CHIMÈRE SANDRINE PIAU - SUSAN MANoff
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
CHIMÈRE n. f. est emprunté (v. 1220) au latin CHIMERA chimaera, lui-même pris, comme terme de chimaera, itse mythologie, au grec khimaira, désignant à la fois from the G une jeune chèvre, âgée d’un an à sa première mise young she-g bas, et une créature mythologique composite, de birth, and a forme variable mais avec un corps ou une tête de variable in sh chèvre. Ce mot, avec le terme apparenté kimaros goat. This wo « chevreau », pourrait appartenir à un groupe ‘he-goat’, ma indoeuropéen : il est ancien dans le vocabulaire group: it is fo de l’élevage. vocabulary o Terme de mythologie, le mot a développé dès The mythol les premiers textes le sens figuré d’ « insensé » en developed fr emploi adjectif (v. 1220). Il est resté sans autres adjectival m exemples avant le XVI siècle, lorsque chimère a e (c.1220). No commencé à désigner une création imaginaire the sixteenth de l’esprit (1538), plus tard appuyé par le dérivé began to des chimérique. mind (1538; chimera), with 4
menu CHIMERA borrowed (c.1220) from Latin SCHIMÄRE, Subst., feminin, leitet sich (um chimaera, itself derived, as a mythological term, 1220) vom lateinischen Wort chimaera ab, das from the Greek khimaira, meaning both a seinerseits als ein Begriff der Mythologie vom young she-goat, one year old when it first gave griechischen chímaira übernommen wurde. birth, and a composite mythological creature, Das Wort bezeichnete sowohl eine junge, ein- variable in shape but with the body or head of a jährige Ziege zur Zeit ihres ersten Gebärens goat. This word and its kindred term khimaros, als auch ein aus verschiedenen Tieren zusam- ‘he-goat’, may belong to an Indo-European mengesetztes mythologisches Wesen von group: it is found in very early sources for the unterschiedlicher Form mit dem Körper oder vocabulary of animal husbandry. dem Kopf einer Ziege. Möglicherweise gehört dieses Wort mit dem damit verwandten Begriff The mythological sense of the word also kimaros („Zicklein“) einer indogermanischen developed from the earliest texts the figurative Gruppe an: Es wird dem alten Vokabular der adjectival meaning ‘weird’ or ‘extravagant’ Tierzucht zugeordnet. (c.1220). No other examples are found before the sixteenth century, when chimère in French Als Begriff der Mythologie entwickelte das began to designate an imaginary creation of the Wort adjektivisch gebraucht von den ersten mind (1538; late sixteenth century for English Texten an den übertragenen Sinn von „ver- chimera), with the later derivation chimeric. rückt“ (um 1220). Vor dem 16. Jh. finden sich keine anderen Beispiele, dann jedoch begann es, auf Französisch ein Hirngespinst zu be- zeichnen (1538), und diese Bedeutung wurde später durch das abgeleitete Wort chimérique („trügerisch“ im Sinne von trügerische Fantasie) noch gefestigt. 5
CARL LOEWE (1796-1869) GOETHE UND LOEWE – LIEDER UND BALLADEN 1. Ach neige, du Schmerzenreiche 4’11 ROBERT SCHUMANN (1810-1856) LIEDER UND GESÄNGE AUS ‚WILHELM MEISTER‘, OP.98A 2. Mignon ‚Kennst du das Land ?‘ 4’14 5 LIEDER UND GESÄNGE, OP.127 3. Dein Angesicht 2’13 MYRTHEN, OP.25 4. Die Lotosblume 1’44 CLAUDE DEBUSSY (1862-1918) FÊTES GALANTES I, CD 86 5. En sourdine 2’46 6. Fantoches 1’24 7. Clair de lune 2’44 HUGO WOLF (1860-1903) 8. Verschwiegene Liebe 2’28 9. Nixe Binsefuss 2’19 10. Das verlassene Mägdlein 2’53 11. Lied vom Winde 2’45 IVOR GURNEY (1890-1937) 5 ELIZABETHAN SONGS, IIG 2 12. Sleep 3’08 6
menu ROBERT BAKSA (*1938) 13. Heart! we will forget him 3’09 FRANCIS POULENC (1899-1963) BANALITÉS, FP 107 14. Chanson d’Orkenise 1’27 15. Hôtel 1’38 16. Fagnes de Wallonie 1’27 17. Voyage à Paris 0’57 18. Sanglots 4’18 SAMUEL BARBER (1910-1981) DESPITE AND STILL, OP.41 19. Solitary Hotel, op.41 No.4 2’36 FRANCIS POULENC MÉTAMORPHOSES, FP 121 20. C’est ainsi que tu es 2’28 ANDRÉ PREVIN (*1929) THREE DICKINSON SONGS 21. As Imperceptibly as Grief 3’13 22. Will There Really Be a Morning? 1’30 23. Good Morning Midnight 2’45 TOTAL TIME: 58’27 7
FRANÇAIS ENGLISH DEUTSCH SANDRINE PIAU SOPRANO SUSAN MANOFF PIANO 11
12
FRANÇAIS FRANÇAIS Avec Chimère , nous refermons un « triptyque » explorant les terres infinies des rêves. Évocation était un voyage intime vers un ailleurs réinventé ou un ENGLISH amour sublimé. Après un rêve abordait le douloureux passage du rêve à la réalité. Chimère nous plonge dans le désir fou de donner réalité à nos rêves. DEUTSCH Sa séduction, leurre chatoyant, est souvent le tombeau de nos illusions. Chimère, créature mythologique hybride… La recherche génétique donne une actualité troublante à la chimère, touchant au fondement même des espèces et de notre devenir… Le parfum d’étrangeté qu’elle exhale est celui de toutes les transgressions, de toutes les libertés et la promesse trompeuse de repousser à l’infini les limites de notre humanité. « Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité. » (Jean-Jacques Rousseau) « Nos chimères sont ce qui nous ressemble le mieux… » (Victor Hugo) Sandrine Piau
« Je regarde la vie des deux côtés maintenant, Gagner et perdre et cependant je ne sais pourquoi, Ce sont les illusions de la vie que je retiens Vraiment la vie, je ne la comprends pas du tout. » Both Sides, Now Joni Mitchell Et si la clef était là ? La chimère est peut-être un portail qui nous permet de dialoguer avec nos démons, les âges de nos vies, le va et vient, le comprendre et ne rien comprendre. Plume arrachée du ciel Tombée de la voûte dans mes bras, nus. Un corbeau, choqué Une chenille, sauvée Un papillon, libéré Une fourmi, observée Une mouette, contemplée Je ne suis pas seule. 14
FRANÇAIS FRANÇAIS J’avance sur le seuil, de ce monde, de l’autre. ENGLISH Mes larmes coulent comme des ruisseaux vers le large, la mer, DEUTSCH trouvant délivrance. Douleur, tu te perds à l’horizon. Un pilote inconnu, arraché du ciel tombé de l’horreur tombé du viol de la voûte dans le duvet de nos larmes, nues. Viens, nous sommes là. L’Anse Bleue, Juin 2016 Susan Manoff 15
16
