Amitié - CRISE DES - Adixio
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Amitié N°180 - Hiver 2019 Amitié Amitié La Poste Orange La Poste Orange Association d’Aide et de Prévention des addictions CRISE DES OPIOÏDES
! Éditorial Le Baclofène, une bonne nouvelle ? L’univers des addictions est constamment traversé par des crises, des phénomènes émergents, de nouveaux produits mais aussi des avancées thérapeutiques parfois spectaculaires. Alors que l’on assiste outre atlantique à une véritable épidémie d’overdoses due aux opioïdes, une bonne nouvelle est arrivée à l’automne sur le front de la prise en charge de l’alcoolo- dépendance. En effet, le 23 octobre, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) a autorisé la mise sur le marché du fameux Baclofène « en raison de l’intérêt pour la prise en charge des patients en échec thérapeutique et donc d’un bénéfice pour la santé publique ». C’est donc une certitude et même si sa prescription reste très encadrée, le Baclofène est désormais une option thérapeutique. Pour autant, les praticiens restent partagés quant au bon dosage et à son inscription dans un protocole de soin bien plus global. Nous qui avons connu la dépendance à l’alcool, avons également connu des pistes thérapeutiques sans lendemain et des méthodes de sevrage invraisemblables aujourd’hui. Alors, si un médicament efficace est désormais disponible, tant mieux ! Mais cette efficacité ne saurait masquer l’importance du consentement libre et éclairé du patient à son protocole de soin. C’est à la personne touchée de décider de la meilleure façon de se soigner, et quel que soit le traitement disponible, celui-ci ne doit jamais occulter les autres aspects de la prise en charge que sont l’accompagnement psychologique ou le soutien par les pairs. Nous finissons donc l’année sur ce qui reste une bonne nouvelle et au nom du Conseil d’Administration et de toute l’équipe d’Amitié La Poste Orange, je vous adresse nos meilleurs vœux pour 2019. Toujours ensemble et dans l’action pour une meilleure prise en charge des problématiques d’addiction dans l’entreprise ! Le Président, Christian TRÉMOYET SOMMAIRE Amitié en action 2-3 Fausses croyances : un petit grog, plus de microbes ? Retour sur l’Assemblée Générale 2018 FORUM Addiction & Société : une rencontre inédite Nouvelles arrivées dans vos régions Interview 14-15 Actualité 4 Jean-Michel Delile, Président de la Le Plan national de mobilisation contre les addictions Fédération Addiction 2018-2022 Vie des régions 16-17 Question de fond 5 - 8 Retour sur le Mois sans tabac La crise des opioïdes Zoom sur... 18 Sources et ressources 9 - 13 Baclofène : autorisation sous conditions Malade de trop jouer aux jeux vidéos ? Cannabis : amende forfaitaire délictuelle, La politique anti-tabac porte enfin ses fruits. échec annoncé ? AMITIÉ Maquette : Audrey Lemaire Impression : Imprimerie Pierre Trollé Amitié La Poste Orange - 82 bis, rue Blomet 75015 Paris Ont collaboré à ce numéro : Christian Andréo, Audrey Lemaire, Chemin de la Houssoye - 62870 Buire-le-Sec Tél. 01 53 79 61 61 - Fax 01 45 63 98 41 Coralie Meunier, Alain Prenel, Sylvie Vernet, Nadège Viriot, N°ISSN Amitié : 2105-6366 www.amitie.asso.fr - contact@amitie.asso.fr Journaliste/rédactrice : Agnès Morel Parution : Janvier 2019 Directeur de la publication : Christian Trémoyet Crédit photos : ©Amitié LPO, ©AdobeStock, ©Agnès Morel Dépôt légal : à parution Rédacteur en chef : Christian Andréo Illustration couverture : ©Yul Studio Tirage à 20 000 exemplaires 2 amitié La Poste Orange N°180
Amitié en action ! Retour sur l’Assemblée générale 2018 C’est au Studio Raspail à Paris, que les membres de l’Assemblée générale se sont réunis, le 4 octobre dernier. Retour sur une AG pas si ordinaire... Le Président Christian TRÉMOYET a ouvert cette assemblée par une allocution suivie de la lecture et du vote des rapports annuels pré- sentés par les membres du bureau. Puis, comme l’année dernière de nombreux projets régionaux ont été mis en lumière, pour souli- gner l’activité d’Amitié La Poste Orange sur tout le territoire métro- politain. Les résultat des élections proclamés, il était déjà temps d’accueillir les invités extérieurs, dont Didier LAJOINIE, Directeur National des Activités Sociales de La Poste et Jean Samuel KOECHLIN, Responsable Activités Sociales et Culturelles déléguées et Action Logement chez Orange. Après une intervention du Président Christian TRÉMOYET qui a présenté les projets et les chiffres clés, Messieurs KOECHLIN et LAJOINIE ont tenu à saluer le travail d’Amitié au sein de leurs structures respectives. Ils ont encouragé l’association à continuer son travail de fond auprès de tout le personnel, directeurs, managers, salariés. Une table ronde sur « Les visages de l’addiction en 2018 » L’après-midi, les participants ont assisté à une table ronde, animée par Christian ANDRÉO, Directeur d’Amitié La Poste Orange, avec : - Jean-Pierre COUTERON, Psychologue clinicien – (ex-Président de la Fédération Addiction) - Thomas GOUYET, Médecin du travail - Orange - Mokka LORBERG, Psychopraticienne - Christian TRÉMOYET, Président d’Amitié La Poste Orange Un beau projet en guise de conclusion Afin de terminer cette journée riche en informations, Brice TRAN-TRONG, Coordinateur régional en Île-de-France, a présenté un projet de grande envergure, réalisé chez Orange. Cette approche globale et coopérative visait à « élaborer une démarche de prévention en lien avec les différents acteurs de l’entreprise ». Enfin, lors du discours de clôture du Président rendez-vous a été donné pour la prochaine Assemblée Rapport annuel sur : générale, qui se déroulera finalement à Nancy, les 16 et 17 mai 2019. https://www.amitie.asso.fr Nouvelles arrivées dans vos régions Amitié La Poste Orange poursuit son déploiement en région, afin de répondre toujours davantage aux différentes sollicitations de ses partenaires. Fin 2018, Amitié La Poste Orange a accueilli Aurélie VERNY et Éric CLAIRET, respectivement Coordinatrice régionale Normandie /Pays de la Loire et Pour les contacter Coordinateur régional Centre-Val de Loire / Poitou-Charentes. Tout début AURÉLIE VERNY : 06 75 06 53 21 2019, c’est Élina RIPERT qui est arrivée pour s’occuper de Rhône-Alpes / Auvergne-Limousin. Un quatrième poste est en cours recrutement pour a.verny@amitie.asso.fr couvrir les anciennes régions Aquitaine - Midi Pyrénées. Ils viennent renforcer ÉRIC CLAIRET : 06 33 60 67 10 le travail des bénévoles qui œuvrent sur le terrain. e.clairet@amitie.asso.fr Ce développement s’inscrit dans la volonté d’Amitié La Poste Orange de couvrir la quasi-totalité de la France métropolitaine et de répondre toujours ÉLINA RIPERT : 06 82 15 48 07 davantage aux besoins de ses partenaires historiques. e.ripert@amitie.asso.fr Bienvenue à elles et eux ! amitié La Poste Orange 3
