Universitas Végétarisme - Zwischen Verzicht und Verlockung - UNIL

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Universitas Végétarisme - Zwischen Verzicht und Verlockung - UNIL
universitas
JUIN 2016-04 I LE MAGAZINE DE L’UNIVERSITÉ DE FRIBOURG, SUISSE I DAS MAGAZIN DER UNIVERSITÄT FREIBURG, SCHWEIZ

                                                 Végétarisme
                                                 Zwischen Verzicht
                                                 und Verlockung
Universitas Végétarisme - Zwischen Verzicht und Verlockung - UNIL
Edito                                             Inhalt
Brutzelt auf Ihrem Grill gerade ein safti-
ges Steak? Keine Sorge, wir wollen mit der
vorliegenden Ausgabe niemandem den
Appetit verderben und auch nicht den
Moralapostel spielen. Es liegt jedoch in
der Natur des gewählten Themas «Vegeta-
rismus», dass gewisse Artikel Klartext
sprechen: Gerade der Veganismus, sozu-
sagen die umfassendste Weise des Vegeta-
rismus, bedeutet deutlich mehr als den
Verzicht auf Tierprodukte. Wer sich dafür
entscheidet, vertritt eine ganz klare Ein-
stellung zum heiklen Thema der Tierrech-
te. Ein Thema, das im Übrigen keineswegs
neueren Datums ist. Schon in der Antike
vertrat Pythagoras mit seiner Philosophie
in gewisser Weise die Rechte der Tiere,
oder zumindest den Respekt ihnen ge-
genüber. Konkreter und sehr viel später
setzte sich zu Ende des 18. Jahrhunderts
der Philosophieprofessor Wilhelm Diet-
ler für die «Gerechtigkeit gegen Thiere»
ein. Ein seinerzeit sehr fortschrittlicher
Ansatz, der aber trotz allem das Verspei-
sen von Tieren nicht als unmoralisch wer-
tete. War Dietler also nicht konsequent?
Die Frage, ob und wieviel Fleisch wir
denn eigentlich essen sollten oder dür-
fen, drängt sich nach der Lektüre unseres
Themendossiers wohl auf. Eine alle be-
friedigende Antwort darauf ist, natür-
lich, unmöglich. Denn zwischen über-
zeugten Veganern und eingefleischten
Karnivoren liegt eine schier unerschöpf-     8    dossier > Végétarisme
liche Bandbreite an möglichen Ess- und
Lebensgewohnheiten.                           4   fokus
                                                  Explora : Une journée pour découvrir l’Université
So muss ein jeder und eine jede für sich
selber entscheiden, wo die Latte zwischen    44   forschung
Verlockung und Verzicht anzubringen ist.          Entwicklungsbiologie: Gebrochene Zebrafischherzen
Tatsache scheint, dass der Anteil an Men-
schen, die ihren Fleischkonsum bewusst       46   recherche
einschränken, im Steigen begriffen ist.           Archéologie : Prendre le temps de Rhodes
Ein Trend, den man der eigenen Gesund-
heit zuliebe, aus Respekt vor dem Tier       48   recherche
oder aus ökologischen Gründen nur be-             Fédéralisme : Des cimetières propres en ordre
grüssen kann.
                                             50   portrait
Ich wünsche Ihnen, liebe Leserinnen               François Nordmann, ancien ambassadeur
und Leser, viele schöne Grillabende. Tes-         et actuel président du fiff
ten Sie doch, zur Abwechslung, mal die
Chermoula mit Gemüse (Rezept Seite 17).      52   lectures

Herzlich,                                    54   news

Claudia Brülhart
Chefredaktorin
                                                  Illustrations : Jérôme Berbier | www.digsen.ch

                                                                                                      UNIVERSITAS / JUNI 2016   3
Universitas Végétarisme - Zwischen Verzicht und Verlockung - UNIL
Explora : la journée pour
fokus
                                découvrir l’Université
                                L’Université de Fribourg n’est pas une tour d’ivoire ! Le 24 septembre prochain, notre
                                institution ouvrira ses portes à la population. Au menu, conférences, expériences
                                scientifiques et même, plus inattendue, une course populaire. Christian Doninelli

                                Moins de six mois avant sa première édi-         de 10 kilomètres organisée lors de la jour-
                                tion, Explora n’en est encore qu’au stade du     née portes ouvertes du 125e anniversaire
                                gros œuvre. Le projet est toutefois suffi-       de l’Université.
                                samment avancé pour déjà lever une partie        La programmation fait d’ailleurs la part
                                du voile. Cette manifestation, que la rec-       belle aux activités sportives. Sous la super-
                                trice appelle de ses vœux, risque de deve-       vision d’étudiants en sport de l’Université
                                nir un jalon incontournable de l’année           de Fribourg, jeunes et moins jeunes pour-
                                académique : « La création d’une journée         ront s’adonner à l’escalade ou tester leur
                                portes ouvertes permettra aux membres de         équilibre sur une slackline. Plat de résis-
                                l’Université de se rencontrer par-delà les       tance : la course de 10 kilomètres à travers la
                                frontières des facultés, s’enthousiasme          ville, une réédition de l’épreuve de 2014.
                                Astrid Epiney. Autre avantage, les Fribour-      « Mens sana in corpore sano, s’enthousiasme
                                geois pourront aussi découvrir les activi-       la Rectrice, grande sportive devant l’Eter-
                                tés de notre institution. » Car, en dépit de     nel. Il est avéré que l’activité physique
                                son rayonnement national, voire interna-         contribue à la performance cérébrale. » Et de
                                tional, l’ancrage régional demeure très          s’essayer à la métaphore : « Une université
                                fort. « Les étudiants de l’Université de Fri-    bouge toujours. Elle développe de nouvelles
                                bourg représentent le tiers des 37’000 habi-     méthodes d’enseignement, elle défriche de
                                tants de la ville. Nous ne souhaitons pas        nouveaux champs de recherche et doit
                                nous couper de nos racines. Nous vivons          s’adapter à des conditions cadres chan-
                                du soutien des autorités et de la population,    geantes. Une course me semble bien illus-
                                et pas seulement sur le plan financier»,         trer ce mouvement perpétuel. Et je ne parle
                                conclut la rectrice.                             même pas du plaisir que nous ressentons à
                                                                                 effectuer un effort physique en groupe. »
                                Une journée bien remplie                         Comme pour démontrer que l’esprit et le
                                Bien que rien ne soit encore définitivement      corps sont liés, cette épreuve de 10 kilo-
                                gravé dans le marbre, la programmation           mètre a inspiré une animation scienti-
                                d’Explora ressemble comme deux gouttes           fique à l’association des anciens étudiants
                                d’eau à un inventaire à la Prévert : confé-      de médecine de Fribourg. Jean-Pierre
                                rences, faculty crawl, ateliers, visite gui-     Montani, professeur au Département de
                                dée, show de chimie, etc. « Les thèmes abor-     médecine, compte monter un stand où les
                                dés iront de la dimension affective de           athlètes pourront mesurer gratuitement
                                l’argent à la place de l’islam en Suisse. Et     leur pression artérielle et le taux de sucre
                                personne ne restera les bras ballants », s’ex-   dans le sang. Non loin de là, il envisage
                                clame Jérémie Aebischer, écartant d’em-          également d’organiser deux conférences,
                                blée la perspective d’allocutions longues        l’une sur l’hypertension artérielle, afin de
                                et rébarbatives. Diplômé en gestion du           savoir en quoi cela consiste, comment on
                                sport et des loisirs, ce jeune Fribougeois est   la mesure et quels sont les traitements à
                                la cheville ouvrière de la manifestation. Il     disposition, l’autre sur le diabète sucré et
                                n’est pas inconnu au bataillon, lui qui fut      l’obésité. Deux sujets qui font l’objet de re-
                                l’instigateur et l’organisateur de la course     cherches au sein de son département.