FRANÇAIS FRANÇAIS L’ÉVIDENCE ET LE MYSTÈRE PAR STÉPHANE GOLDET ENGLISH 1. CARL LOEWE : Szene aus « Faust », dite « Marguerite aux remparts » DEUTSCH (Johann Wolfgang von Goethe), 1835 Célèbre en son temps pour la beauté de sa voix lorsqu’il interprétait seul, s’accompagnant lui-même au piano, ses ballades et ses romances, Loewe a quarante ans lorsqu’il se saisit de ce grand texte de la contrition et du remords d’une faute commise par une toute jeune fille sous l’impulsion du désir. Ces mêmes vers avaient inspiré Schubert, au printemps de ses vingt ans, un lied laissé inachevé, stoppé net sur « mon cœur se brise en moi ». Schumann, Wolf, Liszt (à deux reprises) s’y frotteront après lui. Mais personne ne réussira comme Loewe la mise en musique de cette prière, droite et sobre, soutenue par un choral d’église. Loewe fait tomber le dernier mot du lied (« détresse »), chanté sur un sol grave, comme une pelletée de terre sur un cercueil. 2. ROBERT SCHUMANN : « Kennst du das Land?» dit « Chant de Mignon » (Johann Wolfgang von Goethe), 1849 3. ROBERT SCHUMANN : Dein Angesicht (Heinrich Heine), 1840 4. ROBERT SCHUMANN : Die Lotosblume (Heinrich Heine), 1840 L’idée forte des deux musiciennes, ici, est l’invention d’un petit récit schumannien en trois étapes d’images blanches. 17
En ouverture, une sorte d’Himalaya poétique – le texte allemand sans doute le plus mis en musique de toute l’histoire du lied1 C’est le chant d’un être angélique (chimérique ?), perdu entre enfance et éternité comme entre ciel et terre ; butant toujours sur l’énigme de son origine : celle d’être le fruit d’un inceste qu’elle ignore – donc produit d’un secret qui la tue. Comme tant d’autres avant et après lui, Schumann tente d’en révéler le profond mystère. Au cœur de ce « récit », l’image blafarde (« so bleich ») du visage de l’aimée entrevue en rêve, avec ses lèvres rouges aujourd’hui, mais qui le seront un jour – blafardes – puisque vouées à la mort. Fatalement, dit ce lied imperturbable, blanc comme un suaire qui envelopperait le poème. Primitivement conçu pour le cycle des Amours du poète, ce Visage en concentre toute l’intensité. En finale, un bijou de poésie pudiquement érotique où « Schumann n’a plus rien à envier à Schubert ; il lui a presque volé son âme » (B. François-Sappey). 5. CLAUDE DEBUSSY : En sourdine (Paul Verlaine), 1892 6. CLAUDE DEBUSSY : Fantoches (Paul Verlaine), 1892 7. CLAUDE DEBUSSY : Clair de lune (Paul Verlaine), 1892 Il s’agit du premier volume des Fêtes galantes, où « le prince des poètes français » est servi par le plus sensuel des amants de la langue française. Le monde est feutré et triste (le rossignol comme « voix de notre désespoir » dans En sourdine – mis en musique par Fauré au même moment ; longue tenue du premier « triste » chanté dans le Clair de lune). Dès la première phrase, les mots sont distillés goutte à goutte, par glissements progressifs d’un plaisir qu’on cherchera à assouvir d’autant plus qu’il se refuse – avec délicatesse, par les 1 Le Guide de la mélodie et du lied (Fayard) ainsi que le site lieder.net en évoquent plus de cent… 18
FRANÇAIS FRANÇAIS harmonies toujours dérobées d’un piano où se devine déjà le monde des Préludes à naître. Lovée dans l’œuvre de Debussy, la Commedia dell’arte est ici drapée dans ENGLISH le vêtement musical d’une désinvolte (« la la la,… ») et loufoque espagnolade (soufflée au musicien par « le pirate espagnol » ? ). La partie de cache-cache des personnages s’y joue, allegretto scherzando, dans une vertigineuse effervescence. 8. DEUTSCH HUGO WOLF : Verschwiegene Liebe (Joseph von Eichendorff), 1888 Il y a, dans ce poème qui chante la paix, une qualité d’harmonie entre l’homme et le monde, rendue fusionnelle dans le lied. Le « silence profond » de En sourdine est ici un « verschwiegen » – apogée de la ligne de chant (« la nuit est silencieuse »). La présence prégnante de ce silence, dans la partie de piano, témoigne d’une fine lecture du poème, qui est une des marques de fabrique de Wolf. 9. HUGO WOLF : Nixe Binsefuss (Eduard Mörike), 1888 Au bord d’un lac par une nuit d’hiver, une petite ondine fraîche et insolente vient se moquer d’un pauvre pêcheur. On y entend au piano sonner la glace sous les pieds de l’exquise – mais un rien perverse – créature, qui, bonne enfant au fond, finira par lui offrir un cadeau. Dans cette ballade « pour rire », tout est léger-léger ; ça pirouette, glisse et virevolte à telle allure que, comme dans Fantoches, on en perdrait facilement la tête… 10. HUGO WOLF : Das verlassene Mägdlein (Eduard Mörike), 1888 Le « matin d’après » la révélation de l’infidélité de celui qu’on aime encore. Dans la musique, dès avant qu’elle n’ait ouvert la bouche, on voit la pauvre fille de ferme 19
entrer dans la pièce, comme recroquevillée, sur un rythme simple (une noire suivie de deux croches) – l’allure même d’un glas qui accompagnerait le lied entier comme des chevaux traînant un cercueil. La jeune servante, simplement, dit sa douleur, dans une nuance décolorée (entre le double et le triple piano tout du long, et un seul forte sur le mot « treuloser » : infidèle). C’est minimal, on n’aura jamais fait plus simple2 – et c’est l’un des grands lieder non seulement de son auteur, mais aussi de toute l’histoire du lied. À remarquer : la formidable idée de l’enchaînement de Nixe Binsefuss avec ce lied-ci, tous deux dans la même tonalité de la mineur. 11. HUGO WOLF : Lied vom Winde (Eduard Mörike), 1888 Cet ouragan pour pianiste et chanteuse est l’une des grandes pages de folie du répertoire. Déferle ici, en deux questions, avec deux longues esquives pour toute réponse, un étonnant dialogue entre une jeune fille (abandonnée par son promis) et… qui, au juste ? Le vent, ou une partie d’elle-même ? Le musicien en a fait une sorte de poème symphonique, où la matière sonore tourbillonne, monte, s’enfle, et ne s’éloigne que pour revenir avec plus de force, tandis que la voix bondit, et zigzague comme un animal en cage. Allant jusqu’à citer (involontairement ?) la Tétralogie3, Wolf se pose bien ici en Wagner du lied. 12. IVOR GURNEY : Sleep (John Fletcher), 1917-1922 Figure étrange du XXe siècle, ce créateur anglais à la santé psychique fragile, qui se voulait autant poète que compositeur, laisse quelque trois cents mélodies, dont 2 La comparaison, dans ce registre de la simplicité, s’effectue avec la Petite rose des bruyères de Goethe, mise en musique par Schubert (Heidenröslein). 3 « Bei den Bergen, den Meeren, / Bei des Himmels klingende Heeren » (Auprès des montagnes, des mers, auprès des armées sonantes du ciel ) est chanté exactement sur les notes du thème de l’épée Nothung. 20