! Actualité Plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 Il était attendu depuis une dizaine de mois, sa sortie inexplicablement repoussée mais le voilà enfin, le "Plan National de Mobilisation contre les Addictions" a été validé par le Cabinet du Premier Ministre le 19 décembre 2018. La Mission interministérielle de lutte Dans ce cadre, le plan se donne comme contre les drogues et les conduites addic- objectifs de : tives (MILDECA) annonce : « Les 6 axes, 19 - améliorer les connaissances et les priorités et plus de 200 mesures proposées compétences des acteurs du monde du travail font suite à une large concertation menée dans le domaine des addictions depuis fin octobre 2017 qui a associé les - sensibiliser les acteurs de la formation pro- ministères, leurs opérateurs (agences sani- fessionnelle des jeunes taires et agences régionales de santé), la - mettre en place des mesures ciblées pour des CNAM1, la CNAF2, les associations repré- secteurs ou des catégories professionnelles sentant les communes (Association des particulièrement ex-posés à des conduites maires de France, France Urbaine, Union addictives nationale des centres communaux d’action - réduire les accidents du travail en lien avec la sociale) et les départements (Association consommation de substances psychoactives des départements de France), les profes- - encourager les expériences permettant de sionnels, associations et intervenants, spé- lutter contre la désinsertion professionnelle en cialistes de l’addictologie ou de la réduction lien avec les conduites addictives des risques, mais aussi des représentants du secteur écono- mique de la production d’alcool, de la restauration et de la dis- L’alcool, ce grand oublié... tribution. Plus de 70 contributions ont été recueillies. » Le gouvernement prévoit donc vaste programme dont on pourra mesurer le volontarisme à l’aune des moyens déployés! 6 grands défis à relever et des axes prioritaires Toutefois, s’il est bien un domaine où le plan semble manquer Le plan 2018-2022 s’articule autour de 6 grands défis : d’ambition, c’est dans les mesures dédiées à la prévention de 1. Protéger dès le plus jeune âge la consommation d’alcool et ses répercussions. 2. Mieux répondre aux conséquences des addictions pour Ainsi, selon Damien Mascret du Figaro : « il suffit de lire les les citoyens et la société pages 39 et 40 du plan pour comprendre l’échec annoncé de 3. Améliorer l’efficacité de la lutte contre le trafic celui-ci dans la lutte contre la consommation d’alcool. Après 4. Renforcer les connaissances et favoriser leur diffusion avoir expliqué, d’une part, que la mesure la plus efficace est 5. Renforcer la coopération internationale l’augmentation significative des prix, et d’autre part, que la 6. Créer les conditions de l’efficacité de l’action publique sur fixation d’un prix minimum à la dose d’alcool (vin ou autre) l’ensemble du territoire n’était pas contraire au droit européen, les auteurs du plan concluent que «cette mesure permettrait de mieux protéger Le milieu de travail fait l’objet de la "Priorité 5" : Faire de les jeunes et les gros consommateurs». Donc ? Rien. (…) le la lutte contre les conduites addictives une priorité de la plan « devrait réjouir les alcooliers, à défaut des défenseurs santé au travail. de la santé publique. » ! 1 Caisse nationale de l’assurance maladie / 2 Caisse nationale de l’assurance famille Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) va plus loin Le 9 janvier, au lendemain de la publication de la MILDECA, le CESE En guise de conclusion, le Conseil indique que cela « implique d’agir rendait son avis (purement consultatif) relatif aux addictions au sur plusieurs leviers qui, pour être efficaces, doivent être utilisés de tabac et à l’alcool. La section des affaires sociales et de la santé du manière complémentaire: la fiscalité, la politique des prix, le respect CESE a travaillé sur le sujet en partenariat avec la Cour des comptes. de la réglementation et la prévention ». Ils dressent un constat sévère : l’absence de cohérence, de conti- Enfin, ses préconisations s’articulent autour de 3 axes : nuité et de suivi des politiques publiques. • fonder les politiques sur la réalité des dommages, L’organisme n’hésite pas à attaquer de front les problématiques liées • créer les conditions d’une rencontre précoce avec le soin, au lobbying : « Il faut éviter de leur laisser une place qui n’est pas la • proposer des réponses adaptées à la diversité des besoins et des leur sur le terrain sanitaire et scientifique. Il faut tirer les leçons des parcours de vie. expériences passées. L’industrie du tabac a déployé des ressources considérables pour contrecarrer les preuves scientifiques des dan- Télécharger l’avis: https://www.lecese.fr/content/le-cese-adopte-son-avis- gers du tabagisme passif ». addictions-au-tabac-et-lalcool 4 amitié La Poste Orange N°180
