Mon beau sapin AVINEWS DÉCEMBRE 2021 - Vogelwarte Sempach
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Pic cendré (photo : Markus Varesvuo) AV I N E W S DÉCEMBRE 2021 Mon beau sapin La biodiversité progresse en fo- versité des espèces. L’avifaune est tensive du bois, sous certaines prairie ou pâturage, en particulier, rêt ! En phase avec cette excel- ainsi directement influencée par conditions, peut encourager la est intéressante pour la biodiver- lente nouvelle, nos projets en- la structure de la forêt, sa gestion biodiversité. Le « Plan d’action sité. Enfin, nous voulons mettre couragent un renouveau de la vie et la tranquillité qui y règne – ou Forêts claires » montre com- à profit les chances que repré- et de la diversité dans les forêts pas. De plus en plus, la promo- ment on peut créer plus d’habi- sentent pour la biodiversité les suisses. tion des oiseaux de nos forêts ré- tats, par exemple pour l’engou- événements en apparence des- unit les propriétaires, exploitants levent d’Europe et le rougequeue tructeurs que sont les incendies L’image de la forêt suisse change. et exploitantes forestiers, les au- à front blanc, mais aussi pour les de forêt ou le stress hydrique. Alors qu’elle était seulement torités, les partenaires de la pro- papillons des forêts, les lézards Une utilisation durable de la pourvoyeuse importante d’une tection de la nature et la Station et les orchidées thermophiles. forêt, attachée à promouvoir la matière première indigène et re- ornithologique. Une dynamique Nous testons également les me- biodiversité, a toutefois un coût. nouvelable, elle est désormais positive s’est ainsi développée ces sures qui permettraient d’offrir Mais le jeu en vaut la chandelle, aussi reconnue comme régula- dernières années. au pouillot siffleur les conditions et à maints égards : des forêts ri- trice du bilan hydrique, protec- Dans cette édition d’Avinews, dont il a besoin. L’agroforeste- chement structurées et proches trice contre les dangers naturels, nous vous présentons quatre de rie, une forme spéciale de forêt de l’état naturel sont précieuses protectrice du climat, espace de nos projets forestiers. Si les ap- claire, consiste à utiliser aussi bien pour l’homme pour une va- ressourcement des humains et, proches sont variées, l’objectif les arbres que les cultures à leurs riété de raisons, ne serait-ce que tout particulièrement, habitat in- est clair : valoriser l’habitat forêt pieds. Cette double utilisation du comme espace de ressourcement. dispensable d’innombrables es- afin que les espèces d’oiseaux sol est connue depuis des siècles, pèces animales et végétales. exigeantes puissent à nouveau y avec le pâturage boisé du Jura, Matthias Kestenholz Aujourd’hui, il est évident que vivre, comme les autres. les selves de châtaigniers au Tes- la manière dont nous utilisons la Outre des forêts à l’état na- sin ou avec les vergers haute-tige forêt a un impact direct sur la di- turel, une exploitation plus in- classiques. L’utilisation du sol en
AVINEWS DÉCEMBRE 2021 : SOUS LA LOUPE Une spécialiste du froid dans un monde plus chaud d’Autriche, étudie à quel point la niverolle alpine peut s’adap- ter à l’évolution des conditions environnementales en haute montagne. Pour ce faire, nous avons combiné les données de cou- verture neigeuse de l’Institut suisse pour l’étude de la neige et des avalanches (SLF) avec les observations de niverolles al- pines annoncées sur ornitho. ch suggérant une nidification, et avons pu ainsi calculer les dates d’éclosion. Dans la zone de répartition de la niverolle al- pine, la fonte des neiges se pro- duit aujourd’hui en moyenne deux semaines plus tôt qu’il y a 20 ans à basse altitude, tandis que la date moyenne d’éclosion n’a pas bougé. Les niverolles adultes sont granivores, mais elles nourrissent leurs jeunes d’insectes et de leurs larves trouvées au bord des champs de Spécialiste de la haute montagne, la niverolle alpine s'accomode bien des conditions difficiles (photo : Ralph Martin). neige. Dès lors, il est bénéfique de synchroniser la période d’éle- vage des jeunes avec la fonte En raison du climat, l’habitat de dans des structures construites riations d’une année à l’autre. des neiges. Les modifications la niverolle alpine connaît de par l’homme telles que niches Ce recul est d’autant plus pré- des conditions neigeuses dues profonds changements. Quelles de bâtiments, pylônes de re- occupant que notre pays abrite au climat ont donc un impact conséquences pour les spécia- montées mécaniques et nichoirs. au minimum 15 % des effec- négatif direct sur le succès des listes du froid ? La Station orni- tifs européens de l’espèce, et nichées. Quant à savoir pour- thologique étudie les réactions Effectifs en déclin porte ainsi une grande respon- quoi la niverolle alpine, à basse de la niverolle alpine au chan- Les effectifs de niverolle sont sabilité pour sa conservation au altitude, n’a pas adapté son gement climatique. en recul dans une bonne par- niveau international. Ce déclin comportement de nidification tie de sa zone de répartition – est constaté surtout à basse al- à la nouvelle période de fonte Le climat de haute montagne du moins là où l’évolution est titude. Pour cette raison, la Sta- des neiges, c’est encore un mys- est marqué par des conditions connue. Depuis 1990, la popu- tion ornithologique suisse, en tère. Ce qu’on sait en revanche, extrêmes, notamment des tem- lation a baissé de 20-30 % en collaboration avec des équipes c’est qu’il est judicieux de lui pératures très basses et des pé- Suisse, mais avec de grandes va- d’Espagne, de France, d’Italie et offrir des aides à la nidification riodes de végétation courtes. Cet environnement rude, asso- cié à des changements de temps brusques et imprévisibles, exige des espèces alpines des adapta- tions particulières. La niverolle alpine fait partie de ces spécia- listes qui vivent toute l’année dans les étages supérieurs des montagnes. Plus grande et plus lourde que le moineau domes- tique, le rapport entre la surface de son corps et son volume est plus avantageux pour la ther- morégulation. Elle passe les nuits glaciales dans des anfrac- tuosités de rochers abritées du froid et de l’humidité, qu’elle défend face à ses congénères. Pour ses nichées, elle recherche avant tout des cavités protégées Les niverolles alpines quittent le nid après 21 jours environ, et sont encore nourries d’insectes et de larves pendant quelques du vent, mais elle s’installe aussi jours par les parents, avant de se tourner vers une alimentation granivore (photo : Christian Schano). 2