21
un peu moins du tiers publié à ce jour. Cultivé, aimant les poètes élisabéthains comme les compositeurs romantiques germaniques, il a choisi de mettre en musique cet appel à la nuit réparatrice d’un poète considéré en Grande-Bretagne comme l’un des successeurs de Shakespeare. Dans une langue musicale bien plus « classique » que tout ce qu’on écrivait dans les années 1920, le musicien déploie une de ces belles odes à la nuit, située dans la lignée de Nacht und Traüme de Schubert comme dans celle d’Um Mitternacht de Wolf. 13. ROBERT BAKSA : Heart! We will forget him (Emily Dickinson), 1967, révision 1999 Comme en un « couvent d’écriture », Emily Dickinson vécut sa vie entière en recluse volontaire, dans la demeure familiale d’une petite ville du Massachusetts. Dans une langue acérée, étrangement ponctuée, cette « prospectrice des mines de l’âme » (Claire Malroux4) fora en nous sans relâche, un quart de siècle durant. Sa modalité, déployée à l’infini dans les 1789 poèmes retrouvés après sa mort, est l’incandescence expressive. Mais il fallut attendre les éditions du XXe siècle, conformes aux originaux, pour qu’elle soit reconnue pour ce qu’elle est : un des plus grands poètes de langue anglaise de tous les temps. Un de ses thèmes de prédilection, ici illustré par un compositeur américain prolifique ayant mis en musique plusieurs dizaines de textes de Dickinson, est la séparation. On ne sait si celle qui avait de la vie une vision vertigineuse fut « amante en vrai », mais elle le fut « en poésie ». Déjà illustré par Aaron Copland en 1949, ce poème rappelle Das verlassene Mägdlein (plage 10). Le compositeur opte 4 Introduction aux Quatrains et autres poèmes brefs d’E. Dickinson (Gallimard, coll. Poésie, édition bilingue). Claire Malroux est également l’auteur d’une magnifique présentation de l’intégralité des poèmes écrits entre 1861 et 1863 éditée dans la collection du Domaine romantique de José Corti sous le titre d’« Une âme en incandescence » en 1998. 22
FRANÇAIS pour une mise en musique dominée par la tendresse qu’inspire encore à celle qui chante l’injonction qu’elle se fait à elle-même d’oublier un homme dont elle sait – la fin du poème le suggère bien – qu’elle l’aimera au-delà de la mort. 14-18. FRANCIS POULENC : Banalités (Guillaume Apollinaire), 1940 Francis Poulenc, octobre 1940 : « Il ne s’agit, pour Apollinaire, que de délicieux vers de mirlitons groupés sous le titre de Banalités (« Voyage à Paris », « Hôtel »). Quand on me connaît, il paraîtra tout naturel que j’aie ouvert une bouche de carpe pour happer les vers délicieusement stupides du « Voyage à Paris ». Lorsqu’il s’agit de Paris, j’y vais souvent de ma larme ou de ma note […] Il ne m’en fallut pas plus pour me décider à entreprendre un cycle dans lequel figureraient « Sanglots » et « Fagnes ». Restait à trouver une mélodie initiale rythmique, « Sanglots » devant clore la série avec gravité. C’est alors que je me souvins d’une chanson […] qu’Apollinaire avait insérée dans une étrange et belle prose intitulée Onirocritique. Au mois de juin (1940), marchant comme troufion sur la route de Cahors, je m’étais mis à fredonner, je ne sais pourquoi, « Dans la ville d’Orkenise » […] « Sanglots », tout comme «Tu vois le feu du soir » (ex. Miroirs brûlants, Paul Éluard) devrait se sauver de la monotonie par le raffinement de l’écriture pianistique et la simplicité de la ligne vocale5 » (F. Poulenc, Journal de mes mélodies, éd. Cicéro, 1993). 19. SAMUEL BARBER : Solitary Hotel (James Joyce), 1968-1969 Auteur d’une quarantaine de mélodies, Samuel Barber avait déjà visité Joyce, que ce soit dans sa poésie pure (en 1936, son opus 10 est bâti sur trois poèmes du 5 Belle description détaillée de cette mélodie dans le Francis Poulenc d’Henri Hell (Fayard, 1978). 23
recueil Chamber Music), ou en 1947, en posant une petite valse gracieuse et mutine sur quelques phrases tirées de Finnegans Wake. Lui répondra, pour compléter le portrait musical de ce génial (ré)inventeur de la langue anglaise, vingt ans après, un emprunt à Ulysses. Ce fragment de scène étrange, dominée par le « non-dit », lui inspire, cette fois, non pas tant un tango que…le souvenir d’un tango. 20. FRANCIS POULENC : C’est ainsi que tu es (Louise de Vilmorin), 1943 Dans un petit appartement de deux pièces louées à Beaulieu-sur-Dordogne durant l’été 1943, Poulenc mettait en chantier, en même temps que cette mélodie, Figure humaine, la belle cantate que, secrètement déjà, il dédiait à la Libération. Comme un post-scriptum aux Fiançailles pour rire et aux magnifiques Trois Poèmes composés juste avant la guerre, voici une dernière mise en musique de celle qu’il admirait tant, pour sa beauté comme pour son maniement si subtil du double sens. Calme, sensuelle (ô combien à l’unisson du poème), langoureuse, cette mélodie rappelle quel amoureux de Chopin était Poulenc. 21-23. ANDRÉ PREVIN : Three Dickinson Songs (Emily Dickinson), écrites pour Renée Fleming, créées le 18 décembre 1999 Compositeur, adaptateur-arrangeur prolifique à l’extrême, jazzman autant que pianiste et chef d’orchestre dans le domaine dit classique et contemporain, Previn est une figure puissamment originale. Sa sélection de poèmes de Dickinson a retenu de cette immense figure poétique (cf. plage 13) l’aspect « mystique du réel » (l’été, le matin, le minuit) de cette poétesse. Comme le montrent d’entrée les magnifiques dissonances mélodieuses des huit premiers accords, le musicien sait se mettre au niveau de cette pensée poétique étrange, qui embrasse et télescope 24
FRANÇAIS les extrêmes (Good Morning Midnight). La beauté du dialogue entre ligne de chant menu et écriture jamais convenue du piano, la conduite fine de chaque mélodie qui s’épanouit en s’achevant sur un sol aigu, offert comme une perle rare, font de ce cycle un des beaux cahiers de la musique vocale du XXe siècle. 25
28