Question de fond ! 12 millions de Français soignés aux opioïdes : UNE NOUVELLE ADDICTION ? Depuis 1999, les médicaments dits "opioïdes" ont provoqué une crise sanitaire sans précédent en Amérique du Nord, et notamment aux États-Unis. Face à l’enjeu de santé publique majeur de conserver un large accès à ces antidouleurs, tout en prévenant les risques d’addiction et d’overdose associés aux opioïdes, comment la France réagit-elle ? Cela faisait 4 mois qu’elle en prenait des overdoses. Alors pourquoi autant autant, ce qui incite les patients à pour calmer ses douleurs post-opéra- de prescriptions ? augmenter la dose… toires. Lorsque son médecin traitant lui Et psychologique, car les patients On ne laisse plus souffrir les patients a annoncé qu’il arrêtait de lui prescrire qui en ressentent plus fortement les Aujourd’hui la douleur n’est plus perçue de l’Oxycodone, un opioïde antalgique, bénéfices, ainsi que les usagers chro- comme une fatalité, elle est mieux prise lui expliquant qu’une dépendance était niques seraient les plus susceptibles en compte. Ainsi, pour lutter contre en train de s’installer, Cécile, 55 ans, di- de devenir dépendants. ces douleurs, notamment aigües et rectrice financière, panique : « Depuis inflammatoires, les opioïdes sont d’une 8 à 12% de risques d’addiction chez mon opération, j’en ai besoin tous les redoutable efficacité. Cette efficacité les patients traités jours, je sais que cela me fait du bien, est vantée par les laboratoires pharma- L’OFMA estime que 8 à 12% des pa- comment faire sans ? ». ceutiques auprès des professionnels tients traités deviennent addicts. Une Chaque année, ce sont, comme Cécile, de santé. Résultat : si les opioïdes sont minorité, certes, mais une population 12 millions de Français qui sont traités destinés à soulager les douleurs des inédite : plutôt des femmes, entre 40 par des médicaments antidouleur à cancers, ils sont, 9 fois sur 10, prescrits et 60 ans, favorisées, sans antécédent base d’opium, type Codéine ou Trama- pour d’autres douleurs, notamment de prise de drogue… qui n’arrivent dol. En dix ans, d’après l’Observatoire neuropathiques ou dysfonctionnelles pas à décrocher. Un phénomène sans français des médicaments antalgiques dues aux fibromyalgies, aux lombalgies, commune mesure avec les autres ad- (OFMA), la consommation d’opioïdes à l’arthrose du genou et de la hanche…. dictions existantes ! forts, comme l’Oxycontin, la mor- Et prescrits, souvent après un échec des autres médicaments, peu nombreux. Comment gérer ce risque addictif, phine, a plus que doublé, avec pour quand ces médicaments conviennent conséquence, l’explosion de cas de Or, malgré cette banalisation, les à la majorité et restent indispensables mésusage (prises fréquentes, exces- opioïdes sont très addictifs. Une à la prise en charge des cancers ? sives et détournées de médicaments), addiction physique, tout d’abord, car Un vrai casse-tête pour les pouvoirs d’hospitalisations et de décès liés à au fil du temps, ils ne soulagent plus publics, qui ont mis en place l’Obser- amitié La Poste Orange 5
! Question de fond OPIOÏDES De quoi parle t on ? L’OMS classe les opioïdes en deux catégories. - Les opioïdes dits faibles, contre les douleurs modérées à intenses. Initiale- ment en vente libre, ils sont délivrés sur ordonnance, non renouvelable, depuis juillet 2017 : Codéine (Ixprim, Codoli- prane, Antarène codéine, Dicodin, Coden- fan), Tramadol (Contramal, Monoalgic, Topalgic, Zamudol…), Izalgi, Lamaline. vatoire français des médicaments rance maladie, la Société française le antalgiques, en novembre 2017, pour d’étude et de traitement de la dou- - Les opioïdes dits forts, contre les avancer sur le sujet. leur… à l’élaboration d’un document douleurs intenses et chroniques, délivrés sur ordonnance sécurisée obligatoire : sur le Paracétamol, l’Ibuprofène et les Fentanyl (Abstral, Actiq, Breakyl…), Mor- Mieux prévenir les risques antalgiques opioïdes. Un document1 phine (Sevredol, Skenan…), Oxycodone Un nouveau plan d’action sur les destiné au grand public, qui met (OcyContin, OcyNorm…),Hydromorphone opioïdes devrait être dévoilé début en garde contre tous les opioïdes, y (Sophidone…) 2019 par l’Agence nationale de sécu- compris les opioïdes dits "faibles", rité du médicament. L’ANSM devrait prescrits massivement et présentant Comment agissent-ils ? également demander aux prescrip- au final les mêmes risques. L’organisme produit ses propres opioïdes, teurs d’effectuer un meilleur suivi mé- les endorphines, qui lui permettent de gérer la douleur. Ceux-ci se fixent sur dical, notamment quand les patients Développer des alternatives des récepteurs spécifiques, ce qui inhibe sortent de l’hôpital. La vigilance sera Enfin, les addictologues attendent le neurone et bloque la transmission du également recommandée du côté des beaucoup des recherches en cours, signal de la douleur. usagers, avec une plus grande place notamment sur des antalgiques ne accordée aux patients-experts, comme créant pas de dépendance, qui pour- le cas aux États-Unis. En outre, une l’Association francophone pour vaincre raient se substituer à la Codéine et au consultation en CSAPA2, en service les douleurs AFVD, qui organise déjà Tramadol. d’addictologie, en Centre du traite- des permanences et des formations ment de la douleur… est gratuite. C’est Dernière piste : la Naloxone en spray, en milieu hospitalier, « pour parler des comme cela que Cécile a pu amorcer un antidote destiné à lutter contre douleurs et rappeler comment bien un travail thérapeutique, identifier un les overdoses chez les toxicomanes, utiliser ces médicaments… afin d’éviter traumatisme qu’elle avait enfoui, suivre pourrait être proposée aux patients de devenir dépendants », explique sa des séances d’EMDR3 … et s’en sortir. traités avec des opioïdes. porte-parole Catherine SEBIRE. AM S’appuyer sur le réseau de soins 1 Cf. page 8 «Pour aller plus loin» / 2 CSAPA : centre Informer le grand public Le maillage médical français pourrait de soins, d’accompagnement et de prévention en En novembre dernier, l’association a également contribuer à empêcher quz addictologie / 3 EMDR : désensibilisation et retraite- ment par les mouvements oculaires. Thérapie per- participé avec l’OFMA, l’ANSM, l’Assu- la situation ne dégénère, comme c’est mettant de guérir le stress post traumatique. Vous souvenez vous de la mort du chanteur Prince? 50 000 morts aux États-Unis Ou bien de celle de Tom Petty, le chanteur des Heartbreakers ? Tous deux avaient pris du Fentanyl... Aux États-Unis, les overdoses par antalgiques opioïdes, dont une partie est en vente libre comme la Codéine ou le Tramadol, font plus de victimes que les accidents de la route ou les armes à feu. Soit 50 000 en 201-7 ! « L’équivalent d’une guerre du Vietnam chaque année », commente Jean-Michel Delile, Président de la Fédération Addiction. 6 amitié La Poste Orange N°180
