LE CHEVAL REGARDS SUR - LE MAGAZINE D'AGROPARISTECH ALUMNI

 
CONTINUER À LIRE
LE CHEVAL REGARDS SUR - LE MAGAZINE D'AGROPARISTECH ALUMNI
Le Magazine d'AgroParisTech Alumni

                                        REGARDS SUR…
                                       Le Cheval
                                          CAHIER ENTREPRISES
                                          Retraite, la rente
                                          viagère
                                          EN DIRECT DE L’ÉCOLE
                                          Vers la fin des
                                          énergies fossiles
                                          LA VIE DE L’ASSOCIATION
                                          Rencontres HEC
                                          de l’agroalimentaire
Mai 2014 Numéro 9
www.aptalumni.org

                                          ECHOS DE NOS RÉSEAUX
                                          Une formation
                                          supérieure dédiée
                                          à la filière équine
                                          RENCONTRES
                                          Bruno Nebout
LE CHEVAL REGARDS SUR - LE MAGAZINE D'AGROPARISTECH ALUMNI
LE CHEVAL REGARDS SUR - LE MAGAZINE D'AGROPARISTECH ALUMNI
Editorial

Mettre notre réseau
en mouvement
C
        hers amis,
        S’il fallait limiter à un slogan l’objectif à atteindre
        lors de mon mandat de président d’AgroParisTech
Alumni, ce serait celui du rayonnement de nos diplômes
et de nos diplômés.

Pour cela, l’ensemble des adhérents, des bénévoles, des
membres du Conseil d’Administration, du Bureau et moi-
même devront serrer les rangs afin de parler d’une seule
voix, une voix qui pèsera la force de notre réseau. Un réseau             cheval, vous pourrez vous rendre compte du dynamisme
considérable pesant près de 18 000 personnes et dont nous                 de l’Ecole et de l’Association et des liens qui unissent nos
devons être fiers de la richesse, de l’excellence et de la                diplômés. Dans le cadre de notre partenariat avec la Cité
diversité.                                                                des Sciences, vous découvrirez également la participation
                                                                          prochaine de l’Association et de l’Ecole à un événement
Afficher une cohésion de tous les instants sera une condition             exceptionnel le 14 juin prochain organisé au Forum de la
nécessaire pour mieux valoriser nos qualités et nos diffé-                Villette sur un sujet ô combien d’actualité : « Vieillissement :
rences, forgées au contact des sciences du vivant, auprès                 naissance d’une nouvelle société », auquel vous êtes bien
des acteurs économiques, médiatiques, associatifs ou encore               entendu invités.
politiques. C’est aussi au prix d’une plus grande visibilité
que nous continuerons à attirer des jeunes talents vers                   En un mot, tous les ingrédients sont réunis pour nous
notre filière, dans un monde éducatif certes de plus en plus              permettre de mettre en mouvement notre réseau, en capi-
concurrentiel mais à une époque où la société n’a jamais                  talisant sur une communication moderne, doublée de
eu autant besoin d’une vision systémique du monde, si                     l’implication de chacun d’entre nous.
chère à nos diplômés.
                                                                          Au plaisir d’échanger sur ces sujets avec vous.
                                                                          Amicalement,
« C’est au prix d’une plus grande
visibilité que nous continuerons à attirer                                                                      ❙❙Pierre Sabatier (PG 01),
des jeunes talents vers notre filière »                                                                Président d’AgroParisTech Alumni

Réussir ce pari d’un plus grand rayonnement ne sera bien                                         Pierre Sabatier (PG 01)
évidemment pas chose aisée, mais nous pouvons relever                                            a été élu Président
ce défi : il nous faudra pour cela continuer à fédérer nos                                       d’AgroParisTech Alumni,
énergies autour d’initiatives communes et porteuses de                                           l’Association des diplômés
sens à Paris, en région voire à l’international ; mais aussi                                     d’AgroParisTech et
devenir un véritable vecteur de débats sur des sujets de                                         des Ecoles qui l’ont
société où la légitimité des Agros est toute naturelle, mais                                     précédée, lors du Conseil
dont la voix est aujourd’hui trop peu audible.                                d’Administration du 9 avril dernier.
                                                                              Jusque-là membre du Bureau en charge de
Ce neuvième numéro de Symbiose montre encore une                              la communication, Pierre Sabatier succède
fois combien nous avons les ressources pour relever ce                        ainsi à Anne-Laure Noat (PG 83).
challenge. Outre un dossier particulièrement riche sur le

                                     Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014                                    1
LE CHEVAL REGARDS SUR - LE MAGAZINE D'AGROPARISTECH ALUMNI
Créateur de plaisir
Concept et design Keima – www.keima.fr – Photo : Getty Images

                          Fragrances, Flavours, Nutrition
                          Acteur international de l’industrie des arômes, colorants, ingrédients et fragrances,
                          Nactis conçoit et produit une gamme complète de produits destinés aux marchés de
                          l’industrie alimentaire, de la cosmétique et de la parfumerie. Avec un investissement
                          soutenu en Recherche et Développement, Nactis exprime créativité, expertise et réactivité,
                          clés de la réussite de ses clients.                                                          www.nactis.fr
LE CHEVAL REGARDS SUR - LE MAGAZINE D'AGROPARISTECH ALUMNI
Sommaire

04 Regards sur…                                            36       La vie de l'Association                             N° 9 – mai 2014 – 4e Année

     Le Cheval                                             36      Évènements                                           Editeur :
                                                                                                                        AgroParisTech Alumni
                                                                                                                        Association des Diplômés et
27   Cahier Entreprises                                                                                                 Anciens Élèves d'AgroParisTech
                                                                                                                        5 quai Voltaire – 75007 Paris
                                                                                                                        Tél. : 01 42 60 25 00
                                                                                                                        Fax : 01 42 61 48 50
                                                                                                                        redaction@aptalumni.org
                                                                                                                        www.aptalumni.org
                                                                                                                        Directeur de la publication :
                                                                                                                        Pierre Sabatier
                                                                                                                        Rédactrice en chef :
                                                                                                                        Ghislaine Challamel
                                                                                                                        Comité de rédaction :
                                                                                                                        Christian Abbas – Thierno Balde
                                                                                                                        – Jean-Louis Beseme – Emerence
                                                                                                                        Croguennec – Nathalie Dloussky
                                                                   Premières rencontres HEC                             – Justine Dyon – Ludivine
30   En direct de l'École                                          de l'agroalimentaire                                 Faes – Emeline Ganis – Camille
                                                                                                                        Laborie – Margot Pouppeville –
                                                                                                                        Marie-Pierre Quessette – Pierre
30   L'école et le cheval                                  38      Vie des promos                                       Sabatier – Manon Salle – Christelle
                                                           39      Carnet                                               Thouvenin – Solange Van Robais
                                                                                                                        Edition et Régie Publicitaire :
                                                           46 Echos de nos réseaux                                      Mazarine Partenaires
                                                                                                                        2, Square Villaret de Joyeuse
                                                                                                                        75017 Paris
                                                           46	Faits marquants                                          www.mazarine.com
                                                           48 AgroSup Dijon                                             Directeur :
                                                                                                                        Yvan Guglielmetti
                                                                                                                        Responsable de la publicité :
                                                                                                                        Isabelle Cordier
                                                                                                                        Tél. : 01 58 05 49 20
     Elèves d'AgroParisTech devant le club                                                                              magazine-symbiose@mazarine.com
     hippique de Grignon                                                                                                Conception maquette :
                                                                                                                        Laetitia Langlois
34   Executive
                                                                                                                        Prix de vente au numéro : 8 €