  4   UNIVERSITAS / JUIN 2016
Universitas Végétarisme - Zwischen Verzicht und Verlockung - UNIL
De la science et des jeux
Toutes les disciplines académiques ne pré-
sentant pas, de prime abord, le même inté-
rêt pour le grand public, le plus grand défi
consiste à encourager les profanes à oser,
malgré tout, à explorer de nouveaux terri-
toires. « Pour peu qu’on y mette les formes,
chaque discipline peut s’avérer passion-
nante. J’en ai l’intime conviction », assure
Gian-Andri Casutt, responsable de la com-
munication de l’Université de Fribourg. Il
en veut pour preuve l’invention du terme
« sciencetainment », fusion des mots
« science » et « entertainment ». Le science
slam est sans doute l’exemple archétypal
de cette science qui ose désormais s’aven-
turer dans l’arène. Au cours de cet exercice
scénique de plus en plus populaire, des
doctorants scandent leur thèse à un public
profane. « Le science slam que nous avons or-
ganisé ce printemps à Fribourg a fait salle
comble. Preuve que la science peut devenir
un vrai divertissement ! »
L’exercice n’est pas que ludique : les profes-
seurs et les chercheurs de l’Université
peuvent également tirer un profit direct de
leur participation à Explora. « Les ques-
                                                  © Marcel Lanzilao

tions du public ne manquent pas de les sur-
prendre, voire de les désarçonner, té-
moigne Gian-Andri Casutt, ils doivent
s’adapter et développer d’importantes
compétences de vulgarisation. »                   Les premiers coureurs franchissent la ligne d’arrivée de la course du Jubilé125.
Des qualités, par ailleurs, indispensables à
qui souhaite s’adresser aux politiciens et        « Si on sait les écouter, les alumni ont beau-
aux bailleurs de fonds. « En Suisse, il y a ré-   coup à apporter à l’institution. Je trouve
gulièrement des votations populaires sur          qu’ils posent des questions très perti-
des sujets scientifiques. Il est donc impor-      nentes à leur alma mater. Ce sont égale-
tant que les chercheurs communiquent de           ment des personnalités susceptibles de
manière ouverte et qu’ils s’engagent dans         nous soutenir, non seulement financière-
la Cité. Explora y contribue. Cela dit, ce qui    ment, mais aussi par la mise à disposition
m’importe le plus, c’est que le programme         de leurs compétences ou de leurs réseaux. »
de la journée soit passionnant et intelli-        Sabrina Fellman leur a déjà concocté un
gible pour tous, de 7 à 77 ans et au-delà ! »     programme sur mesure : une visite spé-
                                                  ciale en compagnie du rectorat in corpore.
Rassembler la famille universitaire               Celle-ci comprendra une étape au centre
En Europe, le sentiment d’appartenance à          Human-IST, projet que la Fondation sou-
une université n’est pas aussi fort qu’aux        haite appuyer en 2017. Et de conclure : « Les
Etats-Unis. Difficile, une fois leur diplôme      donateurs pourront ainsi découvrir son
en poche, de maintenir les étudiants dans         stade d’avancement autrement que par un
le giron de l’alma mater. Sabrina Fellmann,       simple courrier ! »
responsable du développement à la Fon-            Et pour ne rien gâcher, une fois leur soif
dation de l’Université, en est pourtant           de savoir étanchée, les vétérans de l’Uni-
convaincue : Explora va offrir l’opportunité      versité de Fribourg pourront sans peine
de rassembler plusieurs générations d’étu-        se désaltérer dans l’un des cinq bars, à
diants et, surtout, de les rencontrer dans        l’image des cinq facultés, qui garniront le
un contexte plus festif que lors du « Dies        site de Miséricorde.
très academicus ». Elle compte profiter de
la manifestation pour exprimer sa recon-          Une forme de partenariat public-privé
naissance aux alumni et, se prend-elle à          Organiser une telle manifestation néces-
rêver, pour attirer de nouveaux donateurs :       site d’importantes ressources, mais pas

                                                                                                                            UNIVERSITAS / JUNI 2016   5
Universitas Végétarisme - Zwischen Verzicht und Verlockung - UNIL
fokus                           question de délier complètement les cor-         Stars
                                dons de la bourse. De fait, l’investissement     Des invités vedettes sont également pres-
                                principal consiste en heures de travail,         sentis, mais impossible d’en savoir plus
                                celles des chercheurs qui créeront les ani-      car, pour l’heure, les organisateurs se
                                mations, ainsi que celles des collabora-         fendent d’un péremptoire wait and see.
                                teurs et bénévoles qui assureront le bon
                                déroulement d’Explora. La location d’une         La pizza métagénomique
                                scène, de l’éclairage, de stands, d’un mur       Dans la peau du pizzaiolo, on retrouve
                                de grimpe et d’un château gonflable occa-        Laurent Falquet, professeur au Départe-
                                sionneront quelques sorties d’argent, de         ment de biologie. Le but de l’atelier qu’il a
                                même que la publication d’annonces dans          concocté est de mettre en avant la bioin-
                                les journaux.                                    formatique, une discipline à cheval entre
                                Afin de ne pas détourner des sommes des-         la biologie, la médecine, l’informatique et
                                tinées à l’enseignement ou à la recherche,       les statistiques. « Grâce aux nouvelles
                                l’Université de Fribourg cherche égale-          technologies de séquençage, il devient
                                ment des sponsors. Le Groupe E, l’un des         possible d’obtenir rapidement des sé-
                                quatre piliers de l’économie fribour-            quences d’ADN génomique de presque
                                geoise, financera la course de 10 kilo-          n’importe quel composé vivant, explique-
                                mètres. « Au final, explique Gian-Andri          t-il. En combinant ces séquences avec des
                                Casutt, ce sera certainement la journée          bases de données, on peut reconnaître
                                portes ouvertes la moins chère de Suisse ! »     l’espèce et parfois même l’individu à qui
                                                                                 cet ADN appartient. »
                                                                                 Partant de ces considérations, l’atelier
                                                                                  « Pizza métagénomique » se déroulera sous
                                  Quelques amuse-bouches                         forme d’une enquête de type « police scien-
                                                                                 tifique ». Les participants se verront re-
                                                                                 mettre des séquences d’ADN, tirées au ha-
                                Faculty crawl                                    sard d’une pizza. Ils devront alors chercher
                                Inspiré des pub crawls des îles britanniques     dans les bases de données bioinforma-
                                – en français et en aparté, une beuverie de      tiques des séquences similaires afin d’iden-
                                bar en bar – le faculty crawl consiste en une    tifier leurs propriétaires légitimes. « Dans
                                visite de l’Université par groupes de 20 per-    une pizza, on trouve évidemment des to-
                                sonnes environ. Sous la houlette d’un étu-       mates, des olives et des anchois, mais,
                                diant bénévole, les participants iront d’un      poursuit Laurent Falquet, il y a aussi des
                                poste à l’autre, sur le site de Miséricorde,     intrus, comme des bactéries pathogènes,
                                pour assister à des conférences ou partici-      des virus, ou d’autres contaminants indési-
                                per à des ateliers. Un exemple ? La Faculté      rables, comme les cheveux du cuisinier. » Et
                                de droit proposera une « comédie iusicale »,     de conclure : « A l’époque des grands scan-
                                un spectacle qui soulèvera des questions         dales alimentaires – et on se souvient des
                                de droits fondamentaux, comme par                lasagnes à la viande de cheval – on com-
                                exemple le contrôle d’identité dans la rue       prend bien l’utilité du séquençage et de la
                                ou la fouille corporelle. « A chaque fois, ce    bioinformatique ! » Miam !
                                sera l’occasion d’interroger le public sur la
                                conformité du comportement des forces
                                de l’ordre », conclut Jacques Dubey, créa-
                                teur de ce spectacle. Tels les pèlerins sur le     Facts & figures
                                chemin de Saint-Jacques, les visiteurs
                                pourront faire viser un passeport attestant
                                leur participation à chacune des étapes. A           plus de 25 animations (stands,
                                la fin de la journée, un tirage au sort sera         expositions, ateliers)
                                effectué et un gagnant désigné.                      10 conférences
                                                                                     40 enseignants
                                Ateliers                                             70 bénévoles
                                Les participants pourront remonter dans              La manifestation débute à 10 heures
                                le temps et s’adonner à des jeux à la mode à         et se termine à 18 heures.
                                l’époque romaine, comprendre le fonction-            L’entrée est gratuite.
                                nement de leur cerveau grâce à une batte-
                                rie de tests, ou encore se prendre pour Les
                                Experts en analysant une pizza pas très ra-
                                goûtante ! (Lire ci-après).