Crise des opioïdes ! A l’échelle du pays, 11 millions d’Américains sont dépendants : toutes les familles ont dans leur entourage un addict à ces substances. À tel point que le Président Donald Trump en a fait une cause nationale : ouverture de nouveaux centres de traitement, meilleure prise en charge des coûts, information auprès des médecins pour limiter le nombre de prescriptions, distribution de traitements de substitution, mise à disposition de Naloxone aux pompiers… Des mesures qui devraient permettre de réduire l’hécatombe. Problème : les personnes dépendantes, à qui les médecins ne veulent plus prescrire d’antalgiques opioïdes, se reportent massivement sur le marché illicite, alimenté par les cartels chinois et mexicains. Aujourd’hui, le trafic de Fentanyl explose, notamment au Nebraska et dans la plupart des états de la côte Est et du Midwest. Entretien avec le Professeur Nicolas AUTHIER Directeur de l’Observatoire Français des Médicaments Antalgiques Médecin psychiatre, professeur, Université Clermont Auvergne, Nicolas Authier est aussi Chef du service de Pharmacologie Médicale et du Centre d'Évaluation et de Traitement de la Douleur du CHU de Clermont-Ferrand. Il est également Directeur de l'Observatoire Français des Médicaments Antalgiques, Secrétaire de la Fondation Analgesia, Président de la Commission des Stupéfiants et Psychotropes de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), Membre du collège scientifique de l'Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies. Peut-on parler en France de « crise des opioïdes » ? si les conditions ne sont pas réunies en France, comme ce Non, il n’y pas de crise des opioïdes en France au sens de la fût le cas aux États-Unis. crise sanitaire majeure en cours depuis plusieurs année en Quelles sont les mesures prises par les pouvoir Amérique du Nord. Néanmoins il existe plusieurs milliers de publics et sont-elles suffisantes selon vous ? cas d’overdoses aux médicaments opioïdes, antidouleurs La régulation et la communication autour du médicament en et de substitution à l’héroïne. Cela se traduit par au moins France, couplées à une plus grande prudence des médecins 400 à 600 décès chaque année consécutifs à ces overdoses. dans la prescription de ces médicaments sont les premiers Ces chiffre, bien que trop élevés, sont très inférieurs aux facteurs de protection d’une dérive de leur usage et donc des presque 150 décès quotidiens aux États Unis. risques associés. Les médicaments opioïdes font l’objet d’une Ce qui doit nous préoccuper en France c’est que le nombre surveillance active annuelle par l’agence nationale de sécurité d’hospitalisations pour overdoses aux médicaments du médicament et des produits de santé (ANSM). opioïdes, notamment antidouleurs, augmente significative- En mai 2017, une journée d’échanges sur ce thème a été ment depuis plus de dix années, de même que le nombre organisée pour bien identifier les problème de mauvaise de décès. Ces intoxications ou surdosages sont majoritaire- usage, de risque de dépendance voire d’overdose à ces ment accidentels et donc évitables. médicaments afin de proposer un plan d’action qui devrait En parallèle, on note 2 fois plus de français (1 million) très prochainement être publié par l’ANSM dans un rapport traités chaque année par des médicaments antalgiques sur cette question. Une série de mesures sont aussi en cours opioïdes dits "forts" comme la morphine, le Fentanyl et de discussion au sein du ministère de le santé spécifiquement surtout l’Oxycodone, augmentation surtout observée pour réduire le nombre d’overdoses aux opioïdes en dans la prise en charge de douleurs non liées au cancer. France. Les sociétés savantes directement concernées par la Les deux dernières substances étant à l’origine de la crise prescription de ces médicaments, comme la société française américaine. Il y a donc des signaux émergents en France d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) ou la société en faveur d’une augmentation des overdoses et des décès française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) ont rédigé aux médicaments opioïdes mais des solutions existent pour des recommandations pour les malades traités par ces infléchir cette tendance et donc prévenir une crise, même médicaments, dont les antidouleurs. suite page 8 amitié La Poste Orange 7
! Question de fond Quels conseils donner aux personnes Parole de patient inquiètes pour elles-mêmes ou pour leurs Est-ce possible de vivre en prenant des opioïdes tous les proches ? jours ? Oui répond Jocelyne, qui souffre de graves douleurs Les deux risques majeurs qu’il faut prévenir sont chroniques. A certaines conditions. la dépendance et l’overdose. La dépendance sur- Les opioïdes, Jocelyne, 67 ans, y est très attachée. Souffrant d’une vient le plus souvent après une traitement pro- malformation congénitale des deux hanches, elle vit, depuis qu’elle longé de plusieurs semaines à plusieurs mois. est enfant, avec des douleurs terribles dans les jambes, le dos, les Elle peut se traduire par une difficulté à arrêter cervicales… sans compter celles générées par les différentes inter- le traitement à cause de signes de manque ou ventions chirurgicales. A 25 ans, la pose de prothèses lui rend de sevrage (dépendance physique) voire parfois une la mobilité, mais crée des douleurs qui ne s’arrêtent jamais. « Et réelle dépendance psychologique avec des envies à l’époque, personne ne comprenait pourquoi les antalgiques ne irrépressibles de consommer cette