FRANÇAIS With ‘Chimère’, we complete a ‘triptych’ exploring the infinite menu territories of dreams. Évocation was an intimate journey towards a reinvented ENGLISH ENGLISH elsewhere or a sublime love. Après un rêve dealt with the painful transition from dream to reality. DEUTSCH Chimère plunges us into the crazy urge to make our dreams come true. The seductive power of that urge, its glittering lure, often becomes the graveyard of our illusions. The Chimera, a hybrid mythological creature . . . Genetic research gives the chimera a disturbing relevance, touching on the very foundations of the species and of our future destiny . . . The perfume of strangeness it exhales is that of every sort of transgression, of every freedom, and the deceptive promise of pushing back ad infinitum the limits of our humanity. ‘The land of chimeras is the only one in this world worth living in’ (Jean-Jacques Rousseau). ‘Our chimeras are that which most resembles us’ (Victor Hugo). Sandrine Piau
“I’ve looked at life from both sides now From win and lose and still somehow It’s life’s illusions I recall I really don’t know life at all.” Both Sides, Now Joni Mitchell What if the key lies there ? The chimera is perhaps a portal opening onto a dialogue with our demons, the ages of our lives, the coming and going, the understanding and not understanding at all. Feather ripped from the sky, Fallen from the vault into my arms, bare. A raven: shocked A caterpillar: saved A butterfly: freed An ant: watched A gull: contemplated I am not alone. 30
I walk on the threshold, of this world, ENGLISH of the other. My tears flow like streams towards the open, the sea, finding release. Suffering, you disappear on the horizon. An unknown pilot , ripped from the sky, fallen from the horror fallen from the assault of the vault into the soft down of our tears, bare. Come, we are here. L’Anse-Bleue, June 2016 Susan Manoff 31
32
34
SIMPLICITY AND MYSTERY BY STÉPHANE GOLDET ENGLISH 1. CARL LOEWE: Scene aus ‘Faust’, also known as ‘Gretchen im Zwinger’ or ‘Gretchens Bitte’ (Johann Wolfgang von Goethe), 1835 Loewe was famous in his time for the beauty of his voice when he performed his ballads and romances alone, accompanying himself on the piano. At the age of forty he set this great text evoking a young girl’s contrition and remorse for a sin to which she has been driven by desire. The same verse had inspired Schubert, in the spring of his twentieth year, to write a lied that he left unfinished, stopping dead at ‘Das Herz zerbricht in mir’ (My heart breaks within me). Schumann, Wolf and Liszt (who set it twice) also tried their hand at it after Loewe. But no one produced a more successful setting of this prayer, sober and straightforward, underpinned by a chorale. Loewe places the last word of the lied, ‘Noth’ (distress) on a low G, like a spadeful of earth on a coffin. 2. ROBERT SCHUMANN: Kennst du das Land, also known as Mignon (Johann Wolfgang von Goethe), 1849 3. ROBERT SCHUMANN: Dein Angesicht (Heinrich Heine), 1840 4. ROBERT SCHUMANN: Die Lotosblume (Heinrich Heine), 1840 The highly original idea of the two musicians here is to invent a little Schumannesque narrative in three stages, linked by their white images. 35
We begin with a sort of poetic Himalaya – probably the German text most frequently set to music in the entire history of the lied.1 It is the song of an angelic (chimeric?) being, lost between childhood and eternity, between heaven and earth, constantly baffled by the riddle of her identity (unbeknown to her, she is the fruit of incest, and thus the product of a secret that will kill her). Like so many others before and after him, Schumann attempts to reveal its profound mystery. At the heart of this ‘narrative’ is the pallor (‘so bleich’) of the beloved’s face glimpsed in a dream, with her lips that are red today, but one day will be pale, since they are doomed to die. Such is their fate, we are told by this imperturbable lied, white as the shroud that seems to envelop the poem. Originally intended for Dichterliebe, the song concentrates all that cycle’s intensity. The finale is provided by a gem of discreetly erotic poetry in which ‘Schumann need not fear comparison with Schubert; he has almost stolen his soul’ (Brigitte François-Sappey). 5. CLAUDE DEBUSSY: En sourdine (Paul Verlaine), 1892 6. CLAUDE DEBUSSY: Fantoches (Paul Verlaine), 1892 7. CLAUDE DEBUSSY: Clair de lune (Paul Verlaine), 1892 This is Debussy’s first set of Fêtes galantes, where the ‘prince of French poets’ is served by the most sensual of lovers of the French language. The world is sensuous and sad (the nightingale as the ‘voice of our despair’ in En sourdine – a poem set by Fauré at the same moment; the long-held note on the first ‘triste’ in Clair de lune). Right from the first phrase, the words are distilled drop by drop, by ‘successive slidings’ of a pleasure that we constantly seek to assuage, 1 The Guide de la mélodie et du lied (Paris: Fayard, 1994) and the site lieder.net list more than a hundred settings. 36
especially as it refuses to yield – with delicacy, through the harmonies incessantly spirited away from us by a piano in which the world of Préludes as yet unborn may already be perceived. ENGLISH The element of commedia dell’arte that nestles within Debussy’s output is here dressed up in the musical garb of a Spanish masquerade (suggested to the composer by the ‘pirate espagnol’?), at once offhand (‘la la la’) and zany. The characters’ game of hide and seek is played out, allegretto scherzando, amid dizzying effervescence. 8. HUGO WOLF: Verschwiegene Liebe (Joseph von Eichendorff), 1888 This poem which hymns peace contains a quality of harmony between humanity and the world that becomes symbiotic in the lied. The ‘silence profond’ of En sourdine is here verschwiegen – the highest point of the vocal line (at the words ‘Die Nacht ist verschwiegen’, The night is silent). The vivid presence of this silence, in the piano part, bears witness to subtle reading of the poem, which is one of the trademarks of Wolf. 9. HUGO WOLF: Nixe Binsefuss (Eduard Mörike), 1888 On the shore of a lake on a winter’s night, a fresh and cheeky little water sprite comes to mock a poor fisherman. In the piano part we can hear the sound of the ice under the feet of the exquisite but somewhat perverse creature, who is kind enough at heart and ends up offering him a gift. In this jokey ballad, everything is feather-light; the music pirouettes, slithers and swirls at such speed that, as in Fantoches, it is easy to feel one’s head spinning . . . 37