  6   UNIVERSITAS / JUIN 2016
Alma&Georges
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Végétarisme
dossier
                                 10   Pourquoi devient-on végétarien ?
                                      Farida Khali

                                 14   Das Fleisch ist schwach
                                      Silvan Imhof

                                 16   Pas pour moi, s’il vous plaît
                                      Andrea Boscoboinik

                                 19   Fatale Fleischeslust
                                      Hansruedi Völkle, Sophia Delgado & Florian Wüstholz

                                 22   Plantes sauvages : recette d’antan sauce moderne
                                      Damien Krattinger, Francesca Poglia Mileti

                                 24   Vegetarisch im Namen Gottes
                                      Mariano Delgado

                                 26   Bon pour les uns, fatal pour les autres
                                      Chryssa Bourbou, Véronique Dasen, Sandra Loesch

                                 29   Go Veggie – Zurück in die Zukunft!?
                                      Florian Lippke

                                 31   Hauptsache fleischlos
                                      Stefan Rindlisbacher

                                 34   «Ich bin dann mal Veggie»
                                      Gisela Kilde

                                 36   Une question de respon­sabilité et de respect
                                      François-Xavier Amherdt

                                 39   Mehr als Superfood und Recycling
                                      Florian Wüstholz

                                 42   Le végétarisme : antidote des maladies modernes ?
                                      Nathalie Charrière, Abdul Dulloo

   8   UNIVERSITAS / JUIN 2016
Japan                   Thaila
                                         nd

                                       India
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Pourquoi devient-on
dossier
                                  végétarien ?
                                  La réponse est plus complexe qu’on ne le pense. Pas de raison unique, mais
                                  une toile dont les fils remontent à l’Antiquité et une image intéressante des
                                  sociétés concernées. Un peu d’histoire avec Alexandre Wenger ? Farida Khali

                                  Alexandre Wenger, en tant que spécia-         structurent donc à ce moment-là et, en
                                  liste des liens qui unissent la médecine et   1822, passe la première loi anglaise de
                                  la société, vous connaissez bien l'histoire   protection des animaux utilisés pour
                                  du végétarisme. Cette notion, qui oscille     le labeur et pour le sport. C’est aussi
                                  entre les raisons médicales, religieuses      la première qui les protège spécifique-
                                  et culturelles, a-t-elle toujours existé ?    ment, dans une société occidentale.
                                  La pratique remonte à la plus haute Anti-
                                  quité. Vous vous souvenez de Pythagore,       On assiste alors à un véritable prosé-
                                  le mathématicien ? Si nous connaissons        lytisme.
                                  tous son fameux théorème, on sait moins       La Vegetarian Society, créée en 1847, la
                                  qu’il avait aussi une école philosophique.    première à utiliser le terme végétarisme,
                                  Il croyait à la transmigration des âmes:      dispose d’un organe de presse officiel,
                                  quand on meurt, le corps est un déchet        le Vegetarian Messenger. Parallèlement
                                  matériel qui réalimente l’univers, tandis     aux considérations religieuses, se déve-
                                  que l’âme se métamorphose et intègre une      loppent non seulement une réflexion
                                  nouvelle forme de vie, pas forcément hu-      médicale, selon laquelle manger des
                                  maine. Cette croyance confère à l’animal      animaux susciterait certaines maladies
                                  un statut moral proche ou égal à celui de     chroniques – en particulier gastriques,
                                  l’homme, d’où une réticence certaine à        digestives ou cardio-vasculaires – mais
                                  consommer de la viande.                       aussi des considérations hygiénistes. La
                                                                                cruauté et l’insalubrité des abattoirs est,
                                  Le terme, par contre, apparaît beaucoup       en effet, l’un des arguments les plus an-
                                  plus tardivement.                             ciens. La sensibilité anglaise émigre en-
                                  Le terme découle de réf lexions menées au     suite assez rapidement aux Etats-Unis,
                                  XVIIIe siècle déjà par des mouvements phi-    où naissent de nombreux courants.
                                  losophiques anglais sur la notion d’animal
                                  right, ou animal welfare. Jérémy Bentham,     Vous relevez qu’en France la situation
                                  un grand philosophe utilitariste, affir-      est très différente.
                                  mait, par exemple, que la question n’est      Il y a un vrai fossé entre la France et
                                  pas de savoir si un être vivant peut rai-     l’Angleterre. D’une part, dans une
                                  sonner ou parler, mais s’il peut souffrir.    France plutôt catholique, le repas est
                                  C’est le pathocentrisme. Le courant s’est     un moment convivial, où l’on partage
                                  développé durant le siècle suivant en inté-   les mêmes mets et les conversations
                                  grant les considérations de mouvements        sont réglementées – on ne parle pas de
                                  protestants, qui luttent conjointement        religion, de politique ou de sexe à table.
                                  contre l’esclavage, le travail des enfants    Il y a un aspect très normatif, alors
                                  et les abus sur les animaux. Un certain       que, dans la tradition protestante, on
                                  nombre de ces militants sont devenus vé-      est plus attentif aux choix individuels.
                                  gétariens, parce qu’ils voyaient une forme    Mais cela ne concerne pas que les repas:
                                  d’humanité à ne pas manger d’animaux.         en médecine, par exemple, au début
                                  Les premiers mouvements de défense se         du XIXe siècle, se crée en France l’école

