LE CHEVAL REGARDS SUR - LE MAGAZINE D'AGROPARISTECH ALUMNI
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Le Magazine d'AgroParisTech Alumni
REGARDS SUR…
Le Cheval
CAHIER ENTREPRISES
Retraite, la rente
viagère
EN DIRECT DE L’ÉCOLE
Vers la fin des
énergies fossiles
LA VIE DE L’ASSOCIATION
Rencontres HEC
de l’agroalimentaire
Mai 2014 Numéro 9
www.aptalumni.org
ECHOS DE NOS RÉSEAUX
Une formation
supérieure dédiée
à la filière équine
RENCONTRES
Bruno NeboutEditorial
Mettre notre réseau
en mouvement
C
hers amis,
S’il fallait limiter à un slogan l’objectif à atteindre
lors de mon mandat de président d’AgroParisTech
Alumni, ce serait celui du rayonnement de nos diplômes
et de nos diplômés.
Pour cela, l’ensemble des adhérents, des bénévoles, des
membres du Conseil d’Administration, du Bureau et moi-
même devront serrer les rangs afin de parler d’une seule
voix, une voix qui pèsera la force de notre réseau. Un réseau cheval, vous pourrez vous rendre compte du dynamisme
considérable pesant près de 18 000 personnes et dont nous de l’Ecole et de l’Association et des liens qui unissent nos
devons être fiers de la richesse, de l’excellence et de la diplômés. Dans le cadre de notre partenariat avec la Cité
diversité. des Sciences, vous découvrirez également la participation
prochaine de l’Association et de l’Ecole à un événement
Afficher une cohésion de tous les instants sera une condition exceptionnel le 14 juin prochain organisé au Forum de la
nécessaire pour mieux valoriser nos qualités et nos diffé- Villette sur un sujet ô combien d’actualité : « Vieillissement :
rences, forgées au contact des sciences du vivant, auprès naissance d’une nouvelle société », auquel vous êtes bien
des acteurs économiques, médiatiques, associatifs ou encore entendu invités.
politiques. C’est aussi au prix d’une plus grande visibilité
que nous continuerons à attirer des jeunes talents vers En un mot, tous les ingrédients sont réunis pour nous
notre filière, dans un monde éducatif certes de plus en plus permettre de mettre en mouvement notre réseau, en capi-
concurrentiel mais à une époque où la société n’a jamais talisant sur une communication moderne, doublée de
eu autant besoin d’une vision systémique du monde, si l’implication de chacun d’entre nous.
chère à nos diplômés.
Au plaisir d’échanger sur ces sujets avec vous.
Amicalement,
« C’est au prix d’une plus grande
visibilité que nous continuerons à attirer ❙❙Pierre Sabatier (PG 01),
des jeunes talents vers notre filière » Président d’AgroParisTech Alumni
Réussir ce pari d’un plus grand rayonnement ne sera bien Pierre Sabatier (PG 01)
évidemment pas chose aisée, mais nous pouvons relever a été élu Président
ce défi : il nous faudra pour cela continuer à fédérer nos d’AgroParisTech Alumni,
énergies autour d’initiatives communes et porteuses de l’Association des diplômés
sens à Paris, en région voire à l’international ; mais aussi d’AgroParisTech et
devenir un véritable vecteur de débats sur des sujets de des Ecoles qui l’ont
société où la légitimité des Agros est toute naturelle, mais précédée, lors du Conseil
dont la voix est aujourd’hui trop peu audible. d’Administration du 9 avril dernier.
Jusque-là membre du Bureau en charge de
Ce neuvième numéro de Symbiose montre encore une la communication, Pierre Sabatier succède
fois combien nous avons les ressources pour relever ce ainsi à Anne-Laure Noat (PG 83).
challenge. Outre un dossier particulièrement riche sur le
Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014 1Créateur de plaisir
Concept et design Keima – www.keima.fr – Photo : Getty Images
Fragrances, Flavours, Nutrition
Acteur international de l’industrie des arômes, colorants, ingrédients et fragrances,
Nactis conçoit et produit une gamme complète de produits destinés aux marchés de
l’industrie alimentaire, de la cosmétique et de la parfumerie. Avec un investissement
soutenu en Recherche et Développement, Nactis exprime créativité, expertise et réactivité,
clés de la réussite de ses clients. www.nactis.frSommaire
04 Regards sur… 36 La vie de l'Association N° 9 – mai 2014 – 4e Année
Le Cheval 36 Évènements Editeur :
AgroParisTech Alumni
Association des Diplômés et
27 Cahier Entreprises Anciens Élèves d'AgroParisTech
5 quai Voltaire – 75007 Paris
Tél. : 01 42 60 25 00
Fax : 01 42 61 48 50
redaction@aptalumni.org
www.aptalumni.org
Directeur de la publication :
Pierre Sabatier
Rédactrice en chef :
Ghislaine Challamel
Comité de rédaction :
Christian Abbas – Thierno Balde
– Jean-Louis Beseme – Emerence
Croguennec – Nathalie Dloussky
Premières rencontres HEC – Justine Dyon – Ludivine
30 En direct de l'École de l'agroalimentaire Faes – Emeline Ganis – Camille
Laborie – Margot Pouppeville –
Marie-Pierre Quessette – Pierre
30 L'école et le cheval 38 Vie des promos Sabatier – Manon Salle – Christelle
39 Carnet Thouvenin – Solange Van Robais
Edition et Régie Publicitaire :
46 Echos de nos réseaux Mazarine Partenaires
2, Square Villaret de Joyeuse
75017 Paris
46 Faits marquants www.mazarine.com
48 AgroSup Dijon Directeur :
Yvan Guglielmetti
Responsable de la publicité :
Isabelle Cordier
Tél. : 01 58 05 49 20
Elèves d'AgroParisTech devant le club magazine-symbiose@mazarine.com
hippique de Grignon Conception maquette :
Laetitia Langlois
34 Executive
Prix de vente au numéro : 8 €
N° ISSN : 2115-3736
50 Rencontres
50 François Clos et Philippe de Quatrebarbes
54 Bruno Nebout
56 Lu, vu, entendu Nos partenaires :
Colloque « Vers la fin des énergies fossiles »
Haras du bois d'argile •
35 Étudiants Kuhn • Nactis • Prefon
Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014 3Regards sur…
La filière cheval en France
Regards sur…
La filière cheval en France
grand bouleversement de la place du
cheval dans la société depuis un quart
de siècle. A cette idée, des noms et des
visages me reviennent en mémoire. Avec
eux, j’ai partagé ce qui, vous pourrez en
juger par vous-même, fut une véritable
épopée ponctuée de certitudes, de doutes
et de combats pour un cheval meilleur
pour l’homme du xxie siècle.