                                                                                                                        N° ISSN : 2115-3736

                                                           50       Rencontres
                                                           50      François Clos et Philippe de Quatrebarbes
                                                           54      Bruno Nebout

                                                           56       Lu, vu, entendu                                              Nos partenaires :
     Colloque « Vers la fin des énergies fossiles »
                                                                                                                           Haras du bois d'argile •
35   Étudiants                                                                                                              Kuhn • Nactis • Prefon

                                                      Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014                                         3
LE CHEVAL REGARDS SUR - LE MAGAZINE D'AGROPARISTECH ALUMNI
Regards sur…
La filière cheval en France

Regards sur…
La filière cheval en France
                                                                                                               grand bouleversement de la place du
                                                                                                               cheval dans la société depuis un quart
                                                                                                               de siècle. A cette idée, des noms et des
                                                                                                               visages me reviennent en mémoire. Avec
                                                                                                               eux, j’ai partagé ce qui, vous pourrez en
                                                                                                               juger par vous-même, fut une véritable
                                                                                                               épopée ponctuée de certitudes, de doutes
                                                                                                               et de combats pour un cheval meilleur
                                                                                                               pour l’homme du xxie siècle.
                                                                                                               Le monde du cheval est si riche en per-
                                                                                                               sonnalités et en passions ! S’il n’était pas
                                                                                                               possible de permettre à tous ces héros
                                                                                                               de s’exprimer ici, il fallait que certains
                                                                                                               d’entre eux aient la gentillesse de prendre
                                                                                                               leur plume pour raconter comment ils
                                                                                                               ont contribué à ce grand virage, avec des
                                                                                                               points de vue différents. Je les en remercie.
                                                                                                               La question encore brûlante des Haras
                                                                                                               Nationaux est abordée d’entrée de jeu,
                                                                                                               avec franchise par un homme, Arnaud
                                                                                                               Evain, qui ne cesse de créer et de se battre
                                                                                                               pour « l’environnement favorable » à l’en-
                                                                                                               treprise. Sans langue de bois, Geneviève
                                                                                                               de Sainte Marie dévoile comment se
                                                                                                               déroule la fin de l’étalonnage public alors

C
          ’est avec un grand plaisir et une                  La commande était simple : donner la              que Christian Vannier objective le rôle
          certaine émotion que j’introduis                   parole à des Agros concernés par le cheval.       de l’Etat dans cette filière et pose sans
          ce numéro spécial de Symbiose                      L’ouverture à nos amis vétos, si impli-           tabou les questions qui jalonnent l’avenir
dédié au cheval.                                             qués dans le domaine, s’imposait, mais            de l’IFCE(2). François Clos et Philippe de
J’étais à cent lieux d’imaginer la richesse                  à d’autres personnalités également, pour          Quatrebarbes se tournent, avec enthou-
du résultat lorsque nous avons pensé le                      éviter trop de consanguinité.                     siasme et sans nostalgie, vers l’avenir,
plan de ce numéro spécial, avec Alain                        Le plan suivi est classique : de l'élevage        construit sur un développement auquel
Moulinier, qui a assuré la « tutelle » sur                   à la commercialisation, le cheval et les          ils ont participé.
le secteur en tant que DGFAR(1) et Jean-                     loisirs, le cheval et les territoires, l'ensei-   Cet avenir, Inès Ferté en a été une pion-
Louis Besème, IGPEF Honoraire et ancien                      gnement et les sciences. Cela permet              nière lorsqu’enfant, elle expérimentait le
président de section au CGAAER, qui a                        d’aborder les différentes races et les dif-       tout premier poney club français fondé
endossé la conduite de ce projet jusqu’à                     férents usages du cheval, les nombreux            par son père. William Kriegel innove
son terme.                                                   métiers qui lui sont reliés, ainsi que les        et promeut l’éthologie, la science du
                                                             perspectives. Autrement dit de faire un
                                                                                                               (2) Institut français du cheval et de l’équitation, crée en 2009
(1) Directeur Général de la forêt et des affaires rurales    point. Mais pas seulement !                       par la fusion des Haras Nationaux et de l’Ecole Nationale
dont dépendait la sous-direction du cheval du ministère de
l’Agriculture                                                L’enjeu est, me semble-t-il, d’éclairer le        d’Equitation.

4
LE CHEVAL REGARDS SUR - LE MAGAZINE D'AGROPARISTECH ALUMNI
Sommaire du dossier
                                                                                                                 p. 06	
                                                                                                                       La filière du cheval de sport
                                                                                                                       au xxie siècle : vers une logique
                                                                                                                       d’entreprises
                                                                                                                       Par Arnaud Evain
                                                                                                                 p. 08	
                                                                                                                       Les Haras nationaux,
                                                                                                                       « je t’aime moi non plus » !
                                                                                                                       Par Geneviève de Sainte Marie