substance marchaient pas ». sans motif médical apparent. Dans ces deux cas de figure, il faut en discuter le plus tôt possible Après avoir tout essayé, elle arrive, épuisée, en 1996, au Centre avec son médecin car des solutions existent pour du traitement de la douleur de Caen, où elle se sent enfin enten- se sevrer de ces médicaments. Par ailleurs, les due. On lui prescrit alors un opioïde : de la codéine, à un dosage malades doivent être vigilants sur les raisons de maxi. Mais il y a 3 ans, son état s’aggrave, elle doit en prendre 2 leur consommation des antidouleurs opioïdes, cachets supplémentaires, puis de la morphine à libération pro- qui ne doivent pas se transformer en tranquilli- longée. « Quand on a des crises, il est tentant de vouloir réduire sants, antidépresseurs, somnifères ou stimulants. ses douleurs en augmentant soi-même la dose d’opioïdes. Mais Il faut éviter l’automédication familiale et respec- il faut respecter la confiance que nous a accordée le médecin.» ter scrupuleusement la posologie prescrite. Tout L’effet est immédiat : la morphine lui permet d’aller mieux et de dépassement de cette posologie, même en cas retrouver des forces musculaires. «Le problème, avec les dou- de douleur plus forte, peut être à l’origine d’un leurs chroniques, c’est qu’il y a toujours un fond de douleur, la surdosage accidentel avec un risque de perte de douleur zéro, cela n’existe pas. » connaissance et d’arrêt respiratoire. Ces médica- Comment faire alors ? « Pour gérer le quotidien, il faut beaucoup ments restent néanmoins très efficaces pour trai- de discipline… et de positif. Si l’on a des soucis, si l’on est isolé, ter des douleurs sévères, notamment celles liées si l’on a un travail difficile… cela peut être tentant d’augmenter au cancer, post-opératoires ou suite à un trauma- son médicament, car on sait qu’on ira tout de suite mieux ». tisme important. Il faut être plus vigilant en cas Jocelyne intervient aujourd’hui dans les journées de formation d’usage prolongé dans des douleurs chroniques organisées par le réseau Douleur Basse-Normandie, auprès de non cancéreuses comme celles liées à l’arthrose médecins et de patients. Son conseil : apprendre à gérer la dou- de hanche, de genou ou dans les douleurs de dos. leur, sans tout attendre des médicaments. Elle-même suit une Enfin, chacun peut participer à la surveillance de psychothérapie, fait des séances avec un kiné et un rhumato- ces médicaments en déclarant une complication* logue, de la natation, sans oublier l’auto-hypnose et la médita- (dépendance, sevrage difficile, overdose …) avec tion qu’elle pratique plusieurs fois par jour. « La morphine, me ces médicaments, afin d’en informer l’agence du permet de vivre le mieux possible avec mes douleurs. Mais je médicament qui analyse les effets indésirables vous le dis : si l’on venait à me la retirer, je me foutrais en l’air. » pour adapter les mesures de sécurisation et de bon usage des médicaments. Quid des ados ? * https://signalement.social-sante.gouv.fr La codéine a fait la une de l'actualité l'année dernière après la mort de deux adolescents, survenue à la suite de sur- Pour aller plus loin dosages. Ceux-ci avaient consommé du "purple drank", un cocktail, popularisé par le rap et le hip-hop, à base de soda et • Je prends des médicaments anti- douleur à bon escient, disponible de sirop codéiné, vanté pour ses propriétés euphorisantes sur internet : http://www.ofma. et… très addictives. Avant d’aller en soirée, les adolescents fr/documents-bon-usage faisaient le tour des pharmacies de quartier en se plaignant de maux de gorge pour obtenir de la codéine. Depuis ces • La douleur, je m’en sors. Com- prendre et agir par l+e Docteur overdoses, la ministre de la santé, Agnès Buzyn a fait retirer Serge PERROT, dans la Collection de la vente libre deux médicaments qui contiennent de la Questions de patients, aux Edi- codéine et les préparations à base de cette dernière sont tions In Press, en août 2017. délivrées uniquement sur ordonnance. 8 amitié La Poste Orange N°180
Sources & ressources ! MALADE DE TROP JOUER AUX JEUX VIDÉO ? En juin dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu l’addiction aux jeux vidéo comme une maladie. Quels pourraient en être les impacts ? Fortnite, Clash Royale, Call of Duty… Le les addictologues. Car cela devrait per- pas encore l’unanimité. L’académie de succès des jeux vidéo ne se dément pas: mettre de mieux identifier les joueurs médecine, notamment, attend la publi- d’après les derniers chiffres, 1 jeune de concernés et d’inciter leur entourage à cation de nouvelles études scientifiques 14 à 24 ans sur 6, jouait en 2018 plus de les emmener consulter un spécialiste. pour se prononcer. Car, beaucoup de 5 heures par jour et 7% plus de 8 heures Psychiatre addictologue de l’hôpital soignants restent sceptiques, arguant ! Pour autant, tous les joueurs ne sont Paul-BROUSSE de Villejuif, à la pointe que les jeux vidéo ne révèlent qu’une pas dépendants. sur ce sujet, Geneviève LAFAYE espère pathologie pré-existante, comme des Cet été, l’Organisation mondiale de la que « cela facilitera leur orientation et troubles dépressifs ou anxieux. « Bien santé (OMS) a reconnu, pour la pre- leur prise en charge ». Car, si elle compte sûr, les jeux peuvent avoir un intérêt mière fois, l’existence d’une addiction jusqu’à 25% de jeunes dépendants aux pédagogique, et même thérapeutique, aux jeux vidéo. Elle l’a intégrée à la der- écrans dans son service, elle sait que en permettant, par exemple, de faire nière version de la Classification inter- l’«on ne vient pas facilement consulter ». des rencontres quand on est inhibé. nationale des maladies et en a défini Mais cela peut aussi déraper », répond Pour un meilleur accès aux soins Geneviève LAFAYE. précisément les critères. L’addictologue espère également qu’à Est concerné, tout joueur qui présente terme, cette reconnaissance puisse dé- Alors, quand s’inquiéter ? « Il n’y a pas « une perte de contrôle sur le jeu, une bloquer des fonds, ouvrir des