’est-ce qui fait que les schaffung von künstlichen, menschen bot, bei General Motors Autoteile. Die kul- humains sont des humains ? ähnlichen Geschöpfen und zweitens dem turellen Deutungsmuster bestanden also Ersatz und der Verschmelzung des Men- schon vor der tatsächlichen Konstruktion schen mit diesen technischen Wesenhei- von Robotern. ten zum Cyborg. Vom antiken Bildhauer Pygmalion über E.T.A. Hoffmanns be- Traum vom ewigen Leben rühmte Olimpia aus der Erzählung «Der Der zweite Aspekt behandelt die Transfor- Sandmann» (1816) bis hin zu den Geschöp- mation existierender Menschen zu künstli- fen des Dr. Frankenstein (Mary Shelley, chen Maschinenmenschen. In der Literatur 1818) – die Belebung des Unbelebten bildet setzt dieses Motiv parallel zur Erfindung über viele Jahrhunderte ein festes Motiv in der ersten technischen Medien, dem Gram- der fiktionalen Literatur. Diese späteren Er- mophon und Cinematographen, Ende des zählungen standen in enger Wechselwir- 19. Jahrhunderts ein. Der Grossmeister der kung zu der seit dem 17. Jahrhundert frühen Science-Fiction, Jules Verne, lässt im einsetzenden Entwicklung der mechani- Karpathenschloss (Le Château des Carpa- schen Automatenmenschen, wie etwas thes, 1892) eine verstorbene Opernsängerin 14 UNIVERSITAS / DÉCEMBRE 2015
unter Zuhilfenahme von Schallplatten und genauso utopisch ist wie religiöse Hoffnun- beweglichen Bildprojektionen wiederaufer- gen auf ein Leben nach dem Tod). Der stehen. Ein halbes Jahrhundert später er- Mensch wird damit selbst zur Maschine dachte Arthur C. Clarke in «Die sieben Son- und könne alle Aspekte seines unterlege- nen» (The City and the Stars, 1956) eine nen menschlichen Daseins überwinden – Gesellschaft, in der die in einem giganti- Allwissenheit, Allmacht, Unsterblichkeit schen Zentralcomputer «gespeicherten» In- und unerschöpfliche sexuelle Potenz erwar- dividuen in reale Körper transferiert wer- ten ihn in seinem virtuellen Paradies. den, um immer wieder aufs Neue ein zeitlich begrenztes Leben in der wunder- Zur Maschine reduziert vollen Stadt Diaspar zu verbringen. Parallel Der Trick, den alle Visionen von der Ver- zu Clarke spielt der polnische Schriftsteller schmelzung und dem Ersatz des Menschen Stanisław Lem die Möglichkeiten einer durch und mit künstlichen Intelligenzen technischen Immortalisierung und Ma- und Maschinenwesen nutzen, ist der Ver- schinisierung des Menschen teils philoso- gleich. Durch den Vergleich von Menschen phisch (Dialoge, 1957), teils mit einer Prise mit Robotern und Computern wird der Humor durch: In «Gibt es Sie Mr. Jones?» Mensch per definitionem schon zur Maschi- (1957) muss ein Rennfahrer, der nur noch ne, bevor er tatsächlich zum Cyborg werden aus Prothesen der Cybernetics Company kann. Die amerikanische Literaturwissen- besteht, um die Anerkennung und Freiheit schaftlerin N. Katherine Hayles hat dies in Quellen / Literatur seiner Persönlichkeit kämpfen. Diese Ide- ihrem Buch «How we became posthuman» > Clynes, Manfred & N. Kline (1960): en treten nicht zufällig Ende der 1950er (1999) eindrücklich herausgearbeitet. Denn «Cyborgs and Space.» In: Jahre in der Literatur in Erscheinung – Lem was wird hier verglichen? Leben wird als In- Astronautics 9/1960, 26–27, 74–75. > Hayles, N. Katherine (1999): und Clarke nehmen die Einsichten der neu formationsverarbeitung verstanden, also How we Became Posthuman. entstandenen Kybernetik als Wissenschaft Rechenschritte pro Sekunde und Speicher- Virtual Bodies in Cybernetics, der