comportement appliquée à la relation           les cas, le cheval a désormais une nouvelle                       p. 11	
                                                                                                                       Faut-il une intervention publique
                                                                                                                       pour la filière cheval ?
homme-cheval avec toute la curiosité et        formation supérieure ad hoc, un master
                                                                                                                       Par Christian Vanier
le professionnalisme qui le caractérisent.     Sciences et Management de la filière
Bruno Nebout nous parle de sa start-up,        équine dont nous parlent Véronique                                p. 13   L e cheval de trait : produit culturel
centre de soins et cabinet d’ingénierie,       Julliand et Emmanuelle Morvillers, sans                                    ou alimentaire ?
un rêve qui se réalise. Alors que Thierry      omettre les formations dispensées depuis                                   Par Jean Louis Duriez
Delègue, impliqué dans les courses depuis      plusieurs années à AgroParisTech par                              p. 15   L e cheval, lien économique
toujours, se penche sur la nécessaire évo-     Grégoire Leroy, Emmanuelle Bourgeat                                        ou lien social en région ?
lution de ce spectacle, également support      et Etienne Verrier.                                                        Par Gérard Larcher
de paris, dans un monde de plus en plus        Et pour terminer, nous avons la satisfac-                         p. 17    volution du rôle du cheval
                                                                                                                         E
concurrentiel.                                 tion de constater que la SHG(3) n’a pas pris                              dans la société française depuis
Vous découvrirez que la relation intime de     une ride, grâce à sa présidente Constance                                 un demi-siècle
Gérard Larcher avec le cheval passe par le     Viandier !                                                                Par Inès Ferté
territoire dont le cheval est indissociable.   Puisse ce numéro très spécial de Symbiose
                                                                                                                 p. 20   L es courses hippiques :
Jean-Louis Duriez s’interroge sur ce qui       vous faire vivre les derniers soubresauts de                               de la tradition à la modernité
fait du cheval un animal « à part » et sur     la métamorphose du cheval de la guerre                                     Par Thierry Delègue
sa place dans le monde de demain. C’est        à la paix.
la question posée dans l’étude prospec-                                                                          p. 23	
                                                                                                                       Le développement de l’éthologie
                                                                                                                       Par William Kriegel
tive de l’Inra, conduite par Christine Jez :                       ❙❙Emmanuelle Bour-Poitrinal
cheval pour tous/pour des élites, cheval                                                                         p. 25	
                                                                                                                       Les acteurs du monde du cheval
                                               (3) Société Hippique de Grignon, centre équestre l‘Ecole et
citoyen/cheval compagnon ? Dans tous           présidé par les élèves                                                  face aux perspectives d’avenir ?
                                                                                                                       Par Christine Jez
                                                                                                                 p. 30	
                                                                                                                       La société hippique de grignon
                                                                                                                       Par Constance Viandier
                                                                                                                 p. 32	
  Emmanuelle Bour-Poitrinal                                                                                            Le cheval à AgroParisTech :
                                                                                                                       un long compagnonnage,
                                                                                                                       une place renouvelée
                                  INA76 et ENGREF 81.
                                                                                                                       Par Grégoire Leroy, Emmanuelle
                                  25 ans dans les Haras Nationaux sur                                                  Bourgeat et Etienne Verrier
                                  le terrain (S/D à Saint Lo, Directrice aux
                                                                                                                 p. 48	
                                                                                                                       Une formation supérieure dédiée
                                  Bréviaires et à Compiègne) et en Service
                                                                                                                       à la filière équine : le mastère
                                  Central, puis DG de l’Etablissement Public                                           spécialisé en sciences et management
                                  de 2002 à 2007.                                                                      de la filière équine d’AgroSup Dijon
                                  Ingénieur Général des Ponts, des Eaux et                                             Rencontre avec Véronique Julliand
                                  des Forets, actuellement Déléguée Générale                                     p. 50	
                                                                                                                       Haras nationaux : deux IGREF
                                  de la Fédération des Industries du bois.                                             acteurs et témoins de la fin
                                  Membre du CGAAER et du collège de l’ARGEL                                            d’une longue histoire
                                  (autorité de régulation des jeux en ligne)                                           Rencontre avec François Clos
                                                                                                                       et Philippe de Quatrebarbes

                                               Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014                                          5
LE CHEVAL REGARDS SUR - LE MAGAZINE D'AGROPARISTECH ALUMNI
Regards sur…
La filière cheval en France

La filière du cheval de sport
au XXIe siècle : vers une
logique d’entreprises
Par Arnaud Evain

L’arrivée de l’insémination artificielle, le retrait de l’Etat des activités concurrentielles,
ont permis le développement d’entreprises équestres rassemblant plusieurs activités
telles que l’élevage, l’étalonnage, le débourrage, le commerce, l’enseignement…
La compétitivité de la filière française du cheval de sport passe par une reconnaissance
formelle de ces entreprises multiformes.

M
             ême si la production de che-      Pendant trois siècles, l’Etat avait accompagné, encadré et protégé des acteurs éco-
             vaux de selle et de bât remonte   nomiques qui élevaient des chevaux en marge d’une autre activité, la plus souvent
             à la haute antiquité, on peut     agricole. Les rares « professionnels » à ne vivre qu’autour du cheval étaient marchands,
considérer, pour la France, que le premier     vétérinaires, maréchaux… et occasionnellement cavaliers « protégés » par des mécènes.
gros effort de structuration de la filière     Les premiers centres équestres étaient souvent associatifs et leurs enseignants étaient
intervient avec la création des haras          des militaires à la retraite. Les officiers des Haras Nationaux diffusaient leur savoir et
Nationaux au xviie siècle.                     encourageaient la pratique des sports équestres dans les campagnes par le biais des
L’objectif alors n’était pas d’assurer la      Sociétés Hippiques Rurales.
prospérité des producteurs mais bien de        L’Etat réglementait et encadrait des professions et n’a jamais vraiment envisagé le
sécuriser l’approvisionnement des armées       développement de la filière par le biais de la création « d’entreprises équestres ».
en animaux adéquats.                           Ces entreprises se sont créées par le rassemblement de plusieurs activités parmi celles
Ce modèle d’encadrement, basé sur la           qui permettaient de créer de la richesse, à savoir principalement :
fourniture quasi gratuite de génétique            ››L’élevage, l’étalonnage, le débourrage et la mise en valeur de jeunes chevaux
mâle, a permis d’encourager l’élevage et          ››Le commerce
d’accélérer le progrès génétique. Il a bien       ››L’enseignement et les prestations de services
servi la production des chevaux de sport       L’arrivée de l’insémination artificielle en 1981 et de la congélation de semence en 1984
moderne jusqu’à la fin des années 1960         a permis aux acteurs d’exercer leurs métiers à armes égales sur l’ensemble du territoire
mais s’est avéré de moins en moins effi-       et à coïncidé avec une explosion de l’activité dans les domaines susmentionnés.
cace pour préparer et aborder le change-       Très vite, il s’est avéré qu’aucun métier ne permettait à lui seul de « nourrir son homme »,
ment de siècle.                                mises à part les activités traditionnelles (négoce, médecine, maréchalerie, etc) et que les
Quasi réservée aux militaires dans l’entre-    nouveaux entrepreneurs ne pouvaient subsister qu’en rassemblant plusieurs activités
deux-guerres, la pratique des sports           pour générer suffisamment de richesse.
équestres s’est peu à peu répandue dans        Les assemblages se réalisaient par une répartition d’activités dans le temps : élevage
la société civile chez des amateurs fortunés   au printemps, valorisation et négoce à l’automne, éventuellement enseignement l’été,
et des éleveurs cavaliers.                     ou en cumulant les prestations autour d’un même étage de l’activité : étalonnage +
Il suffit pour s’en convaincre de suivre       élevage + poulinage pour des tiers ou encore débourrage + travail à l’obstacle + négoce
l’évolution de la composition des équipes      + enseignement.
olympiques depuis Pierre de Coubertin          Chaque situation, de par la compétence des acteurs et leur situation géographique,
jusqu’à nos jours.                             correspondait à des assemblages différents.
Observant l’arrivée de ces « fermiers-         En conservant des activités dans le domaine concurrentiel au-delà du minimum
gentlemen » aux côtés d’une « bourgeoisie      nécessaire, l’Etat a mal servi le développement de ces entreprises car il les a privées
sportive », l’administration de l’époque       d’une recette correspondante (étalonnage, débourrage, prise en pension, poulinage,
a mal anticipé les changements qui se          etc) qui aurait facilité certaines créations et optimisé la prospérité d’autres. Le nombre
profilaient autour de la démocratisation       d’emplois directs est néanmoins passé, en 30 ans, de quelques centaines à plusieurs
naissante de l’équitation.                     milliers et le nombre de « petits éleveurs » consommateurs de prestations de service