centres que la question du temps à prendre en priorité accrue, au point que celui- de soins supplémentaires et encoura- compte, mais cela doit mettre la puce à ci prenne le pas sur d’autres centres ger la recherche sur le sujet… qui reste l’oreille », avertit la psychiatre. Ensuite, d’intérêt et activités quotidiennes », no- encore balbutiante. Sans oublier la tout dépend de son quotidien : « il faut tamment sur le temps de sommeil, les mise en place d’actions de prévention veiller à ce qu’il n’y ait pas de rupture. Si repas… et l’impossibilité à se modérer, car « beaucoup de parents sont soit le joueur commence à sécher les cours, sur 12 mois au moins. dans le déni, soit dans la diabolisation. s’il ne voit plus ses amis, s’il arrête ses Cette reconnaissance permet d’avoir activités extrascolaires, s’il s’investit Si l’on manque encore d’études, ce moins dans la vie familiale, s’il devient trouble appelé "gaming disorder" ne une définition objective. » terne… on peut l’emmener consulter. » concernerait qu’une infime minorité des Bémol : l’OMS reste, pour l’heure, la joueurs, de l’ordre de 1 à 2% seulement. seule institution à reconnaître le phé- Un tableau que l’on retrouve… dans Alors, fallait-il la reconnaître ? Oui, selon nomène et cette reconnaissance ne fait pratiquement toutes les addictions. AM Enquête réalisée par le Fonds Actions Addictions, la Fondation pour l’innovation politique et la Fondation Gabriel-Péri, parue en juin 2018 amitié La Poste Orange 9
! Sources et ressources MILLE FAÇONS D’ARRÊTER, UN SEUL NUMÉRO* LA POLITIQUE ANTI-TABAC PORTE ENFIN SES FRUITS. Si la 3e édition du Mois sans tabac est un nouveau succès dans la lutte anti-tabac, il reste encore beaucoup à faire pour réduire le nombre de fumeurs… qui s’élève à 12 millions. En novembre dernier, le "Mois sans ta- quotidienne est ainsi passée de 29,4% faudra continuer, car c’est une question bac"1 a enregistré plus de 242.000 ins- à 26,9%, notamment chez les hommes. de santé publique : à terme, la cigarette criptions.« L’opération a été un réel suc- tuera 1 fumeur sur 2. » Hausse des prix, paquet neutre… cès, se réjouit le Président de l’Alliance En France, on estime à 73 000 le nombre ont été dissuasifs contre le tabac, Docteur Loïc Josseran. annuel de décès attribués au tabac Ces mesures ont même réduit l’attrac- D’une part, elle a poussé les fumeurs par cancers, maladies respiratoires et tivité du tabac auprès des plus jeunes. à envisager la vie sans tabac, et pour cardio-vasculaires. Ce qui représente D’après une enquête menée par l’In- ceux qui étaient prêts à tenter l’arrêt, 120 milliards d’euros en traitements serm pour l’Institut national du cancer, elle leur a donné le coup de pouce né- et arrêts de travail. Mais l’Agence Santé entre 12 et 17 ans, seulement 1 jeune cessaire pour se lancer. Même si tous publique France s’inquiète également sur 5 l’a expérimenté pour la première ne réussissent pas du premier coup, du tabagisme féminin : non seulement fois en 2017, contre 1 sur 4 en 2016. Et c’est une première étape.» les cancers ont explosé, mais les décès seulement 1 sur 8, chez les filles. Le Mois sans tabac s’inscrit dans le Plan ont doublé entre 2000 et 2014. Pour autant, cette baisse ne signifie national de réduction du tabagisme Une situation inquiétante, car des pas que la situation est résolue : il (PNRT), lancé il y a 5 ans, par la ministre freins subsistent : « le poids des lobbys reste encore 12 millions de fumeurs. Marisol Touraine, dans le cadre du Plan qui agitent la concurrence de la contre- « Il ne faut pas relâcher la pression, cancer 2014-19. Ce dernier a permis de bande sur les buralistes ; le placement de encourage Loic Josseran. Car les mettre en place des dispositifs testés produit sur les écrans par les industriels fumeurs qui se sont arrêtés étaient avec succès par d’autres pays, comme pour séduire les plus jeunes ; la dépen- ceux qui étaient le plus susceptibles de la hausse des prix ou la mise en place dance du ministère des Finances à la fis- le faire. Reste maintenant à motiver du "paquet neutre"… calité du tabac…» égrène le Docteur Loic les fumeurs les plus dépendants... » Une politique commence à porter Josseran, qui aimerait « dénormaliser la Or, « quand le paquet passera à 10 ses fruits, puisque la consommation cigarette au quotidien ». euros, il y aura sans doute des réactions de tabac est en net recul. Selon Santé Objectif : parvenir à la "première géné- dans les milieux défavorisés. Mais doit- publique France, on compte 1 million ration d’adultes sans tabac" d’ici 2032. on laisser les plus précaires se cramer de fumeurs en moins entre 2016 et On en est encore loin. les poumons ? Certainement pas. Il 2017. Par ailleurs, la consommation AM * Affiche Tabac Info Service : Au 39 89, les tabacologues donnent des conseils concrets pour arrêter de fumer et proposent un suivi personnalisé dans la durée - 1 Cf. page 16 10 amitié La Poste Orange N°180
! SÉRIE S FAUSSE CES CROYAN UN PETIT GROG, PLUS DE MICROBES ? Frissons, toux, nez qui coule… Ces signes annoncent le début d’une infection : rhume, bronchite, grippe ? En plein hiver, se préparer un grog, comme le faisaient nos grands-mères, est tentant. Une bonne idée ? Pas sûr. Lorsque les premiers symptômes des Or, ce n’est pas vrai, car cette action on peut aussi y ajouter les autres in- maladies hivernales apparaissent, l’idée serait majoritairement due… à la cha- grédients du grog… qui eux, ont vrai- de se préparer un bon grog semble allé- leur de l’eau ! « L’alcool dilate les vais- ment des effets bénéfiques. chante, tant cette boisson est réputée seaux sanguins à la surface du corps, Citons le citron, pour son action anti- pour chasser les microbes. ce qui libère de la chaleur et apporte inflammatoire et anti-infectieuse - à une sensation de coup de fouet. Sauf La légende voudrait qu’il ait été mis condition de le rajouter au dernier que ce n’est qu’une impression, qui au point par un amiral anglais au 18e moment - et dont la haute teneur en disparaît