Steuerung von Systemen auf, die durch kapazität in Bits – oder noch einfacher: Ar- Literature and Informatics. Pioniere wie Norbert Wiener, John von beit und Wissen. Wenn der Sinn von Leben Chicago: University of Chicago Press Neumann und Alan Turing geschaffen auf Arbeit und Wissen sowie deren unbe- > Krüger, Oliver (2004): Virtualität wurde. In diesem Zusammenhang hatten grenzter Steigerung reduziert wird, dann und Unsterblichkeit. Die Visionen Manfred Clynes und Nathan Kline den Be- sind Mensch und Maschine «kompatibel». des Posthumanismus. griff Cyborg aus cybernetic organism gebil- Nur dann ist es logisch, dass der Mensch in Freiburg: Rombach det – als Bezeichnung für ein «artificially der Evolutionsgeschichte durch künstliche extended homeostatic control system fun- Rechenmaschinen ersetzt wird. ctioning unconsciously» – also ein sich selbst regulierendes Mensch-Maschine Auf dem Weg zur Vollkommenheit? System, das im Weltraum lebensfähig wäre So radikal die Vorstellungen auch erschei- (Clynes & Kline 1960, 27). nen mögen, so sind die Visionen des Posthu- manismus und Transhumanismus jedoch Virtuelles Paradies nicht unvermittelt aus einem kulturellen Einen Schritt weiter ging Daniel Stephen Vakuum heraus aufgetreten, sondern bilden Halacy im 1965 erschienen Buch «Cyborg – den bisherigen Gipfelpunkt des abendländi- Evolution of the Superman», welches die schen Vervollkommnungsstrebens und Fort- Entwicklung des homo sapiens zum homo schrittsdenkens, die auf einer unaufhörli- machina als Loslösung aus der Herrschaft chen Steigerung der Arbeitsleistung und der natürlichen Evolution und Verwirkli- rationalen Wissensvermehrung fussen. Auf chung des Übermenschen normativ propa- uns wirft dies die Frage nach unserem heuti- gierte. Ab den 1980ern führten Vertreter des gen Menschenbild. Was ist Leben eigentlich? sogenannten Posthumanismus und Tran- Was macht den Menschen als Menschen shumanismus wie Hans Moravec, Ray aus? Der Mensch und seine Gesellschaft wer- Kurzweil und Frank Tipler diese Ideen fort. den sich in den kommenden Jahrzehnten Sie vergleichen explizit die Rechen- und stark verändern, aber welche Richtung ist Speicherleistung des menschlichen Ge- wünschenswert? Dass es Alternativen zu hirns mit denen von Computern. Sie be- dem rationalistisch-ökonomisierten Men- gegnen der «Steinzeit-Biologie» des heuti- schenbild gibt, hat wohl niemand so tref- gen Menschen mit seinem sterblichen und fend formuliert wie der Dichter Novalis: unveränderbaren Körper mit der Vision, Oliver Krüger ist ordentlicher den menschlichen Geist in den Speicher Wenn nicht mehr Zahlen und Figuren Professor für Religionswissenschaft eines Computers zu transferieren, wo er als Sind Schlüssel aller Kreaturen am Departement für Sozial Informationsmuster unendlich fortdauern Wenn die, so singen oder küssen, wissenschaften. könne (was – wissenschaftlich betrachtet – Mehr als die Tiefgelehrten wissen … oliver.krueger@unifr.ch UNIVERSITAS / DEZEMBER 2015 15