6
LE CHEVAL REGARDS SUR - LE MAGAZINE D'AGROPARISTECH ALUMNI
a considérablement augmenté, créant un
volume d’activité important.
Les entreprises multiformes n’ont pas de
représentation professionnelle mais leurs
dirigeants existent dans le « paysage poli-
tique » du cheval au travers d’associations
par métiers (marchands, enseignants, éta-
lonniers, centres d’insémination, cavaliers,
etc) et d’associations régionales d’éle-
veurs. Au prix d’un certain nombre de
frictions et de nombreux atermoiements,
ils ont pesé pour que l’Etat se désengage
progressivement de ses activités dans le
secteur marchand.
C’est maintenant chose faite et la puis-
sance publique, par le biais de l’IFCE
(Institut Français du cheval et de l’équi-
tation), peut désormais se consacrer à la
création d’un environnement favorable à
l’exercice des « métiers du cheval » par les
« entreprises du secteur cheval ».
La création de ces conditions environ-
nementales favorables pourrait passer
par une prise en compte et une recon-
naissance formelle de l’existence de ces
entreprises multiformes.
Certaines sont à dominante « enseigne-
ment » avec parfois des ateliers d’élevage
ou de négoce et valorisation ; d’autres sont
à dominante « négoce et valorisation »
avec des activités marginales en élevage
ou enseignement et d’autres enfin pré-         pour générer un assemblage de métiers
sentent une dominante « élevage » avec         nécessaire à l’équilibre d’une entreprise.
                                                                                                           « L'IFCE créé un
parfois des activités de mise en valeur et     L’explosion des technologies du numé-                       environnement favorable
d’enseignement.                                rique, la croissance de la demande mon-                     à l'exercice des "métiers
Terroir, savoir-faire de l’entrepreneur,       diale de chevaux et de services sont                        du cheval" par les
situation géographique, clientèle existante    autant de sources de croissance pour ces                    "entreprises du cheval" »
et potentielle : ces facteurs se combinent     entreprises.

  Arnaud Evain
                           Ingénieur Agronome INAPG 1972, ayant                                            Les faire reconnaitre comme entreprises
                           démarré sa carrière comme courtier                                              en tant que telles, dans leur nécessaire
                           indépendant en chevaux de sport, avec                                           complexité, favoriser leur représentation
                           une activité principalement internationale,                                     et les échanges mutuelles d’expériences,
                           Arnaud Evain crée plusieurs sociétés                                            observer les facteurs limitants et ceux
                           (Equitechnic, Fences, Equimedia, Groupe                                         favorisant leur développement potentiel,
                           France Elevage…)                                                                explorer les nouveaux domaines d’activi-
                           Impliqué familialement dans un élevage de                                       tés, proposer des échanges d’informations
                           purs-sang et d’AQPS d’obstacle, il a été un                                     sur les « assemblages de métiers » qui
                           acteur socioprofessionnel important depuis                                      aboutissent à des entreprises à succès : tels
                           40 ans dans le paysage du cheval de sport et                                    sont les moyens par lesquels l’IFCE peut
  un observateur privilégié de son évolution.                                                              jouer un rôle important pour favoriser
  Il est aujourd’hui président de l’ASEP (syndicat des étalonniers privés)                                 la compétitivité de la filière française du
  et membre de nombreux syndicats et groupes de travail comme le                                           cheval de sport.
  Conseil Scientifique des Haras ou le pôle de compétitivité HIPOLIA.
                                                                                                                                       ❙❙Arnaud Evain

                                               Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014                                        7
LE CHEVAL REGARDS SUR - LE MAGAZINE D'AGROPARISTECH ALUMNI
Regards sur…
La filière cheval en France

Les Haras nationaux,
« je t’aime moi non plus » !
Par Geneviève de Sainte Marie

Au service de l’Etat depuis trois siècles, les Haras Nationaux ont soutenu le boom de
l’équitation à poney, du tourisme et ont contribué à la professionnalisation des acteurs.
Ils n’ont toutefois pas réussi leur entrée dans le XXIe siècle. La fusion avec le Cadre
Noir (création de l’IFCE), la création du GIP France-Haras qui privatise 80 centres de
reproduction, la vente aux enchères des étalons, l’avenir des sites en questionnement,
marquent le désengagement de l’Etat et la reprise de la filière par le secteur privé.

Une longue histoire                           s’urbanise, la société des loisirs explose, des déséquilibres profonds s’installent entre les
qui s’accélère                                quartiers des cités et entre les générations. De nouveaux éleveurs pluriactifs émergent.
Les Haras, au service de l’Etat pour la       Jusque vers les années 1990, le service des Haras continue d’être le fer de lance d’une
remonte des armées pendant trois siècles,     filière en croissance, de plus en plus diversifiée. L’imagination d’un directeur général
ont acquis au milieu du xxe siècle la noto-   visionnaire, Henry Blanc, est au pouvoir avec la création en 1974 d’une base de données,
riété d’une institution solide, imaginative   précurseur d’un système d’information unique au monde, l’impulsion permanente don-
et enviée.                                    née à la recherche, avec la mise au point d’outils de sélection génétique et de techniques
A partir de 1950, l’Etat n’a plus besoin de   de reproduction alors révolutionnaires. Henry Blanc soutient le boom de l’équitation
chevaux pour l’armée, les exploitations       à poney, de tourisme, et favorise la professionnalisation des acteurs, confiant sur la
agricoles se mécanisent, la population        capacité de l’entreprise à créer et développer tout en démocratisant.