AVINEWS DÉCEMBRE 2021 : SOUS LA LOUPE rolles et les avons analysés. Pa- L’espèce peut-elle s’adapter rallèlement, nous avons informé aux conditions neigeuses chan- le public des risques de trans- geantes ? Nous tentons d’y ré- mission de maladies aux man- pondre par nos recherches ac- geoires et l’avons sensibilisé aux tuelles. Le marquage d’individus mesures d’hygiène, pour ne pas par des bagues de couleur et favoriser la contagion entre les leur suivi nous donnent des indi- oiseaux venant se nourrir. Tous cations précieuses sur les sché- les échantillons de ces deux der- mas de déplacement et les taux niers hivers se sont heureuse- de survie. Des géolocalisateurs ment révélés négatifs, et nous nous fourniront également des n’avons pas non plus reçu d’ob- informations plus précises sur servations de niverolles alpines les sites occupés et la position malades ou mortes. Néanmoins, des cavités-dortoirs, mais aussi nous restons attentifs pour pou- des données sur l’activité des oi- voir réagir rapidement en cas de seaux. De plus, nous allons me- nouvelle flambée. surer grâce à des méthodes gé- Grâce aux bagues de couleur, il est possible de suivre un individu tout au long nétiques les échanges entre dif- de sa vie. Le mâle E23 est sorti de l’œuf en 2018 dans un nichoir du col de la Questions ouvertes, férentes populations des Alpes Furka – où il niche lui-même depuis 2020 (photo : Dieter Haas). objectif clair et d’autres massifs montagneux. Les études menées jusqu’à pré- Enfin, nous souhaitons com- sur plusieurs niveaux d’altitude, son travail de master la concur- sent montrent que la situation prendre comment évoluent les de sorte qu’elle puisse trouver rence qui s’exerce entre mâles géographique du nid et sa dis- effectifs de niverolle alpine dans des sites adaptés aux alentours et femelles en hiver sur les sites tance aux bords du champ de un environnement qui connaît des champs de neige, confor- de nourrissage. neige sont des facteurs impor- des changements rapides – et mément à ce qu’a trouvé Ca- Outre la modification des tants pour le succès de nidifi- comment stabiliser sa popula- role Niffenegger dans son tra- conditions neigeuses pendant la cation de la niverolle alpine. Le tion dans les Alpes. vail de master. période de nidification, les ma- rapport entre emplacement du ladies représentent une autre nid et succès de reproduction Sebastian Dirren, Étés secs et maladies, des menace. Durant les hivers 2017- n’est cependant toujours pas Fränzi Korner-Nievergelt & facteurs qui comptent 2018 et 2018-2019, nous avons quantifié. On ne sait pas non Christian Schano L’impact de la météo et du cli- reçu des annonces de niverolles plus vraiment comment les dif- mat sur la niverolle alpine se alpines malades ou mortes. Afin férents facteurs que sont la dé- fait aussi sentir en été : l’ana- d’identifier l’agent pathogène, pense différenciée d’énergie, la lyse des données de baguage nous avons examiné quatre concurrence pour la nourriture des Abruzzes italiennes a mon- individus décédés. Chez trois et les maladies interagissent tré que la survie des femelles d’entre eux, la mort était due à entre eux ou influencent la sur- était beaucoup plus fortement des salmonelles. Le quatrième vie. D’autres questions restent influencée par la chaleur et la avait succombé en revanche à en suspens : quels sont les para- sécheresse estivales que celle une infection de Trichomonas mètres démographiques décisifs des mâles. Ces résultats sug- gallinae, parasite attaquant le pour l’évolution des effectifs ? gèrent que seules les femelles tractus digestif supérieur chez dépensent pour la reproduc- certaines espèces. Il s’agit du tion une énergie supérieure à premier cas documenté de tri- la moyenne pendant les étés chomonose chez une niverolle chauds et secs. Il est aussi pos- alpine. À l’aide de méthodes gé- sible que l’offre en graines soit nétiques, nous avons pu mon- réduite, entraînant alors une trer que la souche de Tricho- concurrence accrue pour la monas en cause appartenait au nourriture. Les femelles, plus même groupe que celui ayant petites, seraient alors désavan- provoqué un grave recul des ef- tagées. Il se pourrait que tous fectifs de verdier d’Europe sur ces facteurs aient un impact si tout le continent. En égard aux fort que cela entraîne un taux populations déclinantes de ni- de survie des femelles plus verolle alpine, cette découverte faible également en hiver. Afin doit être prise au sérieux. de comprendre ce phénomène, Tant les salmonelles que le nous étudions actuellement Trichomonas peuvent se trans- comment les comportements mettre à la mangeoire. Au cours alimentaires respectifs des fe- des deux derniers hivers, nous melles et des mâles sont influen- avons par conséquent réguliè- En hiver, les niverolles alpines se réunissent aussi en grands groupes, qui révèlent cés par les conditions météoro- rement récolté des échantillons des éléments intéressants sur le comportement de dominance à la mangeoire et permettent de déduire la présence d’agents pathogènes (photo : Christian logiques. Par ailleurs, Anne-Ca- de fientes et de salive aux man- Schano). thérine Gutzwiller examine dans geoires fréquentées par les nive- 3