Une littérature dossier « sérieuse » ? Longtemps condamnée aux marges des genres, la science-fiction gagne peu à peu ses galons littéraires. Mettons en lumière son potentiel fictionnel qui se pense et qui pense la société de demain. Michel Viegnes Rehabilitation der En Europe continentale, la critique litté- fort ancien que reprend de manière origi- SciFi-Literatur raire et l’Université ont longtemps témoi- nale Villiers de l’Isle-Adam avec L’Eve future Nach langem Ausharren unter den gné une certaine condescendance à l’égard en 1886, et que le Tchèque Karel Čapek Randständigen der Gattungsland- du vaste corpus qui répond, depuis la fin élève au statut de mythe technologique schaft, gelingt es der Science-Fiction des années vingt, à la dénomination de moderne en 1921, grâce à sa pièce Rossum’s langsam ihre literarischen Sporen « science-fiction » et désigné auparavant par Universal Robots. Nouveau Golem d’une abzuverdienen. Noch bis vor kur- des expressions telles que « merveilleux science prométhéenne, le robot, person- zem war die Verbannung in die so- genannte Trivialliteratur ein Fakt, scientifique » ou scientific romance, comme nage-clé dans l’œuvre d’Isaac Asimov, est besonders in Frankreich. Dies, ob- aimait l’appeler l’un de ses maîtres fonda- censé se mettre au service de l’homme, wohl in den letzten 20 Jahren her- teurs, Herbert Georges Wells. Jusqu’à ré- mais son créateur biologique le soup- vorragende universitäre Arbeiten cemment, cette relégation dans la « paralit- çonne, dès l’origine, d’avoir à son encontre erschienen sind, die wohl auch der térature » a été constante, notamment en les mêmes velléités d’indépendance que Science-Fiction einmal dieselbe Le- France. C’est un fait assez ironique, si l’on lui vis-à-vis du Pouvoir divin. gitimität zuteil lassen werden, von songe que c’est justement dans l’Hexagone welcher bereits die Fantasy profi- qu’est née cette littérature, avec Jules Verne Avec le soutien du cinéma tiert. Im englischsprachigen Raum et surtout J.H. Rosny aîné, natif de Bruxelles, Dans le monde anglo-saxon, cette hiérar- ist diese Hierarchie im Bereich der Literatur weniger ausgeprägt als mais qui avait élu domicile au pays de Cyra- chisation des littératures n’a pas la même auf dem Kontinent – auch wenn no de Bergerac, lui-même un lointain défri- rigueur que sur le continent, même si l’on sehr wohl zwischen high-brow und cheur de ce nouveau continent de l’imagi- distingue le high-brow du low-brow. En tout low-brow unterschieden wird. SF- naire avec Fontenelle et Voltaire. état de cause, les « genres » de la paralittéra- Literatur ist keineswegs eine simple ture y ont reçu un accueil plus démocra- Umsetzung der immer gleichen Légitimer les genres tique, à commencer par le roman policier. Handlungsmuster: Die besten Texte Certes, depuis une vingtaine d’années, on D’autre part, des œuvres telles que la dieser Gattung spielen subtil mit a vu paraître d’excellentes études universi- grande tétralogie de H.G. Wells publiée der ihr eigenen Sprache, setzen sich taires, qui vont sans doute, à terme, confé- entre 1895 et 1898 (The Time Machine, The Is- mit dem Medium der Literatur aus einander und konzeptualisieren Fra rer à la science-fiction la même légitimité land of Doctor Moreau, The Invisible Man, The gen, welche sich der Mensch des 21. que celle dont jouit le fantastique. Ce der- War of the Worlds) ou plus encore Brave New Jahrhunderts wird stellen müssen. nier a pour avantage d’avoir été pratiqué World d’Aldous Huxley (1932) et 1984 de par des auteurs entrés depuis longtemps Georges Orwell (1949) sont très rapidement dans le Canon de la littérature. Sans doute devenues des classiques. Quant au cinéma, a-t-il aussi bénéficié du fait qu’il constitue il flirte dès sa préhistoire avec le merveil- une facette fondamentale du Romantisme, leux scientifique, comme on le voit dans phénomène à la fois transnational et les fantaisies de Méliès, le poétique Aelita transmédial dont l’importance