   10   UNIVERSITAS / JUIN 2016
anatomo-pathologique qui pratique cou-           extrêmement violent. Il y raconte, notam-
ramment la vivisection. Ce type d’expéri-        ment, l’histoire d’ouvriers qui tomberaient
mentations est plus difficilement accepté        régulièrement dans les cuves de malaxage
dans le monde anglo-saxon.                       de la viande et se perdraient dans les boîtes
                                                 de corned beef.
Des personnalités étonnantes ont joué un
rôle important dans la large diffusion de        C’est l’ancêtre de nombreuses légendes
ces idées.                                       urbaines …
Oui, ce sont des personnages connus de           Exactement. D’ailleurs, dans Tintin en Amé-
tous, mais pas forcément pour leur ac-           rique, le syndicat des gangsters de Chicago
tion première. Par exemple, John Harvey          invite le héros à visiter les cuves de ma-
Kellog (1852–1943), dont tout le monde           laxage des abattoirs. Quelqu’un appuie
connaît aujourd’hui les fameuses céréales.       sur un bouton, la barrière s’abat et Tintin
Né dans le centre des Etats-Unis, il a suivi     tombe dans la cuve. Hergé s’est inspiré de
un cursus médical tout à fait classique. Il      The Jungle. La viande transformée suscite la
faisait également partie de l’Eglise adven-      méfiance. C’est toujours le cas aujourd’hui.
tiste du 7e jour. Ce mouvement de l’éveil        En 2013, les lasagnes de bœuf, qui étaient
protestant a lancé une réforme sanitaire,        en réalité du cheval ayant servi à l’expéri-
basée sur des principes de simplicité na-        mentation pharmaceutique, ont suscité
turelle, comme une alimentation saine            un grand scandale. Cette défiance repré-
composée de céréales et de végétaux, l’ex-       sente une motivation forte pour adopter
position à l’air pur et à la lumière du so-      un mode de vie végétarien. Mais tout cela
leil, ainsi que l’exercice physique. Ses mo-     n’est pas nouveau : au Moyen-âge déjà cir-
tivations sont médicales et religieuses,         culait le mythe du pâté de chat. Lors de
mais aussi pratiques. Le paupérisme pose         foires ou de marchés, des bouchers itiné-
de graves problèmes de malnutrition,             rants vendaient de petites boulettes recou-
particulièrement infantile. Certains ré­         vertes de pâte. La viande broyée, malaxée,
formateurs cherchent à produire de ma-           dont le goût était masqué par des épices et
nière industrielle – donc bon marché – des       l’aspect caché par la pâte, suscitait déjà l’in-
aliments protéinés pour remplacer la             quiétude. Les marchands, venus d’ailleurs,
viande. C’est ainsi que Kellog a créé ses        inspiraient aussi déjà la suspicion.
toasted corn f lakes, mais aussi – ça on le
sait moins – le beurre de cacahuète, ainsi       C’est aussi le mythe de l’Italien qui mange
qu’un produit très intéressant, mais au-         des chats …
jourd’hui tombé dans l’oubli : le protose,       Ces légendes sont véhiculées, encore au-
une sorte de viande végétale créée à base        jourd’hui, par la culture populaire, le ciné-
de cacahuètes.                                   ma, la littérature, la bande dessinée … Par
                                                 exemple, Les bouchers verts, ce génial film
Et ses théories ont-elles des fondements         danois de 2003 avec Mads Mikkelsen. Deux
scientifiques ?                                  bouchers peinent à faire fonctionner leur
En effet, il utilisait également des argu-       commerce. Jusqu’au jour où ils commer-
ments bactériologiques, liés à la théorie des    cialisent la viande d’un électricien décédé
miasmes, pour expliquer que la consom-           dans leur frigo. Il existe également de nom-
mation de viande contamine l’estomac. Il         breuses versions – littéraires, théâtrales
a publié de nombreux livres et, même si sa       et cinématographiques – de La légende
médecine est assez largement naturopathe,        de Sweeney Todd. Un barbier londonnien
il a un ancrage scientifique fort. Il y a éga-   égorge ses clients, tandis que sa maîtresse        Titulaire de la Chaire Médecine et
lement eu un effet de mode : dans son sani-      se débarrasse des cadavres en les vendant          Société, Alexandre Wenger est
tarium du Michigan, il a converti de nom-        sous forme de petits pâtés.                        professeur aux Universités de
breuses célébrités au régime végétarien.                                                            Fribourg et de Genève. Ses domaines
                                                 En Suisse, Maximilian Bircher a contri-            de recherche portent sur l’évolution
Les questions autour de la salubrité ali-        bué à la diffusion du végétarisme.                 des rapports entre la littérature et
mentaire tiennent également une grande           Il est né environ une quinzaine d’année            la médecine du XVIIe siècle à nos
place dans l’argumentaire.                       après Kellog. C’est, lui aussi, un médecin         jours, sur la figure du médecin et sur
L’abattage industriel posait des problèmes       qui s’ouvre à la nathuropatie. Il fonde éga-       différentes formes de la communi­
d’hygiène. Aux Etats-Unis, au début du XXe       lement un sanatorium, le Lebendige Kraft           cation médicale (écriture du cas,
siècle, de plus en plus de livres dénoncent      où il prône le même type d’hygiène de vie.         poésie scientifique, formulaires
les conditions d’hygiène des abattoirs, en       Plus en marge de la médecine orthodoxe,            de consentement éclairé pour la
particulier ceux de Chicago. The Jungle d’Up-    cependant, Bircher a publié plusieurs arti­        recherche clinique, etc.).
ton Sinclair est, par exemple, un pamphlet       cles qui n’ont pas été très bien reçus par la      alexandre.wenger@unifr.ch