AV I N E W S D É C E M B R E 2 0 2 1 : C O N S E R VAT I O N D E S O I S E A U X Forêts claires et conservation des espèces cibles : un plan d’action La planification des mesures des espèces cibles potentielles, pour créer des forêts claires doit (2) une cartographie des obser- désormais prendre en compte vations des espèces cibles dont les espèces cibles et leurs exi- la présence est attestée et (3) les gences écologiques. Les es- exigences écologiques des es- pèces cibles sont celles qui, du pèces cibles. fait des menaces qui pèsent sur Pour chaque station fores- elles ou de leurs exigences éco- tière, des principes d’exploita- logiques, ont besoin de mesures tion favorables au plus grand de conservation spécifiques. La nombre d’espèces cibles ont été liste des espèces cibles des fo- formulés. Ces derniers servent rêts claires d’InfoSpecies com- de ligne directrice pour la plani- prend 234 espèces de lichens, fication des mesures. Ils doivent champignons, plantes, et in- si possible être pris en compte, sectes. 7 oiseaux en font éga- à condition qu’ils n’entrent pas lement partie : gélinotte des en contradiction avec des pro- bois, tétras lyre, grand tétras, grammes de conservation en bécasse des bois, engoulevent cours. d’Europe, pic cendré et rouge- Lier la conservation générale queue à front blanc. des habitats avec la conserva- La collaboration entre spé- tion spécifique des espèces n’est cialistes des espèces et des fo- pas facile, mais permet une uti- rêts est essentielle au succès des lisation efficiente des ressources projets de conservation : seule limitées allouées à la protection la connaissance des espèces et de la nature. Les connaissances de leurs exigences par les fo- acquises dans le cadre de ce restiers et forestières leur per- plan d’action permettent d’éla- mettra d’en tenir compte dans borer des plans d’action simi- leur travail quotidien. De leur laires pour des espèces cibles côté, les spécialistes des es- d’autres habitats. Ce plan d’ac- pèces doivent transmettre les tion est donc aussi un projet pi- connaissances disponibles sous lote. une forme adaptée à la pratique, Le plan d’action traite aussi les forêts claires issues d’une exploitation particulière. et mettre à disposition les ins- « Plan d’action Forêts claires » Les selves de châtaigniers, par exemple, sont apparues par suite de leur double truments décisionnels adéquats. et plus amples informations sur utilisation comme vergers et pâtures. En plus des châtaigniers souvent noueux Dans le cadre de ce plan d’ac- www.infospecies.ch/fr/projets/ et à grands houppiers, la strate herbacée formant un tapis continu, créé par la pâture, est caractéristique (photo : Peter Steiger). tion, un outil en ligne a donc plandaction-forets-claires.html. été créé pour permettre aux forestiers et forestières de s’en- Reto Spaar, Nicole Imesch & Plusieurs espèces cibles des fo- vation des habitats à celle des quérir des espèces cibles et de Barbara Stöckli rêts claires sont au centre d’un espèces qu’InfoSpecies et le leurs exigences pour n’importe nouveau plan d’action qui vise groupe de travail Biodiversité quelle surface forestière et sta- à mieux les prendre en compte, en forêt de la Société forestière tion convenant à la forêt claire. ainsi que leurs exigences éco- suisse ont créé le plan d’action L’outil comprend (1) une liste logiques, dans les projets sylvi- « Conservation des espèces cibles coles de revalorisation des fo- dans les forêts claires », avec le rêts claires. soutien financier de l’OFEV. Toutes les forêts dont le sol Les forêts claires se sont raréfiées reçoit beaucoup de lumière ne ces derniers siècles, notamment sont pas propices à une forêt du fait des changements de pra- claire de bonne qualité. Sur de tique forestière. La disparition nombreuses stations à croissance des structures propres à la forêt végétale rapide, l’investissement claire rend la vie dure aux nom- qui serait nécessaire au maintien breuses espèces qui ont besoin à long terme d’une forêt claire d’une densité d’arbres faible, de est beaucoup trop grand. C’est houppiers clairsemés et d’un mi- pourquoi les stations forestières croclimat chaud dans les strates appropriées ont été définies, et buissonnante et herbacée. les 46 qui se prêtent à la conser- Les espèces cibles des selves de châtaigniers sont notamment le sylvandre C’est dans ce contexte et afin vation ont été intégrées au plan (Hipparchia fagi) et le lucane cerf-volant (Lucanus cervus) (photo : Jörg Gemsch, Heidi Jost). de mieux accorder la conser- d’action. 4
Comment promouvoir le pouillot siffleur ? prouvée. En revanche, les me- sures n’ont montré aucun effet sur la fréquence d’autres oiseaux nicheurs. Il semble ainsi que des interventions forestières ciblées dans les surfaces adéquates puissent créer un habitat conve- nant à la nidification du pouillot siffleur, au moins à court terme. Elles sont cependant relativement chères et leur effet à long terme est incertain. Conserver les habitats de nidification Il est dans tous les cas prioritaire de conserver les habitats de nidifi- cation existants et déjà occupés. Il convient donc de renoncer à pra- tiquer des éclaircies dans ces peu- plements. Les forestiers et fores- tières et les propriétaires peuvent En éliminant l’abondante strate arbustive, un habitat approprié pour le pouillot siffleur est créé (photos : Elias Häller, Karin Feller). ainsi contribuer à conserver le plus longtemps possible l’habitat existant. Par des subventions non seulement pour « forêts claires » La Station ornithologique, en col- des oiseaux en Suisse », le pouil- timer les effets des mesures mais aussi pour « forêts feuillues laboration avec les forestiers et fo- lot siffleur dépend de mesures de sur d’autres espèces d’oiseaux. homogènes et sombres », ainsi restières, a transposé dans un pro- conservation spécifiques. En 