est cru- (1924, d’après un roman d’Alexei Tolstoï) et ciale dans l’histoire culturelle européenne. bien sûr Metropolis (1927), le monumental La science-fiction est apparue plus tard, chef-œuvre de celui qui réalisa aussi Frau encore que pour certains spécialistes le im Mond. Le septième art a non seulement célèbre Sandmann de Hoffmann, tout donné des œuvres indiscutablement ca- comme le Frankenstein de Mary Shelley, noniques à la SF – on peut citer encore constituent une sorte de proto-SF, à travers Things to come (1936) et 2001 : A Space Odys- le thème de la créature artificielle, mythe sey (1968) – mais aussi des œuvres encore 16 UNIVERSITAS / DÉCEMBRE 2015
plus expérimentales, telles que La Jetée de de manière extrêmement subtile avec les Chris Marker (1962) ou Alphaville de Jean- codes du genre dont elles sont censées rele- Luc Godard (1965). Outre son esthétique ver : ce qui est vrai des Krimi de Friedrich propre, le cinéma d’auteur est aussi un vec- Dürrenmatt l’est tout autant des fictions de teur de légitimation de certaines œuvres Borges et de Bioy Casares. Un véritable littéraires : on pense à l’adaptation de auteur n’est pas plus corseté par les codes Fahrenheit 451 de Ray Bradbury par Truffaut – toujours en évolution – du récit policier en 1966, et au Solaris de Tarkovsky (1972), ou de la science-fiction, qu’il ne l’était par d’après le roman éponyme de Stanislas Lem. les contraintes formelles de la tragédie ou du sonnet. Autre reproche très similaire, Sortir de la paralittérature cette « littérature de masse » n’inciterait au- Les œuvres « respectables » ne manquent cunement le lecteur à se pencher sur le me- donc pas. Alors à quoi tient cette difficulté dium littéraire, éviterait même toute « écri- des arbitres de la légitimation culturelle à ture » pour mieux l’hypnotiser et l’enfermer prendre au sérieux la science-fiction ? Il est dans le rêve éphémère et gratuit d’une fic- vrai que, comme le roman policier ou d’es- tion dont la seule ambition est de « tuer le pionnage, elle a pâti de ses propres vec- temps ». C’est cet argument, pris à rebours, teurs. Les expressions américaines de dime qui a justifié la canonisation d’un auteur novels ou pulp fiction sont suffisamment aussi prolifique qu’Alexandre Dumas, car parlantes, pour désigner « ces livraisons à on aurait trouvé dans son œuvre des pages vingt-cinq centimes pleines d’aventures qui « attirent l’attention sur elles-mêmes », policières », que ne dédaignait pas Apolli- selon la formule de Jean-Yves Tadié dans naire. La SF s’est beaucoup diffusée, elle son essai sur Le Roman d’aventures (1982). aussi, à travers ces pulps, aujourd’hui valo- risées en tant que pièces de collection, Réaliser son potentiel comme on peut le voir dans cette splendide Que répondre ? D’une part, il n’est pas diffi- treasure house qu’est la « Maison d’Ailleurs » cile de mettre en évidence de nombreux d’Yverdon-les-Bains, qui a publié, il y a textes de SF qui interrogent le medium lit- deux ans, Souvenirs du futur, un bel ouvrage téraire lui-même et jouent sur cette opacité sur son fonds remarquable. Mais, à côté des des signes, chère aux théoriciens des an- chefs-d’œuvre déjà cités et des perles que nées structuralistes : outre les auteurs déjà l’on trouve dans des revues « historiques », cités, H.P. Lovecraft – dont certains récits telles que Weird Tales, Amazing Stories, relèvent de la SF – John Brunner, Norman Astounding Stories ou Galaxie, combien de Spinrad, J. G. Ballard, Dan