10. HUGO WOLF: Das verlassene Mägdlein (Eduard Mörike), 1888 The ‘morning after’ the revelation of the infidelity of the man one still loves. In the music, before she has even opened her mouth, we see a poor farm girl entering the room, as if shrivelled up, to a simple rhythm (a crotchet followed by two quavers) – like a death knell, accompanying the whole song like horses drawing a hearse. The young servant, simply, says her grief, in a colourless tone (between double and triple piano throughout, with a single forte on the word ‘treuloser’, faithless). It is minimalistic – nothing simpler has ever been written2 – and it is one of the great songs not only of its composer, but of the entire history of the lied. Worth noting in this programme is the splendid idea of following Nixe Binsefuss with this song; they share the same key of A minor. 11. HUGO WOLF: Lied vom Winde (Eduard Mörike), 1888 This hurricane for pianist and singer is one of the great mad scenes of the repertoire. Sweeping through it, in two questions with two long evasions as the only answer, is an astonishing dialogue between a young woman (abandoned by her betrothed) and . . . whom, in fact? The wind, or a part of herself? The composer has made it a sort of symphonic poem, in which the sound material swirls, rises, swells, and moves off only to return with greater force, while the voice leaps and zigzags like a caged beast. Here Wolf really does set himself up as the Wagner of the lied, even going to the extent of (unconsciously?) quoting the Ring.3 2 The best comparison, in this register of simplicity, is with Schubert’s setting of Goethe’s Heidenröslein. 3 The words ‘Bei den Bergen, den Meeren, / Bei des Himmels klingende Heeren’ (From the mountains, the seas, / the resounding hosts of Heaven) are sung to the exact notes of the leitmotif of the sword Nothung. 38
39
12. IVOR GURNEY: Sleep (John Fletcher), 1917-22 This strange, psychologically fragile twentieth-century English creator, who saw himself as a poet as much as a composer, left more than three hundred songs, slightly fewer than a third of which have been published to date. A cultivated admirer of both the Elizabethan poets and the Austro-German Romantic composers, he chose to set to music this invocation to healing night by a poet and playwright who was one of Shakespeare’s immediate successors. Employing a musical language markedly more ‘classical’ than anything that was being written in the 1920s, Gurney unfolds a fine ode to the night in the tradition of Schubert’s Nacht und Traüme and Wolf’s Um Mitternacht. 13. ROBERT BAKSA: Heart! We will forget him (Emily Dickinson) 1967, revised 1999 As if in a ‘convent of writing’, Emily Dickinson lived her whole life as a voluntary recluse in her family home in a small Massachusetts town. In jagged, oddly punctuated language, this ‘prospector of the mines of the soul’ (Claire Malroux4) ceaselessly burrowed into our inner souls for a quarter of century. Her stylistic mode, deployed in infinite ways in the 1,789 poems discovered after her death, is expressive incandescence. But it was not until the editions of the twentieth century, reproducing the original texts, that she was recognised for what she is: one of the greatest English-language poets of all time. One of her themes of predilection, here illustrated by a prolific American composer who has already set several dozen texts by Dickinson, is separation. We do not 4 Introduction to Emily Dickinson, Quatrains et autres poèmes brefs (Paris: Gallimard, 2000). 40
know if this woman with her vertiginous vision of life was a lover ‘in actual fact’, but she was one ‘in poetry’. This poem, already set by Aaron Copland in 1949, recalls Das verlassene Mägdlein (track 10). The composer opts for a musical setting ENGLISH dominated by the tenderness that still inspires the singer as she urges herself to forget a man whom she knows – the end of the poem clearly suggests this – she will love beyond death. 14-18. FRANCIS POULENC: Banalités (Guillaume Apollinaire), 1940 Francis Poulenc, October 1940: ‘ . . . in the present case, for Apollinaire, it was merely delightful doggerel verses grouped under the title Banalités (“Voyage à Paris”, “Hôtel”). To anyone who knows me, it will seem quite natural that I should have opened my mouth like a carp to snap up the deliciously stupid verse of “Voyage à Paris”. When the talk is of Paris, I often come out with a tear or a few notes. . . . That was all it took to decide me to embark on a cycle that would include “Sanglots” and “Fagnes”. It only remained to find a rhythmic opening song, since “Sanglots” was to close the set with gravity. ‘It was then that I remembered a song . . . that Apollinaire had inserted in a strange and beautiful prose piece entitled Onirocritique. In the month of June (1940), marching as a squaddie on the road to Cahors, I began to hum, I don’t know why, “Dans la ville d’Orkenise” [sic] . . .’5 Sanglots, as Poulenc said of Tu vois le feu du soir (from Miroirs brûlants, text by Paul Éluard), ‘should be saved from monotony by the refinement of the piano writing and the simplicity of the vocal line’.6 5 Francis Poulenc, Journal de mes mélodies, ed. Renaud Machart (Paris: Cicéro, 1993). 6 Ibid. There is a fine detailed analysis of Sanglots in Henri Hell, Francis Poulenc (Paris: Fayard, 1978). 41