rapidement, quand les vais- siècle, surnommé "le vieux grog", en vitamine C et en minéraux, donne un seaux ne sont plus dilatés» avertit raison de son manteau en tissu gros- coup de fouet bienvenu. Philippe Binder, médecin généraliste sier, dit "grograme", d’où son appella- La cannelle possède des propriétés et professeur à la faculté de méde- tion. Afin de réduire la consommation antibactériennes et anti-oxydantes. cine de Poitiers. quotidienne de rhum de ses marins, Le clou de girofle, anti-douleur, est éga- Edward Vernon aurait eu l’idée de De plus, l’alcool entraîne deux effets lement reconnu comme antibactérien. l’allonger avec de l’eau et d’y ajouter immédiats : un risque d’hypothermie, Sans oublier le miel, un antibacté- du citron, afin de lutter contre le scor- car il fait baisser la température de rien et antiseptique, dont la douceur but, cette maladie provoquée par une l’organisme, d’environ 1 demi-degré apaise les maux de gorge et atténue carence en vitamine C, très fréquente pour 50 grammes d’alcool consommé, la toux. Bref, un tout un cocktail de sur les navires. et donc, le fatigue. Un risque de dés- produits sains ! hydratation dû à l’augmentation de la Une vrai fausse bonne idée « Pourquoi pas ? Encore que le rhume sécrétion d’urine. De fait, le grog au Dans le contexte d’un retour en grâce des soit une maladie virale », relativise lieu de désaltérer et de détoxifier l’or- médecines naturelles et autres remèdes le Docteur Philippe Binder. Dont, ganisme provoque l’effet contraire ! ancestraux, les croyances ont la vie dure: généralement, les symptômes dis- « On m’a toujours dit que le grog per- Des boissons chaudes... sans alcool paraissent d’eux-mêmes… en 1 se- mettait d’augmenter la température du Pour éliminer les toxines, préférez les maine environ. Avec ou sans boisson corps, de faire transpirer et donc de com- infusions ou le thé. Non seulement ils chaude. battre l’infection ? », s’étonne Amélie, sur apportent à l’organisme cette sensa- un forum dédié au DIY (do it yourself). tion de chaleur et de bien-être, mais AM amitié La Poste Orange 11
! Sources et ressources FORUM ADDICTION & SOCIÉTÉ : UNE RENCONTRE INÉDITE À BRUXELLES Le premier Forum européen transdisciplinaire "ADDICTION & SOCIÉTÉ" s’est déroulé les 16 et 17 octobre derniers, à Bruxelles. L’objectif était de rassembler intervenants de terrain et experts scientifiques afin de favoriser le développement des connaissances, l’échange et la coopération. répondre à des épidémies d’overdoses ou du VIH, elles n’avaient pas réelle- ment remis en cause le paradigme de la prohibition. Pire, au final elles entérinaient le système de répression, parce qu’elles en compensaient les effets ! Une prise de parole assez radi- cale, de la part de celle qui est égale- ment Présidente de la Global commis- sion on drug policy. Lors de la discussion, il a aussi été rap- pelé qu’il fallait cesser de confondre consommation de produits psy- choactifs et addiction, comme dans l’exemple du cannabis, avec 3.8 millions de consommateurs en France, dont 700.000 consommateurs quotidiens. Enfin, il a été démontré que l’argent Le premier Forum européen trans- Paradigme de la prohibition, consacré à la prohibition était très disciplinaire "ADDICTION & SOCIÉTÉ" paradigme alternatif mal employé et que la "guerre à la s’est déroulé les 16 et 17 octobre der- Signe des temps, les débats sur la drogue" était bel et bien un échec. niers, à Bruxelles. L’objectif était de politique des drogues sont désormais L’abstinence est-elle encore un rassembler intervenants de terrain et totalement intégrés à la réflexion sur objectif raisonnable ? experts scientifiques afin de favoriser la prise en charge des addictions. En ef- Après ces considérations hautement le développement des connaissances, fet, une session spécifique d’échanges politiques et stratégiques, il était temps l’échange et la coopération. avait pour thème le paradigme de la de revenir à des thématiques plus Né à l’initiative d’EPSYLON1 et de la prohibition, cet objectif - illusoire - d’un proches de nous : « L’abstinence est-elle réflexion d’un panel de spécialistes "monde sans drogue", dans lequel encore un objectif raisonnable ? ». de renommée nationale et internatio- s’inscrivent pourtant la plupart des po- litiques publiques. Le Professeur Denis Hers a ouvert nale2, ce FORUM avait pour ambition cette session passionnante avec un de mobiliser, sensibiliser et informer Ruth Dreifuss, ancienne Présidente de discours destiné, non pas à remettre les acteurs de terrain : enseignants, la Confédération Helvétique, notam- en cause, mais à questionner l’objec- travailleurs sociaux, personnel de ment, a créé la surprise en question- tif d’abstinence à tout prix : « Mettre soins de santé (médecins généralistes nant les avancées en matière de pré- l’abstinence trop en avant polarise le et spécialistes, pharmaciens, addic- vention et de réduction des risques, discours et risque d’empêcher la ren- tologues, infirmiers, psychologues, pour plaider en faveur d’une réelle contre avec le patient ». En effet, il etc.), acteurs associatifs, sportifs et régulation du marché de la drogue. existe toujours un risque de rejet si culturels, mais aussi d’interpeller et L’ancienne Commissaire européenne a l’objectif est trop difficile à atteindre engager les décideurs politiques. expliqué que, si ces mesures pragma- ou trop lointain. Par ailleurs, le risque Nous y étions, on vous raconte. tiques avaient été mises en place pour de jugement du soignant n’est pas non 1 EPSYLON ASBL : institution qui a pour mission de renforcer la qualité de l’offre de soins psychiatriques existante et de développer un réseau intégré qui réponde au mieux à l’évolution de la demande sociétale - Plus d’infos sur www.epsylon.be / 2LES FONDATEURS DU FORUM : Dr Marc DERÉLY, Epsylon asbl et Action for Teens aisbl (Bruxelles) – Pr Amine BENYAMINA, Hôpital Paul Brousse (Villejuif, Paris) – Pr Philippe DE TIMARY, UCL (Bruxelles) – M. Martin DE DUVE, asbl Univers Santé (Bruxelles) – M. Sébastien ALEXANDRE, FEDITO bruxelloise (BRUXELLES) – Dr Marc DE VOS, Enaden (Bruxelles) – Pr Charles KORNREICH, ULB (Bruxelles) – Dr Patrick MARTIN, CPNLF (Paris) – Dr Thomas ORBAN, SSMG (Bruxelles) – Pr Emmanuel PINTO, ULG (Belgique) – Pr Pierre THOMAS, Université de Lille (France) 12 amitié La Poste Orange N°180