Le monde du cheval est si riche en per-
sonnalités et en passions ! S’il n’était pas
possible de permettre à tous ces héros
de s’exprimer ici, il fallait que certains
d’entre eux aient la gentillesse de prendre
leur plume pour raconter comment ils
ont contribué à ce grand virage, avec des
points de vue différents. Je les en remercie.
La question encore brûlante des Haras
Nationaux est abordée d’entrée de jeu,
avec franchise par un homme, Arnaud
Evain, qui ne cesse de créer et de se battre
pour « l’environnement favorable » à l’en-
treprise. Sans langue de bois, Geneviève
de Sainte Marie dévoile comment se
déroule la fin de l’étalonnage public alors
C
’est avec un grand plaisir et une La commande était simple : donner la que Christian Vannier objective le rôle
certaine émotion que j’introduis parole à des Agros concernés par le cheval. de l’Etat dans cette filière et pose sans
ce numéro spécial de Symbiose L’ouverture à nos amis vétos, si impli- tabou les questions qui jalonnent l’avenir
dédié au cheval. qués dans le domaine, s’imposait, mais de l’IFCE(2). François Clos et Philippe de
J’étais à cent lieux d’imaginer la richesse à d’autres personnalités également, pour Quatrebarbes se tournent, avec enthou-
du résultat lorsque nous avons pensé le éviter trop de consanguinité. siasme et sans nostalgie, vers l’avenir,
plan de ce numéro spécial, avec Alain Le plan suivi est classique : de l'élevage construit sur un développement auquel
Moulinier, qui a assuré la « tutelle » sur à la commercialisation, le cheval et les ils ont participé.
le secteur en tant que DGFAR(1) et Jean- loisirs, le cheval et les territoires, l'ensei- Cet avenir, Inès Ferté en a été une pion-
Louis Besème, IGPEF Honoraire et ancien gnement et les sciences. Cela permet nière lorsqu’enfant, elle expérimentait le
président de section au CGAAER, qui a d’aborder les différentes races et les dif- tout premier poney club français fondé
endossé la conduite de ce projet jusqu’à férents usages du cheval, les nombreux par son père. William Kriegel innove
son terme. métiers qui lui sont reliés, ainsi que les et promeut l’éthologie, la science du
perspectives. Autrement dit de faire un
(2) Institut français du cheval et de l’équitation, crée en 2009
(1) Directeur Général de la forêt et des affaires rurales point. Mais pas seulement ! par la fusion des Haras Nationaux et de l’Ecole Nationale
dont dépendait la sous-direction du cheval du ministère de
l’Agriculture L’enjeu est, me semble-t-il, d’éclairer le d’Equitation.
4Sommaire du dossier
p. 06
La filière du cheval de sport
au xxie siècle : vers une logique
d’entreprises
Par Arnaud Evain
p. 08
Les Haras nationaux,
« je t’aime moi non plus » !
Par Geneviève de Sainte Marie
comportement appliquée à la relation les cas, le cheval a désormais une nouvelle p. 11
Faut-il une intervention publique
pour la filière cheval ?
homme-cheval avec toute la curiosité et formation supérieure ad hoc, un master
Par Christian Vanier
le professionnalisme qui le caractérisent. Sciences et Management de la filière
Bruno Nebout nous parle de sa start-up, équine dont nous parlent Véronique p. 13 L e cheval de trait : produit culturel
centre de soins et cabinet d’ingénierie, Julliand et Emmanuelle Morvillers, sans ou alimentaire ?
un rêve qui se réalise. Alors que Thierry omettre les formations dispensées depuis Par Jean Louis Duriez
Delègue, impliqué dans les courses depuis plusieurs années à AgroParisTech par p. 15 L e cheval, lien économique
toujours, se penche sur la nécessaire évo- Grégoire Leroy, Emmanuelle Bourgeat ou lien social en région ?
lution de ce spectacle, également support et Etienne Verrier. Par Gérard Larcher
de paris, dans un monde de plus en plus Et pour terminer, nous avons la satisfac- p. 17 volution du rôle du cheval
E
concurrentiel. tion de constater que la SHG(3) n’a pas pris dans la société française depuis
Vous découvrirez que la relation intime de une ride, grâce à sa présidente Constance un demi-siècle
Gérard Larcher avec le cheval passe par le Viandier ! Par Inès Ferté
territoire dont le cheval est indissociable. Puisse ce numéro très spécial de Symbiose
p. 20 L es courses hippiques :
Jean-Louis Duriez s’interroge sur ce qui vous faire vivre les derniers soubresauts de de la tradition à la modernité
fait du cheval un animal « à part » et sur la métamorphose du cheval de la guerre Par Thierry Delègue
sa place dans le monde de demain. C’est à la paix.
la question posée dans l’étude prospec- p. 23
Le développement de l’éthologie
Par William Kriegel
tive de l’Inra, conduite par Christine Jez : ❙❙Emmanuelle Bour-Poitrinal
cheval pour tous/pour des élites, cheval p. 25
Les acteurs du monde du cheval
(3) Société Hippique de Grignon, centre équestre l‘Ecole et
citoyen/cheval compagnon ? Dans tous présidé par les élèves face aux perspectives d’avenir ?