                                                                                                              UNIVERSITAS / JUNI 2016   11
dossier                           communauté scientifique. Il a développé          panacée ou d’un médicament comme cela
                                  la notion d’énergie solaire vivante, qu’on       a été parfois dit dans le cadre de certains
                                  trouverait dans les fruits crus à différents     régimes anti-cancer.
                                  degrés. C’est dans ce cadre qu’il a inventé
                                  le bircher, inspiré par la nourriture saine      On se méfie maintenant des fruits et des
                                  des petits bergers de montagne. Son sana-        céréales, à cause des pesticide et des abus
                                  torium a aussi attiré de grands noms de          de Monsanto. C’est un peu l’histoire du
                                  l’Europe entière. C’était un lieu de prosé-      serpent qui se mord la queue, non ?
                                  lytisme assez mondain, joliment teinté du        La solution réside probablement dans le
                                  mythe suisse de la vie saine.                    choix de circuits courts, les solutions alter-
                                                                                   natives, tels que les paniers saisonniers …
                                  Voilà une vision très bucolique …                Force est tout de même de constater que,
                                  On voit bien, dans ces exemples, que le vé-      depuis la Seconde Guerre mondiale, notre
                                  gétarisme est lié à de multiples sphères.        confort alimentaire n’a cessé de s’amélio-
                                  Côté suisse, d’ailleurs, il y a encore un pro-   rer. L’espérance de vie augmente, on mange
                                  duit phare fascinant : l’Ovomaltine, créée       de mieux en mieux, de plus en plus riche
                                  au milieu du XIXe siècle par le pharmacien       et équilibré. Le paradoxe étant que, alors
                                  Georg Wander pour lutter contre la malnu-        que dans certaines régions du monde il y
                                  trition infantile. Comme le Coca Cola, le        a encore des gens qui souffrent de la faim,
                                  produit a été vendu en pharmacie jusqu’au        on se lance chez nous dans des diètes et des
                                  milieu du XXe siècle, avant de devenir un        cures épuisantes …
                                  produit de consommation courante.
                                                                                   Le végétarisme est-il alors une préoccupa-
                                  Peut-on rapprocher ces produits des ac-          tion élitaire ?
                                  tuels alicaments ?                               La dichotomie n’est pas si clairement géo-
                                  C’est une bonne question. Il n’y a pas de dé-    graphique. La question réside plutôt dans
                                  finition de l’alicament, parce qu’il n’y a pas   l’accès à la nourriture. Le problème, au-
                                  de processus d’homologation. Ce sont sou-        jourd’hui, ce sont les déserts alimentaires.
                                  vent des produits naturels, complétés d’ad-      Dans certaines villes américaines, par
                                  ditifs dont les apports ne sont pas scienti-     exemple, il faut faire plus de deux kilo-
                                  fiquement vérifiés. Par contre, l’alicament      mètres pour avoir accès à un magasin qui
                                  entre dans ce même souci du bien manger.         vend des fruits frais. Bien que vivant dans
                                  Cette idée est l’une des plus vieilles du        un pays considéré comme riche, les habi-
                                  monde. Hyppocrate dit « que ton aliment          tants ne trouvent que de la nourriture en
                                  soit ton médicament ». Comme les substi-         boîte, du fast food et des produits transfor-
                                  tuts à base de soja, d’algue ou de champi-       més. On est au cœur de la malbouffe. Il est
                                  gnons, c’est aussi une forme de réaction à       difficile d’être végétarien, dans ces régions,
                                  l’industrie de la malbouffe. A prendre avec      car, même lorsqu’ils sont accessibles, les
                                  des pincettes cependant, parce que, finale-      fruits coûtent beaucoup plus cher que des
                                  ment, ce sont les mêmes grandes firmes de        saucisses de mauvaise qualité. Par contre,
                                  l’agro-alimentaire qui les produisent.           un paysan isolé, plutôt pauvre, qui possède
                                                                                   quelques vaches et un verger, peut manger
                                  On se souvient de Popeye et ses épinards         la viande et les fruits qu’il produit lui-
                                  ou des produits laitiers qui sont « nos          même. A l’inverse, dans la campagne in-
                                  amis pour la vie » … Alors, le « manger          dienne, si le végétarisme résulte probable-
                                  cinq fruits et légumes par jour » qu’on          ment en partie de convictions religieuses,
                                  nous martèle actuellement : réalité scien-       il peut peut-être aussi s’expliquer par le fait
                                  tifique ou nouveau slogan ?                      que le fruit sera beaucoup moins cher que
                                  La vogue des épinards résultait d’une er-        la viande.
                                  reur de report dans leur teneur en fer, qui
                                  a été estimée dix fois supérieure à ce qu’elle
                                  est vraiment. Concernant les cinq fruits
                                  et légumes quotidiens, je ne suis pas mé-
                                  decin, mais, on s’accorde à dire qu’une ali-
                                  mentation équilibrée, qui fait la part belle
                                  aux légumes et aux céréales, permet de lut-
                                  ter contre les maladies cardio-vasculaires,
                                  le diabète, l’obésité et un certain nombre
                                  d’autres maux de la société moderne. At-
                                  tention, cependant, il ne s’agit pas d’une

   12   UNIVERSITAS / JUIN 2016
Das Fleisch ist schwach
dossier
                                            Dürfen wir Tiere töten und essen? Eine Frage, so alt wie die Philosophie. Einige
                                            Gelehrte kamen wohl zum Schluss, dass Tiere Rechte haben – es aber nicht gegen
                                            die «Gerechtigkeit gegen Thiere» sei, sie zu verspeisen. Silvan Imhof