Simmons et bien collections de poche alignant à l’infini des sûr Philip K. Dick ont démontré qu’ils ne textes sans intérêt, de films de série B des réduisaient pas le langage à sa seule fonc- années cinquante et soixante, où les enva- tion référentielle, comme l’ont bien analy- hisseurs venus de l’espace sont une lourde sé Roger Bozzetto et Irène Langlet. D’autre métaphore des « Rouges », de produits com- part, toute cette littérature, qui englobe la merciaux qui franchissent sans complexe science-fiction stricto sensu – où science et les frontières du ridicule ? Tout cela justifie technologie jouent un rôle central – et ce pleinement, pour la chose écrite, les termes qu’il est convenu d’appeler speculative fic- de Gebrauchsliteratur, Unterhaltungslitera- tion, est aussi un miroir des évolutions de tur, voire Trivialliteratur, et dans les langues nos sociétés, où devient peu à peu réalité romanes novela subliteraria, novela por en- ce qui n’était que fiction il y a à peine un tregas, letteratura di massa, letteratura popo- demi-siècle. Le critique américain Fredric lare, ainsi que le peu ragoûtant « paralitté- Jameson a théorisé de manière très con rature » déjà mentionné. vaincante, dans Penser avec la science-fiction Rappelons les reproches des théoriciens de (2008) le potentiel que possèdent les meil- la (vraie) littérature : le roman « de genre » leurs textes de cette vaste nébuleuse pour ne serait que l’application d’un certain nous permettre de conceptualiser, à tra- nombre de recettes, ou de « codes » si l’on vers le prisme magnifiant de l’imaginaire, veut être plus généreux, qui lui ôteraient les questions, peut-être inédites dans l’His- toute singularité. Pour Tzvetan Todorov, toire, que va devoir se poser l’homme du « le chef-d’œuvre littéraire habituel n’entre vingt-et-unième siècle. dans aucun genre si ce n’est le sien propre ; mais le chef-d’œuvre de la littérature de Michel Viegnes est professeur de masse est précisément le livre qui s’inscrit littérature française et comparée le mieux dans son genre ». C’est faire bon au Domaine français. marché de nombreuses œuvres qui jouent michel.viegnes@unifr.ch UNIVERSITAS / DEZEMBER 2015 17
Transhuman? dossier Digitale Phantastik! Transhumanismus nennt sich die Zukunftsvision, in der wir Menschen von Computern ersetzt werden und ein digitales «ewiges» Leben erhalten. Wie kann die Literatur auf diese Herausforderung reagieren? Sabine Haupt La force de la littérature Transhumanismus ist so alt wie die mensch- schen Futurologen Raymond Kurzweil, der On ne peut évidemment que se ré- liche Phantasie. Soviel vorab zur Entspan- vor 3 Jahren von Google als Berater enga- jouir des avancées technologiques nung. Denn Entspannung ist nötig in einer giert wurde, spätestens zur nächsten Jahr- permettant aux aveugles de recou- zunehmend digitalisierten Welt, in der – hundertwende von einer neuen Spezies vrer la vue et aux paralytiques de auf der einen Seite – kulturpessimistische abgelöst: dem autonomen, bewusst den- marcher à nouveau. Pourtant, les Apokalyptiker den totalitären Teufel an die kenden, mit Willen und Emotionen ausge- scénarios de ceux que l’on appelle les transhumanistes vont beaucoup Wand malen, während – auf der Gegenseite statteten «transhumanen» Computer. plus loin que de tels progrès. Leurs – naive Sunnyboys aus dem Silicon Valley ambitions visent la suppression versuchen, die Menschheit zu optimieren Transhumanismus & Literatur des corps biologiques, à savoir