Par Christine Jez
p. 30
La société hippique de grignon
Par Constance Viandier
p. 32
Emmanuelle Bour-Poitrinal Le cheval à AgroParisTech :
un long compagnonnage,
une place renouvelée
INA76 et ENGREF 81.
Par Grégoire Leroy, Emmanuelle
25 ans dans les Haras Nationaux sur Bourgeat et Etienne Verrier
le terrain (S/D à Saint Lo, Directrice aux
p. 48
Une formation supérieure dédiée
Bréviaires et à Compiègne) et en Service
à la filière équine : le mastère
Central, puis DG de l’Etablissement Public spécialisé en sciences et management
de 2002 à 2007. de la filière équine d’AgroSup Dijon
Ingénieur Général des Ponts, des Eaux et Rencontre avec Véronique Julliand
des Forets, actuellement Déléguée Générale p. 50
Haras nationaux : deux IGREF
de la Fédération des Industries du bois. acteurs et témoins de la fin
Membre du CGAAER et du collège de l’ARGEL d’une longue histoire
(autorité de régulation des jeux en ligne) Rencontre avec François Clos
et Philippe de Quatrebarbes
Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014 5Regards sur…
La filière cheval en France
La filière du cheval de sport
au XXIe siècle : vers une
logique d’entreprises
Par Arnaud Evain
L’arrivée de l’insémination artificielle, le retrait de l’Etat des activités concurrentielles,
ont permis le développement d’entreprises équestres rassemblant plusieurs activités
telles que l’élevage, l’étalonnage, le débourrage, le commerce, l’enseignement…
La compétitivité de la filière française du cheval de sport passe par une reconnaissance
formelle de ces entreprises multiformes.
M
ême si la production de che- Pendant trois siècles, l’Etat avait accompagné, encadré et protégé des acteurs éco-
vaux de selle et de bât remonte nomiques qui élevaient des chevaux en marge d’une autre activité, la plus souvent
à la haute antiquité, on peut agricole. Les rares « professionnels » à ne vivre qu’autour du cheval étaient marchands,
considérer, pour la France, que le premier vétérinaires, maréchaux… et occasionnellement cavaliers « protégés » par des mécènes.
gros effort de structuration de la filière Les premiers centres équestres étaient souvent associatifs et leurs enseignants étaient
intervient avec la création des haras des militaires à la retraite. Les officiers des Haras Nationaux diffusaient leur savoir et
Nationaux au xviie siècle. encourageaient la pratique des sports équestres dans les campagnes par le biais des
L’objectif alors n’était pas d’assurer la Sociétés Hippiques Rurales.
prospérité des producteurs mais bien de L’Etat réglementait et encadrait des professions et n’a jamais vraiment envisagé le
sécuriser l’approvisionnement des armées développement de la filière par le biais de la création « d’entreprises équestres ».
en animaux adéquats. Ces entreprises se sont créées par le rassemblement de plusieurs activités parmi celles
Ce modèle d’encadrement, basé sur la qui permettaient de créer de la richesse, à savoir principalement :
fourniture quasi gratuite de génétique ››L’élevage, l’étalonnage, le débourrage et la mise en valeur de jeunes chevaux
mâle, a permis d’encourager l’élevage et ››Le commerce
d’accélérer le progrès génétique. Il a bien ››L’enseignement et les prestations de services
servi la production des chevaux de sport L’arrivée de l’insémination artificielle en 1981 et de la congélation de semence en 1984
moderne jusqu’à la fin des années 1960 a permis aux acteurs d’exercer leurs métiers à armes égales sur l’ensemble du territoire
mais s’est avéré de moins en moins effi- et à coïncidé avec une explosion de l’activité dans les domaines susmentionnés.
cace pour préparer et aborder le change- Très vite, il s’est avéré qu’aucun métier ne permettait à lui seul de « nourrir son homme »,
ment de siècle. mises à part les activités traditionnelles (négoce, médecine, maréchalerie, etc) et que les
Quasi réservée aux militaires dans l’entre- nouveaux entrepreneurs ne pouvaient subsister qu’en rassemblant plusieurs activités
deux-guerres, la pratique des sports pour générer suffisamment de richesse.
équestres s’est peu à peu répandue dans Les assemblages se réalisaient par une répartition d’activités dans le temps : élevage
la société civile chez des amateurs fortunés au printemps, valorisation et négoce à l’automne, éventuellement enseignement l’été,
et des éleveurs cavaliers. ou en cumulant les prestations autour d’un même étage de l’activité : étalonnage +
Il suffit pour s’en convaincre de suivre élevage + poulinage pour des tiers ou encore débourrage + travail à l’obstacle + négoce
l’évolution de la composition des équipes + enseignement.
olympiques depuis Pierre de Coubertin Chaque situation, de par la compétence des acteurs et leur situation géographique,
jusqu’à nos jours. correspondait à des assemblages différents.
Observant l’arrivée de ces « fermiers- En conservant des activités dans le domaine concurrentiel au-delà du minimum
gentlemen » aux côtés d’une « bourgeoisie nécessaire, l’Etat a mal servi le développement de ces entreprises car il les a privées
sportive », l’administration de l’époque d’une recette correspondante (étalonnage, débourrage, prise en pension, poulinage,
a mal anticipé les changements qui se etc) qui aurait facilité certaines créations et optimisé la prospérité d’autres. Le nombre
profilaient autour de la démocratisation d’emplois directs est néanmoins passé, en 30 ans, de quelques centaines à plusieurs
naissante de l’équitation. milliers et le nombre de « petits éleveurs » consommateurs de prestations de service
6a considérablement augmenté, créant un
volume d’activité important.
Les entreprises multiformes n’ont pas de
représentation professionnelle mais leurs
dirigeants existent dans le « paysage poli-
tique » du cheval au travers d’associations
par métiers (marchands, enseignants, éta-
lonniers, centres d’insémination, cavaliers,
etc) et d’associations régionales d’éle-
veurs. Au prix d’un certain nombre de
frictions et de nombreux atermoiements,
ils ont pesé pour que l’Etat se désengage
progressivement de ses activités dans le
secteur marchand.