2021, la Fondation Fleder- que par des conventions pour gramme de conservation le savoir mausschutz a de plus étudié la conserver les habitats de nidifi- acquis à ce jour par la recherche Utilité des mesures forestières présence de plusieurs espèces de cation, les pouvoirs publics et les sur les exigences écologiques du ciblées chauves-souris par un suivi acous- institutions privées peuvent sou- pouillot siffleur. Dans le cadre du programme de tique. tenir les acteurs et actrices fo- conservation initié en 2016, les Les résultats montrent que restiers dans la conservation du La population suisse du pouil- mesures sylvicoles ciblées pour ce genre d’interventions sur des pouillot siffleur en Suisse. lot siffleur a connu un net recul le pouillot siffleur ont été dé- surfaces adéquates peut favori- depuis les années 1990, et l’es- terminées. C’est ainsi qu’en hi- ser l’installation du pouillot sif- Karin Feller, pèce figure depuis 2010 dans ver 2016-17, des interventions fleur, en particulier si l’espèce Alex Grendelmeier & la catégorie « vulnérable » de la ont eu lieu en collaboration avec est déjà présente à proximité. Gilberto Pasinelli Liste rouge. Les habitats forestiers les forestiers et forestières locaux Une plus grande activité de cer- qu’il préfère sont sujets à une in- dans des forêts du nord-ouest de taines espèces de chauves-sou- cessante disparition, du fait de la Suisse non occupées par l’es- ris dans les surfaces avec inter- la pratique sylvicole actuelle de pèce, mais pouvant lui convenir : ventions a également pu être la forêt permanente et de l’aug- l’élimination de petits arbres et mentation de l’apport d’azote de buissons dans la strate arbus- en forêt, qui favorise une strate tive a permis d’éclaircir la zone herbacée plus luxuriante. Ses exi- proche du sol et la partie infé- gences écologiques conduisent rieure des troncs, tout en gardant le pouillot siffleur à coloniser en intacte la canopée fermée. premier lieu des forêts de feuil- Pour évaluer l’effet de ces in- lus dès le stade jeune futaie, à terventions, la Station ornitho- partir d’un diamètre de tronc de logique a relevé, entre 2016 et 30 cm, et qui présentent plutôt 2020, diverses données sur les une canopée fermée et homo- surfaces sujettes aux mesures et gène. La quasi-absence de vé- sur des surfaces contrôles, non gétation dans les strates herba- touchées. Certaines propriétés cée et arbustive et une couver- de la structure forestière ont été ture du sol modérée à moyenne relevées, ainsi que la présence par de l’herbe sont également du pouillot siffleur et d’autres importantes. Espèce prioritaire oiseaux nicheurs, et également Les mesures forestières fonctionnent : ici un pouillot siffleur défendant son du programme « Conservation celle de souris. Il s’agissait d’es- territoire après une intervention (photo : Adrian Wullschleger). 5
AVINEWS DÉCEMBRE 2021 : LA PROTECTION DES OISEAUX EXPLIQUÉE Agroforesterie : les chances et les risques L’agroforesterie est une chance de nombreuses régions. Même vanneau et autres soient pris en forestiers. La combinaison de pour la biodiversité. Mais si on si elle reste plus fréquente en considération lors de la planifi- bandes herbeuses, de jachères ne prête pas attention au choix Suisse romande, ses effectifs y cation de systèmes sylvoarables. florales, de groupes de buissons du site, alouette des champs et ont aussi régressé. Les raisons Nous recommandons de plan- et de petites structures permet autres espèces d’oiseaux me- sont principalement imputables ter des structures basses tels que d’atteindre une grande valeur nacées des milieux cultivés ou- à l’intensification de l’agricul- des arbustes isolés ou des pe- écologique. Cela peut valoir la verts risquent d’être exclues de ture et à l’augmentation des tits groupes de buissons plutôt peine sur le plan financier aussi, leur habitat. constructions. Dans le cas où les que des arbres dans les régions si les critères de verger à haute- aménagements sylvoarables ve- où les espèces citées sont pré- tige de qualité II sont remplis. Le terme « agroforesterie » dé- naient à croître, à cause de sub- sentes. Tant que les structures Mais pour le bien de l’alouette signe l’art de faire coexister des ventions ou du soutien financier sont basses, l’impact négatif sur des champs, de la caille des blés, cultures et des arbres dans les d’entreprises privées en faveur les nicheurs au sol est quasi nul. du vanneau huppé et de la ber- champs et prairies. Les formes de la durabilité, l’alouette des Les bandes herbeuses et les ja- geronnette printanière, les nou- d’exploitation traditionnelles champs et d’autres pourraient chères peuvent de plus offrir un veaux aménagements doivent telles que pâturages boisés, sel- se retrouver menacés. habitat à la fauvette grisette, au être prévus près des bosquets, ves de châtaigniers et vergers tarier pâtre et à la pie-grièche lisières de forêt et villages. haute-tige en sont des exemples. Nouvelle feuille d’information écorcheur, comme c’est le cas Ces systèmes sont souvent Le fait que ces aménagements par exemple dans les zones de Dominik Hagist extensifs, riches en structures, sylvoarables causent du tort à grandes cultures du Klettgau SH, et donc précieux pour la bio- certaines espèces d’oiseaux me- du Grand Marais BE/FR et de la diversité. Depuis quelques an- nacées est peu intuitif. Une nou- Champagne GE. nées, on parle de plus en plus velle fiche d’information de la Les structures basses consti- de « systèmes sylvoarables », as- Station attire l’attention sur ce tuent une valeur ajoutée égale- sociant arbres et cultures arables. conflit, et vise à ce qu’alouette, ment dans les systèmes agro- Les arbres réduisent l’érosion, le lessivage des nitrates et l’émis- sion de gaz à effet de serre et ont ainsi un impact positif sur l’environnement. C’est pour- quoi il est question d’octroyer des