   Droits des animaux –                     Die Frage, ob wir Tiere töten dürfen, um sie   und Bürgerrechte in Frankreich erörtert
   pour quoi faire ?                        zu essen, wurde in der abendländischen         er die Frage, ob Tiere Rechte besitzen. Da-
   Le débat sur l’éthique animale re-       Philosophie seit deren Anfängen diskutiert.    bei verwendet er vermutlich als erster den
   monte au XVIIe siècle, mais ce n’est     Schon Pythagoras soll den Vegetarismus         deutschen Ausdruck «Tierrechte», und vor
   qu’à l’époque des Lumières qu’il         verteidigt haben; in der gesamten Antike       allem kommt er zum Resultat, dass den
   commence à porter ses fruits. Jus­
                                            wurde das Thema immer wieder bespro-           Tieren tatsächlich Rechte zugestanden
   qu’à la fin du XVIIe siècle, dans les
                                            chen – dann verlor man es jedoch für lange     werden müssen. Mit dieser Haltung distan-
   pays germanophones, très peu de
   voix s’élèvent ; parmi elles, celle de   Zeit aus den Augen. Erst in der Neuzeit wur-   ziert sich Dietler klar von der damals vor-
   Wilhelm Dietlers avec son Gerech-        de das Interesse an den Tieren durch um-       herrschenden Auffassung. Diese spricht
   tigkeit gegen Thiere. Appell von 1787,   strittene Thesen aus zwei unterschiedlichen    den Tieren jegliche Rechte ab, «aus dem
   ouvrage indubitablement progres-         Kontexten wieder geweckt: Zum einen hat-       wunderlichen Grunde, weil sie keine Ver-
   siste. Deux ans avant la Déclaration     te Descartes behauptet, Tiere seien bloss      nunft haben». Tiere werden demzufolge
   des droits de l’homme et du citoyen      seelenlose Automaten. War diese Behaup-        bloss als Sachen angesehen, über die der
   en France, l’auteur explique déjà que    tung aber vertretbar, da Tiere doch offenbar   vernünftige Mensch willkürlich verfügen
   les animaux aussi possèdent des
                                            empfindende Wesen waren? Zum andern            darf. Dagegen macht Dietler geltend, dass
   droits, prenant ainsi de la distance
                                            versuchte man seit dem 17. Jahrhundert, die    der Besitz von Vernunft nicht das Kriterium
   avec les avis qui dominent alors, et
   fait valoir qu’être doué de raison       natürlichen Rechte des Menschen zu be-         sein kann, um einem Wesen Rechte zuzu-
   n’est pas l’unique critère pour accor-   gründen. Was aber war der Mensch von Na-       schreiben. Denn wir gestehen ja auch un-
   der des droits à un être vivant.         tur aus – ein Raubtier im permanenten          mündigen Menschen wie Kindern Rechte
   D’après lui, notre devoir consiste à     Kriegszustand oder ein friedliebender          zu und behandeln sie nicht wie Sachen.
   bannir toute forme de cruauté en-        Pflanzenfresser mit sozialer Ader? Je nach-    Dietler schlägt ein anderes Kriterium für
   vers les animaux. En revanche, il ne     dem wie die Antworten auf diese Fragen         den Besitz von Rechten vor: die Fähigkeit,
   revendique pas l’interdiction de les     ausfielen, ergaben sich auch Konsequenzen      Glück zu empfinden. Zur Vollkommenheit
   utiliser pour ses propres besoins, ni
                                            für unseren Umgang mit Tieren.                 der Schöpfung gehört nämlich, so Dietler,
   de les tuer dans un but alimentaire.
                                            Wenn auch die Wurzeln der tierethischen        dass in ihr ein optimales Mass an Glück­
                                            Debatte im 17. Jahrhundert liegen, so zeig-    seligkeit realisiert wird. Zur Glückseligkeit
                                            ten sich doch erst mit der Aufklärung deren    fähig sind aber nicht nur die vernünftigen,
                                            erste, zaghafte Triebe. Im deutschsprachi-     sondern alle empfindenden Wesen, also
                                            gen Raum waren bis zum Ende des 18. Jahr-      auch die Tiere. Das bedeutet, dass jedes
                                            hunderts nur vereinzelte Stimmen zu ver-       empfindende Wesen in gleicher Weise das
                                            nehmen, dazu gehören Wilhelm Dietler mit       Recht darauf hat, seine Bedürfnisse zu be-
                                            seiner Schrift «Gerechtigkeit gegen Thiere.    friedigen. Und das wiederum bedeutet,
                                            Appell von 1787» sowie Johann Georg Hein-      dass alle empfindenden Wesen ein Recht
                                            rich Feders Aufsatz «Ueber die Rechte der      darauf haben, dass ihre Bedürfnisse von
                                            Menschen in Ansehung der unvernünfti-          uns berücksichtigt werden. Tiere haben
                                            gen Thiere» (1792).                            also genauso wie Menschen ein natürliches
                                                                                           Recht auf Glückseligkeit.
                                            Tiere im Glück
                                            Dietlers († 1797) Schrift ist aus tierethi-    Zum Fressen gern
                                            scher Sicht zweifellos fortschrittlich. Zwei   Welche Konsequenzen ergeben sich nun
                                            Jahre vor der Erklärung der Menschen-          daraus für unseren Umgang mit Tieren?

   14     UNIVERSITAS / JUIN 2016
Dietler zufolge ist es lediglich unsere           nicht bloss eine Tiernutzung, bei der auf das
Pflicht, jede Form von Grausamkeit gegen-         Wohl der Tiere Rücksicht genommen wir-
über Tieren zu unterlassen. Dagegen sind          fordern, sondern ein Nutzungs- und Tö-
wir dazu berechtigt, Tiere für unsere Zwe-        tungsverbot.
cke zu nutzen sowie zur Nahrungsbeschaf-
fung zu töten. Allerdings muss man sich           Wer A sagt
fragen, ob die Nutzung und Tötung von Tie-        Sowohl in Dietlers wie auch in Feders Fall
ren mit dem von Dietler statuierten natürli-      kann man also feststellen, dass zwar der
chen Recht der Tiere auf Glückseligkeit ver-      herrschende Ratiozentrismus überwunden
träglich ist. Tatsächlich stellt man fest, dass   und das Tier in Bezug auf seinen Anspruch
Dietler nicht konsistent argumentiert.            auf Glückseligkeit bzw. den Wert seines Le-
Zwar zieht er aus seiner Grundannahme,            bens als mit dem Menschen gleichrangig
dass die Bedürfnisse aller empfindenden           angesehen wird. Wenn es dann aber um die
Wesen gleicherweise zählen, zunächst die          ethischen Forderungen zu unserem Um-
richtige Schlussfolgerung: Die Glückselig-        gang mit Tieren geht, kommen beide Philo-
keit von Tieren darf nur durch Handlungen         sophen auf ein Ergebnis, das mit dieser Auf-
eingeschränkt werden, die «unvermeid-             wertung der Stellung der Tiere nicht
lich» sind. Wir hätten folglich nur dann ein      verträglich ist. Statt ein grundsätzliches
Recht, Tiere zu nutzen und zu töten, wenn         Verbot der Nutzung und Tötung von Tieren
die Nutzung und Tötung von Tieren zu die-         zu fordern, bestehen Dietler und Feder            Quellen / Literatur
sen unvermeidlichen Handlungen zählt.             bloss darauf, unnötiges Leid zu vermeiden       > Dietler, W.: Gerechtigkeit gegen
Dietler weist aber nicht nach, dass der           bzw. das Wohl der Tiere zu berücksichtigen.       Thiere. Appell von 1787. Bad
Mensch seine elementaren Bedürfnisse              Letztlich akzeptieren und rechtfertigen sie       Nauheim 1997.
                                                                                                  > Feder, J. G. H.: Ueber die Rechte der
nicht befriedigen kann, ohne Tiere zu nut-        auf diese Weise den Status quo des Um-
                                                                                                    Menschen in Ansehung der
zen und zu töten. Fehlt aber ein solcher          gangs mit Tieren.
                                                                                                    unvernünftigen Thiere. In: Neues
Nachweis, ist die Nutzung und Tötung von          Ganz unverblümt hatte einige Jahre zuvor          Hannoverisches Magazin 60 (1792),
Tieren grundsätzlich «pflichtwidrig». Wäre        der Arzt Johann August Unzer (1727–99) die-       945–60.
Dietler also konsequent gewesen, hätte er         ses inkonsequente Argumentationsmuster          > Ingensiep, H. W.: Tierseele und
aufgrund seiner Einschätzung des ethi-            auf den Punkt gebracht: Es sei zwar klar,         tierethische Argumentationen in der
schen Status der Tiere zum Resultat kom-          dass für uns Menschen keine Notwendig-            deutschen philosophischen
men müssen, dass wir kein Recht dazu ha-          keit bestehe, Tiere zu verspeisen. Dennoch        Literatur des 18. Jahrhunderts. In:
ben, Tiere zu nutzen und zu töten.                würden wir es gewohnheitsmässig tun und           Internationale Zeitschrift für
                                                                                                    Geschichte und Ethik der Naturwis­
                                                  daran wolle niemand ernsthaft etwas än-
                                                                                                    senschaften, Technik und Medizin 3
Aus dem gleichen Holz                             dern, diese Gewohnheit möge «nun recht
                                                                                                    (1995), 103–18.
Dem gleichen Muster begegnet man auch             oder unrecht seyn». Die «Gelehrten» hätten      > Maehle, A.-H.: Vom rechtlosen
bei Feder (1740–1821). Aus ähnlichen Grün-        dabei nichts weiter zu tun, als uns wider         Geschöpf zum Träger von Rechten?
den wie Dietler spricht er sich dagegen aus,      besseres Wissen zu überzeugen, dass unser         Die historischen Wurzeln unserer
dass ein Rechtsverhältnis nur zwischen            Verhalten korrekt ist – also unser Gewissen       Tierethik im Denken der Aufklärung.
vernünftigen Wesen bestehen kann. Und             zu beruhigen.                                     In: Tiere ohne Rechte? Hg. v. J. C.
indem er davon ausgeht, dass alles Leben          Natürlich wird sich jeder Philosoph und           Joerden und B. Busch. Berlin,
einen intrinsischen, «absoluten Werth» be-        Ethiker empört dagegen wehren, dass es            Heidelberg, New York 1999, 1–11.
                                                                                                  > Unzer, J. A.: Der Arzt. Eine medicini­
sitzt, stellt er das Leben der Tiere auf die      seine Aufgabe sei, den allgemein akzeptier-
                                                                                                    sche Wochenschrift. Bd. 1, Neun und
gleiche Stufe wie das menschliche Leben.          ten Status quo zu untermauern. Vielmehr
                                                                                                    zwanzigstes Stück. Hamburg,
Feder geht es allerdings nicht darum, den         muss aus ethischer Sicht gerade kritisch ge-      Lüneburg, Leipzig 1769, 396–409.
Tieren Rechte zuzusprechen, sondern er            fragt werden, ob es für etablierte Hand-
will die Frage klären, welche «Rechte der         lungsweisen wie die Nutzung und Tötung
Mensch in Ansehung der unvernünftigen             von Tieren gute, rechtfertigende Gründe
Thiere» hat. Und in diesem Punkt kommt            gibt. Und wenn sich die Nutzung und Tö-
Feder zum gleichen Ergebnis wie Dietler:          tung von Tieren nicht rechtfertigen lässt,
Der Mensch hat das Recht, Tiere für seine         müssen wir unseren Umgang mit den Tie-
Zwecke zu nutzen und zu töten. Berücksich-        ren ändern. Nicht die gesellschaftlichen
tigt werden muss dabei bloss das «Wohl-           Gepflogenheiten, Gewohnheiten und Gau-
seyn» der Tiere.                                  menpräferenzen dürfen unser Handeln
Noch deutlicher als bei Dietler ist bei Feder     gegenüber den Tieren bestimmen, sondern
eine inkonsistente Argumentation zu er-           die vernünftige Einsicht. Dietler und Feder
kennen: Wenn Tiere tatsächlich, wie Feder         haben diesen Weg ein Stück weit geebnet,
annimmt, einen absoluten Wert haben, ist          sind ihn aber nicht konsequent bis an sein      Silvan Imhof ist wissenschaftlicher
es grundsätzlich unrecht, die Bedürfnisse         Ende gegangen.                                  Mitarbeiter am Departement
der Tiere unseren Zwecken unterzuordnen.                                                          für Philosophie.
Konsequenterweise müsste Feder demnach                                                            silvan.imhof@unifr.ch