19. SAMUEL BARBER: Solitary Hotel (James Joyce), 1968-69 Samuel Barber, the composer of some forty songs, had already visited Joyce, both setting his genuine poetry (in 1936, his op.10 was based on three poems from the collection Chamber Music) and, in Nuvoletta (1947), adding a graceful, impish waltz to a few phrases taken from Finnegans Wake. Twenty years after this, he completed the musical portrait of this inspired reinventor of the English language with a passage borrowed from Ulysses. This strange fragment of a scene, dominated by the unsaid, stimulated him this time to write not so much a tango as . . . a recollection of a tango. 20. FRANCIS POULENC: C’est ainsi que tu es (Louise de Vilmorin), 1943 In a small two-room flat rented at Beaulieu-sur-Dordogne during the summer of 1943, Poulenc set to work, simultaneously with this mélodie, on Figure humaine, the fine cantata that, secretly, he dedicated to the Liberation. Like a post-scriptum to Fiançailles pour rire and the magnificent Trois Poèmes composed just before the war, here is a final musical setting of the woman he admired so much, for her beauty as for her exceptionally subtle handling of double meanings. Calm, sensual (and, as such, beautifully attuned to the mood of the poem), languorous, this song reminds us how much Poulenc loved Chopin. 21-23. ANDRÉ PREVIN: Three Dickinson Songs (Emily Dickinson), written for Renée Fleming, premiered on 18 December 1999 André Previn – composer, extremely prolific adapter-arranger, equally at ease in jazz and as a pianist and conductor in the so-called classical and contemporary 42
repertory – is a powerfully original personality. His selection of poems by Dickinson menu focuses on the ‘mystical aspect of the real’ (summer, morning, midnight) of this immense poetic figure (cf. track 13). As is shown at once by the magnificent ENGLISH melodic dissonances of the first eight chords, the composer is capable of placing himself on the level of her strange poetic vision, which embraces and telescopes extremes (Good Morning Midnight). The beauty of the dialogue between the vocal line and the never conventional piano writing, the refined progression of each song as it blossoms, ending on a high G offered up like a rare pearl, make this cycle like a rare pearl, make this cycle one of the finest sets of vocal music of the twentieth century. 43
44
45 DEUTSCH ENGLISH FRANÇAIS
Mit „ Chimère“ [Schimäre] beschließen wir ein „ Triptychon“, das menu die unendlichen Gebiete der Träume erforscht. Évocation war eine intime Reise in ein erfundenes Anderswo oder zu einer sublimierten Liebe. Après un rêve [Nach einem Traum] befasste sich mit dem schmerzlichen Übergang zwischen Traum und Wirklichkeit, Chimère handelt vom verrückten Verlangen, unsere Träume DEUTSCH Wirklichkeit werden zu lassen. Die Verführungskunst der Schimäre, also einer schillernden Täuschung, ist oft das Grab unserer Illusionen. Schimäre, ein mythologisches Mischwesen ... Die genetische Forschung verleiht der Schimäre eine verwirrende Aktualität, da sie an die Grundelemente selbst der Gattungen und unserer Entwicklung rührt ... Das Aroma der Fremdheit, das sie aushaucht, ist das aller Übertretungen, aller Freiheiten und das trügerische Versprechen, die Grenzen unserer Menschheit ins Unendliche hinauszuschieben. „Das Land der Chimären ist in dieser Welt das einzige, das es verdient, bewohnt zu werden.“(Jean-Jacques Rousseau) „Unsere Schimären sind das, was uns am ähnlichsten ist... “ (Victor Hugo) Sandrine Piau
„Ich habe nun das Leben von beiden Seiten betrachtet, von oben und von unten, und irgendwie sind es noch immer nur die Täuschungen des Lebens, an die ich mich erinnere - Eigentlich kenne ich das Leben überhaupt nicht “ Both Sides, Now Joni Mitchell Vielleicht liegt da der Schlüssel? Die Chimäre ist vielleicht eine Tür, durch die wir mit unseren Dämonen, mit den Zeiten unseres Lebens, dem Kommen und Gehen, dem Wissen und dem Nichts- Wissen in Kontakt treten können. Feder dem Himmel entrissen, Gefallen vom Gewölbe in meine Arme, bloß. Rabe: schwer getroffen Raupe: gerettet Schmetterling: befreit Ameise: beobachtet 48
Möwe: betrachtet Ich bin nicht allein. Ich schreite über die Schwelle dieser Welt, der anderen. DEUTSCH Meine Träne fließen ins Weite, ins Meer, Erlösung findend. Leid, du verlierst dich am Horizont. Ein unbekannter Pilot, dem Himmel entrissen, gefallen aus dem Grauen, gefallen aus Verletzung des Gewölbes in unsere Daunentränen, bloß. Komm, wir sind hier. L‘Anse-Bleue, Juni 2016 Susan Manoff 49
50
DIE OFFENKUNDIGKEIT UND DAS GEHEIMNIS VON STÉPHANE GOLDET 1. CARL LOEWE: Szene aus „Faust“, „Ach neige, du Schmerzensreiche“ DEUTSCH (Johann Wolfgang von Goethe), 1835 Loewe, der seine Balladen und Romanzen selbst interpretierte und sich dabei am Klavier begleitete, war zu seinen Lebzeiten für die Schönheit seiner Stimme berühmt. Als er vierzig Jahre alt war, vertonte er diesen großen Text der Reue und Schuldgefühle eines sehr jungen Mädchens, das seinem Verlangen erlegen ist. Dieselben Verse hatten bereits den zwanzigjährigen Schubert zu einem unvollendeten Lied inspiriert, das abrupt mit „Das Herz zerbricht in mir“ endet. Schumann, Wolf und (zweimal) Liszt setzten sich mit diesem Text auseinander. Doch niemandem gelang die Vertonung dieses Gebets so gut wie Loewe, bei dem es direkt und einfach ist und vom Kirchenchor begleitet wird. Loewe lässt das letzte Wort des Liedes („Not“) auf ein tiefes G wie ein Häufchen Erde auf einen Sarg fallen. 2. ROBERT SCHUMANN: Kennst du das Land? genannt „Lied der Mignon“ (Johann Wolfgang von Goethe), 1849 3. ROBERT SCHUMANN: Dein Angesicht (Heinrich Heine), 1840 4. ROBERT SCHUMANN: Die Lotosblume (Heinrich Heine), 1840 Die hervorragende Idee der beiden Musikerinnen dieser Aufnahme besteht in einer kleinen schumann’sche Erzählung in drei aufeinanderfolgenden weißen Bildern. 51