paiements directs pour ce type de parcelles, ces systèmes étant vus comme une mesure fa- vorable au climat. L’agrofores- terie peut bel et bien augmen- ter la diversité structurale, mais ce genre d’aménagements peut aussi porter préjudice aux oi- seaux des paysages cultivés ou- verts. Les oiseaux nichant au sol ont besoin des milieux ouverts La protection de l’alouette des champs, de la caille des blés, du vanneau huppé et de la bergeronnette printanière demande Les plantations d’arbres en de renoncer aux aménagements agroforestiers au milieu des grandes cultures (photo : Marcel Burkhardt). plein champ sont indésirables du point de vue de la protec- tion des oiseaux. L’alouette des champs, la caille des blés, le van- neau huppé et la bergeronnette printanière ont besoin des pay- sages ouverts. L’alouette des champs, en particulier, reste à distance des grandes et hautes structures. Originaire des step pes, elle est spécialiste des ha- bitats ouverts, et est l’espèce la plus fréquente parmi les ni- cheurs au sol des terres culti- vées ouvertes. Cependant, elle compte parmi les oiseaux qui ont souffert des pertes les plus importantes en Suisse ces der- nières décennies. En Suisse alé- À proximité des bosquets et des villages, l’agroforesterie ne pose pas de problème aux oiseaux des milieux agricoles ouverts. manique, elle a déjà disparu Des espèces d’oiseaux des habitats environnants peuvent aussi en profiter (photo : Marcel Burkhardt). 6
AVINEWS DÉCEMBRE 2021 : LA PROTECTION DES OISEAUX EXPLIQUÉE Événements extrêmes en forêt, une chance pour la biodiversité D’abord destructeurs, les événe- magées par le feu ou le vent, la ments extrêmes peuvent aussi of- perte de structures comme le bois Sous-projet « Le stress hydrique en tant qu'opportunité » frir nouvelles structures et diver- mort ou les habitats pionniers – sité à nos forêts. La Station orni- ou les empêche tout bonnement Surfaces recherchées dans la zone rouge : thologique, de concert avec les d’apparaître. • forêts feuillues et mixtes à fonction propriétaires forestiers et des par- Une autre solution consiste première de « production de bois » tenaires, souhaite garantir ces sur- à garantir contractuellement à • au moins 1 ha de surface d’un seul faces pour la biodiversité. court terme les surfaces concer- tenant nées et leurs structures, afin d’as- • peuplement d’arbres au stade « futaie » Avec le changement climatique, surer la succession naturelle. La • nombreux feuillus dépérissant (50-100 % des arbres avec > 30 % de les extrêmes météorologiques Station ornithologique propose bois mort dans le houppier ou défoliation ≥ 50 %, signes de dégâts vont se multiplier. Les événe- ainsi aux propriétaires concernés tels que suintements, etc.) ments tels que tempêtes ou in- un contrat prévoyant de les dé- cendies ont le potentiel de mo- dommager pour une renoncia- Engagement des propriétaires : difier nos forêts en profondeur. tion d’exploitation d’une durée • Renonciation à l’exploitation env. 30 ans, exceptions : sécurité des che- La diversité des structures et des de 30 ans. De plus, nous souhai- mins et autres ouvrages, mesures phytosanitaires (bois restant sur place) habitats peut augmenter, et être tons avec des partenaires locaux ainsi bénéfique à la diversité des expliquer au public le rôle des fo- espèces et à l’écosystème. Les hu- rêts « désordre », des arbres pour- mains sont fondamentalement ris et des zones de forêts claires réduit ou visiblement atrophié : listes de la branche. Il s’agit de dépendants des fonctions multi- avec quelques vieux arbres, et les houppiers paraissent moins garantir davantage ces surfaces ples offertes par un écosystème l’importance de les tolérer. La pleins. Ces arbres souffrent et d’étendre le projet à d’autres intact, et dans ce domaine, la di- forêt qui domine chez nous au- de stress hydrique, et nombre cantons. Pour savoir si votre fo- versité n’est jamais trop grande. jourd’hui, dense avec de grands d’entre eux vont très vraisembla- rêt entrerait en ligne de compte, arbres puissants, est en effet trop blement mourir dans les années à consultez l’encadré ci-dessous Comment réagir à un peu variée. venir. Conséquence : l’apparition et la page www.vogelwarte.ch/ événement extrême ? de beaucoup de bois mort, ce evenements-extremes. Vous trou- Derrière chaque surface fores- On recherche : surfaces qui renforcera l’habitat de nom- vez par ailleurs sur notre site in- tière touchée par un événement forestières abîmées avec breuses espèces menacées. Pour ternet des informations sur les extrême, il y a des propriétaires potentiel cette raison, la Station a lancé un sous-projets « La tempête en tant confrontés à des décisions com- L’été humide de 2021 a été pré- premier sous-projet dans les deux qu'opportunité » et « Incendies pliquées. L’exploitation forcée, as- cédé de plusieurs années de demi-cantons bâlois, très concer- de forêt en tant qu'opportunité ». sociée à un reboisement, est sou- grande sécheresse. Les répercus- nés, intitulé « Le stress hydrique vent le seul moyen de compenser sions sur les forêts ne sautent pas en tant qu'opportunité ». Il est Alex Grendelmeier & un peu les pertes financières su- aux yeux, mais à y regarder de soutenu par l’association can- Karin Feller bies. Ce type de mesures entraîne plus près, on voit que beaucoup tonale des propriétaires fores- toutefois, sur les surfaces endom- d’arbres présentent un feuillage tiers, les cantons et des spécia- Les incendies créent des habitats pionniers pour les espèces rares comme l’épinard La défoliation est un signe clair de stress hydrique. Ce type de peuplements offre un fraise en baguette ou l’engoulevent d’Europe (photo : Livio Rey). habitat à des espèces menacées comme le pic cendré ou la rosalie alpine (photo : Station ornithologique suisse). 7