C’est maintenant chose faite et la puis-
sance publique, par le biais de l’IFCE
(Institut Français du cheval et de l’équi-
tation), peut désormais se consacrer à la
création d’un environnement favorable à
l’exercice des « métiers du cheval » par les
« entreprises du secteur cheval ».
La création de ces conditions environ-
nementales favorables pourrait passer
par une prise en compte et une recon-
naissance formelle de l’existence de ces
entreprises multiformes.
Certaines sont à dominante « enseigne-
ment » avec parfois des ateliers d’élevage
ou de négoce et valorisation ; d’autres sont
à dominante « négoce et valorisation »
avec des activités marginales en élevage
ou enseignement et d’autres enfin pré- pour générer un assemblage de métiers
sentent une dominante « élevage » avec nécessaire à l’équilibre d’une entreprise.
« L'IFCE créé un
parfois des activités de mise en valeur et L’explosion des technologies du numé- environnement favorable
d’enseignement. rique, la croissance de la demande mon- à l'exercice des "métiers
Terroir, savoir-faire de l’entrepreneur, diale de chevaux et de services sont du cheval" par les
situation géographique, clientèle existante autant de sources de croissance pour ces "entreprises du cheval" »
et potentielle : ces facteurs se combinent entreprises.
Arnaud Evain
Ingénieur Agronome INAPG 1972, ayant Les faire reconnaitre comme entreprises
démarré sa carrière comme courtier en tant que telles, dans leur nécessaire
indépendant en chevaux de sport, avec complexité, favoriser leur représentation
une activité principalement internationale, et les échanges mutuelles d’expériences,
Arnaud Evain crée plusieurs sociétés observer les facteurs limitants et ceux
(Equitechnic, Fences, Equimedia, Groupe favorisant leur développement potentiel,
France Elevage…) explorer les nouveaux domaines d’activi-
Impliqué familialement dans un élevage de tés, proposer des échanges d’informations
purs-sang et d’AQPS d’obstacle, il a été un sur les « assemblages de métiers » qui
acteur socioprofessionnel important depuis aboutissent à des entreprises à succès : tels
40 ans dans le paysage du cheval de sport et sont les moyens par lesquels l’IFCE peut
un observateur privilégié de son évolution. jouer un rôle important pour favoriser
Il est aujourd’hui président de l’ASEP (syndicat des étalonniers privés) la compétitivité de la filière française du
et membre de nombreux syndicats et groupes de travail comme le cheval de sport.
Conseil Scientifique des Haras ou le pôle de compétitivité HIPOLIA.
❙❙Arnaud Evain
Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014 7Regards sur… La filière cheval en France Les Haras nationaux, « je t’aime moi non plus » ! Par Geneviève de Sainte Marie Au service de l’Etat depuis trois siècles, les Haras Nationaux ont soutenu le boom de l’équitation à poney, du tourisme et ont contribué à la professionnalisation des acteurs. Ils n’ont toutefois pas réussi leur entrée dans le XXIe siècle. La fusion avec le Cadre Noir (création de l’IFCE), la création du GIP France-Haras qui privatise 80 centres de reproduction, la vente aux enchères des étalons, l’avenir des sites en questionnement, marquent le désengagement de l’Etat et la reprise de la filière par le secteur privé. Une longue histoire s’urbanise, la société des loisirs explose, des déséquilibres profonds s’installent entre les qui s’accélère quartiers des cités et entre les générations. De nouveaux éleveurs pluriactifs émergent. Les Haras, au service de l’Etat pour la Jusque vers les années 1990, le service des Haras continue d’être le fer de lance d’une remonte des armées pendant trois siècles, filière en croissance, de plus en plus diversifiée. L’imagination d’un directeur général ont acquis au milieu du xxe siècle la noto- visionnaire, Henry Blanc, est au pouvoir avec la création en 1974 d’une base de données, riété d’une institution solide, imaginative précurseur d’un système d’information unique au monde, l’impulsion permanente don- et enviée. née à la recherche, avec la mise au point d’outils de sélection génétique et de techniques A partir de 1950, l’Etat n’a plus besoin de de reproduction alors révolutionnaires. Henry Blanc soutient le boom de l’équitation chevaux pour l’armée, les exploitations à poney, de tourisme, et favorise la professionnalisation des acteurs, confiant sur la agricoles se mécanisent, la population capacité de l’entreprise à créer et développer tout en démocratisant. 8
Chevaux Bretons montés aux Haras Nationaux
Plusieurs haras acquièrent une notoriété programmé : la loi de finances supprime Les activités marchandes, d’étalonnage
internationale, tel le haras du Pin en le Compte Spécial du Trésor qui finançait principalement, sortent du champ de
Normandie avec l’organisation de deux l’Etablissement, les leaders professionnels, l’opérateur public. Pour accompagner cette
championnats d’Europe, de concours qui espèrent récupérer la manne - ils en « révolution » technique, économique et
complet en 1969 puis d’attelage en 1979, obtiendront une petite partie – ne bougent culturelle, le GIP France-Haras est créé
ou celui du Lion d’Angers avec son pas. le 26 janvier 2011 pour 5 ans. Placé sous
« Mondial du Lion » annuel depuis 1985. Pourtant, la pratique équestre explose, gouvernance publique – privée, il est doté
Entrée dans la « Grande Maison » fin des enfants de plus en plus jeunes aux en capital par l’IFCE qui lui apporte éta-
1975, j’ai bénéficié de cette période seniors. L’éthologie du cheval ouvre de lons et fonds de roulement initial. Patrick
enthousiasmante, créatrice, structurante, nouveaux champs. De nouveaux modèles Dehaumont, vétérinaire de formation,
dans des régions très différentes, auprès de financement des circuits mondiaux conçoit le projet et en assume la direction
de charismatiques leaders agricoles et de compétition apparaissent, comme les jusqu’en mars 2012, date à laquelle il est
professionnels du cheval. courses, le haut niveau du sport côtoie le nommé à la DGAL. Jusqu’alors adjointe,
show business. je prends le relais pour poursuivre la
L’échec de l’appropriation Le monde change, inexorablement, l’insti- réforme.
professionnelle tution bouge trop lentement… sans pour
Coucounés par un financement original autant entraver la croissance de la filière.