Retour sur le congrès ! plus exclu. Toutefois, les approches de vise davantage un changement me- • 25% ont déjà été confrontés à un réduction des risques ont aussi chan- suré d’habitude de consommation, partenaire violent sous l’emprise gé le regard sur les patients, car elles en suivant la demande du patient, de l’alcool. prennent davantage en compte leurs avant tout. Bien évidemment, cette Une autre intervention était consacrée avancées dans leur cheminement. méthode n’est pas adaptée à tous. De aux niveaux de consommation d’alcool, plus, il convient d’anticiper la possible vaste sujet pour un produit dont la pu- De fait, on ne peut donc pas se satis- rechute qui fait partie intégrante du blicité ambivalente, incite fortement à faire d’une approche centrée uni- processus. consommer… mais avec modération! quement sur l’abstinence. Toutefois, celle-ci peut survenir après un par- Alors, doit-on encore considérer Or, qu’est-ce que la "modération"? C’est cours fait d’essais et d’erreurs et, bien l’abstinence comme le grand objectif tout le cœur du problème, car chacun.e entendu, amener à terme un grand à atteindre ? en possède une définition strictement changement de qualité de vie. Les experts présents répondent OUI, personnelle, calquée sur sa propre fa- si cet objectif est commun au projet çon de boire. Reste la question spécifique de l’al- soignant / patient. L’abstinence doit Aussi, cette fameuse mention obliga- cool: la perte de contrôle induite par également être envisagée comme toire "à consommer avec modération" cette addiction impose une absti- un moyen : se donner un temps sans dédouane totalement les alcooliers nence complète. Ce n’est pas une posi- consommation permet de sortir de qui peuvent, ainsi, promouvoir tran- tion morale, mais une condition pour cette dépendance aliénante. Pour quillement leurs produits. Et puisque les soins afin d’enrayer l’effet toxique certaines personnes, l’abstinence va l’on parle de publicité, rappelons, à du produit. Or, les constats de Sobell ainsi être une renaissance, le départ l’instar de nombreux intervenants de & Sobell3 modèrent cette condition : la d’une nouvelle vie. ce très riche forum, que l’une des pro- guérison des personnes les plus grave- ment dépendantes repose essentielle- L’alcool, notre drogue culturelle blématiques majeures de l’alcool ré- ment sur l’abstinence, à l’inverse des Une longue session était consacrée side dans sa particularité : il demeure personnes moins dépendantes, dont aux spécificités du "produit alcool" très valorisé et intégré à la culture de la guérison va reposer sur une réduc- dont la promotion, la proposition, certains pays, que l’on parle de bière tion de la consommation. l’occasion de rencontres et l’ancrage en Belgique ou de vin en France ! culturel sont particulièrement forts. A l’issue de ce Forum, au regard des La réduction des risques serait Pour accréditer ces postulats, les ré- débats et en dépit de progrès dans donc envisageable pour l’alcool ? sultats de l’enquête ouverte du ma- la prise en charge du patient, deux Sachant que 90% des personnes alcoo- gazine "MEDOR"4, ont été présentés. points de vigilance subsistent : lodépendantes ne sont pas traitées, la Cette publication, destinée à un pu- réduction des risques constituerait un • il reste encore beaucoup de che- blic post-adolescent / jeunes adultes, premier pas vers le soin. Néanmoins, min à parcourir, dans la préven- a choisi d’aborder la place que prend déterminer dans quel cadre inscrire tion comme dans le soin, l’alcool dans la société et d’interroger la réduction de consommation reste leur rapport avec ce dernier. • tous les efforts en termes de san- complexe, car les seuils fixés par l’Or- té publique resteront forcément ganisation Mondiale de la Santé pa- Les résultats sont sans équivoque : limités tant que l’épineuse ques- raissent "élevés". • 60% de répondants pensent trop tion de la régulation des marchés boire ou boire trop souvent, des produits psychoactifs - légaux Pour autant, la consommation contrô- lée permet d’enclencher une dé- • 50% se sont sentis obligés de boire ou non - ne sera pas totalement marche de soin. L’approche clinique "pour ne pas plomber l’ambiance ", réglée. CA - CT Le Binge drinking (boire beaucoup et vite) chez les étudiants Les spécificités : des dépendants stigmatisés, un produit valorisé, pas de critères d’alcoolo-dépendance mais des dommages à ne pas sous-esti- mer. 35% étudiants ont une consommation dangereuse selon les critères OMS. 8% une consommation néfaste et 7,5% une dépendance possible. Les bingeurs sont dans l’immédiateté, plus impulsifs, dans la récompense à court terme, même si le contrôle reste toujours préservé. Néanmoins, les dommages sont réels en termes de construction du cerveau et de facteurs prédictifs de consommation problématique à l’âge adulte. Il y a également des problèmes de syndrome de sevrage répété – sans même aborder les problématiques comportementales, risques d’agression, accident etc. 3 En 1995, Mark et Linda Sobell ont rassemblé les principaux résultats des études ayant traité du retour à la consommation contrôlée chez les alcoolodépendants. Ils proposent trois grandes idées: 1) Les rétablissements des personnes sévèrement alcoolodépendantes requièrent de façon prédominante des traitements orientés vers l’abstinence. 2) Les personnes souffrant d’une dépendance peu sévère requièrent des traitements orientés vers la consommation contrôlée. 3) L’association du type de résultat et de la sévérité de la dépendance apparaît être indépendante des conseils proposés pendant le traitement. 4 voir sur site médor.coop/alcool amitié La Poste Orange 13
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