AVINEWS DÉCEMBRE 2021 : HOMMAGE Nouveaux horizons pour Felix Liechti des oiseaux, des chauves-souris et des insectes dans l’espace aé- rien qui est mesuré, et que l’on tente de mettre en relation avec les données météorologiques, cli- matiques et paysagères. Felix a installé sur le toit de la Station un radar de référence, qui mesure en permanence la migration au-des- sus de Sempach. Par sa curiosité insatiable, son intérêt tant pour l’écologie que pour la méthodologie, et la combinaison astucieuse des ap- proches quantitative (radar), qua- litative (géolocalisateurs) et théo- rique (modèles migratoires), Fe- lix a donné un essor formidable à l’aéroécologie. Qui plus est, Sur le terrain, Felix Liechti est dans son élément ! On le voit ici analysant des données radar dans le Sahara mauritanien il a suivi – à côté de son acti- (photo : Station ornithologique suisse). vité d’enseignement à l’Univer- sité de Bâle – de nombreux étu- diants et étudiantes et post-doc- Pendant plus de trente ans, il s’est collaboration avec la Haute années l’Office fédéral de l’avia- torants et post-doctorantes dans employé à percer les secrets de école spécialisée de Berthoud, tion civile sur la prévention des leurs travaux académiques, ap- la migration des oiseaux. Felix son équipe développe des géo- collisions avec les oiseaux dans les portant ainsi une contribution es- Liechti prend aujourd’hui sa re- localisateurs minuscules capables aéroports, et le représente auprès sentielle à leur formation. Enfin, traite. Ses approches innovantes d’enregistrer les routes migra- de l’International Birdstrike Com- il s’est beaucoup engagé dans ont permis de révéler des aspects toires des espèces de petite taille mittee. la création d’un groupe de re- passionnants de la migration et comme la huppe fasciée, l’hi- La technique développée pour cherche compétent et jouissant contribué à redéfinir l’aéroéco- rondelle rustique, le traquet la mesure quantitative de la mi- aussi d’une grande renommée in- logie. motteux ou le martinet à ventre gration des oiseaux débouche sur ternationale. Au terme de cette blanc. Sous sa houlette, ces ta- un partenariat de recherche entre carrière riche et inspirante, c’est Felix Liechti grandit à Herisau, chygraphes miniaturisés et leurs la Station et l’Agence spatiale eu- un autre chapitre qui s’ouvre pour dans le très terrien Appenzell composants se perfectionnent et ropéenne. L’équipe de Sempach Felix Liechti. Que nos vœux les Rhodes-Extérieures, où rien ne des méthodes sont développées est chargée de calibrer un réseau plus chaleureux accompagnent le prédispose à étudier les oi- pour leur analyse. La production existant de 80 radars météorolo- ce collègue de longue date sur seaux dans le ciel. Mais une fois en série de géolocalisateurs mise giques couvrant toute l’Europe. sa nouvelle trajectoire ! ses études de zoologie et bota- sur pied au sein de la Station et la Felix profite de la chance unique nique à l’Université de Zurich coopération avec des partenaires ainsi offerte à son équipe de pou- Matthias Kestenholz, terminées, sa future vocation se à l’étranger permettent d’éluci- voir étudier la migration sur la to- Gilberto Pasinelli & dessine : il travaille dans un bu- der aussi les routes migratoires du talité du continent. C’est alors Barbara Trösch reau de protection de l’air, et ré- phalarope à bec étroit, du gorge- l’ensemble du flux de la biomasse alise une thèse à l’Université de bleue à miroir, du roselin cramoisi Bâle chez le Prof. Bruno Brude- et de nombreux autres petits oi- rer sur l’influence de l’environ- seaux. La première preuve que le nement sur la migration des oi- martinet à ventre blanc vole pen- seaux. Il montre dans sa thèse dant 200 jours d’affilée durant sa que les migrateurs adaptent leur migration et dans ses quartiers altitude de vol, leur direction, leur d’hiver n’est qu’une parmi tant vitesse et même leur route migra- de découvertes majeures. toire aux conditions de vent. Dans Avec l’utilisation naissante de les études radar qu’il entreprend l’énergie éolienne et les dangers avec Bruno Bruderer en Israël, en qu’elle présente pour les migra- Espagne et en Mauritanie pour teurs, l’expertise de Felix est de déterminer l’influence des mers plus en plus demandée à l’inter- et des déserts sur la migration, national. Il crée un groupe de tra- Felix confirme de cette influence vail pour l’ornithologie radar ap- fondamentale du vent. En 2007, pliquée, qui calcule des modèles il succède à Bruno Bruderer à la de déroulement de la migration Station ornithologique. et effectue des expertises pour Il se consacre alors plus in- des sites potentiels d’éoliennes Les données radar précises obtenues grâce à Felix Liechti ont apporté des tensément encore aux compor- en l’Europe. Il conseille égale- informations importantes pour l'ornithologie et pour la protection des oiseaux dans le cadre de l’exploitation de l’énergie éolienne (photo : Andreas Eggenberger). tements migratoires. En étroite ment pendant de nombreuses 8
AVINEWS DÉCEMBRE 2021 : HOMMAGE Paysages revalorisés : l’œuvre d’une vie Connaître, conserver et revaloriser ser les habitats proches de l’état les habitats pour les oiseaux et les naturel. Plus de 230 publications, autres animaux sauvages a été le expertises et rapports témoignent fil conducteur des plus de 30 ans de ce travail. Relevons en parti- de Roman Graf à la Station orni- culier le set de cartes « Espèces thologique. caractéristiques » et le guide pra- tique « La biodiversité sur l’exploi- Roman Graf arrive à la Station tation agricole ». Grâce à son atti- ornithologique en 1987, au mo- tude positive, ses talents de négo- ment précis où une jeune équipe ciateur, mais aussi sa ténacité, ces démarre le projet « Lebensraum pages ne sont pas restées lettre inventar Luzern ». Il s’agit de car- morte. Les succès de Roman au- tographier et d’estimer la valeur près de propriétaires fonciers sont biologique des objets naturels