Als Ouvertüre ist eine Art von poetischem Himalaya zu hören – der deutsche Text ist zweifellos der am häufigsten vertonte in der gesamten Geschichte des Kunstlieds1. Es handelt sich um den Gesang eines engelsgleichen (schimärischen?) Wesens, das zwischen Kindheit und Ewigkeit wie zwischen Himmel und Erde verloren ist und immer wieder über das Rätsel seiner Identität stolpert (nämlich das Ergebnis eines Inzests zu sein, von dem es nichts weiß – ein Geheimnis, an dem es stirbt.) Wie so viele vor und nach ihm versucht Schumann das tiefe Geheimnis aufzudecken. Im Zentrum der zweiten „Erzählung“ steht das „so bleiche“ Bild des Gesichts der im Traum erblickten Geliebten mit ihren heute roten Lippen, die aber eines Tages bleich sein werden, da sie todgeweiht sind. Schicksalhaft, sagt das unbeirrbare Lied, weiß wie ein Leichentuch, das das Gedicht einhüllt. Ursprünglich für den Zyklus „Dichterliebe“ geschrieben, konzentriert dieses Gesicht in sich die gesamte Intensität dieses Liederzyklus. Zum Abschluss ein Kleinod an keusch-erotischer Poesie. Hier braucht „Schumann Schubert keineswegs mehr zu beneiden; er hat ihm fast seine Seele gestohlen.“ (B. François-Sappey) 5. CLAUDE DEBUSSY: En sourdine (Paul Verlaine), 1892 6. CLAUDE DEBUSSY: Fantoches (Paul Verlaine), 1892 7. CLAUDE DEBUSSY: Clair de lune (Paul Verlaine), 1892 Es handelt sich um den ersten Teil der Fêtes galantes, in dem sich der sinnlichste Liebhaber der französischen Sprache in den Dienst des „französische Dichterfürsten“ stellt. Die Welt ist sinnlich und traurig (die Nachtigall als „Stimme der Verzweiflung“ in 1 Der französische Liedführer Guide de la mélodie et du lied (Editions Fayard) sowie die Website lieder.net erwähnen mehr als hundert Vertonungen … 52
En sourdine [Im Stillen] – das Gedicht wurde zur gleichen Zeit von Fauré vertont; ein lang angehaltenes, erstes „triste“ [„traurig“] wird in Clair de lune [Mondschein] gesungen). Gleich im ersten Satz sickern die Worte tropfenweise durch die allmählich aufkommende Lust hervor, die man umso mehr befriedigen möchte, als sie sich einem verweigert – mit Feingefühl und durch immer verborgene Harmonien des Klaviers, wobei man bereits die Welt der künftigen Préludes ahnt. Die Commedia dell’arte, die man in Debussys Werk immer wieder finden kann, DEUTSCH ist hier in das musikalische Gewand einer lockeren („la la la, ...“), verrückten „spanischen“ Szene gehüllt (für die sich der Musiker vielleicht vom „spanischen Piraten“ inspirieren ließ?). Das Versteckspiel der Figuren läuft hier in einem Allegretto scherzando schwindelerregend und übersprudelnd ab. 8. HUGO WOLF: Verschwiegene Liebe (Joseph von Eichendorff), 1888 In diesem Lied, das den Frieden besingt, herrscht eine symbiotische Harmonie zwischen Mensch und Welt. Die „tiefe Stille“ von En sourdine wird hier zum Wort „verschwiegen“ und ist gleichzeitig der Höhepunkt der Melodielinie („Die Nacht ist verschwiegen“). Die prägnante Gegenwart dieser Stille in der Klavierstimme zeugt von einem feinfühligen Verständnis des Gedichts, was ein Markenzeichen von Wolf ist. 9. HUGO WOLF: Nixe Binsefuss (Eduard Mörike), 1888 In einer Winternacht macht sich eine junge, freche Nixe am Ufer eines Sees über einen armen Fischer lustig. Im Klavier hört man das Eis unter den Füßen der reizenden – doch etwas perversen – Kreatur klingen, die im Grunde doch gut ist und dem Fischer schließlich ein Geschenk macht. In dieser Ballade „zum Lachen“ 53
ist alles ganz leicht, macht Pirouetten, gleitet und wirbelt in einem solchen Tempo herum, dass man wie in Fantoches leicht den Kopf verlieren könnte ... 10. HUGO WOLF: Das verlassene Mägdlein (Eduard Mörike), 1888 Am „Morgen danach“ wird die Untreue dessen beklagt, den man immer noch liebt. Noch bevor die arme Bauernmagd den Mund öffnet, sieht man in der Musik, wie sie den Raum betritt, wobei ein einfacher Rhythmus (eine Viertelnote, auf die zwei Achtel folgen) den Eindruck einer Totenglocke vermittelt, die das gesamte Lied begleitet, wie Pferde einen Sarg ziehen. Die junge Dienerin drückt ihren Schmerz einfach in einer farblosen Nuance aus (während des ganzen Lieds zwischen den zwei- und dreifachen Piani mit einem einzigen Forte auf das Wort „treuloser“). Das ist minimal, nie hat man einfacher geschrieben2 – und es handelt sich nicht nur für den Komponisten, sondern für die gesamte Geschichte des Lieds um eines der bedeutenden Lieder. Zu bemerken ist die großartige Idee, dieses Lied direkt auf die Nixe Binsefuss folgen zu lassen, die beide in der Tonart a-Moll geschrieben sind. 11. HUGO WOLF: Lied vom Winde (Eduard Mörike), 1888 Dieser Wirbelsturm für den Pianisten und die Sängerin ist einer der großen Wahnsinnsmomente des Repertoires. Hier braust in zwei Fragen und zwei langen ausweichenden Antworten ein erstaunlicher Dialog zwischen einem (von ihrem Liebsten verlassenen) Mädchen und ... wem eigentlich? Dem Wind oder einem Teil ihrer selbst? Der Komponist macht daraus eine Art symphonische Dichtung, in der die Klangmaterie herumwirbelt, sich hebt, anschwillt und sich nur entfernt, um noch stärker wiederzukommen, während die Stimme wie ein Tier in einem Käfig 2 Diese Einfachheit der Komposition ist mit Goethes Heidenröslein in der Vertonung von Schubert vergleichbar. 54
hochspringt und im Zickzack verläuft. Das geht bis zu einem (unbeabsichtigten?) Zitat aus der Tetralogie3. Wolf tritt hier als „Wagner des Lieds“ auf. 12. IVOR GURNEY: Sleep (John Fletcher), 1917-1922 Dieser englische Künstler mit seiner anfälligen Psyche ist eine merkwürdige Figur des 20. Jh. Er wollte ebenso Dichter wie Komponist sein und hinterließ uns an die dreihundert Lieder, von denen etwas weniger als ein Drittel gegenwärtig DEUTSCH veröffentlicht ist. Er war gebildet, liebte die elisabethanischen Dichter ebenso wie die deutschen romantischen Komponisten und vertonte diesen „Ruf an die erquickende Nacht“, dessen Autor in Großbritannien als einer der Nachfolger Shakespeares betrachtet wird. In einer weit „klassischeren“ Musiksprache als alles, was man in den 1920er Jahren schrieb, entfaltete der Komponist eine der schönsten Oden an die Nacht, die den Geist von Schuberts Nacht und Träume sowie von Wolfs Um Mitternacht fortsetzt. 13. ROBERT BAKSA: Heart! We will forget him (Emily Dickinson), 1967, 1999 überarbeitet Wie in einem „Schreibkloster“ lebte Emily Dickinson ihr ganzes Leben absichtlich zurückgezogen im Familienwohnsitz in einer kleinen Stadt in Massachusetts. Mit scharfer Sprache und einer eigenartigen Interpunktion bohrte diese „Erzsucherin in den Minen der Seele“ (Claire Malroux4) ein Vierteljahrhundert hindurch ohne 3 „ Bei den Bergen, den Meeren, / Bei des Himmels klingenden Heeren “ übernimmt in der Singstimme das Thema des Schwertes Nothung genau. 4 Einleitung zu Quatrains et autres poèmes brefs [Vierzeiler und andere kurze Gedichte] von E. Dickinson (Gallimard, Coll. Poésie, zweisprachige Ausgabe). Claire Malroux ist auch die Autorin einer wunderbaren Einführung in eine Gesamtausgabe der zwischen 1861 und 1863 geschriebenen Gedichte, die in der Reihe „Domaine romantique“ von José Corti unter dem Titel „Une âme en incandescence“ 1998 erschienen. 55