8
Chevaux Bretons montés aux Haras Nationaux

Plusieurs haras acquièrent une notoriété         programmé : la loi de finances supprime                     Les activités marchandes, d’étalonnage
internationale, tel le haras du Pin en           le Compte Spécial du Trésor qui finançait                   principalement, sortent du champ de
Normandie avec l’organisation de deux            l’Etablissement, les leaders professionnels,                l’opérateur public. Pour accompagner cette
championnats d’Europe, de concours               qui espèrent récupérer la manne - ils en                    « révolution » technique, économique et
complet en 1969 puis d’attelage en 1979,         obtiendront une petite partie – ne bougent                  culturelle, le GIP France-Haras est créé
ou celui du Lion d’Angers avec son               pas.                                                        le 26 janvier 2011 pour 5 ans. Placé sous
« Mondial du Lion » annuel depuis 1985.          Pourtant, la pratique équestre explose,                     gouvernance publique – privée, il est doté
Entrée dans la « Grande Maison » fin             des enfants de plus en plus jeunes aux                      en capital par l’IFCE qui lui apporte éta-
1975, j’ai bénéficié de cette période            seniors. L’éthologie du cheval ouvre de                     lons et fonds de roulement initial. Patrick
enthousiasmante, créatrice, structurante,        nouveaux champs. De nouveaux modèles                        Dehaumont, vétérinaire de formation,
dans des régions très différentes, auprès        de financement des circuits mondiaux                        conçoit le projet et en assume la direction
de charismatiques leaders agricoles et           de compétition apparaissent, comme les                      jusqu’en mars 2012, date à laquelle il est
professionnels du cheval.                        courses, le haut niveau du sport côtoie le                  nommé à la DGAL. Jusqu’alors adjointe,
                                                 show business.                                              je prends le relais pour poursuivre la
L’échec de l’appropriation                       Le monde change, inexorablement, l’insti-                   réforme.
professionnelle                                  tution bouge trop lentement… sans pour
Coucounés par un financement original            autant entraver la croissance de la filière.
                                                                                                             « Fin 2001, c’est le coup de
issu des enjeux sur les courses, l’institution                                                               grâce programmé : la loi
n’a pas réussi à entrer dans le xxie siècle,     En 2010, la rupture                                         de finances supprime le
faute d’appropriation par les profes-            La décision est prise en juillet 2008 dans                  Compte Spécial du Trésor qui
sionnels. Alourdis par le poids de l’ins-        le cadre de la Révision Générale des                        finançait l’Etablissement »
titution, un dialogue social manichéen,          Politiques Publiques. L’Etablissement
l’insuffisance de vision ou de courage des       Public Haras nationaux fusionne le
décideurs, les Haras nationaux, devenus          1 er février 2010 avec l’Ecole Nationale                    Au pas de charge, France-Haras privatise
Etablissement Public administratif en            d’Equitation – Cadre Noir et devient                        80 centres de reproduction entre 2012
1999, ne trouvent pas le point d’équilibre       l’IFCE(1), l’Institut Technique de l’Etat au                et 2014.
avec les étalonniers privés sur le modèle        service de toute la filière, amont et aval.                 Préparée par de nombreux embryons de
des lands allemands.                                                                                         réforme depuis 10 ans, la phase de déni
Fin 2001, c’est le coup de grâce                 (1) Institut Français du Cheval et de l’Equitation          est brève.

                                                 Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014                                      9
Regards sur…
            La filière cheval en France

                                                           Les éleveurs l’ont déjà compris et, malgré     pendant des siècles, leurs bâtiments sont
                                                           quelques résistances, les entreprises créées   aujourd’hui surdimensionnés pour l’exer-
                                                           par cet élan de privatisation s’y préparent,   cice des missions publiques de l’IFCE, et
                                                           plusieurs ayant déjà investi dans la géné-     de plus en plus sous-dimensionnés en
                                                           tique depuis 2 ans.                            ressources humaines dont l’évolution suit,
                                                           Les progrès technique et économique            avec un différé d’adaptation, le retrait des
                                                           imposeront la mise en réseau des entre-        activités de reproduction.
                                                           prises, dernière étape de la transmission      Quelques-uns organisent des événements
                                                           en cours avec la profession et l’Institut      qui entretiennent la notoriété interna-
                                                           technique IFCE.                                tionale de l’IFCE, des territoires qui les
                                                                                                          hébergent et de l’ensemble de la filière
Laboratoires aux Haras Nationaux                           Un bilan patrimonial                           hippique, une filière qui résiste à la crise
                                                           et culturel à valoriser                        et prospecte à l’international.
            Rapidement, chacun se rend à l’évidence,       Le patrimoine génétique n’est pas en dan-      La plupart des haras demeurent des lieux
            étalonniers satisfaits, éleveurs consentants   ger. La part de marché de France-Haras         de rencontres des acteurs de la filière
            ou résignés, presse spectatrice, personnel     (6 %) aujourd’hui ne pèse plus dans la         locale mais leur modèle économique reste
            conscient que l’Etablissement, longtemps       sélection des races françaises. Quelques       à inventer, entre tout public et tout privé.
            préservé, ne peut rester le « village gau-     soient les acheteurs des étalons, français     En 50 ans, le cheval a gagné sa vraie
            lois » qui résiste dans un Etat en crise qui   ou étrangers, le paysage génétique français    noblesse grâce à l’accessibilité de ses pra-
            restreint ses moyens même dans ses sec-        n’en sera pas terni.                           tiques et il continue de faire rêver. Il est un
            teurs prioritaires.                                                                           passeur entre les hommes, les civilisations,
            Les plus audacieux parmi les salariés,                                                        les générations, un éducateur, dans un
            passionnés par leur métier d’étalonniers,      « La plupart des haras                         monde plus virtuel et instantané. A ce
            tentent leur chance en reprenant à leur        demeurent des lieux de                         titre, il jouit de vrais ressorts d’innovation
            compte des centres de reproduction, les        rencontres des acteurs de                      et de croissance.
            autres se forment à d’autres métiers et        la filière locale mais leur                    Les haras d’Etat, après avoir longtemps
            essaiment à l’intérieur ou à l’extérieur       modèle économique reste                        devancé les évolutions sociétales du
            de l’IFCE.                                     à inventer »                                   monde hippique, ont raté le tournant de
            France-Haras évolue vers une entreprise                                                       l’appropriation professionnelle, mais ils
            de service et de génétique en équilibre        L’accompagnement réalisé par le dispo-         ont su transmettre, ouvrir leurs portes,
            économique et pilote en parallèle un           sitif mis en place pendant près de 4 ans       créer encore avec leurs territoires.
            projet de reprise professionnelle de ses       doit permettre aux entreprises créées de       Ils sont un modèle original, fondateur
            activités centrales.                           prendre le relais, les étalonniers s’appuie-   dans l’hippisme français et au-delà, dans
            En juin 2010, lorsque les professionnels       ront sur les meilleures, dans des zones        l’histoire des populations et des territoires,
            comprennent que l’Etat n’a pas vocation        d’élevage à potentiel.                         un socle à mémoriser, « l’historial des
            à leur donner son capital d’étalons, ils ne    Reste le choc culturel, sensible dans cette    Haras Nationaux » ?, pour mieux inventer
            s’engagent pas dans le projet et refusent      filière de passion.                            demain, avec de nouveaux défis équestres,
            un appel à concurrence ouvert.                 Patrimoine de la biodiversité nationale        tels l’accueil des Jeux Equestres Mondiaux
            En découle l’accélération du processus         et régionale, le parc d’étalons de trait       en Normandie et au haras national du
            de retrait de l’Etat pour reprendre son        pourrait être racheté et géré par chaque       Pin cet été.
            capital, et la mise en vente, aux enchères     association nationale de race.                 Avec les acquis d’hier, travaillons
            publiques, des étalons restant à l’actif de    L’avenir des sites dits « Haras Nationaux »    aujourd’hui pour façonner demain.
            France-Haras après la saison de repro-         fait l’objet de toutes les réflexions.
            duction 2014.                                  Largement dédiés à la reproduction                             ❙❙Geneviève de Sainte Marie