« Fin 2001, c’est le coup de
issu des enjeux sur les courses, l’institution grâce programmé : la loi
n’a pas réussi à entrer dans le xxie siècle, En 2010, la rupture de finances supprime le
faute d’appropriation par les profes- La décision est prise en juillet 2008 dans Compte Spécial du Trésor qui
sionnels. Alourdis par le poids de l’ins- le cadre de la Révision Générale des finançait l’Etablissement »
titution, un dialogue social manichéen, Politiques Publiques. L’Etablissement
l’insuffisance de vision ou de courage des Public Haras nationaux fusionne le
décideurs, les Haras nationaux, devenus 1 er février 2010 avec l’Ecole Nationale Au pas de charge, France-Haras privatise
Etablissement Public administratif en d’Equitation – Cadre Noir et devient 80 centres de reproduction entre 2012
1999, ne trouvent pas le point d’équilibre l’IFCE(1), l’Institut Technique de l’Etat au et 2014.
avec les étalonniers privés sur le modèle service de toute la filière, amont et aval. Préparée par de nombreux embryons de
des lands allemands. réforme depuis 10 ans, la phase de déni
Fin 2001, c’est le coup de grâce (1) Institut Français du Cheval et de l’Equitation est brève.
Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014 9Regards sur…
La filière cheval en France
Les éleveurs l’ont déjà compris et, malgré pendant des siècles, leurs bâtiments sont
quelques résistances, les entreprises créées aujourd’hui surdimensionnés pour l’exer-
par cet élan de privatisation s’y préparent, cice des missions publiques de l’IFCE, et
plusieurs ayant déjà investi dans la géné- de plus en plus sous-dimensionnés en
tique depuis 2 ans. ressources humaines dont l’évolution suit,
Les progrès technique et économique avec un différé d’adaptation, le retrait des
imposeront la mise en réseau des entre- activités de reproduction.
prises, dernière étape de la transmission Quelques-uns organisent des événements
en cours avec la profession et l’Institut qui entretiennent la notoriété interna-
technique IFCE. tionale de l’IFCE, des territoires qui les
hébergent et de l’ensemble de la filière
Laboratoires aux Haras Nationaux Un bilan patrimonial hippique, une filière qui résiste à la crise
et culturel à valoriser et prospecte à l’international.
Rapidement, chacun se rend à l’évidence, Le patrimoine génétique n’est pas en dan- La plupart des haras demeurent des lieux
étalonniers satisfaits, éleveurs consentants ger. La part de marché de France-Haras de rencontres des acteurs de la filière
ou résignés, presse spectatrice, personnel (6 %) aujourd’hui ne pèse plus dans la locale mais leur modèle économique reste
conscient que l’Etablissement, longtemps sélection des races françaises. Quelques à inventer, entre tout public et tout privé.
préservé, ne peut rester le « village gau- soient les acheteurs des étalons, français En 50 ans, le cheval a gagné sa vraie
lois » qui résiste dans un Etat en crise qui ou étrangers, le paysage génétique français noblesse grâce à l’accessibilité de ses pra-
restreint ses moyens même dans ses sec- n’en sera pas terni. tiques et il continue de faire rêver. Il est un
teurs prioritaires. passeur entre les hommes, les civilisations,
Les plus audacieux parmi les salariés, les générations, un éducateur, dans un
passionnés par leur métier d’étalonniers, « La plupart des haras monde plus virtuel et instantané. A ce
tentent leur chance en reprenant à leur demeurent des lieux de titre, il jouit de vrais ressorts d’innovation
compte des centres de reproduction, les rencontres des acteurs de et de croissance.
autres se forment à d’autres métiers et la filière locale mais leur Les haras d’Etat, après avoir longtemps
essaiment à l’intérieur ou à l’extérieur modèle économique reste devancé les évolutions sociétales du
de l’IFCE. à inventer » monde hippique, ont raté le tournant de
France-Haras évolue vers une entreprise l’appropriation professionnelle, mais ils
de service et de génétique en équilibre L’accompagnement réalisé par le dispo- ont su transmettre, ouvrir leurs portes,
économique et pilote en parallèle un sitif mis en place pendant près de 4 ans créer encore avec leurs territoires.
projet de reprise professionnelle de ses doit permettre aux entreprises créées de Ils sont un modèle original, fondateur
activités centrales. prendre le relais, les étalonniers s’appuie- dans l’hippisme français et au-delà, dans
En juin 2010, lorsque les professionnels ront sur les meilleures, dans des zones l’histoire des populations et des territoires,
comprennent que l’Etat n’a pas vocation d’élevage à potentiel. un socle à mémoriser, « l’historial des
à leur donner son capital d’étalons, ils ne Reste le choc culturel, sensible dans cette Haras Nationaux » ?, pour mieux inventer
s’engagent pas dans le projet et refusent filière de passion. demain, avec de nouveaux défis équestres,
un appel à concurrence ouvert. Patrimoine de la biodiversité nationale tels l’accueil des Jeux Equestres Mondiaux
En découle l’accélération du processus et régionale, le parc d’étalons de trait en Normandie et au haras national du
de retrait de l’Etat pour reprendre son pourrait être racheté et géré par chaque Pin cet été.
capital, et la mise en vente, aux enchères association nationale de race. Avec les acquis d’hier, travaillons
publiques, des étalons restant à l’actif de L’avenir des sites dits « Haras Nationaux » aujourd’hui pour façonner demain.
France-Haras après la saison de repro- fait l’objet de toutes les réflexions.
duction 2014. Largement dédiés à la reproduction ❙❙Geneviève de Sainte Marie
Geneviève de Sainte Marie
INA 71 et ENGREF 75, Geneviève de Sainte Marie est Ingénieur général
des Ponts, des Eaux et des Forets.