nombreux – en motivant plus de tout le canton, afin d’assu- d’un à rehausser la qualité écolo- rer leur existence à long terme. gique de ses terres cultivées. Son Mais le thème des habitats ne va dernier grand projet, Roman l’a pas occuper Roman que pour ce consacré aux habitats forestiers. seul projet : il y sera fidèle durant Grâce aux cartographies qu’il a toute sa carrière professionnelle. réalisées, nous connaissons dé- Même après une longue et dure journée de terrain, Roman Graf est toujours de Fin connaisseur des oiseaux, des sormais la composition des fo- bonne humeur (photo : Simon Birrer). insectes et des plantes, et obser- rêts des carrés kilométriques du vateur passionné de la nature, il MONiR. Ce savoir est indispen- considère que la conservation sable pour que l’on soit plus tard tite zone humide au milieu de la quelques casse-têtes, mais a aussi d’habitats proches de l’état na- à même de faire le lien entre les plaine, tandis que la grande ma- contribué à ce que des solutions turel et leur revalorisation font éventuels changements dans la jorité des terres était soumise à pertinentes trouvent une appli- partie des tâches capitales de la structure forestière et les popu- une exploitation agricole très in- cation dans tout le canton. Au- protection de la nature. Il s’en- lations d’oiseaux nicheurs. tensive. Il revient à Roman d’avoir jourd’hui, la plaine de Wauwil gage dans cette mission aux ni- Roman a mené des projets réussi à réunir les agriculteurs et est certes toujours un paysage de veaux les plus variés : il développe dans toute la Suisse, mais il laisse les autres groupes d’intérêt au- culture intensive, mais elle est re- et améliore les méthodes d’inven- particulièrement sa trace dans la tour d’une vision commune pour valorisée par de nombreuses sur- taire des habitats, et prend aussi plaine de Wauwil. C’est sur son la région. De là est aussi né le faces de promotion de la biodi- beaucoup de plaisir à effectuer initiative que le projet de revi- premier projet de mise en réseau versité de qualité – et cela change des cartographies en personne talisation de cette plaine a vu du canton de Lucerne, l’un des tout. sur le terrain. De retour au bu- le jour dans les années 1990. tout premiers de Suisse. Ce rôle Roman est aussi très actif aux reau, il analyse les données et fait À l’époque, la protection de la de pionnier est allé de pair avec Grisons. Très tôt déjà, il a mon- des propositions concrètes et ré- nature dans la région se limi- un important travail de dévelop- tré que l’intensification de l’agri- alistes pour conserver et revalori- tait à celle de la réserve, une pe- pement, ce qui a valu à Roman culture gagnait même les régions plus élevées des Alpes et a donné l’alerte. Et c’est lui encore qui a si- gnalé les populations de nicheurs des prairies encore conséquentes dans les prairies d’altitude des vallées grisonnes, et qui s’est en- gagé pour leur conservation. Les qualités de Roman s’expri- ment aussi chaque fois qu’il in- forme et motive toutes les par- ties. Il s’épanouit comme réfé- rent et guide d’excursion. Son style plein d’humour et ses im- menses connaissances sur la flore et la faune font de chacune de ses excursions un moment mar- quant. Il a ainsi incité d’innom- brables personnes à l’imiter et à s’engager pour la nature dans la joie. Cette joie, nous allons as- surément encore la vivre à de nombreuses reprises au contact de Roman, même si l’heure de la retraite va bientôt sonner pour lui. En pleine action lors de la Journée de la biodiversité : Roman Graf remplit le « baromètre des espèces » dans la plaine de Wauwil pour sensibiliser le public (photo : Peter Knaus). Simon Birrer 9
AVINEWS DÉCEMBRE 2021 : NOUVELLES DE LA RECHERCHE Modéliser les flux migratoires La mécanique des fluides et les ment utilisés en mécanique des données radar permettent de vi- fluides ont alors permis d’esti- sualiser la migration des oiseaux mer le nombre d’oiseaux qui dé- et de quantifier les oiseaux qui y collent et atterrissent. prennent part. Les cartes obtenues per- mettent de visualiser les va- Les oiseaux en migration créent gues migratoires d’une nuit à des flux de biomasse qui in- l’autre. On peut également es- fluencent les fonctions écosysté- timer l’accumulation d’oiseaux miques et l’économie, l’agricul- au sol et quantifier les flux sai- ture et la santé par le transport sonniers. Le nombre d’oiseaux de nutriments, de graines et de au sol a augmenté abruptement parasites. Il est donc important en mars pour atteindre près de de les comprendre sur un plan 500 millions d’oiseaux entrant temporel et spatial. Grâce aux dans la zone d’étude. Dès le données obtenues par un ré- mois d’août, il chute à nou- seau de radars météorologiques, veau : la nouvelle génération Étourneau sansonnet (photo : Ralph Martin). il a été possible de modéliser les est incluse dans les oiseaux quit- flux migratoires entre février tant la zone en automne. Lors Nussbaumer, R., S. Bauer, L. Be- face 18: 20210194. https://doi. 2018 et janvier 2019 en Europe du pic de migration, jusqu’à noit, G. Mariethoz, F. Liechti & org/10.1098/rsif.2021.0194. centrale et de l’Ouest. Ces don- 118 millions d’oiseaux décollaient B. Schmid (2021): Quantifying nées incluaient la densité, la vi- la même nuit de printemps et year-round nocturnal bird migra- tesse et la direction de vol des 148 millions une nuit d’au- tion with a fluid dynamics model. oiseaux. Des calculs habituelle- tomne. Journal of the Royal Society, Inter- Bourdonnements et bruissements au-dessus de nos têtes À l’aide d’un radar, l’activité aé- L’espace aérien est un habitat im- diverses activités comme cher- tensité en été que les pics migra- rienne des insectes et des oi- portant pour de nombreux orga- cher leur nourriture ou pour leur toires saisonniers. Au printemps, seaux peut être quantifiée toute nismes, à l’image des