                                                             Geneviève de Sainte Marie
                                                             INA 71 et ENGREF 75, Geneviève de Sainte Marie est Ingénieur général
                                                             des Ponts, des Eaux et des Forets.
                                                             Avant de prendre la Direction de France Haras, elle a fait l’essentiel
                                                             de sa carrière dans le service des Haras (Haras de Gélos, du Pin, de
                                                             Blois, d’Hennebont, du Lion d’Angers, avec un passage à la DRAF de
Inauguration de la reprise de la station des haras
                                                             Champagne-Ardenne).
de Cercy La Tour par une coopérative agricole
d'éleveurs – Janvier 2013

            10
Faut-il une intervention
publique pour la filière
cheval ?
Par Christian Vanier

L’IFCE, produit de la fusion des Haras Nationaux et du Cadre Noir, se voit confier par
l’Etat un rôle d’institut technique, chargé de coordonner la recherche équine, de produire
de la connaissance et de la diffuser notamment par la formation. L’IFCE appuie
le développement du sport de haut niveau, la génétique et l’équitation de tradition
française. De prescripteur, l’Etat est ainsi devenu apporteur de services à la filière.

L
          e cheval cristallise beaucoup          Ces trois secteurs ont fait l'objet de politiques particulières dans le passé, marquées par
          d'émotions, ce qui en fait un ani-     la présence, au niveau de l'élevage, d'un opérateur d'Etat puissant : les Haras Nationaux.
          mal très différent des autres ani-     Sans refaire l'histoire de cette institution, rappelons que la fin de l'usage du cheval a
maux de rente. L'organisation de ce que          poussé l'institution à promouvoir de nouveaux usages du cheval (et du poney) : par le
j'appellerai « la filière » par commodité        sport dans un premier temps, puis par la boucherie dans un deuxième temps.
de langage s'en trouve affectée, tant la         L'action publique s'est donc focalisée sur le développement des usages en apportant
« passion » l'emporte sur le raisonnement        une génétique de qualité sur tout le territoire à un prix abordable. L'action était même
économique. Pour autant, il faut examiner        prescriptive en ce qui concerne l'amélioration des races. Si l'on ajoute à ceci que l'Etat
les politiques publiques avec les mêmes          a promu l'usage sportif du cheval par la création d'une Ecole Nationale d'Equitation
yeux que pour d'autres secteurs.                 (seuls trois sports ont vu la création d'une école nationale), il est clair que l'Etat a été un
Avant de se projeter dans ce que pour-           acteur moteur pour les sports équestres, à un point très largement supérieur à ce que
raient être les politiques publiques dans ce     l'on a pu voir dans les autres filières agricoles ou disciplines sportives.
secteur, je rappellerai quelques éléments        Cet engagement de l'Etat a trouvé une illustration particulière dans la loi de dévelop-
clés des politiques antérieures. Pour débu-      pement des territoires ruraux (loi DTR de février 2005), où les centres équestres ont
ter, il faut circonscrire ce que l'on peut       été reconnus comme exploitations agricoles, permettant ainsi de bénéficier d'une TVA
appeler la filière « cheval », qui comprend      agricole, mais surtout d'accéder au foncier dans des conditions plus favorables.
l'élevage de l'animal et ses principaux
usages. De fait, on peut estimer qu'il y a       « l'Etat a été un acteur moteur pour les sports équestres,
trois filières, ayant certes des interactions,   à un point très supérieur à ce que l'on a pu voir dans
mais correspondant à des usages, voire           les autres filières agricoles ou disciplines sportives »
des mondes, très différents.
On peut ainsi distinguer :                       Par ailleurs, le développement des races de trait a bénéficié d'un appui régulier de l'Etat
››Le monde des courses, avec une orga-           par des réductions de prix sur les prestations de service et subventions aux produits,
nisation performante, tourné vers un jeu         jusqu'à très récemment, qui ont permis certes d'encourager les éleveurs, mais ont conduit
qui ne relève pas totalement du hasard. Le       à un niveau de production supérieur au niveau d'équilibre du marché.
Trot et le Galop sont les deux principales       La filière « cheval » a bénéficié jusqu'à ces dernières années de politiques publiques très
composantes, avec des races spécifiques.         appuyées qui ont cessé dans les autres filières agricoles dès la fin des années 80. Il n’y
››Le monde du sport et du loisir, ras-           a guère que les politiques en faveur des biocarburants qui ont vu un tel engagement
semblant de nombreux pratiquants, qui            de l'Etat dans la dernière décennie.
a fortement cru ces dernières décennies,         Le retournement est cependant engagé. On peut estimer que la réforme des Haras
structuré autour des centres équestres.          Nationaux, avec l'abandon de l'étalonnage public, a donné un signal de repositionnement
››Le monde du cheval de travail, dont le         de l'Etat qui n'est pas achevé, et qui va peut-être plus vite que l'évolution possible des
principal débouché est la viande, et qui         structures socioprofessionnelles.
cherche un nouveau souffle à travers le          La question de la place des politiques publiques est donc centrale pour la filière dans les
cheval « utilitaire ».                           années à venir. Je n'aurai pas la prétention de donner la position de l'Etat dans le futur,