                                                                                                            UNIVERSITAS / JUNI 2016     15
Pas pour moi,
dossier
                                            s’il vous plaît
                                            Manger est un moment de convivialité. Singulariser son régime peut être com-
                                            pris comme un refus de l’hospitalité. Le végétarisme brise-t-il les liens sociaux
                                            ou invente-t-il de nouvelles formes de partage ? Andrea Boscoboinik

   Sag mir, was du isst                     Depuis une vingtaine d’années, la nourri-        sociales. Dans toutes les sociétés, tradi-
   Beim Menschen beinhaltet die Er-         ture est devenue un sujet à la mode, servi       tionnelles ou complexes, l’établissement
   nährung eine starke soziale und kul-     à toutes les sauces : numéros spéciaux de        et le maintien des relations humaines
   turelle Komponente. Was wir essen        magazines, livres de cuisine, concours et        passent avant tout par le partage de la
   und wie wir etwas essen verbindet
                                            émissions de télévision consacrés à l’art        nourriture. Partager la table joue donc un
   uns mit einer bestimmten Gruppe,
                                            culinaire, forums et sites dédiés à la gastro-   rôle fondamental dans la consolidation
   einer Kultur oder einer Ideologie
   und unterscheidet uns gleichzeitig       nomie, écoles et cours de cuisine sont au-       des liens sociaux. Le terme français « com-
   von den anderen. Die Ernährung           tant de formes de mettre la table à l’hon-       pagnon » vient d’une expression latine si-
   stellt damit einen stark identitäts-     neur. Les individus se préoccupent de plus       gnifiant « partager le pain avec quelqu’un »,
   stiftenden Faktor dar, sowohl in so-     en plus de ce qu’ils mangent, de l’origine       tout comme les mots « commensal » ou
   zialer wie auch individueller Hin-       de leur nourriture et de ses effets sur leur     « commensalité » sont dérivés du latin com-
   sicht. Du bist, was du isst, so heisst   santé ou leur bien-être.                         mensalis, composé de cum (avec) et mensa
   es im Volksmund. Die aktuelle Ten-                                                        (table, nourriture).
   denz geht je länger, je mehr in Rich-
                                            Partager la table
   tung einer spezialisierten Ernäh-
   rung, die aus verschiedensten
                                            Bien que se nourrir soit un acte physiolo-       Chacun son choix ?
   Gründen gewählt wird – von medizi-       gique essentiel pour la survie, cette activi-    L’alimentation comporte une forte valeur
   nischen Problemen bis hin zu religi-     té naturelle a une forte composante sociale      identitaire, tant sociale qu’individuelle.
   ösen, politischen oder ethischen         et culturelle chez les êtres humains. La cui-    Elle définit qui l’on est et aussi qui l’on veut
   Überzeugungen. So verschieden die        sine d’une population marque souvent une         être. Nous sommes ce que nous mangeons,
   Gründe aber auch sein mögen, die         frontière entre un groupe et « les autres » :    dit le dicton. La multiplication de cam-
   kulinarische Abgrenzung stösst in        ce que l’on mange ou comment on mange            pagnes et de programmes de prévention
   jedem Fall auf ein Problem: Das ge-      nous identifie à un groupe, à une culture, à     concernant l’importance de la nourriture
   meinsame Essen mit anderen, das
                                            une idéologie et, en même temps, nous            indique que de plus en plus de personnes
   Teilen oder Erhalten von Speisen.
                                            distingue des autres. Chaque communau-           veillent à se réapproprier leur alimenta-
   Bedroht die Multiplikation unserer
   Ernährungsgewohnheiten schliess-         té estime que ses préférences alimentaires       tion. Celle-ci prend alors une dimension
   lich unsere sozialen Beziehungen?        sont justifiées et que tout ce qui s’en écarte   centrale pour se définir non seulement en
   Oder ist es vorstellbar, dass daraus     peut être source de méfiance, voire de com-      tant qu’individu, mais aussi en tant que
   neue Rituale oder Gepflogenheiten        plet dégoût. Chaque individu justifie sa         membre d’un groupe spécifique, qui se dif-
   entstehen; neue Formen des Aus-          propre manière de manger et n’apprécie           férencie des autres collectivités.
   tausches und der Erfahrungen?            pas forcément celle de l’autre. L’alimen­        Si cela a toujours été le cas pour les commu-
                                            tation marque une frontière culturelle           nautés religieuses observant des interdits
                                            entre « nous » et « les autres ». Elle définit   alimentaires, l’adoption d’alimentations
                                            une appartenance, qu’elle soit religieuse,       singulières aujourd’hui peut également
                                            nationale, idéologique ou sociale. En déci-      être analysée comme comportant des as-
                                            dant d’être végétarienne, par exemple, une       pects religieux, sous la forme d’une vision
                                            personne appartient à un groupe qui la           particulière de la vie, d’un système de sym-
                                            distingue des mangeurs de viande.                boles, de valeurs, de croyances et de pra-
                                            Les études anthropologiques sur l’alimen-        tiques. Or, la « conversion » d’un individu à
                                            tation dans différentes cultures ont montré      une diète particulière répond à une défini-
                                            le caractère éminemment social du manger         tion individuelle – et non collective – de ce
                                            ensemble, qui est au cœur des relations          qui lui convient. Les adhérents sont ainsi