insectes et dispersion ou migration saison- oiseaux et insectes montrent l’année. des oiseaux qui l’utilisent pour nière. Si les pics des mouvements une direction moyenne de vol migratoires sont bien connus, il contrastée, alors qu’en automne, reste beaucoup à découvrir sur oiseaux et insectes se dirigent en l’activité aérienne annuelle des direction du sud-ouest. Chez les oiseaux et des insectes. insectes, si l’on fait abstraction Les radars sont un moyen po- du pic d’activité diurne en été, il pulaire pour surveiller les mouve- y a pendant toutes les saisons au- ments des animaux volants. Deux tant de mouvements migratoires ans de monitoring radar continus que de mouvements de vol lo- à la Station ornithologique suisse caux. Cela signifie qu'une partie montrent des pics d’activité en des insectes volants se déplace été similaires à ceux durant les toujours avec une certaine direc- périodes migratoires. Basé sur la tion préférentielle, éventuelle- direction des vols enregistrés par ment influencée par la direction le radar, un algorithme estime la du vent. proportion de mouvements direc- tionnels (migratoires) et non-di- Shi, X., B. Schmid, P. Tschanz, rectionnels (locaux, par exemple G. Segelbacher & F. Liechti (2021): pour la recherche de nourriture). Seasonal Trends in Movement Ainsi, on estime au moins 3 Patterns of Birds and Insects millions de passages d’oiseaux et Aloft Simultaneously Recorded 20 millions de passages d’insectes by Radar. Remote Sensing 13 : sur une ligne d’un km au-dessus 1839. https://doi.org/10.3390/ de Sempach chaque année. De rs13091839. jour, les mouvements locaux des Martinet noir (photo : Daniele Occhiato). oiseaux étaient de la même in- 10
AVINEWS DÉCEMBRE 2021 : A LA RENCONTRE DE ... … Estel Albertini Toute petite déjà, Estel Albertini Son intérêt toujours croissant plus secs : c’est la huppe fasciée. Son grand rêve : pouvoir aller adorait aller se promener avec la mène à découvrir en 2017 Estel ne sait que trop bien qu’il un jour au Costa Rica, et vivre la ses parents dans le joli Parco la page internet d’ornitho.ch. faut parfois s’armer de beau- diversité des espèces et de leurs della Pace à Locarno. Elle avait C’est littéralement un nou- coup de patience pour repérer couleurs dans les tropiques. Pas alors surtout une chose en tête : veau monde qui s’ouvre à elle. l’oiseau, même s’il s’est déjà si- étonnant dès lors que l’un de les plumes ! Elle suit pendant un temps les gnalé par son « houpoupoup » ses plus beaux dessins repré- nombreuses observations pas- caractéristique. Mais quel plaisir sente le guêpier d’Europe – une Fascinée par l’immense variété sionnantes récoltées autour de lorsqu’elle peut enfin l’admirer espèce aux couleurs exotiques de leurs formes et de leurs cou- chez elle, mais elle se met assez relevant sa huppe ! Les compor- qu’elle a déjà eu l’occasion d’ob- leurs, Estel commence à collec- vite à saisir ses propres observa- tements si variés des oiseaux la server au Tessin. tionner les plumes avec assiduité. tions. Depuis, elle en a transmis fascinent tout particulièrement. Au fil du temps, elle parvient à plus de 6000 – certaines docu- identifier à quel oiseau elles ap- mentées de photo de qualité, car partiennent, mais aussi à déter- outre ses jumelles, elle est tou- miner de quel type de plumes il jours accompagnée de son ap- s’agit. Presque en même temps pareil photo. se déploie son autre grande Pour observer les oiseaux, passion : le dessin. Ses premiers c’est dans la réserve naturelle œuvres, elle les crée avec les des Bolle di Magadino qu’elle crayons de couleurs de la Sta- préfère se rendre, et tout par- tion ornithologique – offerts par ticulièrement à la cabane d’ob- ses parents lors d’une excursion servation de la Bolla Rossa. De là, au centre de visite. Aujourd’hui, elle a une vue directe sur le bord les plumes et les dessins sont ré- de la roselière et sur les plans unis, bien classés par espèce et d’eau et les zones vaseuses at- accompagnés de descriptions tenantes, avec l’avantage que rédigées par elle-même, dans les oiseaux se laissent obser- le guide ornithologique tout à ver de très près, sans être dé- fait personnel de la Tessinoise rangés. L’espèce favorite d’Es- de 15 ans. tel aime cependant les milieux Photo : Arno Schneider. AVINEWS DÉCEMBRE 2021 : PERSONNEL Changements dans l’équipe de la Station Dans ces lignes, nous voilà à responsable de la formation du ainsi avec les domaines IT, marke- Irene Schumacher et Nils Tor- souhaiter une fois de plus la personnel sur les nouveaux pro- ting et administratif. pus, qui ont choisi de continuer bienvenue, mais aussi – malheu- grammes. Nous souhaitons une cordiale sur d’autres voies. Nous perdons reusement – le meilleur pour la Pour la dixième fois, la Station bienvenue à tous les trois et une trois collaborateurs et collabora- suite. forme la relève dans le cadre d’un activité enrichissante à la Station trices engagés, que nous remer- Dans le domaine de la re- apprentissage : Sanja Willimann ornithologique ! cions chaleureusement pour leur cherche, Marie Perennes a investi effectue chez nous son CFC de Nous adressons nos plus vifs investissement. Nous leur souhai- cet été son poste dans le projet médiamaticienne et se familiarise remerciements à Karin Feller, tons le meilleur pour la suite. GloBAM, pour un post-doc de deux ans. Elle soutient l’équipe de Silke Bauer dans le développe- ment de modèles qui permettront de tester des hypothèses concer- nant le comportement migratoire des oiseaux, puis de les comparer avec des données réelles. C’est un spécialiste IT che- vronné que nous accueillons en la personne de Hans-Peter Eber hart. En plus des tâches de sou- tien et de l’installation de nou- velles machines, il est notamment De gauche à droite : Marie Perennes, Hans-Peter Eberhart, Sanja Willimann. 11
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