                                                 Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014                             11
Regards sur…
La filière cheval en France

mais simplement de donner les bases de            diffuser la connaissance par la formation        Si la vision de l'Etat est claire, il reste à
ma propre analyse, fruit de ma carrière au        et le transfert sont des missions clés que       traiter la question la plus délicate : l'action
sein du ministère chargé de l'agriculture,        porte l'Etat au service de la filière.           en territoire. La réforme de l'Etat rend
où j'ai travaillé tant pour les territoires que   L'appui de l'IFCE à la politique de déve-        impossible pour l'IFCE d'entretenir son
dans l'économie agricole.                         loppement du sport de haut niveau est à          réseau de haras nationaux. Comme les
Sous l'angle économique, l'objectif               intégrer, pour répondre à un objectif de         fermer un à un n'est pas une perspective
d'une politique publique est de favori-           rayonnement du pays, dans une logique            acceptable, il faut construire avec les col-
ser la valeur ajoutée et de développer les        de transfert de savoir entre différents          lectivités territoriales un projet local de
exportations, ou le rayonnement du pays.          sports.                                          valorisation du cheval et de l'équitation au
Sous l'angle social, elle doit permettre          De même, l'appui à la génétique est une          sein de ces structures. Le localisme inhé-
l'accès à un développement personnel, et          façon de donner aux éleveurs des élé-            rent à cette construction sera parfois en
dans le cas du sport favoriser le bien-être       ments nécessaires à leurs choix.                 divergence avec les objectifs nationaux, qui
par la pratique sportive. A l'aune de cette       En outre, l'IFCE porte l'équitation de tra-      nécessitent eux aussi une présence terri-
vision, on peut donner des orientations           dition française, labellisée par l'Unesco,       toriale ; on le perçoit déjà là où la réflexion
pour chacune des trois filières.                  facteur de rayonnement de notre culture.         est avancée. Mais il faut s'engager dans
››Pour les courses, le système français est       Cette politique publique s'intègre bien à        cette voie pour maintenir ce patrimoine
efficace, mais il repose sur un monopole          la logique de l'Institut car elle est une des    national que sont les haras nationaux.
du réseau physique. Il est attractif pour         composantes du système de formation et           En conclusion de ce bref survol des pro-
les étrangers, et le chiffre d'affaires des       d'accompagnement des sportifs.                   blématiques de la filière équine, il faut
paris étrangers sur les courses françaises                                                         retenir qu'elle doit faire face à un repo-
est un facteur de croissance externe à ne                                                          sitionnement de l'Etat très rapide qui, de
pas négliger, vu le niveau de maturité                                                             prescripteur et d'acteur majeur de la filière,
                                                  « L' enjeu donné à l'IFCE par
atteint par les paris hippiques en France.                                                         prend la posture, classique au demeu-
                                                  le ministre de l'agriculture :
La préservation de ce modèle, et donc son                                                          rant, d'un acteur de référence au service
                                                  créer un lieu de débat et
adaptation aux évolutions est un enjeu                                                             des projets de la filière. Ce changement
                                                  d'orientation de la filière »
majeur pour la filière.                                                                            demande un réalignement des structures
››Dans la filière trait, il faudra résoudre la                                                     socioprofessionnelles et la consolidation
question de la consommation de viande,                                                             des corps intermédiaires que sont les mai-
et limiter les risques d'interdiction de          L'appui de l'Etat à la filière à travers son     sons mères.
l'hippophagie. Le rôle de l'Etat et des col-      opérateur ne se fait plus par des prescrip-      La création d'une interprofession peut
lectivités territoriales sera la promotion        tions mais par des services à la filière. Pour   participer de cette structuration, si l'on
d'un usage du travail en ville. La région         que cette posture fonctionne, il importe         s'entend bien sur son objet et son finance-
Bretagne a en ce sens repris une initiative       de construire la demande socioprofes-            ment. Dans ce contexte, l'IFCE apportera
de l'IFCE en lançant un appel à projet            sionnelle. C'est là une des faiblesses de        ses compétences pour aider la filière à se
auprès des collectivités bretonnes, qui           la filière peu habituée à structurer une         construire, afin que les objectifs de déve-
rencontre un fort succès.                         pensée commune, mais y répondant favo-           loppement économique sur le territoire
››Pour le sport et les loisirs, le dévelop-       rablement comme l'a montré le travail de         et à l'export soient portés par les acteurs
pement des usages passe par l'entrée ou           prospective fait en 2012. C'est un enjeu         eux-mêmes.
le retour de cavaliers plus âgés dans une         donné à l'établissement par le ministre
approche ludique et « nature » du cheval.         en charge de l'agriculture : créer un lieu                                  ❙❙Christian Vanier
La fédération française d'équitation (FFE)        de débat et d'orientation de la filière. Rôle
est l'acteur principal de ce développement.       que jouent les autres opérateurs de l'Etat
L'IFCE, lui, porte un autre segment de            tels que l'INAO, FranceAgriMer, l'ODEA-
développement : l'attelage.                       DOM, etc.
Dans ce cadre rapidement brossé d'orien-
tations des politiques publiques, la place
de l'IFCE est particulière. En effet pour
les raisons exposées ci-avant, le rôle                                            Christian Vanier
prépondérant de l'Etat dans cette filière
conduit à donner à son opérateur un rôle                                          X 80, ENGREF 85, Christian Vanier est Directeur
qu'assument habituellement les struc-                                             Général de l'IFCE (Institut Français du Cheval et
tures socioprofessionnelles. Il joue son                                          de l’Equitation) depuis 2012.
rôle d'institut technique, qui devient                                            Il a démarré sa carrière en DRAF (Champagne
central, en s'inspirant tant du modèle                                            Ardenne, Bourgogne) et DDAF (Saône et Loire,
des instituts techniques agricoles que de                                         Ain, Aisne) avant de rejoindre FranceAgriMer
celui de l'INSEP. Produire de la connais-                                         comme Directeur Général adjoint.
sance, coordonner la recherche équine au
sein d'un conseil scientifique unique, et

12
Le cheval de trait : produit
culturel ou alimentaire ?
Par Jean Louis Duriez

La diminution des effectifs des chevaux de trait est une tendance lourde malgré
le dynamisme, la passion des éleveurs et un regain d’intérêt de la part de communes.
Leur maintien est indispensable à la biodiversité. La viande de cheval est majoritairement
le sous-produit de l’élevage et du service. Maigre, riche en protéines et en fer,
sa consommation n’a toutefois pas souffert des scandales récents.

Un animal domestique                         sympathique, mais paradoxalement nuisible à la survie de l’espèce, car le cheval, et
Même s’il existe encore à l’état sauvage,    surtout le cheval de trait dont la force motrice est supplantée par l’énergie mécanique,
le cheval est défini comme un animal         disparaîtra dès lors qu’on ne le mangera plus.
domestique. Ce statut mérite pourtant
quelques précisions tant la relation entre   Un animal de service
cet animal et l’Homme a évolué. Tandis       Dans l’espèce équine, l’animal est d’abord caractérisé par son aptitude à un service :
que les relations avec les autres espèces    animal de bât ou de trait, de sport, de course, de travail ou de loisir, et maintenant
domestiques évoluent peu, on assiste         médiateur de thérapie, d’insertion ou de sociabilisation. La question de classer le cheval
dans le cas du cheval à l’émergence          comme animal de compagnie s’est posée sérieusement malgré la menace que ce statut
d’une relation de nature affective, certes   ferait peser sur la pérennité de l’espèce.