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dossier                                con­vain­c us de leur foi et du bien-être que     ou autoproclamés […]. D’autres sont
                                       cela leur procure.                                d’ordre éthique, politique ou religieux,
                                                                                         comme diverses formes de végétarisme ; ils
                                       Les goûts et les couleurs                         peuvent revêtir des formes individuelles
                                       Dans notre rapport à la nourriture, nous          ou passer par l’adhésion à un mouvement
                                       trouvons deux grandes tendances : la néo-         organisé. D’autres encore relèvent de l’idio-
                                       philie et la néophobie. La première corres-       syncrasie, de préférences ou d’aversions,
                                       pond à une attitude ouverte vers d’autres         de particularités culturelles ou sociales
                                       goûts et aliments nouveaux. Le néophile           revendiquées personnellement (comme
                                       est capable de dépasser le possible dégoût        dans le cas ‹ classique › de l’ail ou de l’oi-
                                       que peut provoquer une nourriture incon-          gnon). Aussi hétérogènes soient-ils, tous
                                       nue. La deuxième tendance désigne l’inca-         ces particularismes se heurtent à un pro-
                                       pacité d’incorporer des aliments inconnus         blème : manger avec les autres, se situer par
                                       et un refus de la nouveauté. Le néophobe se       rapport à la nourriture offerte et partagée. »
                                       limite donc à incorporer des aliments
                                       identifiés et valorisés. Ces deux tendances       Casse-tête chinois
                                       sont le résultat de traits identitaires et dis-   « Toutes ces alimentations particulières
                                       tinguent une personnalité ouverte, cu-            impliquent d’affronter une ‹ exclusion › ou
                                       rieuse, d’une autre plutôt fermée et préfé-       une extraction, volontaire ou non, du
     Pour aller plus loin              rant ce qui est familier. Ces deux tendances      cercle des convives, du repas partagé, une
   > C. Fischler, Les alimentations    sont à comprendre en lien avec la crainte         exception ou une revendication de l’indivi-
     particulières. Mangerons-nous     de l’incorporation et le paradoxe de L’Hom-       du par rapport à la collectivité.» (Fischler
     encore ensemble demain ?,         nivore (Fischler 1990). Lors de voyages, un       2013 : 12–13). Il relève ainsi la clé du pro-
     Odile Jacob, 2013
                                       néophobe va préférer manger la cuisine in-        blème que posent les particularismes ali-
   > C. Fischler, L’Homnivore, Odile
                                       ternationale rassurante que goûter les cui-       mentaires: celui de la commensalité. Cette
     Jacob, 1990
                                       sines et spécialités locales.                     valorisation absolue de l’individu, qui non
                                       Lorsqu’ils sont sur le terrain pour mener         seulement privilégie désormais son bien-
                                       leurs recherches, les anthropologues              être et ses valeurs propres, mais exige et
                                       doivent, un jour ou l’autre, affronter cette      revendique que les autres s’y soumettent,
                                       situation de goûter ou partager la nourri-        n’est-elle pas en train de négliger l’impor-
                                       ture de la population qu’ils étudient. Une        tance d’une des composantes essentielles
                                       des meilleures manières de comprendre             du vivre ensemble : le partage ?
                                       un groupe, c’est de partager sa table : d’un      Si la cuisine d’une population marque sou-
                                       côté, la commensalité favorise une relation       vent une frontière entre un groupe et « les
                                       de confiance et un dialogue ouvert ; de           autres » – servant ainsi de base de discrimi-
                                       l’autre, il est possible d’apprendre beau-        nation – la multiplication des particula-
                                       coup sur une société en observant ce que          rismes alimentaires menace de faire écla-
                                       mangent ses membres, comment ils se pro-          ter nos liens sociaux, préservés par le
                                       curent leurs aliments, comment et quand           partage des repas. Ou, dit autrement : si la
                                       ils se nourissent, quel budget ils destinent      nourriture peut raffermir les liens sociaux
                                       à l’alimentation, qui prépare les aliments,       lorsqu’on la partage, elle peut les couper
                                       qui est servi en premier, les quantités ser-      lorsqu’on la refuse.
                                       vies à chacun, etc.                               L’alimentation, comme les autres fron-
                                       Comme le rappelle Claude Fischler (2013)          tières, peut représenter une rencontre ou
                                       l’anthropologue doit dépasser le dégoût           une exclusion. La revendication de l’ali-
                                       que peut provoquer la nourriture de               mentation particulière, l’intransigeance
                                       l’Autre pour aller à sa rencontre. En effet, le   de nos valeurs individuelles plutôt que col-
                                       refus de partager un aliment peut être in-        lectives, liées au partage, risque de nous
                                       terprété comme un refus de la relation            éloigner toujours davantage. Si celui qui
                                       elle-même, ce qui entraîne une réaction de        reçoit doit désormais se plier aux exigences
                                       méfiance et donc l’exclusion du groupe.           alimentaires particulières de chacun de
                                       Au-delà de la néophobie et de la néophilie,       ses invités, préparer un menu pour tous de-
                                       la tendance actuelle va aux alimentations         vient une tâche très difficile. Pourtant, une
   Andrea Boscoboinik est maître       particulières. Claude Fischler explique           autre hypothèse est envisageable : celle
   d’enseignement et de recherche      ainsi l’augmentation des particularismes :        d’une commensalité modifiée et réinven-
   au Département des sciences         « Certains sont d’ordre sanitaire ou médi-        tée, où les nourritures de chacun condui-
   sociales, domaine sciences des      cal. Il peut s’agir de pathologies graves,        raient à de nouvelles formes de partage et
   sociétés, des cultures et des       avec des conséquences potentiellement             de découvertes.
   religions, anthropologie sociale.   mortelles dans le cas de certaines allergies.
   andrea.boscoboinik@unifr.ch         Il peut s’agir de diagnostics autosuggérés

   18     UNIVERSITAS / JUIN 2016
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