des und neu zu erfinden. Dass sie dabei auch Dass Menschen ihre unmittelbare empiri- « wetware » imparfaits et mortels. noch steinreich werden, ist der (nicht sehr sche Wirklichkeit transzendieren, diese in Mais la situation devient réellement geheime) Nebeneffekt der neuen Mensch- ihrer Phantasie und ihrem Denken – via problématique quand le transhu- heitsbeglückungs-GmbHs. Nur: Das Glück Kunst, Religion, Philosophie und Wissen- manisme bascule dans le posthu- des Menschen stellen wir uns anders vor als schaft – überschreiten, unterscheidet sie manisme. Les conséquences radi- im Zeitalter der so genannten «Singularity» von anderen Lebewesen unseres Planeten. cales de la pensée transhumaniste représentent un sujet de choix pour ein körperloses Dasein im globalen Super- Schon die Mythen der Antike erzählen sol- la littérature de science-fiction avec, computer zu fristen. Doch zur produktiven che Transgressionen. Prometheus, Pygmali- comme fer de lance typique de ces Kritik gehört nun mal Entspannung, d.h. on und ihre zahlreichen Nachfolger betäti- anticipations littéraires, le pessi- der nüchterne und informierte Blick auf gen sich schon früh als gottähnliche misme. Des mutants du style fan- das, was ist, sein kann und sein soll. Kriti- (Kunst-)Schöpfer. Die Weltliteratur kennt tastique de la fin du romantisme sche Entspannung, die es uns erlaubt, den eine Fülle von Texten, in denen künstliche aux romans de SF classiques d’un medizinischen, ökonomischen und ökolo- Wesen durch Magie und Kunst, später auch Stanislaw Lem, une seule règle pré- gischen Weizen von der technokratischen durch phantastische Technik zum Leben er- vaut : aucun espoir dans cette litté- und ideologischen Spreu zu trennen. weckt werden. Es ist hier aber nicht mög- rature. Mais quid, quand de telles inventions ne sont plus l’apanage lich, die Geschichte des literarischen Trans d’une poignée de « savants fous », Schöne neue Aussichten humanismus vom Pygmalion-Mythos über mais sont mises en avant par des Es ist gewiss begrüssenswert, wenn avan- die spätromantische Phantastik bis hin zu entreprises globales comme Google cierte Technologien Blinde wieder sehend den Roboter-Romanen, Cyborg-Manifesten & Co ? Comment s’opposer à cette und Lahme wieder gehend machen, wenn und Matrix-Filmen der Gegenwart nachzu- emprise mercantile sur les cer- komplex vernetzte Computer für mehr Ver- zeichnen. Mir geht es vielmehr um den veaux ? Comment la littérature et kehrssicherheit, einen nachhaltigeren Um- Transhumanismus als Diskurs, als moder- son étude peuvent-elles encore gang mit Ressourcen oder bessere Krank- nes, nach bestimmten Regeln konstruiertes répondre à ce défi ? heitspräventionen sorgen. Keine Frage. Die Narrativ. Ausserdem sollen kurz die «trans Szenarien der so genannten Transhumanis- humanistischen» Aspekte des Literaturbe- ten gehen über solche Fortschritte aber triebs und der Literaturwissenschaft ange- weit hinaus. Ihre Ambitionen zielen auf rissen werden. Zum Beispiel die Frage, eine radikale Wende der menschlichen inwiefern die Literatur und ihre Agenten Evolution: auf die Abschaffung des biologi- bzw. User (AutorInnen, LeserInnen, Verle- schen Körpers als unvollkommene und gerInnen, KritikerInnen, Wissenschaftle- dem Tod geweihte «Wetware». Der Mensch rInnen) am Prozess einer allmählichen werde, so heisst es u.a. beim amerikani- Enthumanisierung bzw. Entkörperlichung 18 UNIVERSITAS / DÉCEMBRE 2015
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