Unterlass. Ihre Verfahrensweise, die sie in den erst nach ihrem Tod gefundenen 1789 Gedichten bis ins Unendliche entfaltet, ist von expressiver Glut. Doch musste man auf die Ausgaben des 20. Jahrhunderts warten, die den Originalen entsprechen, damit sie als das anerkannt wurde, was sie ist: nämlich eine der größten englischsprachigen Dichterinnen aller Zeiten. Eines ihrer Lieblingsthemen ist die Trennung. Sie wird hier von einem sehr produktiven amerikanischen Komponisten geschildert, der mehrere Dutzend Texte von Dickinson vertonte. Es ist nicht bekannt, ob die Dichterin, die eine schwindelerregende Ansicht über das Leben hatte, eine „wirkliche Liebhaberin“ war, doch war sie es zweifellos „in der Dichtung“. Das bereits 1949 von Aaron Copland in Musik gesetzte Gedicht erinnert an Das verlassene Mägdlein (Track 10). Der Komponist entscheidet sich hier für eine Vertonung der Zärtlichkeit, die die Frau weiterhin für einen Mann fühlt, obwohl sie sich selbst auffordert, ihn zu vergessen, wobei sie jedoch weiß, dass sie ihn (wie das Ende des Gedichts nahelegt) über den Tod hinaus lieben wird. 14-18. FRANCIS POULENC: Banalités (Guillaume Apollinaire), 1940 Francis Poulenc, Oktober 1940: „Es handelt sich für Apollinaire nur um köstliche Knittelverse, die unter dem Titel Banalités zusammengestellt sind („Voyage à Paris“, „Hôtel“). Wenn man mich kennt, wird es ganz natürlich erscheinen, dass ich ein Karpfenmaul aufmachte, um die köstlich dummen Verse von „Voyage à Paris“ zu schnappen. Wenn es sich um Paris handelt, weine ich oft eine Träne oder eine Note (...) Mehr brauchte ich nicht, um zu beschließen, einen Zyklus zu beginnen, zu dem „Sanglots“ und „Fagnes“ zählen. Allerdings musste ich noch ein rhythmisches Anfangslied finden, da „Sanglots“ die Serie mit Ernst beschließen sollte. 56
Da erinnerte ich mich an ein Lied (...), das Apollinaire in eine merkwürdige, schöne Prosa mit dem Titel Onirocritique eingefügt hatte. Im Monat Juni (1940), als ich als einfacher Soldat auf der Straße von Cahors marschierte, begann ich, warum weiß ich nicht, „Dans la ville d’Orkenise“ zu summen (...) „Sanglots“, ebenso wie „Tu vois le feu du soir“ (aus Miroirs brûlants von Paul Éluard) müssten der Monotonie durch die Erlesenheit der pianistischen Komposition und die Einfachheit der Gesangslinie entgehen5.“ (F. Poulenc: Journal de mes mélodies [Tagebuch meiner Lieder], éditions Cicéro, 1993). 19. SAMUEL BARBER: Solitary Hotel (James Joyce), 1968-69 Samuel Barber, der an die vierzig Lieder schrieb, hatte bereits auf Joyce zurückgegriffen, sei es auf seine eigentliche Lyrik (1936 baut sein op.10 auf drei Gedichten aus dem Band Chamber Music auf) oder 1947, als er einen kleinen, anmutigen und schelmischen Walzer über einige Sätze aus Finnegans Wake komponierte. Als Pendant dazu nahm Barber zur Vervollständigung des musikalischen Porträts dieses genialen (Neu-) Erfinders der englischen Sprache zwanzig Jahre später eine Anleihe bei Ulysses. Dieses Fragment einer merkwürdigen Szene, die von Unausgesprochenem beherrscht wird, inspirierte ihn diesmal nicht so sehr zu einem Tango als ... zu einer Erinnerung an einen Tango. 20. FRANCIS POULENC: C’est ainsi que tu es (Louise de Vilmorin), 1943 In einer kleinen Zwei-Zimmer-Wohnung, die Poulenc in Beaulieu-sur-Dordogne im Sommer 1943 mietete, arbeitete er gleichzeitig an diesem Lied und an Figure 5 Eine schöne, ausführliche Beschreibung dieses Liedes findet sich in Francis Poulenc von Henri Hell (Fayard, 1978). 58
humaine, seiner schönen Kantate, die er heimlich bereits der Befreiung Frankreichs menu von der deutschen Besatzung widmete. Diese letzte Vertonung eines Werkes von de Vilmorin, die er so sehr wegen ihrer Schönheit, aber auch wegen ihres subtilen Einsatzes des Doppelsinns bewunderte, wirkt wie ein Postskriptum zu den Fiançailles pour rire und zu den wunderbaren Trois Poèmes. Ruhig, sinnlich (in vollkommener Übereinstimmung mit dem Gedicht) und schmachtend, erinnert diese Melodie daran, wie sehr Poulenc Chopin liebte. DEUTSCH 21-23. ANDRÉ PREVIN: Three Dickinson Songs (für Renée Fleming geschrieben und am 18. Dezember 1999 uraufgeführt) Als äußerst produktiver Komponist, Bearbeiter und Arrangeur, als Jazzmusiker ebenso wie als Pianist und Dirigent im Bereich der sogenannten klassischen und zeitgenössischen Musik ist Previn eine besonders originelle Persönlichkeit. Seine Auswahl aus Gedichten von Dickinson konzentriert sich auf den „mystischen Aspekt der Wirklichkeit“ (Sommer, Morgen, Mitternacht) dieser gigantischen Figur der Lyrik. Wie die herrlichen melodiösen Dissonanzen der ersten acht Akkorde sofort zeigen, versteht es der Komponist, sich dem Niveau dieses merkwürdigen poetischen Denkens anzupassen, das die Extreme vereinigt und aufeinanderprallen lässt (Good Morning Midnight). Die Schönheit des Dialogs zwischen der Gesangslinie und der nie konventionellen Komposition der Klavierstimme, die feine Führung jeder Melodie, die sich entfaltet und mit einem hohen g endet, das uns wie eine seltene Perle dargeboten wird, machen aus diesem Zyklus eines der schönsten Werke der Vokalmusik des 20. Jh. 59
60
CARL LOEWE (1796-1869) menu GOETHE UND LOEWE LIEDER UND BALLADEN 1. ACH NEIGE, DU SCHMERZENREICHE Ach neige, FAUST. DER TRAGÖDIE ERSTER TEIL Du Schmerzenreiche, JOHANN WOLFGANG VON GOETHE (1749-1832) Dein gnädig Antlitz meiner Noth! Das Schwert im Herzen, Mit tausend Schmerzen Blickst auf zu deines Sohnes Tod. Zum Vater blickst du, Und Seufzer schickst du Hinauf um sein‘ und deine Noth. Wer fühlet, Wie wühlet Der Schmerz mir im Gebein? Was mein armes Herz hier banget, Was es zittert, was verlanget, Weißt nur du, nur du allein! Wohin ich immer gehe, Wie weh, wie weh, wie wehe Wird mir im Busen hier! Ich bin ach kaum alleine, Ich wein‘, ich wein‘, ich weine, Das Herz zerbricht in mir. Die Scherben vor meinem Fenster Bethaut‘ ich mit Thränen, ach! Als ich am frühen Morgen Dir diese Blumen brach. 62
Vous pouvez aussi lire