                                             Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014                       13
Regards sur…
       La filière cheval en France

       Un animal de rente ?                           Le cheval territorial                         une viande maigre. De plus, elle contient
       S’agit-il d’un animal de rente ? La            Concernant l’utilisation du cheval de         une grande proportion d'acides gras insa-
       réponse à cette question est à nuancer.        trait (mais aussi de races plus légères),     turés. Elle a cette particularité d'apporter
       Contrairement aux bovins, dont les races       on assiste cependant à un regain d’intérêt,   des glucides grâce à sa richesse en glyco-
       « à viande » sont élevées strictement en       de la part de nombreuses communes et          gène, ce qui lui confère un goût légèrement
       vue de la consommation humaine, il n’y         prestataires de services, pour la collecte    sucré caractéristique. Ses caractéristiques
       a pas de chevaux « à viande ». La viande       de déchets, l’entretien des parcs et bois,    organoleptiques peuvent être mal appré-
       de cheval est majoritairement un « sous-       le ramassage scolaire et les navettes, pour   ciées par certaines personnes, alors que les
       produit » de l’élevage et du service, malgré   lesquelles le cheval présente des avantages   enfants consomment volontiers du cheval.
       des efforts pour produire des poulains de      économiques, écologiques et sociaux par       La viande de cheval est aussi particulière-
       boucherie (laitons) à partir de races de       rapport aux véhicules à moteur, notam-        ment bien pourvue en vitamines hydro-
       chevaux de trait.                              ment dans les centres-villes historiques      solubles du groupe B. Enfin, la viande
                                                      et touristiques.                              chevaline est caractérisée par une haute
       Un animal « à part »
       Contrairement aux autres espèces pro-
       ductrices de viande pour lesquelles l’ap-      « le scandale des lasagnes à la viande de cheval n’a pas
       titude à la consommation humaine est           entrainé une baisse de la consommation de la viande
       subordonnée (entre autres) au respect          de cheval, mais au contraire une augmentation »
       d’un délai entre l’administration de médi-
       caments et l’abattage, il faut, dans le cas
       du cheval, faire le choix entre une destina-   La viande de cheval                           teneur en fer (environ 4 mg/100 g). Ce
       tion finale bouchère et l’exclusion a priori   Concernant la viande de cheval, il faut       fer, d'origine héminique, offre l'avantage
       de cette destination, cequi ne manque          retenir le paradoxe que 80 % de la            d'être bien assimilé par l'organisme. Sa
       pas d’alimenter des erreurs de langage.        consommation est le fait d’importation,       teneur en fer lui valait d'être prescrite par
       Des chevaux déclarés « impropres à la          alors que 80 % de notre production est        les médecins du siècle dernier pour lutter
       consommation » sont en réalité « exclus        exportée, principalement vers l’Italie.       contre l'anémie. Il serait utile que la valeur
       de la consommation » indépendamment            Cependant, même en Italie, la baisse de       nutritionnelle de la viande de cheval soit
       de l’état de salubrité et d’innocuité de       l’hippophagie est une tendance mani-          mieux valorisée par les conseillers en nutri-
       leur chair, selon le choix qui a été fait au   feste. La propension à considérer le che-     tion aussi bien que par le corps médical.
       préalable et sans que la possibilité de        val comme un animal de compagnie n’y
       consommer leur viande n’ait à se poser.        est pas étrangère, même s’il n’y a pas        L’avenir du cheval de trait
                                                      chez nous de tabou comme c’est le cas         La diminution des aides publiques (prime
       Le cheval de trait                             dans certains pays (Grande-Bretagne).         au maintien de races menacées, prime
       La France compte 9 races de chevaux de         Enfin, il faut savoir que la viande des       herbagère agro-environnementale, primes
       trait officiellement reconnues (stud-book,     chevaux de sport et de loisir est la prin-    aux concours de race, etc), amène à s’in-
       associations de races, etc), mais la diminu-   cipale concurrente de la production de        terroger clairement : pendant combien
       tion de l’effectif de ces chevaux de travail   viande de chevaux de race de trait. Nous      de temps encore la passion des éleveurs
       constitue une tendance lourde malgré le        consommons en moyenne 270 grammes             suffira à maintenir une production qui ne
       dynamisme et la passion des éleveurs.          de viande de cheval par an (0,4 % du total    rapporte plus ?
       Les causes en sont multiples : la baisse de    de la viande consommée), sachant que          Quoi qu’il en soit, la nécessité de main-
       leur utilisation (supplantée par l’énergie     45 % des consommateurs n’en mangent           tenir le cheval de trait comme une res-
       mécanique), la diminution de la consom-        jamais. Paradoxalement, le scandale des       source énergétique alternative justifiera
       mation de la viande équine, la baisse          lasagnes à la viande de cheval n’a pas        une réflexion approfondie sur la meilleure
       importante des différentes aides agricoles     entrainé une baisse de la consommation        manière d’empêcher la diminution exces-
       et les incertitudes sur l’évolution des dif-   de la viande de cheval, mais au contraire     sive de la population équine. Ce maintien
       férentes filières équines.                     une augmentation dont il serait intéres-      est absolument indispensable à la biodi-
                                                      sant d’analyser les mécanismes (curiosité,    versité, et probablement nécessaire dans
                                                      solidarité hippophagique… ?)                  un avenir plus ou moins lointain, si les
                                                                                                    énergies renouvelables (dont le cheval fait
                                                      Valeur nutritive de la                        partie !) ne compensent pas la disparition
                                                      viande de cheval                              à terme des énergies fossiles.

Jean Louis Duriez                                     La viande de cheval est une viande rouge,
                                                      riche en protéines. Selon le Centre d'in-
                                                                                                    L’alternative serait à envisager entre un
                                                                                                    cheptel actif, mais soutenu, ou un conser-
Jean Louis Duriez est docteur vétérinaire,            formation sur les viandes, elle permet        vatoire d’espèces en voie d’extinction, cette
Inspecteur Général de la Santé Publique               d'apporter en quantité notable des acides     dernière hypothèse ne semblant sans
Vétérinaire au sein du Ministère en                   aminés indispensables comme la leucine,       doute pas la meilleure.
charge de l’Agriculture (CGAAER).                     la lysine et l'histidine. Elle a une faible
                                                      teneur en lipides (2 à 4 %), faisant d’elle                            ❙❙Jean Louis Duriez

       14
Vous pouvez aussi lire