Avant de prendre la Direction de France Haras, elle a fait l’essentiel
de sa carrière dans le service des Haras (Haras de Gélos, du Pin, de
Blois, d’Hennebont, du Lion d’Angers, avec un passage à la DRAF de
Inauguration de la reprise de la station des haras
Champagne-Ardenne).
de Cercy La Tour par une coopérative agricole
d'éleveurs – Janvier 2013
10Faut-il une intervention
publique pour la filière
cheval ?
Par Christian Vanier
L’IFCE, produit de la fusion des Haras Nationaux et du Cadre Noir, se voit confier par
l’Etat un rôle d’institut technique, chargé de coordonner la recherche équine, de produire
de la connaissance et de la diffuser notamment par la formation. L’IFCE appuie
le développement du sport de haut niveau, la génétique et l’équitation de tradition
française. De prescripteur, l’Etat est ainsi devenu apporteur de services à la filière.
L
e cheval cristallise beaucoup Ces trois secteurs ont fait l'objet de politiques particulières dans le passé, marquées par
d'émotions, ce qui en fait un ani- la présence, au niveau de l'élevage, d'un opérateur d'Etat puissant : les Haras Nationaux.
mal très différent des autres ani- Sans refaire l'histoire de cette institution, rappelons que la fin de l'usage du cheval a
maux de rente. L'organisation de ce que poussé l'institution à promouvoir de nouveaux usages du cheval (et du poney) : par le
j'appellerai « la filière » par commodité sport dans un premier temps, puis par la boucherie dans un deuxième temps.
de langage s'en trouve affectée, tant la L'action publique s'est donc focalisée sur le développement des usages en apportant
« passion » l'emporte sur le raisonnement une génétique de qualité sur tout le territoire à un prix abordable. L'action était même
économique. Pour autant, il faut examiner prescriptive en ce qui concerne l'amélioration des races. Si l'on ajoute à ceci que l'Etat
les politiques publiques avec les mêmes a promu l'usage sportif du cheval par la création d'une Ecole Nationale d'Equitation
yeux que pour d'autres secteurs. (seuls trois sports ont vu la création d'une école nationale), il est clair que l'Etat a été un
Avant de se projeter dans ce que pour- acteur moteur pour les sports équestres, à un point très largement supérieur à ce que
raient être les politiques publiques dans ce l'on a pu voir dans les autres filières agricoles ou disciplines sportives.
secteur, je rappellerai quelques éléments Cet engagement de l'Etat a trouvé une illustration particulière dans la loi de dévelop-
clés des politiques antérieures. Pour débu- pement des territoires ruraux (loi DTR de février 2005), où les centres équestres ont
ter, il faut circonscrire ce que l'on peut été reconnus comme exploitations agricoles, permettant ainsi de bénéficier d'une TVA
appeler la filière « cheval », qui comprend agricole, mais surtout d'accéder au foncier dans des conditions plus favorables.
l'élevage de l'animal et ses principaux
usages. De fait, on peut estimer qu'il y a « l'Etat a été un acteur moteur pour les sports équestres,
trois filières, ayant certes des interactions, à un point très supérieur à ce que l'on a pu voir dans
mais correspondant à des usages, voire les autres filières agricoles ou disciplines sportives »
des mondes, très différents.
On peut ainsi distinguer : Par ailleurs, le développement des races de trait a bénéficié d'un appui régulier de l'Etat
››Le monde des courses, avec une orga- par des réductions de prix sur les prestations de service et subventions aux produits,
nisation performante, tourné vers un jeu jusqu'à très récemment, qui ont permis certes d'encourager les éleveurs, mais ont conduit
qui ne relève pas totalement du hasard. Le à un niveau de production supérieur au niveau d'équilibre du marché.
Trot et le Galop sont les deux principales La filière « cheval » a bénéficié jusqu'à ces dernières années de politiques publiques très
composantes, avec des races spécifiques. appuyées qui ont cessé dans les autres filières agricoles dès la fin des années 80. Il n’y
››Le monde du sport et du loisir, ras- a guère que les politiques en faveur des biocarburants qui ont vu un tel engagement
semblant de nombreux pratiquants, qui de l'Etat dans la dernière décennie.
a fortement cru ces dernières décennies, Le retournement est cependant engagé. On peut estimer que la réforme des Haras
structuré autour des centres équestres. Nationaux, avec l'abandon de l'étalonnage public, a donné un signal de repositionnement
››Le monde du cheval de travail, dont le de l'Etat qui n'est pas achevé, et qui va peut-être plus vite que l'évolution possible des
principal débouché est la viande, et qui structures socioprofessionnelles.
cherche un nouveau souffle à travers le La question de la place des politiques publiques est donc centrale pour la filière dans les
cheval « utilitaire ». années à venir. Je n'aurai pas la prétention de donner la position de l'Etat dans le futur,
Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014 11Regards sur…
La filière cheval en France
mais simplement de donner les bases de diffuser la connaissance par la formation Si la vision de l'Etat est claire, il reste à
ma propre analyse, fruit de ma carrière au et le transfert sont des missions clés que traiter la question la plus délicate : l'action
sein du ministère chargé de l'agriculture, porte l'Etat au service de la filière. en territoire. La réforme de l'Etat rend
où j'ai travaillé tant pour les territoires que L'appui de l'IFCE à la politique de déve- impossible pour l'IFCE d'entretenir son
dans l'économie agricole. loppement du sport de haut niveau est à réseau de haras nationaux. Comme les
Sous l'angle économique, l'objectif intégrer, pour répondre à un objectif de fermer un à un n'est pas une perspective
d'une politique publique est de favori- rayonnement du pays, dans une logique acceptable, il faut construire avec les col-
ser la valeur ajoutée et de développer les de transfert de savoir entre différents lectivités territoriales un projet local de
exportations, ou le rayonnement du pays. sports. valorisation du cheval et de l'équitation au
Sous l'angle social, elle doit permettre De même, l'appui à la génétique est une sein de ces structures. Le localisme inhé-
l'accès à un développement personnel, et façon de donner aux éleveurs des élé- rent à cette construction sera parfois en
dans le cas du sport favoriser le bien-être ments nécessaires à leurs choix. divergence avec les objectifs nationaux, qui
par la pratique sportive. A l'aune de cette En outre, l'IFCE porte l'équitation de tra- nécessitent eux aussi une présence terri-
vision, on peut donner des orientations dition française, labellisée par l'Unesco, toriale ; on le perçoit déjà là où la réflexion
pour chacune des trois filières. facteur de rayonnement de notre culture. est avancée. Mais il faut s'engager dans
››Pour les courses, le système français est Cette politique publique s'intègre bien à cette voie pour maintenir ce patrimoine
efficace, mais il repose sur un monopole la logique de l'Institut car elle est une des national que sont les haras nationaux.
du réseau physique. Il est attractif pour composantes du système de formation et En conclusion de ce bref survol des pro-
les étrangers, et le chiffre d'affaires des d'accompagnement des sportifs. blématiques de la filière équine, il faut
paris étrangers sur les courses françaises retenir qu'elle doit faire face à un repo-
est un facteur de croissance externe à ne sitionnement de l'Etat très rapide qui, de
pas négliger, vu le niveau de maturité prescripteur et d'acteur majeur de la filière,
« L' enjeu donné à l'IFCE par
atteint par les paris hippiques en France. prend la posture, classique au demeu-
le ministre de l'agriculture :
La préservation de ce modèle, et donc son rant, d'un acteur de référence au service
créer un lieu de débat et
adaptation aux évolutions est un enjeu des projets de la filière. Ce changement
d'orientation de la filière »
majeur pour la filière. demande un réalignement des structures
››Dans la filière trait, il faudra résoudre la socioprofessionnelles et la consolidation
question de la consommation de viande, des corps intermédiaires que sont les mai-
et limiter les risques d'interdiction de L'appui de l'Etat à la filière à travers son sons mères.
l'hippophagie. Le rôle de l'Etat et des col- opérateur ne se fait plus par des prescrip- La création d'une interprofession peut
lectivités territoriales sera la promotion tions mais par des services à la filière. Pour participer de cette structuration, si l'on
d'un usage du travail en ville. La région que cette posture fonctionne, il importe s'entend bien sur son objet et son finance-
Bretagne a en ce sens repris une initiative de construire la demande socioprofes- ment. Dans ce contexte, l'IFCE apportera
de l'IFCE en lançant un appel à projet sionnelle. C'est là une des faiblesses de ses compétences pour aider la filière à se
auprès des collectivités bretonnes, qui la filière peu habituée à structurer une construire, afin que les objectifs de déve-
rencontre un fort succès. pensée commune, mais y répondant favo- loppement économique sur le territoire
››Pour le sport et les loisirs, le dévelop- rablement comme l'a montré le travail de et à l'export soient portés par les acteurs
pement des usages passe par l'entrée ou prospective fait en 2012. C'est un enjeu eux-mêmes.
le retour de cavaliers plus âgés dans une donné à l'établissement par le ministre
approche ludique et « nature » du cheval. en charge de l'agriculture : créer un lieu ❙❙Christian Vanier
La fédération française d'équitation (FFE) de débat et d'orientation de la filière. Rôle
est l'acteur principal de ce développement. que jouent les autres opérateurs de l'Etat
L'IFCE, lui, porte un autre segment de tels que l'INAO, FranceAgriMer, l'ODEA-
développement : l'attelage. DOM, etc.
Dans ce cadre rapidement brossé d'orien-
tations des politiques publiques, la place
de l'IFCE est particulière. En effet pour
les raisons exposées ci-avant, le rôle Christian Vanier
prépondérant de l'Etat dans cette filière
conduit à donner à son opérateur un rôle X 80, ENGREF 85, Christian Vanier est Directeur
qu'assument habituellement les struc- Général de l'IFCE (Institut Français du Cheval et
tures socioprofessionnelles. Il joue son de l’Equitation) depuis 2012.
rôle d'institut technique, qui devient Il a démarré sa carrière en DRAF (Champagne
central, en s'inspirant tant du modèle Ardenne, Bourgogne) et DDAF (Saône et Loire,
des instituts techniques agricoles que de Ain, Aisne) avant de rejoindre FranceAgriMer
celui de l'INSEP. Produire de la connais- comme Directeur Général adjoint.
sance, coordonner la recherche équine au
sein d'un conseil scientifique unique, et
12Le cheval de trait : produit
culturel ou alimentaire ?
Par Jean Louis Duriez
La diminution des effectifs des chevaux de trait est une tendance lourde malgré
le dynamisme, la passion des éleveurs et un regain d’intérêt de la part de communes.
Leur maintien est indispensable à la biodiversité. La viande de cheval est majoritairement
le sous-produit de l’élevage et du service. Maigre, riche en protéines et en fer,
sa consommation n’a toutefois pas souffert des scandales récents.
Un animal domestique sympathique, mais paradoxalement nuisible à la survie de l’espèce, car le cheval, et
Même s’il existe encore à l’état sauvage, surtout le cheval de trait dont la force motrice est supplantée par l’énergie mécanique,
le cheval est défini comme un animal disparaîtra dès lors qu’on ne le mangera plus.
domestique. Ce statut mérite pourtant
quelques précisions tant la relation entre Un animal de service
cet animal et l’Homme a évolué. Tandis Dans l’espèce équine, l’animal est d’abord caractérisé par son aptitude à un service :
que les relations avec les autres espèces animal de bât ou de trait, de sport, de course, de travail ou de loisir, et maintenant
domestiques évoluent peu, on assiste médiateur de thérapie, d’insertion ou de sociabilisation. La question de classer le cheval
dans le cas du cheval à l’émergence comme animal de compagnie s’est posée sérieusement malgré la menace que ce statut
d’une relation de nature affective, certes ferait peser sur la pérennité de l’espèce.
Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 9 – Mai 2014 13Regards sur…
La filière cheval en France
Un animal de rente ? Le cheval territorial une viande maigre. De plus, elle contient
S’agit-il d’un animal de rente ? La Concernant l’utilisation du cheval de une grande proportion d'acides gras insa-
réponse à cette question est à nuancer. trait (mais aussi de races plus légères), turés. Elle a cette particularité d'apporter
Contrairement aux bovins, dont les races on assiste cependant à un regain d’intérêt, des glucides grâce à sa richesse en glyco-
« à viande » sont élevées strictement en de la part de nombreuses communes et gène, ce qui lui confère un goût légèrement
vue de la consommation humaine, il n’y prestataires de services, pour la collecte sucré caractéristique. Ses caractéristiques
a pas de chevaux « à viande ». La viande de déchets, l’entretien des parcs et bois, organoleptiques peuvent être mal appré-
de cheval est majoritairement un « sous- le ramassage scolaire et les navettes, pour ciées par certaines personnes, alors que les
produit » de l’élevage et du service, malgré lesquelles le cheval présente des avantages enfants consomment volontiers du cheval.
des efforts pour produire des poulains de économiques, écologiques et sociaux par La viande de cheval est aussi particulière-
boucherie (laitons) à partir de races de rapport aux véhicules à moteur, notam- ment bien pourvue en vitamines hydro-
chevaux de trait. ment dans les centres-villes historiques solubles du groupe B. Enfin, la viande
et touristiques. chevaline est caractérisée par une haute
Un animal « à part »
Contrairement aux autres espèces pro-
ductrices de viande pour lesquelles l’ap- « le scandale des lasagnes à la viande de cheval n’a pas
titude à la consommation humaine est entrainé une baisse de la consommation de la viande
subordonnée (entre autres) au respect de cheval, mais au contraire une augmentation »
d’un délai entre l’administration de médi-
caments et l’abattage, il faut, dans le cas
du cheval, faire le choix entre une destina- La viande de cheval teneur en fer (environ 4 mg/100 g). Ce
tion finale bouchère et l’exclusion a priori Concernant la viande de cheval, il faut fer, d'origine héminique, offre l'avantage
de cette destination, cequi ne manque retenir le paradoxe que 80 % de la d'être bien assimilé par l'organisme. Sa
pas d’alimenter des erreurs de langage. consommation est le fait d’importation, teneur en fer lui valait d'être prescrite par
Des chevaux déclarés « impropres à la alors que 80 % de notre production est les médecins du siècle dernier pour lutter
consommation » sont en réalité « exclus exportée, principalement vers l’Italie. contre l'anémie. Il serait utile que la valeur
de la consommation » indépendamment Cependant, même en Italie, la baisse de nutritionnelle de la viande de cheval soit
de l’état de salubrité et d’innocuité de l’hippophagie est une tendance mani- mieux valorisée par les conseillers en nutri-
leur chair, selon le choix qui a été fait au feste. La propension à considérer le che- tion aussi bien que par le corps médical.
préalable et sans que la possibilité de val comme un animal de compagnie n’y
consommer leur viande n’ait à se poser. est pas étrangère, même s’il n’y a pas L’avenir du cheval de trait
chez nous de tabou comme c’est le cas La diminution des aides publiques (prime
Le cheval de trait dans certains pays (Grande-Bretagne). au maintien de races menacées, prime
La France compte 9 races de chevaux de Enfin, il faut savoir que la viande des herbagère agro-environnementale, primes
trait officiellement reconnues (stud-book, chevaux de sport et de loisir est la prin- aux concours de race, etc), amène à s’in-
associations de races, etc), mais la diminu- cipale concurrente de la production de terroger clairement : pendant combien
tion de l’effectif de ces chevaux de travail viande de chevaux de race de trait. Nous de temps encore la passion des éleveurs
constitue une tendance lourde malgré le consommons en moyenne 270 grammes suffira à maintenir une production qui ne
dynamisme et la passion des éleveurs. de viande de cheval par an (0,4 % du total rapporte plus ?
Les causes en sont multiples : la baisse de de la viande consommée), sachant que Quoi qu’il en soit, la nécessité de main-
leur utilisation (supplantée par l’énergie 45 % des consommateurs n’en mangent tenir le cheval de trait comme une res-
mécanique), la diminution de la consom- jamais. Paradoxalement, le scandale des source énergétique alternative justifiera
mation de la viande équine, la baisse lasagnes à la viande de cheval n’a pas une réflexion approfondie sur la meilleure
importante des différentes aides agricoles entrainé une baisse de la consommation manière d’empêcher la diminution exces-
et les incertitudes sur l’évolution des dif- de la viande de cheval, mais au contraire sive de la population équine. Ce maintien
férentes filières équines. une augmentation dont il serait intéres- est absolument indispensable à la biodi-
sant d’analyser les mécanismes (curiosité, versité, et probablement nécessaire dans
solidarité hippophagique… ?) un avenir plus ou moins lointain, si les
énergies renouvelables (dont le cheval fait
Valeur nutritive de la partie !) ne compensent pas la disparition
viande de cheval à terme des énergies fossiles.
Jean Louis Duriez La viande de cheval est une viande rouge,
riche en protéines. Selon le Centre d'in-
L’alternative serait à envisager entre un
cheptel actif, mais soutenu, ou un conser-
Jean Louis Duriez est docteur vétérinaire, formation sur les viandes, elle permet vatoire d’espèces en voie d’extinction, cette
Inspecteur Général de la Santé Publique d'apporter en quantité notable des acides dernière hypothèse ne semblant sans
Vétérinaire au sein du Ministère en aminés indispensables comme la leucine, doute pas la meilleure.
charge de l’Agriculture (CGAAER). la lysine et l'histidine. Elle a une faible
teneur en lipides (2 à 4 %), faisant d’elle ❙❙Jean Louis Duriez
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